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L'ILLDÏÏRATION
^33:^ û)a 3(î)(i) 'ya^sj)jiL^L^':2£j
Srptrnilire. Ocanlirp, JVovrnibre, nérriiibre
1846
•Vniitler, Févfirr
1847
FAïag
CHEZ J. DUBOCHET ET C'^ EDITEURS
fiO, RUE RICIIEI.IRU.
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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/lillustrationjo08pari
L'ILLUSTRATION,
Ah- pour Parii. 5 moii, 8 ti.—A mois, 16 [r. — Un an, 30 fr.
Prix de chaque N° 7Sc. — La colltclion mensuelle, br., 2 rr. 75.
N» IW. Vol. VIII,— SAMEDI ri SEPTEMBRE 1846.
Bareaax, rae Blcbeltea 60.
Ab. pour les dép. — 3 moii, 9 Fr.
Ab. pour l'Étranger, — <0
- 6 moii, 17 fr. - Un an, sa (r.
- SO — W.
SOnMAlBE.
BUlOlr« de la semalnf . Vue âe In baie de Diégo-SvnTez. — Des
Mareta^H publics ei des Halles. — Ccorrler de Paris. Courses
de cfiepdux ît Sniiif-PèlersU'XiTs. — lAVOirn publics. Etablissement
de la rue de Sèvres. Buanderie à vapeur; le Lavoir. — Correspon-
dance, — Deux Chastes en Prusse. Par M. Lou-s Viardot. — La
Perse. Maison de Hussein-Khan, à Tabri: ; Mir.-a arménien, Gror-
gien,Khanrieorfien,Prctre arménien, Cullivaleur,yi!iaciantarmn,ien,
Kurde de Makhcu, Kurde d'Ourmizah, Mamaccni, Milicien de A'nr-
bin, Kurde d'Brivan, Cavalier de Chiraz ; Tombeau de Chnh-Khoda-
Bend/h.à Sullauyeh: Trônede Felh-Alt-fhàh.à Téhéran; le prince
Jdalek-Kassem-Mina ; Méhémet-Chàh ; Fn chambellan du chah;
Salle du trône, ii TéJiéran. — Le cbevalier d'Aclure. Nouvelle,
parM. Fabred'OliTet. (Fin.) —La vie de cbàteau. Vingt-qualre
Caricatures, '^zT c\ism. — Bnlleiln blblloçrapblque, — Annon-
ces. — Dock aoltanl. à Marseille, l'ne Gravure. — L'an do
cbaDli,l>ar Dui'icx. — Rébus.
Histoire de la Semaine*
Après les révélations de la semaine dernière sur des votes
et des majorités obtenus aux dernières élections, est venu, à
l'ouverture de cette semaine, un débat non moins grave par
les conséquences logiques du vote qui l'a clos. La Chambre,
après une épreuve douteuse, a déclaré nulle l'élection de
M. Drault, député de la Vienne, qui avait pris par écrit, en-
vers les électeurs, sur certaines questions politiques, des
engagements que le rapporteur du bureau et M. le ministre
des affaires étrangères ont supposé lui avoir été dictés plu-
tôt qu'avoir été volontairement acceptés par lui. En vain
M. Barrot a objecté que de semblables appréciations du tor
intérieur rappelaient plutôt les procédés de l'inquisition que
ceux d'un gouvernement constitutionnel, et que la tribune
ne devait pas être convertie en confessionnal ; en vain quel-
ques nouveaux députés se sont refusés à suivre le ministère
sur cette pente, une majorité de 17 voix a prononcé l'exclu-
sion de l'bonorable M. Drault.
Le bureau définitif de la Cliambre se trouve constitué.
M. Sauzet a été nommé président par 225 suffrages sur 537
votants. M.Odilon Barrot, que la gauche et le centre gauche
lui opposaient, en a réuni 98. Les autres oppositions se sont
partagé 16 voix. — Pour vice-présidents, la majorité a élu
JIM. Bignon, Lepelletier d'Aulnay, Hébert et François De-
le^sert, ces deux derniers, préférés cette année par les vain-
queurs à MM. Debelleyme et Duprat, qui précédemment
avaient reçu cette distinction. Aces choix, la minorité oppo-
sait les noms de MM. Billault, Georges Lafayette, Vivien et
Abbatucci. — Les secrétaires sont MM. de Biissière, Oger et
Saglio, ministériels, et Lanjuinais, opposant, que la majorité
a consenti à admettre.
Justice militaire. — Le tableau général de l'adminis-
tration de la justice militaire en France, soumis au roi pour
l'année IS4ô, présente les résultats suivants : Sur 334,091
t Vue du port degl.
hommes, dont, y compris la garde municipale et les sapeurs-
pompiers, se composait rtlTeclif de l'arnit i', et sur h sqiiels
l'actionjudiciaire s'est exercise, 4,8 (8 ont été mis en jugenienl.
De ce nombre il rautdéduirc748infoumis,cc quiiloinc la pro-
portion de 1 .'ur 8.1.— Sur lerombre (4,lt0), 2,!I87 ont clé
condamnés, et par suite le rappoit des rcndsn nations ('ans
l'année à l'effectif soldé est de 1 sur 112. Le ntmilire des
eondamnalions àdes peines affliclives et iiifanranles (mort,
dé tenlion. travaux fiinés, réclusion) a été de 4£(l. Celui des
condamnations à des peines correctionnelles (boulet, travaux
publics, prison, destitution, amende) a étéde2,;ifi7. — Les
peines infamantes (mt été api^liquéis diuis les pro|i(irlious de
I sur "ii.'i. — Les peines ci.i rei linniH'lIrsdans les proporlions
de 1 .'^urlôO. — Sur !lOcoiiil;iiiiiiiili(Hi^ à mort, la rltuieuce
royale en a crmnnué8S. — Il n'j a doue eu que cinq con-
damnalions capitales, savoir : peur assassinat en France
contre un Français,! ; ptur neuilre en Algdie (entre in
Fr3r(;ais, I ; ] <ur inn^l (3i(Jiiiali( n (u Alférie, 1; ) our es-
pionnage, fn Algérie, conirc les Français, 2. — Il résulle de
cet éiienré qu'il n'y a eu en France, \ our la juridirlicn n i-
lilaire, qu'une seule exéciiiiou à mort pour un cas que la
justice ordinaire eût puni du m(''uie supplice, — eten Algérie,
4 exéciilionspour des fails de discipline doul la présence de
rcnudiiiarciidu la répression extrême. — Les engagés vo-
lonlaires ont eu un prévenu sur 27, et un cdndamué sur 33.
— Les jeunes soldais servant p(ur leur ci nqile ont un pré-
venu sur 1(3, et un condauuiésur 148. — Les remplaçants
ont eu 1 prévenu sur .'il, et 1 condamné sur 68. — Dans la
cavalerie, il y a en 1 condamné sur I3i ; dans l'inranlerie,
I condamné sur IIIS; dans rarlillerie, I condamné sur 104;
Lii^LUSTHATION, JOLftNAL UNIVERSEL.
dans le génie, i condamné sur 251 ; dans les balailliins d'ou-
vriers d'adminislriitiun et des équipages rriilKaires, 1 ciin-
damiié sur 123; dans les C(lIll|l;l^'Ilil■s du vi'lrniiis, 1 rnii-
daiiFiié sur 177. — Le corps nival d'iiliil-iiiiijnr, riiilcnilaini'
militaire et les élèves des écnlisinililaires uoul (■iirouiu au-
cune prévention. — Dans les iiivaliilcs de la guerre, il y a
eu deux CDUdauitiations. — Les sapeiirs-pnnipieis de la viIIiî
de Paris ont eu -i condamnations sur un elVeclildc (i.Tiijdui-
nies. — Lafjarde municipale a subi 7> e(nMlariinali(ins sur un
elîeclif de 5,L^J8 hommes (1 sur 1,(10(1 eiivinni). — Enfin la
Rondarmerie, sur un elVeclif de LI.OIIO ollieiers, sous-ofli-
ciers et gendarmes, n'a eu qu'un seul prévenu et une seule
condamnation.
Taïti. — Une revue liimensuelle qui passe pour être pro-
tégée par le rninisiére, des alïaircs ('■trangèrcs et pour rece-
Toir quelques oinununiealiiins de l'audiassadeur de France
à Londres, le l'arlefmiUf a pnh'ié sur les affaires de Taïti
une note qui peut servir à expliquer à la suite de quelles
déterminations nouvelles le gouverneur Bruat a renoncé à
poursuivre l'obtentiiin d'une réparation légitime et s'est dé-
cidé à i:i|.i"'ler la InVate l'fm«/V ;
«Non, ni' piV'ii'n Iniis pa.s i-\|insei- ici la politique du cabi-
net, ni aiiiK i|ii r si.r lis i\|ilii aliiins que M. le ministre des
alTaii'es élianf^éies ddit présc'nler sans doute h la tribune :
i" sur les ordres envoyés à Taili; 2" sur les actes actuelle-
ment consommés 'dans les lies de la Société ; 3° sur la cor-
respondance échangée, à ce sujet, avec un goiiverneinent al-
lié. Nous voulons apprécier seulement ces trois ordres de
faits qui ont amené un résultat évident et très- facile à re-
connaître, dès que l'on observe l'attitude du fjouverneur
Bruat, les dispositions actuelles de Potnaré-Valuné, les or-
dres donnés au commandant de VUranie de se rendre de
Hiiabiné à Taïti. Nous sommes arrivés enlin à la solution de
l'affaire de Taïti.
« La question, pour le gouvernement, était ou de mainte-
nir l'état de choses actuel, et on en voit les conséquences
dans la dernière affaire de Huahiné, ou de se décider à l'é-
vacuation de Taïti, ou de limiter le protectorat à une partie
de l'archipel. C'est à ce parti que le gouvernement a dû s'ar-
rêter.
« M. le ministre des affaires étrangères a échangé, depuis
i84S, avec le ministre anglais comte d'Aberdecn, une série
de notes annonçant la résolution adoplre par le ;;ouverne-
ment du roi d'affermir et de mainlenii- le |iiii|ei lorat de la
France en le limitant, et de regarder ainsi ( cinime en de-
hors du protectorat, les îles sur lesquelles la souveraineté de
Pomaré était restée douteuse, à savoir Huahiné, d'où le gou-
verneur Brual a déjà rappelé la frégate ['Uranie, Bora-Bora,
Uaïatea et Maupiti.
«Le ministre des affaires étrangères de France déclara
au nànistre d'Angleterre qu'en transmettant ces instructions
précises à ses agents, il devait être entendu que l'indépen-
dance de la partie de l'archipel non soumise au protectorat
de la France devait être entière ; que, par aucune conven-
tion, ces îles ne pourraient être soumises à une autre puis-
sance maritime, et cette hase dut être établie préalablement,
avec d'autant plus de raison que le protectorat des îles si-
tuées à quarante-cinq lieues de Taïti, telles que Hualiiné,
avait été offert par les chefs au commandant des stations
navales anglaises dans la mer du Sud.
(I Le cabinet britannique répondit à cette notilication du
cabinet français en annonçant sa ferme intention de mainte-
nir dans l'Archipel la politique qui l'avait déjà guidé lors-
qu'il refusa le proteclorat des îles Sandwich. Il se trouva
donc, sur tous ces points, parfaitement d'accord avec le gou-
vernement français, etil fut convenu, en outre, que le gou-
vernement britannique retirerait délinilivernent son pavillon
de guerre des possessions soumises à notre protectorat.
«L'affaire de Taïti ainsi réglée et rétablie d'après les pre-
miers traités, les instructions reçues par les agents des deux
nations devaient modifier leur con'dnite, et c'est, selon nous,
à ce fait qu'il faut attribuer le changement survenu dans
l'ordre de choses régnant jusque-là à Taïti, et c'est ainsi
qu'on peut dire des deux gouvernements, que moins que ja-
mais ils se sont laissé entraîner à SMÙHer [a grande politique
à la petite. L'affaire de Taïti est terminée, ou du moms nous
disons qu'elle l'est diplomatiquement. »
DiÉGo-SuAREï. — Des lettres de Bourbon, du mois de
mai, avaient annoncé que le gouverneur de cette colonie ve-
nait d'être informé du projet d'une entreprise par les An-
glais sur Madagascar, et que l'amiral Bazoche avait envoyé
la gabare \a. Zélée pour surveiller les mouvements de la ma-
rine anglaise. Par le dernier courrier de l'Inde, une des plus
notables maisons françaises de Pondichéry écrit, à la date du
8 juillet, qu'on venait d'y recevoir, de Bourbon, la nouvelle
do l'occupation de la baie de Diégo-Suarez par les Anglais.
Le gouvernement ne peut tarder à démentir ou à confirmer
celte nouvelle.
Les ndriistères de la marine et des affaires étrangères re-
gorgent de documents précieux sur l'ile de Mad.ii^ascar et sur
riniportance qu'il y aurait eu pour le ((Minneive lraiM;,ais de
Bourbon et des cèles orientales (rAhiiiiie, ilelidilii' depuis
longteMips m\ comptoir français dans la baie de Diégo-Sua-
rez, sitn'''e à l'exiréniiié nord de l'Ile. 11 ya peu d'années que
des néi;(H'ianls lio ailles de lionihon, s'unis.santà des mai-
los principaux ports d(\ !'(_)-
m (lu goiivernenientet avec
ipii avail pour lint piiiiei-
leuls eoloiiiaiix à la haie ,1e
f;ne de lialea
lulnrent, sous la piol
l'ours, lormi'r une soi
Miller quelques établi
ez, I
sons de
céan, V
son cou
pal <le f
l)iégo-Siiaii'Z,'etd'élalil
qui, parlant de It'ini'liiiii,
Mada.^asear, nolannuent:
à la cole (le. Zanzibar, et sérail ee
(|u'à 1111 lien non eneore, déliiiiln
(jelle i-onip:if'iiie seinhlail a|i|i
les éléioeuls moraux l'I matériel;
étaient des hommes qui avaient p
oh connaissaienl les ressources
'ail loi
olalili;
é ih r '' '*''"''"'
ineiils.IrUiégo-Suarez,
dans la mer Kouge jus-
iil ili'signé.
■ dans SCS projets tous
succès. Ses l'ondateurs
uni, l'-tudié le pays,i|iii
ne halançaiiMit pas à
y consacrer la majeure partie de leur fortune- C'était une
œuvre inûrie, réiiéehie, d'un avenir cerlain. On ne sait
quelles lurent les iilijeclions que je gouvernement souleva
ciinlie la loiinalion de celte société et si le gouvernement
anglais, apies en avoii' eu connaissance, n'a pas employé
contre elle la voie de la diplonialie. Toujours est-il que l'es
lii'goeialeurs du coninieiee île liiinrbon et des maisons de
Bordeaux et de Nantes, l'alignés des lenleurs qu'on leur o[)-
posait, se ictirèrent et remirent à un jour plus heureux l'exé-
cution de leur projet.
S'il est vrai que les Anglais se soient établis à la baie de
Diégo-Suarez, ils n'annnil lail que réaliser le projet depuis
longtemps élaboré par les ih-ih iants de Bourbon. La baie de
Diégo-Suarez est le plus beau umuil^ge de l'île de Madagas-
car , sa situation est des plus heureuses: elle commande en
quelque sorte le commerce de'Zanzibar, du Zanguébar jus-
qu'à la mer Rouge et complétera, pour les Anglais, leur
vaste plan commercial dans les mers de l'Inde.
Etats-Unis. — On a reçu des nouvelles de New-York en
date du IG août. Des négociations sontengagées entre legou-
vernement des États-Unis et celui du Mexique pour la con-
clusion de la paix. C'est sans doute aux offres de médiation
faites par l'Angleterre qu'il faut attribuer cette nouvelle di-
rection donnée à la polilique des Elats-Unis, car c'est du
président de l'Union que sont venues les premières proposi-
tions faites au Mexique. Le président avait demandé à la
chambre des représentants un crédit de 2 millions de dollars
(10 millions de francs) dans la prévision d'une indemnité à
payer au Mexique. La Chambre a voté le crédit; avec cet
amendement important que l'esclavage ne serait jamais
établi sur le territoire qui pourrait être acheté au Mexique
avec cette somme. Le bill passa ensuite au sénat , pré-
cisément le jour lixé pour la clôture du congrès.
Grande-Bretagne. — Après la plus longue session qui
ait été tenue depuis un demi-siècle (219jours et 18b séances),
le parlement a été prorogé du 28 août au 4 novembre. La
prorogation a eu lieu par commissaires.
Le Standard avertit les électeurs qu'ils doivent se tenu-
prêts pour une dissolution, inévitable selon lui.
Irlande. — Dans la dernière séance de l'association,
M. O'Connell a prononcé un discours dont voici les passages
principaux :
« Les jeunes Irlandais ont déclaré qu'ils useraient d'abord
de la force morale, et que, en cas d'insuffisance, ils recour-
raient à d'autres moyens. Eli bien ! ces moyens, je le déclare,
ne sont autre chose qu'un crime de haute trahison, et si
l'association les eût adoptés, moi et mes amis nous n'au-
rions pas été poursuivis comme coupables de conspiration,
mais comme coupables de haute trahison, et, avec l'aide du
journal /a jVohoK, nous aurions été convaincus, et en défini-
tive nous aurions porté nos têtes sur l'échafaud.
«Jamais la position de l'Irlande n'a été plus favorable, car
tous les partis veulent venir à son secours. Deux bills ont été
adojités pour améliorer la position des tenanciers. Comment
donc ne soutiendrais-je pas les hommes qui ont présenté un
pareil bill et qui ont voté .'id.OOO livres sterling jiour soula-
ger la (leliesse du peuple irlandais 1 Cette somme n'est sans
doute pas Irès-eonsiderable, mais n'oubliez pas qu'un autre
bill a été adopté dans le but de procurer du travail au peuple.
Je soutiendrai tout gouvernement qui adoptera de bonnes
mesures pour l'Irlande, sans cesser jjour cela de demander
le rétablissement du parlement irlandais. »
Inde. — La malle directe de Calcutta du mois de juillet
apporte quelques détails intéressants sur la reddition de la
forteresse de Kote-Kangra, et sur la situation actuelle du
royaume de Lahore. Il paraît que le commandant de ce fort
de Kangra avait tout fait pour gagner du temps, en traînant
en longueur les négociations avec le délégué de la cour de
Lahore. Il voulait ainsi atteindre la saison des pluies qui
aurait rendu impossible toute opération directe contre la for-
teresse.
Le résident anglais, Lawrence, et le brigadier Wbeeler
s'élant aperçus que, s'ils attendaient seulement huit ou dix
jours, les opérations du siège deviendraient impraticables,
n'ont rien épargné pour réduire le fort avant le terme fatal.
Us firent arriver en toute hâte des pièces d'artillerie, qui
ont eu quarante-deux milles à franchir pour atteindre les
hauteurs environnant le fort. Le convoi, suivant le bord de
la rivière Gadj, espèce de torrent très-rapide, d'environ
quatre pieds de profondeur, a été obligé, dans les deux der-
niers jours de sa marche, de la traverset vingt-cinq fois le
premier jour et vingt et une fois le jour suivant.
Enfin, en sept jours, toutes les difficultés ont été surmon-
tées avec l'aide d'environ quinze cents travailleurs civils;
les pièces ont été montées sur les hauteurs, et le l'eu allait
commencer, lorsque le commandant du fort demanda à ca-
nitiiler. Le major Lawrence exigea qiie la garnison se rendît
a discrétion, et elle est sortie avec bagages, mais sans armes.
On a trouvé dans le fort, dont la garnison consistait en i
ou 500 hommes, neul pièces d'artillerie, dmil la plus loile
est un canon de six, et une somme de soixaiilr a siexaiile-
dix mille roupies. Après la reddition de Kaii;jra, le {m im de
Kotela se remlil ;
forte : c'est
puis la base.
iilli
Ou ilil erlle de
de llrf,
111 h
i.oliee il niie|irlileeilailelle ,\r fM pieds
carres, niaecesMhle de trois coli's, el eoiiiiiiiiniqnaut par le
quali lime a\rr la \ille du même nom, au moyen d'un sentier
lelleoieiii ese d |H', i|u'oii ne peut pas le gravir à cheval.
Ainsi se tiuiue complétée rocciipalion britannique du
nouveau territoire cédé à la compagnie par la cour de
Lahore.
Chine. — Les nouvelles de Chine vont jusqu'au 2t juin.
A cette époque, les lies Cliusan n'i'taieiit paseiieoie restiiuées
aux Chinois, nialijii' la slipulalioii loinielle du traité de Nan-
kin, qui avait lise ei'lle reslitiilinn au payeuieul de la der-
nière partie de la eontribution de guerre. A Koiit elmu-Koii,
après une éeliaulToini'e dont l'équipage du navire anglais Iv
Di'ilalus, a été la cause première, les domestiques chinois
avaient averti leurs maîtres européens que la population chi-
noise préparait une attaque contre leurs maisons.
Tous les résidents européens se relirèrtnt alors à bord des
navires-dépots slalionnant dans la rivière. Après ce départ,
la population chinoise pilla les maisons; un marchand an-
glais se sauva par les toits. Les navires marchands voulurent
s'approcher de la ville pour porter secours aux marchands
étrangers. Mais les autorités chinoises supplièrent le consul
de tenir les navires élo!gnés,parce que, disaient-elles, il leur
serait impossible de contenir le peuple; le consul britannique
se rendit à cette demande, mais on pense que le gouverne-
ment anglais demandera une indemnité pour les violences
commises.
Grèce. — L'opposition compte sur le nouveau cabinet an-
glais pour ressaisir le pouvoir. .Mille bruits circulent au sujet
d'intentions attribuées à lord Palmerston. Nous ne sommes
point trop disposés à croire à la modération du noble vicomte,
mais la violence lui a réus.si assez mal pour qu'on doive dou-
ter qu'il rentre incontinent dans la même voie. De toutes les
nouvelles qui nous viennent aujourd'hui de la Grèce, deux
seulement sont certaines. Le minisière Colelti a triomphé
des violences de l'opposition, et le nom de la France est béni
par les Hellènes. En effet, tandis que l'Angleterre el la Rus-
sie exigent impérieusement le payement de 1 inlérêl de l'em-
prunt garanti par les trois puissances prolectrices, la France
a consenti à laisser un million à la disposition du gouverne-
ment grec pour être employé en travaux publics.
Portugal. — Les troupes espagnoles s'étant mises en
mouvement pour se retirer des frontières du Portugal, l'esca-
dre anglaise qui était dans le Tage a repris la mer ne laissant
dans le port que deux bâtiments.
Espagne. — Nos feuilles officielles françaises, de peur de
porter ombrage à la jalousie anglaise ou aux susceptibilités
espagnoles, parlent peu des projets de mariage de la reine
Isabelle. Néanmoins, le Journal des Débals a imprimé ces
jours-ci : « Les journaux de Madrid, depuis quelques jours,
s'occupent exclusivement de la question du mariage de la
reine. Le Titmpo annonce , à la date du 26 août, que le cabi-
net s'est prononcé pour l'infant don François d'Assises, lils
aine de l'infant don François de Paul, qui se trouve en ce
moment à Madrid, et que ce choix a été accueilli avec grande
faveur par l'opinion publique. Le même journal assure que
cette question sera résolue dans un bref délai, et que dans ce
cas le gouvernement convoquerait immédiatement les corlès
pour leur donner connaissance de ce mariage et obtenir leur
adhésion. »
La feuille ministérielle se tait sur la répugnance que l'on
attribue à la jeune reine pour cette union, et sur les consé-
quences effrayantes pour la succession en ligne directe que
la chronique espagnole croit pouvoir tirer de la voix criarde
et inquiétante de M. le duc de Cadix.
Etats pontificaux. — Une nouvelle que l'on donnait
comme positive à Home, c'est que le roi de Sardaigne aurait
écrit au pape une lettre très-fiatteuse, dans laquelle Charles-
Albert félicite Pie IX de l'amnistie qu'il a donnée et des
institution.s qu'il a promises à ses Etals. Cette démarche du
roi de Sardaigne, dit-on, a inspiré du courage au cardinal
Gizzi, secrétaire d'Etat; aussi a-t-il envoyé une note au roi
de Naples; elle contient des plaintes sur les intentions hos-
tiles que le gouvernement napolitain montre contre la cour
de Rome.
Prusse. — On sait qu'en matière de duels les officiers
prussiens sont pris entre les deux alternatives d'un singulier
dilemme. La loi pénale les punit delà réclusion dans une forte-
resse s'ils acceptent le défi, et la cour d'honneur les condamne
à la perte de leur grade et souvent à l'expulsion s'ils refusent.
La Gazette d'Aix-la- Chapelle rapporte à ce sujet un juge-
ment étrange d'une cour d'honneur.
Un lieutenant d'artillerie s'était chargé de transmedre à
un autre officier une lettre d'un de ses amis, qui se plaignait
de certains propos tenus sur le compte d'une dame. L'officier
auquel la lettre était adressée se crut offensé et demanda sa-
tisfaction à l'auteur de la lettre, qui refusa. Il provoqiia alors
le lieutenant d'artillerie, qui relusa de même. L'affaire fut
portée devant la cour d'honneur, laquelle rendit le remar-
quable arrêt que voici :
« Attendu que le lieutenant A a refusé un cartel en
déclarant que le duel est un préjugé de caste ; qu'en agissant
ainsi, il a manqué de respect à ce qui doit être la base des
armées, l'honneur militaire ; que vu son caractère ferme, son
excellente éducation, sa remarquable instruction, sa bonne
et morale conduite, il n'a pas agi ainsi par manque de dignité,
mais par goût pour les idées du jour, qu'il croit justes ;
« Attendu ses relations avec les communistes; attendu que
les communistes veulentle renversement de l'ordre des cho-
ses établi (nous voilà bien loin du duel) :
« Attendu que le communisme est contraire aux idées du
roi, auquel le lieutenant A... a juré fidélité;
« Le condamne, à 27 voix contre 5, à la perte de son grade
et de son rang d'officier. »
Prix hécphnés par l'Acahéhiie française. — L'Acadé-
mie a arrêté ainsi qu'il suit les prix (lu'elle décernera dans
sa séance |)ublii|ue annuelle. Le prix d'éloquence (éloge de
Tuigol) a elo donné, à riiuaniniile des voix, à un travail très-
reinai(|uable de M. Henri Baiidi illait, déjà distingué par l'A-
cadémie dans leeiiiieourssur Vollaire.S'ur le prixMonthvon,
destiné à récompenser les ouvrages utiles aux mœurs, trois
médailles de ô,0ll() fr. chacune, soûl accordées M'a madame
Agénor de Gasparin, poursa liroelmre ■ Il y a des pautrrs à
l'aris-.-l' à madeinoiselle Carpenlier, Youncf. Salles d'asile:
3» à Jl. Maiboau, pour ses (.'mhrs. Ensuite, deux médailles
de 2,000 Ir. tliaeune, sont accordées à deux ouvrages lillé-
raires distingués par l'Académie : Kludes sur la fie el les
ournKifS de la Hortie. par LéonFeugère; 2" i\"oiit:eai(ji- e,ç-
sais lilléi-dires. par M. Gériisez.
L'Académie avail proposé en ISlt, pour sujet d'un prix
extraordinaire de liltéraliire à décerner eu I8t(i, un l'ocn-
liulaire desprinrijkdes locutions deMoliire. Onze conciirrenls
LULUSTllATION, JOURNAL UNîVEUSEL.
se sont disputé ce prix, que l'Académie vient de partager ex
(equo, dans l'une de ses dernières séances, entre l'ouvrage
n" 5, dont l'auteur est M. Francis Guessard, ancien élève lie
l'école des chai les, et l'ouvrage n" 10, dont l'auteur estiM. K.
Gcnin, prolesseur à la-faculté des lettres de Strasbourg. L'A-
cadémie a accordé en outre des mentions honorables aux mé-
moires n" 1 1 et n° 8.
Monnaie des méuaiiies. — On frappe en ce momonl à
riiôtel des Monnaies une médaille assez ctuieuse. La face re-
présente deux images allégoriques, liguranl l'Abondance ver-
sant ses trésors dans les coffrts de la France. L'in-criplion
porte : CréJ il public rétabli. Sin- le revers, on lil ces mots
dans une couronne ; Bourse de Parts, cniirs ries fonds publics
consolidés. 18IG : S 0|0 tiO francs. J8.i(i ; ."! 0|0 120 FU.tNCS.
Désastres. — On écrit de Livourne, le -îi août :
« Depuis hier les secousses ont complètement cessé. La
population se remet peu à peu de son épouvante. Les rap-
ports arrivés de tous les points où le tremblement avait occa-
sionné des sinistres portent le nombre des morts à "0 et celui
des blessés à 18t). Par suite de l'écroulement ou de l'ébran-
lement des maisons qui les rend inhabitables, plus de 4,000
personnes se trouvent sans abri.n
— On écrit de Trieste (.\ulriche), le l"> août :
« Les dernièies lettres de Jérusalem annoncent que toute
la Palestine est en proie aux horreurs de la famine qui a été
causée par le tarissement des fleuves et des ruisseaux. A Sa-
fet, beaucoup de personnes déjà avaient péri faute de nour-
riture. »
Nécrologie. — A peine réunie, la chambre nouvelle a
déjà perdu un de ses membres, et un des plus jeunes, M.Fré-
déric Porlalis, député de Toulon et conseiller à la cour royale
de Paris.
JlallP8 et .VInrclire.
•I" HAri'OUT SI R LES MARCHÉS PIBLICS EN ANGLETERRE, EN
BELGIQIE, EN HOLLANDE ET EN ALLF.3IAGNE. — 2" EXA-
MEN CRITIQLE DL: PROJET d'.4GR.O.DISSEMENT ET DE C0.\-
STRICTION DES HALLES CENTRALES D'APPROVISIONNEMENT
POIR LA VILLE DE PARIS. — NOUVELLES OBSERVATIONS
SIR CE PROJET, PAR M. HECTOR HOREAl', ARCHITECTE.
Le projet de ccmsiruclion des halles centrales de Paris, dont
nous avons déjà entrelenu nos lecteurs, a donné lieu à des
travaux et à des publiralions intéressantes. Nous avons déjà
parlé de l'ouvrage dans leipirl M. Me\nadier,a exposé ses
idées sur ce sujet. Aujourdlini. il hhus r.'-le à rendre compte
des derniers rapports iniprini's pu liniiinuislration, et des
observations publiées par M. Iliiinr linnMu, architecte, dont
nous sommes si'irs de rencontrer les travaux désintéressés,
sitôt qu'il s'agit d'une question d'utilité publique ou d'em-
bellissemenl pour la capitale.
La principale donnée du projet de l'administration a été
évidemment de rectifier, d'améliorer et de compléter l'état
des choses actuel, en conservant aulant que possible ce qui
existe, en utilisant les terrains déjà occupés par les halles. Le
|)rojel de Jl. Horeau est beaucoup plus hardi. Il abandonne
l'emplacement séculaire des maicliés, les transporte aux bords
de la Seine, sur le quai de la M^si-serie, échelonne leurs
vastes hangars le long de la place du Cliàlelet, qu'il aurandit,
et les instal'e sur une vasie superllcie de (i.3,000 mètres, tra-
versée au milieu pai- lo prolongement de la rue de Itivoli.
Ce plan est cirlainemenl liacé avec hardiesse et dans des
proportions qui hapiieiil au premier coup d'œil par leur ne|-
leté et la régularité il.; leur ensendile. Dans la brochure dont
nou< nous occupons, M. Horeau s'attache à jusiilicr ces dis-
positions. Il a voulu do(Hier aux halles des abords l'aiiles,
des voies d'anivaye droites cl nombreuses, un espace large-
ment a-'ré. Il Hpuilre, par une rjijiiile revue des manliés
établis dans les principales villes de l'I-'urope continentale,
que l'on a toujours profité, autant que postible, de la imixi-
milé des voies lluviales, et c'est daAs le même but qu'il place
les balles sur les quais de la Seine.
Mais la question des arrivages n'est pas la seule qu'il faille
prendre en considération. Le mouvement du commerce, les
habitudes de la population doivent être également exami-
nés; on ne peut les interrompre sans dommage, lorsqu'elles
sont consacrées par l'intervalle des siècles. C'est sur la pierre
<||i Pont-Alais, à l'entrée de la rue Montmartre, cette pierre
sous laquelle la légende avait enterré l'homme qui inventa le
premier impôt de consommation, que s'est tenu le marché
aux poissons depuis que Paris cxisic.
La vengeance pr.pulaire qui se plaisait ù fouler aux pieds
et i couvrir de la boue du ruis.-eau celte pierre sépulcraîe,
symbole d'exactions passées, ne l'a pas vu enlever sans re-
gret en 1710 Aujourd'hui, les traditions .sont effacées, mais
les habitudes subsistent. Le cours du commerce des halles
coule toujours dans le mèuie lit depuis six cents ans. Les vieux
piliers, derrière lesquels s'entassc-ut tant de trafics populai-
res, en sont l'iucvitahle afllueut. La force des choses et des
années a tout combiné peu à peu dans la même direction et
pour les mêmes besoins. Habitations, population, industries
diverses, tout est eu harinouie dans ce quartier des halles.
Faut-il rompre tout à coup cet ensemble séculaire, arracher
les marchés à leur antique emplacement de la Pointe-Saint-
Euslache, pour les Iransporler sur un sol nouveau, sur les
quais de la Seine?
Sans doute, si Paris enlier ëlail à construire, il vaudrait
beaucoup mieux ne pas placer les halles au lieu qu'elles oc-
cupent; mais la ville tout entière s'est formée peu à peu de
foucbes successives, et, ponrainsidire. O'alluvions super|to-
sécs qui sont moulées les unes sur les auties. Tout est régu-
lier dans celle apparente irrégularité. Fnlever une partie,
c'est souvent lieulir et désorganiser tout le reste. Aussi, il
pe s'agirait pas seulement de déplacer les balles, il s'agirait
aussi de déplacer loule une populalion. de déplacer tout un
quartier, qui en forment le corlége obligé. Faut-il lesinsUd-
1er sur le quai, à dent pas du Louvre, lorsqu'on a déjà dé-
pensé tant de temps et d'argent pour en débarrasser à peu
prés la place du Chàlelet? IiidépenJamment du malaise gé-
néral qui résulterait pendant longtemps pour ces petits com-
merces et la population nombreuse qu'ils alimentent, de ce
déplacement coûteux et pénible, n'y pourrait-on voir encore
d'autres inconvfnienL<, celui, par exemple, de croiser une
ligne continue de circulation générale, comme celle des quais,
par le mouvement spécial, et je dirais presque station nuire,
qui est appelé à desservir les halles?
Ces observations sur l'iiinuence des dispositions prises dès
l'origine par la popidalion, et la tornialion successive de
la cité, paraissent conlirmées par les détails curieux contenus
dans l'ouvrage dont il nous resie à rendre compte. C'est l'in-
téressant rapport de la commission spéciale qui a été déléguée
par l'adminislralion pour visiter les marchés des capitales
voi-ines.
La seule ville d'Europe que son étendue et l'importance de
sa populalion puisse assimiler à Paris, c'est Londres. Eh bien!
on remarque dans celte ville immense la même disposition
qu'à Paris. C'est au centre de la vieille cité, dans le quartier
populeux, que sont situés les marchés les plus considérables,
ceux (pidu peut appeler les halles. D'autres sont espacés dans
les dilVi'ii'iils (piartiers, comme le sont à Paris le marché des
Jacobiii.sSaiiit-llonoré, le marché Saint-Germain, le marché
de la Madeltine, de la Vallée, etc.; et, lorsqu'à Londres, on
a voulu déplacer un des marchés du centre, le commerce a
souffert, le nouveau marché est resté languissant. La môme
cause produirait sans doute ici les mêmes effets.
Les marchés de la cité de Londres sont au nombre de six :
.\eii';iate, Leadenhall, Billingsijate , Farringdon, Smitli/ield
et Honexj-Lane.
Xewgate est le principal marché à la viande. C'est là qu'on
trouve l'immense approvisionnement de Londres, et c'est un
coup d'œil effrayant et saisissant à la fois que cet amas
énorme de viande fraîche et sanglante, que, comme un ogre
affamé, la capitale anglaise dévore en un jour. Les yeux pari-
siens ne sont point habitués à rencontrer un semblable spec-
tacle. Mais ce qu'ils rencontrent encore moins à Paris, Dieu
merci ! c'est le hideux aspect des tueries qui encoinbient les
aboi'ds du marché. Quand on s'est introduit par hasard dans
ces kmes, dans ces ruelles sangiantes où l'on égorge, on se
souvient avec satisfaction de nos admirables abattoirs, de ces
monuments réguliers et imposants, si bien tenus par une ad-
ministration active et sévère, dignesenfin d'une grande cité,
et qui dérobent à la vue de la population les barbares détails
et les dégoûtants apprêts de l'abattage et du dépeçage des
bestiaux.
Mais ce qui est plus étrange encore à Londres que les tue-
ries de Newgate, c'est le marché de Smith/ield. On trouve
là vivant, beug'ani et bondissant, l'animal qu'on abat quel-
ques pas plus loin. On h peine à concevoir l'exislence d'un
pareil marché au centre d'une capitale populeuse. Figurez-
vous 170,000 bœufs, 1,81)0,000 mont, ns, 50,000 veaux,
50,000 porcs, qui Iraveivent la ville, qui se pri sseni, (pii se
heurtent chaque année dans l'étroite enceinte du marché, si
mal disposé qu'il semble le beau idéal du désordre et de la
confusion. Figurez-vous enfin les marchés de Sceaux et de
Poissy tifinsp ulés dans la ruo Saiul-Denis, et vous n'aurez
qu'une faible idée de Smithfield, car ces deux marchés ré-
luiis sont loin d'atteindre le chiffre lormidable du marché
anglais.
Leadenhall est principalement affecté à la vente de la vo-
laille et du gibier ; on y vend aussi le beurre, les œufs et les
cuirs. C'est une halle aussi mal disposée et aussi mal con-
struile que les deux précédentes. Elle se compose d'un la-
byriulhe de riielli'S et de cours rouvertes, où la marchan'iise
est exposée dans des bontiipies ou sur des l'talages mal aérés,
mal éclairés, et si insalulircs, que la compagnie des Indes a
été forcée, dit-on, de comlMiniier et de calleulrer les lepètrcs
de son hôtel qui ilounent de ce colé, |)uiir éviter |es éinana-
tions fort désagréables qui s'élèvent de ces taudis.
"Tout aupiès se trouve Billingsijaie, le célèbre marché aux
poissons, célèbre par l'étendue de son commerce, mais re-
marquable surtout aux yeux du visiteur par la vétusté sor-
dide de ses bâtiments, le désordre et la malpropreté qui y
régnent.
Le marché de Fnrringdnn, affecté à la vente des légumes,
des fruits et de la viamlc, e^i Ir seul qui puisse être décoré
du nom d'édifice. Il ri's-''!ii''lr mi marché Saint-Germain, à
Paris, piais cette con-ii iniioii i st récente. Il se tenait aupa-
ravant dans Farringd'in's Bridge sireet : et depuis qu'on la
déplacé pour le meilre plus à l'aise, il languit et dépérit. La
plupart (les boutiques sont vides, et il ne fait pas ses frais.
Le marché à'Uuney-Lane est insi:;nitiant.
Parmi lesaulres marchés disséminés dans l'étendue de Lon-
dres, quelques-uns sont importants, presque tous d'ailleurs
sont modernes. L'un des plus considérables, celui de t'ocen/-
Gardeu, a été bâti en 1828, par le duc de Bedford. Trois
rangs de galeries, soutenues par des colonnes de granit com-
posent l'édifice, isolé sur ses quatre faces par des voies pu-
bliques, bordées de bàlimenls en arcades. On y vend des
fruits, des fleurs et des léuuines.
Le marché de Huiigerfnrd, situé près du Strand est encore
plus récent : il ne date que de 1852. Il sert à la vente du pois-
son, des fruits et des légumes, et le commerce y manque
d'activité.
Lesaulres marcbés, ceux de Bnrough, de M'hile-CIiapel,
de Paddingicn et de llaymarkel, sont encore moins impor-
tants. Ils servent généralement au commerce d'un ordre in-
férieur • celui de Boroiigh, aux légumes comnnins; celui de
AVhite-Chapel, aux viandes de basse qualité.
Ce rapide aperçu suffit pour montrer que nous n'avons rien
à envier à la capitale de la Grande-Hietagne, et que, même
dans l'état actuel, Paris est beaucoup mieux partaf-'éque Lon-
dres. Les autres capitales des Etals \oisins sont encore dans
im ordre bien inférieur. En lielgiipie, en Hollande, en Alle-
magne, presque partout, les denrées se vendent à ciel ouvert
sur la voie publique. Lorsque les marchands sont abrités, c'est .
en général sous de frêles échoppes mobiles, lii uxellcs, Am-
sterdam, Leipsicli, Nuremberg, Berlin, Munich, etc., sont
moins bien dotées à cet égard que plusieurs de nos villes de
pTovince.
Il faut en excepter, dans la plupart des villes de Belgique, ,
les boucheries et poissonneries, i;énéra einent assez bien in-
sl.illèes, quoiiuiedans des bâtiments dune étendue restreinte.
Nous citerons en première h:;ne la vieille boucherie d'Anver.s,
monument gothique qui ne manque pas d'élégance architec-
turale, la poissonnerie de la même vile, celle de Bruges, le
marché des Récollets, à Bruxelles, etc. Quant à ceux de La
Haye, ils paraissent siirlonl remarquables par l'absence de
cette propret^, proverbiale eu llolliuulc, mais dont on se dis-
pense ioil bien, à le qu'il parait, lorsiju'il s'agit d'objets de
consomuiation. A llotlerdani, a Aiusteidani, le plus grand
commerce se fait sur les bateaux.
En .4llemagne, il n'y a point, pour ainsi dire, de marcliés.
Berlin ne possède que quelques banques qui servent de
boucheries. Le principal marclié est situé sur la belle place
de Donollscher, si tant est qu'on puisse ap|ieler de ce nom
quelques échoppes mobiles, mal rangées, et abritant impar-
faitement les denrées.
C'est dans la seule Angleterre, ainsi que nous l'avons dit
en commençant, que nous pouvions trouver des établisse-
ments qui pussent entrer en comparaison avec les noires. Les
villes secondaires y ont même des marchés très-considéra-
bles, comparativement à leur étendue. En première ligne, il
faut citer Newcaslle, dont la halle, divisée en huit nefs lon-
gitudinales et transversales, occupe 15,000 mètres de super-
ficie, et forme pour la ville un jirand bazar central d'objets de
consommation et d'usage domestique. Il est vrai que toutes
les villes ne sont pas aussi bien dotées. .\ Manchester, les
marchands sont seulement campés dans la vaste plaine de
Scliudhill, en plein air, sur le sol, ou à peine abrités par de
petites échoppes. Liverpool, au contraire , a quatre marchés
qui couvrent une surface totale de 10,000 mètres, et dont le
principal, celui de Saint-Juhn, presque aussi grand que les
trois autres réunis, est disposé d'une manière remarquable.
Mais la ville la mieux partagée est celle de Birkeiihead qui se
construit en face de Liverpool, de l'autre côté de la Mersey.
Son marché qui embrasse 8,000 mètres de terrain, est con-
struit d'une manière élégante et commode à la fois. Il a été
terminé le 1"' juillet 18t.'>.
MaisBirkenhead est une ville nouvelle, une ville tracée et
construite d'un seul jet, pour ain.sidire, dans toute son éten-
due; elle n'a point d habitudes à modifier, de passé à oublier
ou à rectifier. C'est à Londies, c'est à Paris que la difficulté
.se présente; aussi nous terniiiicronsensnuliailant quel'admi-
nistraliou municipale trouve le moyen de la surmonter, en
même temps que nous donnerons un juste tribut d'éloges
aux travaux désintéressés, qui, comme ceux de M. Hector
Horeau, éclairent celte question difficile, et fournissent de
nouveaux éléments à la discussion.
dturvirff d« Paris.
La semaine a été gnive, aussi nous ne vous retiendrons
pas longtemps aujourd'hui. Le sérieux n'est pas de notre
compétence; discussions politiques, économiques, académi-
ques, juridiques; voilà toute la distraction permise aux Pa-
risiens depuis huit jours; voilà leur entrée en vacances. Qui
donc s'aviserait encore de les accuser de légèreté? Nous les
voyous bien corrigés de ce charmiint défaut. Quelle gravité,
au contraire, non-seiilemeiit dans les affaires, majs dans les
plaisirs. Celle constance des mêmes goûts dans le Parisien
pourrail devenir le thème d'une caiiserje dç circonstance et
remplir nos deux pages de spfech liebdoil.adaires; maii^il y-
aurait laiiiiie dans )(|os archives, et l'exactitude est la poli-
tesse d'un courrier.
Donc la semaine a été sérieuse, c'est-à-dire ennuyeuse,
tenez-vous pour avertis. Pour commencer, le grave M. de Mon-
lliyoïi, en coulianl la vertu, sa légataire universelle, à la tu-
telle de l'Académie française, ne se doutait pas qu'il souillait
la discorde parmi les pères conscrits de la lillératurc. Mer-
credi dernier, il s'agissait encore de récompenser l'ouvrage le
plus utile aux mœurs, mais sur quel front placer cette cou-
ronne enviée? M. Uoyer-Collaid avait dii : « Nous ne savons
plus à qui décerner ces prix Monthyou depuis que M. Guizot
a perdu sa femme, car de sou vivant il n'y en avait que pour
elle. » Quand Tiirenne mourut, on créa cinq maréchaux
pour le remplacer, c'est ce qu'on appela sa petite monnaie.
L'Académie imite le gran I roi, avec mu couronne elle a
fait cinq lauréats, éparpillant ainsi le buiiquet sur plusieurs
fronts, au lieu de le décerner à lauleiir des Enlrelievs de
village, suivant une décision primitive. Dais l'auteur de ces
Euirriiens porte nu nom fameux et fâcheux; et comment les
faveurs du philanilirope Jlonlhvon seraient-elles acquises à
Timon le niLsanthropc? L'ombie du testateur en frémirait
d'indignation. C'est sur cette phrase de M. Dupaty qu'on est
allé au scrutin, et les dix-huit voix des membres présents se
sont partagées ainsi ;
POIJR TIMON. CONTRE TIMON.
MM. MM.
De Puniierville. Mole.
Victor lluL'o. De Sé-ur.
Mérimée. ' De Barante.
Alfred de Vigny. De Saint-Aulaire.
Sainte-Beuve. " Dupaty. '
Droz. Yilet.
Ancelot. Tissot.
Ballanche. Patin.
Villemain.
Lebrun.
D'après l'inspection de cette liste, où figurent d'un coté des
L'ILLDSTBATION, JOURNAL UNIVERSEL.
personnages qui ne sont rien... qu'académiciens, et où brille
de l'antre le banc presque entier de la pairie acadi'iniique
avec un appoint universitaire, les malveillantMj'unt pas man-
qué do dire qu'une fois encore la politique aviiil l;iil vinli'inr
h la littérature, et comme la bardiessc des ciloiniiKiIruis ne
respeclc rien, ils ont prétendu que l'on avait vcii^r^ mm | .m-
teur des entretiens de village l'impertinence de l'écrivain diis
pamphlets.
Ceci, du reste, n'est que le petit événement delà semaine;
le principal, c'est l'arrivi'c ;'i l'aMs de M. Cobden, le chef de
l.-i ligue di« abolitioniMcs il.ms Irs Irois royaumes, l'un de ses
plus grand.s citoyens et de ses incilli'urs orateurs. Sa présence
a produit dans un cerlain nmndi: le mémo elïot qu'autrefois
Franklin parmi la belle société du dciiiicr siècli'. M. Cdliilrn
olîre d'ailleurs plus d'un point de ressciiililaiice nwi- Ir pa-
triarche américain, par la douceur et la simplicité de ses
manières, autant que par l'élévation de son caractère et l'é-
nergie de ses conviclions. En attendant les anecdotes que la
curiosité parisierme ne manquera pas de recueillir à propos
de cetliiiunne céli'hii', viiici un pelil iclKiniilldn de sa parole :
on lui di'manilait la (li'lioilioo il hi|inli', de cette hydre
dont il a jure d'aliatln; les riiilli' l.'lrs : « l.c monopole, ré-
pondit-il, oh ! c'est un personnage mystéi ieux qui s'asseoit
avec votre famille autour de la table à thé, et quand vous
mettez, un morceau de sucre dans votre tasse, il en prend
vivement un autre dans le sucrier ; puis, lorsque votre femme
et vos enfants réclament ce morceau qu'ils ont bien gagné,
le mystérieux fdou, le monopole, leur dit en l'avalant : Je le
prends pour votre protection. »
Dans les discours de Cobden et de ses adhérents, on trouve
parfois d'excellents tableaux de nio'urs, témoin celte pein-
ture que l'un d'eux fait de la vie du grand seigneur britan-
nique et de la singulière indépendance dont il se targue.
(I C'est un cuisinier français qui prépare le diner du maître,
un domestique .vî(î.«e qui prépare le maître pour le diner ;
I Ses vins |<iM\iiiiiiriil dc-s liMiils ilij Itliin, del'Ebre, du Klii'me
ou de II i.iiin iir. I,.s |il;inli s ilc ses jardins lui sont venues
de I'Ami-, ri, \r i,il.,n 1(11 il liiiiii', i\v l'Amérique. Son cheval
favori csl d'oiitzine aialii\ ■■! mui chien de la race du Saint-
Bernard. Sa galerie est liclii' lii' lableaux italiens et llaïuands,
et son musée encombré de débris ^recs. Les perles qui pa-
rent la personne de milady ii'niil p;is élé trouvées ccrlaine-
inentdans des liuitres britiiniiiqiiis, et la plume qui orne sa
tôle n'a pas été arrachée à un viiliiiilr anglais. Notre couple
éprouve-t-il le besoin de quehjiie di.sti action ? Il la demande
à des comédiens français, à des chanteurs italiens, à des
exécutants n/fejnom/s. Son instruction est l'effet d'un emprunt
forcé, son esprit est un composé exotique. Sa religion, il la
lient de l'Orient, sa philosophie de la Grèce et de Rome, son
algèbre de comptoir lui vient de l'Arabie, et tous ses arts des
quatre coins du monde. Bref, il n'est pas jusqu'au marbre
de sa tombe qu'il n'aille demander à l'étranger. »
Vous voyez à quel point nos paroles sont anglaises : notre
excuse, c'est notre véracilé. Il n'y a pas d'échos plus sincè-
res que nous. Prêtez un peu l'oreille aux bruits de la ville, s'il
est question d'un voyage, aussitôt c'est la reine Viltoria and
Albert, dont la venue est annoncée incessamment; que si
vous prononcez le mot opéra, on vous répond : le directeur
du théâtre de Drury-Lanc s'est assuré pour la saison d'hiver
l'élite des artistes italiens, ne laissant au nôlre que le fretin
et le rebut. S'il est question de courses ou de chasses, c'est
encore relativement à l'Angleterre. On a parlé d'un duel, c'est
un duel anglais. Que la nouvelle arrive d'un autre pays, elle
ne s'en fait pas moins britannique; n'est-ce pas eu Angle-
terre qu'on vient de ressusciter Van-Amburgh'/
C'est ainsi qu'il ne tiendrait qu'à nous de commérer lon-
guement sur les événements d'outre-Manche, tant il est vrai
qu'en ce moment Paris ne présente aucune [ihysionomie,
(|iril ne s'y passe rien d'intéressant, et que pour découvrir
du nouveau, chacun se croitobligé de franchir la frontière, à
commencer par notre dessinateur, avec lequel nous allons
fournir une course jusqu'en Kussie. Il est vrai que grâce à la
fidélité de son esquisse nous pourrions économiser une des-
cription, et nous contenter de dire : ceci vous représente
l'hippodrome de Tsarkoé-Sélo aux portes de Saint-Péters-
bourg, mais il y a des lecteurs plus exigeants et pour eux
seuls voici un petit dessin à la plume que nous adresse no-
tre correspondant de Saint-Pétersbourg :
«Cet hippodrome, construit dans la vaste plaine qui s'é-
tend sur la gauche du chemin de fer, en face de Tsarkoé-Sélo,
a deux verstes de circonférence. Il se compose d'une ga-
leri» publique partagée en deux amphithéâtres à la romaine
avec deux rangs de loges que supportent des pilastres d'ordre
ionique. Le premier pavillon, destiné à la famille impériale,
a sa principale entrée par un escalier à double rampe. L'in-
térieur est une rotonde avec colonnade d'ordre corinthien ;
l'autre pavillon, destiné aux autorités, présente un octogone
(Courses de chevauji à Tsarkoo-Selo. près de Saint-Péterbliour:
d'ordre romain. C'est sur le petit balcon, situé au bas de ce
pavillon que se placent les juges de la course. Dans la vaste
plaine où l'on a tracé ce magnilique cirque, des milliers
d'amateurs jouissent, chaque année au mois d'août, du beau
spectacle que présentent les courses. »
C'est ainsi que le gouvernement russe, imitateur habile de
la civilisation de l'Occident, encourage et favorise l'amélio-
ration des chevaux.
Nous disions tout à l'heure que Paris n'a aucune physio-
nomie en ce moment, voici néanmoins une invention qui ne
saurait manquer du lui donner un aspect tout nouveau. On
parle d'un pi ncéih' de mécanique, au moyen duquel les mo-
numenls dp ti cqulale seraient transportables à volonté. L'é-
dilité (lai isii'iini' l'ii fera l'essai prochainement avec la tour
Saint-.l;H(|iirs l;i ItmiiliiTic, qui viendrait, dit-on, rcniplacor
lacoliiiiiir il II i;li;ilili'l. llcstiMilrutipiei'c iiiiiiveaii syslème
de i:li:iiiu''iiii'nl i Ml'', l'inir |ii-ii qu'il ii'iississi'. Huila (lai' èlii'
applii'iir :,riirralrnii'iil il, lus la capilale. C'.'sl un t:r;inil |.;is
d(! faii, vl■l^ l:i ili'rnnv''i1i'.liiiniiiivi'iiii'iil piTiirliirl, l'I un ili'
menti ilniiiii' a ii'l iimiiiih' di's poliliipies ; m uni'' (ms
les masses sans danger. Vous verre/, que di'S villes entières
liniront par voyager comme leurs populations, et, avec les
chemins de fer, cela peut les mener bien loin. Une autre in-
vention, plus mmlesle, unis non mniiK siir|iri>naii!e, c'est
celle du nnuveau restaurant, dit tirs 1/ / /i/;i''.v, ilmit l'ouver-
ture est aiuiimcée au boulevard I'
invention, le garçon est siipiiriim''
cnminopar encliaiileini'iil cl vn'i.
f-inUstique. Plus de ces dialiun''-
le menu le plus déli
à celte
il le plus (I
MUS êtes s
ul'ili'.tU'
Muir
sur le gril. — lil, ces heiguets'? — Vous
dans la poêle. — Mais cette anguille à la tarlare'? — Un mo-
ment, on vous écorche.
En fait d'événement politique, nous n'en voyons pas de
plus digne que le suivant, de figurer dans notre chronique.
Un économiste distingué, dont l'entrée à la Chambre a fait
naguère quelque bruit, s'étant cru insulté par un journaliste,
lui adressa un cartel, à quoi M. M. répondit : « Depuis deux
siècles, on rit de Don Quicbotle pour s'être battu contre un
moulin à vent, jugez de ce qu'on dirait de moi si j allais me
battre contre une girouette. »
Le théâtre s'est ressenti de cette somnolence, il n'a donné
qu'un petit acte, les Brodeuses de la Reine, au Vaudeville.
C'est une aventure apocryphe de Boufllers adolescent qui,
travesti en femme, se glisse parmi les demoiselles brodeuses
lie la reine Marie Lecksinska. Ainsi faufilé dans le bercail, le
lii'lil clii'valii'r se permet i|uelques-unes de ces bêtises plei-
ii'"i ili'sin il que lui atlribue li' prince de Ligne. Ce favori des
iniiM-. di'Mi'iil celui de ces demoiselles, en tout bien tout
liiinni'iir, rar notre Boufllers parie et agit pour le compte et
pai (iiiicinaliou d'un ami. Comme Acbilleaii milieu des lillrs
de Scyros, Boufllers manie les fuseaux el l'aii:ilille lusquau
moment où des épaulettcs de cnlonel lui fuiil jeler au loin
cotillo:!, cornette et verlu^;ailio. Celte pelitr [liece , dénuée
issilr ipi'elle a obtenue à la
liri' améable, cantatrice dis-
viaisi'inlilaldes.
d'intrigue, doil \\-<[w
présence de mail, un-' AH
liiiîuée, mais riilmirl ili''
Nous soiiiiiH'S il uis la;
riiiiUeurloiinli'Fiaiii-e;
lilMlilli'i'h:
pari...
Dans
li'S m
■|..'ni
lient pas Ioii|ihiis
le Palais-Hoval m
colibris au bi-aii pliiina;;e, au brillant rainag
'iliens vnyiment et
Saiiivill
Tousez, Ravel, les plusjaseiirset les plus gais de sa collection.
Alcide n'a rien perdu deson enrouement, on dit pourtant qu'il
était allé dans le Midi aliii de s'en guérir, l'imprudent ! Sur
toute sa route, Alcide s'est vu entouré d'hommages et com-
blé des attentions les plus délicates. A Lyon, il a trouvé sous
les ariii.'s toutes les troupes dramatiques de la ville, el il a
été coinplinieiilé par les autorités... Iliéàlrales. C'est en vain
qu'il avait voulu garder le plus sévère incognito, son nez l'a
trahi ; on lui a demandé des reiirésentations, il répondit :
«Je ne vous eu ferai qu'une (représenlalion), je ne voyage pas
pour mon agrément personnel, gl'ihid Dieu, non! je vais
prendre les eaux de Savoie pour rattraper un filet de la
mienne, seulement laissez-moi répéter ici ce que l'empereur
vous a dit en ISI.~) : Lyonnais, je vous aime !... »
Un fait plus aulhenïique et plus avéré que le précédent,
c'est le vote de vingt mille francs destinés, par le conseil mu-
nicipal de Lyon, ù récompenser l'auteur hjonnais de la plus
lii'lle tragédie et du meilleur opéra. N'est-ce pas un noble
exemple donné par la si'cinule ville du royaume à ceux qui,
ayant pour mission ollicielle d'encourager les arts, ne savent
guère eniployer les fonds dniil ils disposent qu'à nourrir de.s
voles coui|ilaisanls el ralVeroiir des eoiisciemes chancelantes?
Tous les journaux relmlisseiil encore de celle réclame
nujiliale ipie l'on prendiail pour un l'euillel détaché des mé-
uioiresde Daugeau, ou îles Annales tU- l'Iiéraldiipie d'ilozier:
« On annonce le luari.ige de S. .\. li. le [iriiice Honoré Sta-
nislas de Cirlmahli. ihevaller du Saiul-Èinpire, grand d'Es-
paj^ue. dernier desceiulanl des Goyon, et prince souverain de
Monaco. « N'esl-ce point le cas de répéter le mot philosophi-
que de .Saiulio, celle parole d'unesi haute portée et d'une ex-
pression si élèganle; Qiir qu' ça nte fait?
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
De temps immémorial on ne connaissait dans Paris à Tu-
sage lin blanchissage du linge que ces immenses bateaux à
l'aspect triste et délabré qui sta-
tionnent depuis le pont Marie
jusqu'au pont des Invalides, of-
frant, il est vrai, aux lavandiè-
res des faubourgs de la grande
ville, moyennant une légère ré-
tribution, les avantages d^un
lavoir à eau courante et d'un
séchoir ii air libre, mais aussi
les désagréments d'un grand
éloignement des quartiers po-
puleux et d'une exposition per-
manente à toutes les intempé-
ries des saisons; en outre, et
sans parler des entraves qu'ils
apporlent à la navigation le
long des rives de la Seine ,
ces bateaux ont toujours été
construits ou entretenus pjr
leurs propriétaires avec une in-
curie telle , que les pauvres
blanchisseuses qui les fréquen-
tent se sont souvent vues ex-
posées au danger d'une chute
dans la rivière.
Frappés de ces graves incon-
vénients, quelques capitalistes,
plus philanthropes qu'indus-
triels, ont depuis quelques an-
nées entrepris de doter les
quartiers populeux de Paris de
lavoirs publics et de buande-
ries, établissements dans les-
quels ils se sont moins occupés
de la réalisation d'un grand
bénélice.quc du bien-être de la
classe pauvre.
Réunir dans un même local
les facilités que présentent les
anciens bateaux et les amélio-
ler, sans augmenter la rétribu-
tion qu'ils perçoivent, doter en
outre les personnes qui vivent
de cette industrie des moyens de diminuer les frais des ac-
cessoires du blanchissage, tel est le problème qui, après de
liRvoirs publies.
Ér.*DLlSSEMEXI DE LX RIE DE StVRLS.
laborieux essais, parait avoir été résolu par M. Hybier, l'un 1 nous paraît pouvoir être proposé comme modèle des éUiblis-
des promoteurs de cette populaire inslilulion. sements de ce genre nidispensables aux grandes cités.
' ' ' Ce vaste édihce, situé au
centre d'un quartier populeux
éloigné de la Seine, est destiné
à pourvoir aux besoins de la
classe ouvrière ; construit d'a-
près les plans de M. Roussille,
architecte-voyer du dixième ar-
rondissement, sur un terrain
d'une superlicie de plus de 9U0
mètres, sa longueur est de
3S mètres, et sa largeur de
2S ; une élégante charpente en
ter soutenant, dans toute sa
longueur, une lanterne vitrée
met les laveuses à l'abri de l'in-
tempérie des saisons, leur dis-
tribue en tout temps une égale
et large masse de lumière, et
donne à l'ensemble de la con-
struction un aspect simple et
gai.
Deux grands bassins établis
dans toute la longueur de la
salle afi'ectée spécialement au
lavoir, contiennent une eau
toujours renouvelée par un jet
d'une grande proportion, ali-
menté par l'eau de la Seine,
reconnue seule propre au la-
vage; autour de ces bassins ont
été disposées avec soin, pour
le savonnage du linge, des bat-
teries où cent cinquante per-
sonnes au moins peuvent si-
niuUantment laver à l'aise ; un
robinet pratiqué au-dessus de
chaque place fournit l'eau à
volonté ; le sol, entièrement
dallé, est tenu dans un état de
propreté dont on a lieu d'être
étonné quand on réilécliil au
(Bna^dene à vapeur.) nombre des travailleuses qui
fréquentent chaque jour le fa-
Le lavoir qu'il a tait élever, en société avec M. Cliambîllan, 1 voir ; cette propreté est due à l'établissement d'un système
dans la lue de Sèvres, n" 101, au fiubourg Siint-Gcrmiin, | de caniveaux souterrains qui conduisent toutes les eaux un-
propres, et lesdéve^ent dans le grand égout de la rue de , Ji^^ï^'esdu^^lïr£^;iSafe:lîi;;:!:t 1 ^SïS:^ ^ilSf^^î^^t^Œf;^::
""Tce lavoir est annexée une buanderie à vapeur, plus par- I Lis ; cette buau lerie, vaste e! aér^e, de m .ui;.re à c. que | paq.iets de linge distinguas par un numéro délivré à chaque
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNH'ERSEL.
1,1 indii-SBiisii et ictenns piir ini lien qui s oppose h ce qu aii-
ciiiiP, oiecft puissH s'en é^liaiipcr, SDnl dôposcs avec ordre dans
I , , nv où iii ii'ssive est, coulée d'après les meilleurs proce-
,],,.. r. ,,,11 ;i viiiieiir qui sert à cet elTel, et dont des ou-
VI 1 -., : [i r, ,,iv allacliés à l'étal) issemfiut oui seuls le maiiie-
iii.'iil. 1., '^..Mii.' Iiiutesles garanties nécessaires.
Un'e iiucluiie à vapeur de la force de 8 chevaux, construite
dans les ateliers de M. Frey jeune, sert à élever d'un puils
artésien l'eau spécialeuient destinée à passer le lin^o au bleu.
Celle uiiieliiiiu l'ail eu même temps mouvoir deux séchoirs de
nouvelle iuvenlion, appelés hydro-extructeurs, qui sèchent
le lin^e dans l'espace de six à sept minutes.
Au moyen de la réunion de ces divers appareils, la per-
sonne qui apporte son lingar le soir avant six heures, peut le
remporter le lenlemain lessivé, lavé, séché et n ayant plus a
subir que l'opération du repassage.
Enfin, pour éviter la perte d'un leriips précieux, on a ré-
servé une salle dans laquelle les laveuses peuvent prendre
leurs repas. „ . , . ,, 1 1-
A la suite d'une visite minutieuse liute dans cet établisse-
ment-nwdèle par les ingénieurs de la ville de Pans, en pré-
sence (le M le préfet, ce dernier a adressé à MM. liabier et
Chanihellan l'es complimenls mérités pour la persévérance
et les soins .pi'ils ont apportés à l'exécution d'une œuvre si
nécessaire anx besoins de la classe ouvrière.
Tout en nous associant à ces éloges, qu'il nous soit permis
de re(;r. lier (pie les forces employées dans ces sortes d'éla-
.l'étais il peine (Muivalescent, qu'un nouveau mal, la slu-
pide coijuehi'lie, ayant pénétré dans la maison uiaMré les
doubles l'em'-lres, les poêles immenses el h-s liooclies de clia-
leur, nu is l'iinj(« lous chassés de Saint-l'étershourg par ordre
de la l'acuité, et sans plus de délai que n'en donne la police,
en cerlains pays, aux étrangers suspects d'opinions révolu-
tionnaires. C'était à la lin de lévrier. L'hiver, Irès-rigoureux
après avoir été lardif, régnait encore dans toute sa rude et
mâle beauté, sous lesoixanlièine déféré de latitude nnrfl. Mais
nous savions qu'en avani-.iMl vers le niili, nous ne larde-
rions ps à rei ...o„.„o
du printemps. Il 1
iieii!e el dans la I
iint
nniçe
hlissements ne remlent pi
pourrait en obU^iir au uuiwu
qui iMidrait à réunir aii\ 'ur
les moyens d(! procurer a lu-.
prêté ilu ciM'ps et la SHlohril
cepeniianl qu'il vient d'être :
list('S parisiens on pnjjet de rei;ei
vation de pliisienis l'I i^i-^aiid.'ss
aux lavoirs piililic<, dil-' l'iililisal
p»rdue danslrlal arhirl des cIl . ,
 la classe ouvrière de-bains cliaiids ii 7M cent, el des loge-
nienis commodes, salubresel aères fi des prix excessivement
modérés ; il paraîtrait même que les Anglais se sont emparés
de ces idées f^énéreuseset en ont, S(uisun Auguste patronaf^e,
commencé à Londres riipplicalionavoe l'énergie industrielle
qui les dislinnue. Il faut esaMer (iiie cet exemple ne sera pas
perdu pour Paris, et que les capitaux Hécessaires viendront
en aide à des projets si éminemment Utileè.
services que l'on
"mjii plus large,
i;i M ■ 11^ enientdu linge
,1 1\ al. rii-' pauvre la pro-
(lii li)i.'ei>H'iit; on nous assure
omis à nue so(;iélé de capila-
qni, au moyen de l'élé-
les va-iles salles alVeelées
l'ela sinaliondanced'eau
;. iiiMnictlrait de donner
■riii (■liirin".,'icf
s adresse une réclnnia-
iiieiil Ihermal de Vieliy,
1 est dit dans cet article
ii,|>eole»rs de 'Vichy, ont
' , el l-s permis sur le vu
a preiiu
lil M. I
Ile est iijnorec
lient qu'ils p'euveiil choisir leur médecin à Vichy
Nous avons reçu le dessin. Avez-vous
par laquelle nous vous demandions quelques dé'
utice qui doit acconipas;ner cette curieuse expé-
■ Nous avons reçu votre envoi,
asttf-.fee.«* «■•a Prtttsme.
11 Ami lecteur, Rare à l'an prochain ! » disais-je, l'an passé,
en terminant le récitde quelques chasses en Russie (1). Celle
menace annon(;ait une suile anx mêmes histoires ; mais, hé-
las ! j'avais compté sans mon liûle, non l'hôte par qui j'elais
logé, mais celui que je logeais, et mieux cpie dans ma mai-
son, dans ma propre substance,
La lièvre ardente à la marche inégale.
Il y a des organisations malheureuses, impressionnables à
toutes les iniluences morbides, qui partout contractent le mal
(In pays, non pas du pays qu'on regrette, le mal de la patrie,
mais (lu pays qu'on habile accidentellement, le mal que la
mé lecine nomme endémique. J'avais eu à Paris le choléra,
à Gienade la dvssi'ulerie, à Itome la mal'nria, à Londres le
spte^e^; A Vera-ia u/c je serais mort du romilot^ctjro, et à Cal-
cutta (J'un giaiili'iiieiitdf hiie, ciiinme ce pauvre 'Victor ,1ac-
quemont. A Siiiit-S'élershoni').;, je ne pouvais manquer d'at-
traper la fièvre gastrique-nerveuse, si ordinaire et quelque-
fois si fatale aux étrangers. A peine donc, vers la fin del'au-
tomnis et, comme on (lit, pour peloter en attendant partie,
avions-nous chassé des lièvres (ddesrciiar.l^, sdii ni halliies,
soit anx chiens cmirants, montés sur rc-, ^\^r||,all^ i!i,'\aii\
cosaques venus des bords du Don, (pidnaiirh' mu les jarrrls
au mvindre appel de la langue, el (\m l'c oiiteiil, iiniuiiliiles,
les coups de fusils tirés entre leurs oreilles; à peine eulin la
neige d'hiver, la neige désormais sans ilé(;el jusqu'au prin-
temps, avait-elle pris possession de la terre russe, donnant
ouverture aux grandes chasses d'élans et d'ours, aue la lièvre
cruelle me coucha pour trois mois sur le liane. Adieu pelisse,
/(jk/ou/j el hottes de feutre ; adieu lriiiu"aijx et tiHnjas ; iiilicn
carabine el poignard; adieu hr.ives cl tiiiis eiinipagnons. hia-
ves el dociles traqueurs; adieu chasses à l'aire el hislulrcs à
rac(Miter ! Voilà pourquoi je te manque de parole, cher lec-
teur, pourquoi, prêt à te c(Uiduire i"! d'autres expéditnins, je
commence par me justifier de l'emmener liors de la liussie.
(1) Voir yinimiriuinn des "0 aciftl el 5 sepleiribre 1810.
,! ■ Il III, if-nir pi'i- a \ (.-, a jir sur la
i-ji r piivi'ipicn c, pal lis il, MIS un bon
rnié), dont les moindres l'entes étaient
i.,,i^nrii-: iiM ni ( ill.iili ées de l'ourrufc, nous étions suivis
diiiie cal ilic Iraiicaise glissant aussi sur des patins, mais
dont il sul'lisait de remettre les roues aux fusées (les essieux
pour en faire une voiture terrestre. Le passage d'un ré;;mie
à l'autre, je veux dire de la neige à la terre et du tra'ma^:e
au roulage, ne se fait jamais sans de graves difficultés. Il n'y
a pas de frontière bien marquée entre le royaume de l'hiver
et celui du printemps; quelques accidents de terrain, quel-
ques degrés de plus ou de moins dans le thermomètre, qui
marche avec les heures du jour, font passer rapideineiit de
l'un à l'autre. A midi, l'on s'embourbe dans la vase, tandis
qu'au coucher du soleil on patine sur une glace toute fraîche
et toute unie. Au milieu des plaines où le vent a roulé et dis-
persé les dernières traces de la neige un traîneau s'engrave
sur la grande route comme, au rellux-, uiie barque dans le sa-
ble ; tandis qu'au liane des collines Ofi la neige s'est amon-
celée six mois durant, nue voiliii-e s'enfonce, se penche el se
couche (pieliiuefois comme roulée par une avalanche. Avec
des attelages' doublés, triplés, quintuplés, avec le secours
plus int(dligent et plus efficace des bras d'hommes qui s'ar-
ment de pics et de pioches pour frayer le chemin, im n'a-
vance qu avec une lenteur désespérante, surtout après l'ex-
trême rapidité desdébuls. Au départs, nous faisions aisément
sur la neige durcie delà grand'route quatre à cinq lieue.s...
pardon, quinze à vingt kilouiètresà l'heure. Plus loin, quand
nous atleignîihesle dégel, qui nous surprit aux environs de la
ville universitaire de Dorpal(Ucrpl),
Quand les jeunes zéphirs, de leurs tiédes haleines,
Fondirent l'écorce des eaux,
nous ne plimes faire, en deux jours, que deux relais de poste,
sans compter un jour perdu dans l'intervalle pour réparer
les avaries de notre double équipage. Dès que la iicige nous
manqua, le DiisoA: fut ingratemeiil abandonné, coninic on
congédie un bon serviteur lorsqu'il cesse d'èlie iililc ; cl une
fois remontés sur nos roues, nous quiuàmes l'allure des Im-
tues, sans retrouver pourtant celle des lièvres. Sur une route
défoncée et submergée par le dégel, les voitures, embourbées
jusqu'aux essieux, avancent k la manière d'un chariot de loin
'dans un marécage. Le trajet devient Irès-pénible lorsque la
chaussée manque et qu'on se trouve réduit à louvoyer, à
serpenter, à patauger, à barboter au travers des chemins vi-
cinaux, comme il arrive notamment dans les villages juifs de
la Courlande. J'avais cru jusqu'alors que le plus malheureux
pays de l'Europe, le plus désolé, le plus navrant à voir, c'é-
tait la Pologne (je n'ai pas visi':> lo:,i" ■ Mais les villages
juifs de la Courlande, tels q\v i >!, -. àrsclikn/.y, I em-
portent encore d'un degré il-ii- r, n^ , ; Mtiirssion du mal.
Décidément il n'y a rien de plus misiiable, de plus sale, de
plus hideux, rien qui répugne davantage aux regards et qui
alllige l'àme aussi profondément. Mais, an reste,. quand on a
vu l'ininiense el maguiliqne palais que les ducs de Courlande
ont élevé naguère à Millau, sur les bords de l'Aa (I) ; quand
on a vu dans lous ces villages juifs de belles églises chrélien-
nes qu'ornent une foule d'images habillées en plaques d'or
et d'argent, on ne s'élonne plus de l'épouvanlable misère où
croupit une population méprisée et maudite.
A cette époque de l'année, les fleuves sonl le principal
obstacle, et quelquefois insurmontable, que rencontre le
voyageur. Après avoir franchi je ne sais plus quelle livièie
torrentielle sur un petit pont improvisé quisubsiste pourtant
pisqu'à i'aulomne, espèce de radeau flottant, amarré par ses
bouts aux deux rives, long, étroit, sans garde-fou d'aucune
sorte, et qui plie à un pied dans l'eau sous le [loids d'une
voilure lancée à toute course ; après avoir passé, sur une
glace humide et bourbeuse, les deux larges bras de la paisible
Uwina, et, dans un bac déjà rétabli, le cours plus impétueux
de l'Aa, nous espérions bien être au boni de nos épreuves et
de nos tribulations. Déjà Taurogen, le bourg lionlière, était
dépassé, ainsi que les splendides bâtiments de la douane el
de la ]iolice russes; déjà le t;o.saque à cheval qui accompa-
gne tout voyageur à son entiée et ïi sa sortie, avait l'ait lever
devant nous la barrière de l'empire; déjà les employés du
Zolhvrrai a\aiiiil jicsé mes fusils, seuls objets qu'atteignit
le taiii;cli|a le |iii>lilliin, en gland uniforme, qui elail monté
sur I'oimIc ses dicvaux pour rcniplacer le cocher rii.sse des-
C(!ndii du siège, sonnait gaiement la faul'aii^ du d.'part dans
le petit cordecliasse pendu àson liras. Nous èlioiis en Prusse;
des bornes iiiiHiaiivs indiquaient la ilislance au chef-lieu de
province, a l,i pl.iic des i^iands poliMiix de hids peint i|iii,
en lîii-sie, sur le- (li'iix l,ices de Icnrangle, uianiiient le nom-
bre (!,■ \er:les eiiiivini relais de pnsie et l'autre. Qui pouvail
désormais aiicler on ralentir holre marche dans un pays si
bienadiiiinisliè, sur une route si bien enlivleniie? Une hiis
la posle |M\èe jiiMpi'à Berlin , et quelques thalers en poche
p -le trink-iielil des postillons, il ne reslail plus qu'à dor-
mir grasseineiil sur les deux oreilles : au moins nous en nat-
tions-nous, M, lis, I oninie il arrive si souvent dans ce chemin
plein d'accideiils divers qu'on appelle la vie, c'était à l'heure
présumée du repos (pie nous attendait le plus rude labeur,
A peine avions-nous fait un quart de mille au delà de la
(1) Celui qn'liahila tonglenips Louis WIII émigré.
frontière, en descendant par une pente douce la colline de
Taurogeii, que nous aperçûmes devant nous tout un horiz<;n
d'eau et comme une vue de la mer. Nous savions bien pour-
tant, sans recourir aux cartes de géograiihie, qu'une grande
roule desservie par la poste ne va [las d'habitude se perdre
dans l'Ociian. Aussi, nous croyions nos yeux dupes de quel-
que illusion d'optique, de quelque mirage produit par le
brouillard des vallées, el nous plaisantions agréablement sur
les erreui s oii riioiiime est jeté par ses propres sens. Mais
notre dissertation philosophhjue fut brusiiueinent interrom-
pue par l'aspect manifeste et palpable de la réalité. Sans êtie
l'Océan, c'était bien une mer qui nous barrait le passage.
Anèté par (les glaces que le dégal avait amoncelées àson
emhoni liiiie, et lermilé violemniciil dans son lit, le Niémen,
déborde, iieinilaii piMpi a ileo.v li. nés de ses rives les prai-
ries basse., qui mais se|iaraieiil de lui. L'étroite chaussée sur
laqiielli; js cliermuioiis avec lenteur et précaution, était
hatlue des (Jeux cùlés jiar un Ilot bourbeux et clapolanl, el
bient()t, la vovant disparaître devant imus sous le niveau des
eaux eiiv,ilnss,inlês, le postillon i oiis déclara qu'il n'y avait
plus >eii il.naiieei.. (jiie Lille? S'obstiiier à suivfe la
roule siileuei-ee; il V avaii ieii,i Mil', fulic. licvenir en ar-
rière pour allwidrc la dèb.icU-, du Heuve el la rentrée de ses
eaux? quelle boule el quel ennui 1 Au milieu de nos perplexi-
tés, et tandis que nous parcourions d'un regard désolé ce lac
sans rivages, qui confondait, au bout de l'horizon, ses eaux
troubles et jaunâtres avec les dernières ligues d'un ciel gris
el brumeux, nous vîmes apparaître dans le lointain un petit
balean qui portait à sa poupe, au haut d'un bâton, l'aigle
noir de Prusse sur uli moiiclioir blanc. Ce signe indiquait
avec évidence qu'il faisait un service public. Nousie liélànics,
et il vint complaisamment s accob'i auprès de nous sur le
liane de la chaussée. Deux rameurs et une espèce de pilote
qui manœuvrait le gouvernail, inonlaient ce bateau, chargé
du passage des dépêches. Ces braves gens nous proposèrent,
moyennant la taxe, de nous i amener à lilsit, d'où ils étaient
partis, si nous conspiiiinii- ii lain- i oiiduire par notre voiluie
au relais d'où nous veiiimis 1 ,i^. m de la posle avec deux on
trois passagers. Nous accrplaims de grand cœur, et laissanl
notre équipage â la garde du fidèle Ivan, nous sautâmes dai,
la barque avec quelques paquets des plus, précieux ou di
moins lourds, qui servirent de sièges et d'abris )iour les fem-
mes et les enfants.
L'air était froid, et le brouillard, s'épaississant de plus en
plus, nous enveloppa bienti'itde son voile humide et sombre.
Nousvoguions lentement et sans bruilsur une eau et sous un
ciel que Poussin m'avait déjà montrés dans son chef-d œuvie.
Celait la même trislesse, lamêmedé.solalion, et le déluge se
révélait à nous dans toute sa biblique horreur. Si nous ren-
conlrions de grands arbres, ils étaient engloutis )usqu'à la
moitié de leurs troncs séculaires, et les saules des prairies ba-
layaient de leurs rameaux extrêmes le fond de noire bateau,
comme eussent fait des joncs dans un élang. Quelquefois, avant
d'apercevoir dans la brunie épaisse les maisons submerg< es,
nous entendions les cris de détresse poussés par leurs habi-
tants réfugiés sous les toits. Les uns demandaient qu'on lelir
envoyât une barque, pour qu'ils pussml fuir avec leur butin
une habitalion qui inenai,ail ruine; d'autres, plus rassurés,
priaient seulement qu'on leur apportât du pain au prochain
voyage, et souvent même des essaims d'enfants, échappés par
les lucarnes des greniers et grimpés sur le chaume, se li-
vraient, avec l'insouciance de leur âge, à des jeux périlleux,
il nous arrivait fréquemment de rencontrer de larges bancs
de glaces llotlantes, qu'il fallait briser etséparer à coups d'a-
viron, ou que nous franchissions à lorce de rames en les fai-
sant plier et enfoncer sous le poids de notre fragile embar-
cation. Serrés en petit groupe pour nous réchaiiflér, et gar-
dant ce silence morne, celte attention inquiète, recueillie, que
donne t(miours une sitiiallini siiignlièie et critique, nous er-
rions à travers le brouillard, immobiles el muets, comme les
ombres qui traversaient jadis, dans la barquedu vieux Caron,
les sept replis du Slvx. il y avait deux heure.s, deux mortel-
les heures, que durait celte lugubre traversée ; je n'avais pas
compris pourquoi notie pilote, an lieu de suivre la ligne droite
que traçaient les hauts peupliers de la chaussée, avait fait, à
angle droit, un immense détour, et je le voyais maintenant.
incertain sur la route à suivre, louvoyer en lous sens et ne
prendre aucun parti. BienP'it nos rameurs échangèrent avec
lui quelques mots d'inquiétude, el, déposant leursavirons, ils
se penchèrent tous pour écouler avec grande attention ; un
silence de mort régnait sur toute l'étendue des eaux. Ils i(>-
prirentles rames, firent un nouveau trajet de quelques cen-
taines de pas, el leconimencèrent à (irêter l'oreille. Celle lois,
un léger bruit d'eau courante arriva jusqu'à nous, venant de
notre droite et de fort loin, u Marchons! s'écria le pilote, en
portant notre proue à gauche ; nous avons passé ! » Et les ra-
meurs, redoublant de zèle, nous tirent voguer rapidement à
vol d'oiseau, u Qu'avons-nous passé'? demandâmes-nous avec
empressement. — Un endroit dangereux, répondit le pilote.
Par le lit d'un petit ruisseau qui ((lu'e sous un pont, les eaux
ont rompu la chaussée, et se pivcipilenl par relie hrèclie avec
une furie irrésistible. Si nous fussions tombés dans ce cou-
rant, il nous eût emmenés jusqu'à la mer. Voilà p(miquoi j'ai
dû faire Un si long détour et ne pas me hasarder fans laisser
le torrent derrière nous. » Hieiit('il après, notre barque alla
s'amarrer conire les fenêtres d'un grand nuinlin, que l'eau
ballait de tons côtés, comme un de ces dangereux récifs ({iii
élèvent au-dessus des Ilots de l'Ucéan leur cime solitaire el
victorieuse des tempêtes.
Nous étions parvenus à la rive du Niémen. Il ne fallail plus
que traverser la larteiir de son lit. Déj!l, par-dessus le brouil-
lard, qui descendait else roulait sur la terre, seinblab'eà des
nuages de fumée urisc, nous apercevions les toits des plus
hauts édifices de Tilsit el les pavilhms des pelits bàlimenls
qui encombraient sa rade. Un grand souvenir bistorii|ue se
dressait devant n(Mis. C'était là, à quelques pas, sur un radeau
fixé au niiliendii fleuve, qu'en 1807, après la terrible bataille
d'EyIau, les empereurs Naimléon et Alexandre avaient eu
L'iLLtSTUATlON, JOURNAL UMVEllSEL.
cette entrevue rélèbre, qui non-seulement deviiit rendre la
paix au monde, mais dans laijuelu', coupant la carte d'Europe
par une liyne tirée du goll'e de Kiga au golfe de Salonique,
le Corse et le Byzantin (comme ils s'appelaient eux-nièines)
se partagèrent, dit -on, toute cette Europe en deux empires.
Je cliercliais il retrouver, précisément entre la ville el noire
moulin, la place même uù se lit celte enlrevue fameuse, qui
monlie k leur apogée la gloire et la fortune de Napoléon. Mais,
au lien d'un cours d'eau rapide, je n'aperçus qu'une surlace
iuunoblle, raboleuse, loui rnenlée, oii l'on edt dit que des blocs
de rocliers, précipités de quelque nioulagut, s'étaient lieurtés
et amoncelés en roulant pêle-mêle au fond d'une vallée. C'est
qu'en elïet, les glaçons charriés par le llenve, et pressés les
uns contre les autres par le rétrécissement des rives, s'étaient
justement arrêtés depuis la mer jusqu'au delà du petit puit
de Tiisit. Notre barque avait dû s'arrêter aussi devant cet ob-
stacle, insurmontable pour elle. En biver, peu tant la gelée,
armés de bâtons ferrés comme ceux que portent les touristes
sur les glaciers de .4lpes, nous eussions facilement franclii
cette autre mer de glace. Mais un tel genre de voyage était
alors impraticable ; car entre les glaçons mal joints el mou-
vants quelquefois, le tleuve se montrait en llaques écnmeuses
et menaçâmes. Il ei'ilfallu risquer des sauts de tremplin où le
moindie faux pas pouvait être mortel. Que faire donc, ipie
devenir, el coumient continuer sa route lorsqu'on ne peut plus
faire usage de traîneau, de voiture, de baïque, ni nlêinc de
ses jambes'^
Notre pilote, qui avait déjà pénétré dans le moulin par une
facile escalade, mit le nez à une lucarne comme le Bon Dieu
de Bélanger : » Ne bougez pas, nous dil-il, prenez seule-
ment un peu patience. » Et pliant sous sa langue les grands
doigts de ses deux mains, il termina sa courte harangue par
trois vigoureux coups de silHet. On devait l'entendre jusqu'à
l'autre rivage, où nous tenions les yeux bxés. Peu de leinps
après, nous aperçûmes venir à nous et s'avancer sur le fleuve,
tanlôl disparaissant dans des profondeurs invisibles, tantôt
franchissant les blocs de glacé en bonds lormidables, un ani-
mal énorme, inconnu, étrange, la cbiiiière de Lycie, ou le
dragon de l'Apocalypse, ou le monstre marin évoqué par Thé-
sée, à la vuedilquei les coursiers d'Hippolyle prirent le mors
au.\ dénis. Ce monstre-ci avait pour le moins, autour de ses
larges lialics, dix bras et vingt jambes. Il glissait et cbemi-
nait, montant, descendant, traçant des zigiags, comme eut
fait un gigantesque insecte aux mille pieds. Kassurés par la
promesse du pilote, nous regardions curieusement cet objet
singniier, être ou machine, app-^lé pour notre délivrance. Feu
à peu nous distinguâmes ses membres ou ressorts, et nous
reconnûmes enfin ce qui le composait. Le corps du monstre
était une barque ronde et plate, portée non sur une seule
quille centrale, mais sur deux bandes de fer latérales sem-
blables aux patins d'un traîneau. Cinq longues traverses en
bois étaient fixées par-dessus ses bords, cpielles dépassaient
d'un mètre ou deux, et dix hommes, attelés en deux troupes
égales sur les flancs de cet étrange véhicule, le poussaient en
cadence, combinant leurs elToits par des cris mesurés. Us ar-
rivèrent ainsi jusqu'à nous; et lorsqu'ils eurent fait pivoter
leur machine à deux fins, ils nous invilèrenlà y prendre place.
Nous allâmes de nouveau former nngronpe intéressant et pit-
toresque, assis sur nos bagages au centre de la galère, à la-
quelle nous tachions de donner du lest par noire poids bien
équilibré. La chiourmc reprit son pnsle. Ayant tordu leurs
pantalons, qui ruisselaient d'eau glacée, el essuyé leurs fronts,
qui ruisselaient de sueur, nos dix rameurs s'attelèrent de nou-
veau, chacun à sa perche, qu'ils portaient contre leur poi-
trine el sur leurs bras croisés, à la manière des vignerons au
pressoir. La bêle aux mille pieds se remit en marche. Elle al-
lait avec lenteur, avec prudence, el toujours à la mesure
d'une bruyante et discordante musique. Lorsqu'il s'agissait
de frauehiV un bloc de glace dressé devant nous, la barque
devenait traîneau, et nos dix hommes, bien cramponnés sur
leurs vingt jambes, le hissaient à force de bras et à l'aide de
ses patins ferrés ; puis, lorsqu'il fallait, à la chute du glaçon,
passer un petit bras de fleuve pour gagner un autre, banc, le
traîneau redevenait barque ; el alors, s'accrochant par les
mains à leurs bâtons, nus pauvres marins d'eau douce se
laissaienlemporter par la secousse donnée, pendus dans l'eau
jusqu'à mi-corps. El ainsi, tantôt traînant, tantôt traînés,
tanlôl escaladant les glarcs, el tanlôl submergés dans les Ilots,
ils recommençaient alternativement leur agréable exercice.
Certes, si les anciens Grecs eussent connu celte manière de
passer un fleuve au dégel , ils auraient pu singulièrement
améliorer le supplice de Sisyphe. 0" est-ce, au prix décela,
que rouler un rocher sur le flanc d'une montagne'?
Nous avions commencé, avant midi, notre voyage nauti-
que; nous descendimes sur la berge à la tombée de la nuit.
Là nous attenilait, avec une bonne calèche, M. N., dirccleur
des postes de la province, homme de cd'iir excellent et d'es-
nril distingué, cliel d'une nombreuse et belle famille, excel-
lente et distinguée comme lui-même, et dont la maison bos-
piUilière est une véiit.iblc oa^is cpie la providence des voya-
geurs a jetée au miliiMi 'lu désert qui sépare Sabit-i'étershoiirg
de Berlin. Obligés d'altendi\i la oébàcle pour que nos éipii-
pages vinssent nous rejoindre à Tiisit, nous avions au moins
deux ou trois jours de loisirs forcés à remplir. Or, je vous le
demande, qu'est-ce ipii remplit le mieux en ce monde des
loisirs forces? assurément une partie de chasse. Il fallait donc
clias«er tout convaleseenl que je lusse, et fort brisé d'un si
rude voyage. Je priai mon hôte de me donner ce plaisir, on je
Voyais aussi un puissant moyen de guérison. « Hélas ! iin^
dit-il ton' désole, pourquoi faut-il que vous me demandiez
juslemenl ce qui n est pas en mon pouvoir! — Cepen lani,
rcpris-je, vous avez des élans dans votre voisinage, el ce
sont, je le sais, les derniers que l'on rencontre en revenant
du nqfd au midi. — Sans doute, répondit M. N., notre roi en
a un grand trimpeau parqué dans un de ses domaines, iineile
boi^ée à l'enihouclinre du Niémen, et je pourrais même vous
obtenir la permission d'en choisir un au milieu de ce trou-
peau, Maisl'ile est fermée par les glaces mieux (jue notre port,
el votre attelage de tantôt ne poiiiiail pas pousser jusqiie-l;i
sa barque à patins. — Eb bien ! de^ sjn^lin,, ilrs chevreniU'?
répliqiiai-je, obstiné dans mou iili'e — Nm^ en avons aussi,
me dil M. N., et que nous cbasserioiis >aiis permission ; mais
ils habitent naturellement les foiêls, el nos torêls sont lonles
situées en Couriande, au delà du fleuve. Vonlez-vous le tra-
verser encore, sauf à ne pmnoir levenir de huit jiuirs? Pour
moi, je ne puis quitter si longtemps ma maison el mes allai-
res. — En ce cas, chassons des lièvres, dis-je à M, N.; il y
en certainement dans vos plaines. — Oui, répondil-il, ci
beaucoup; mais tachasse est fermée depuis buil jours. —
Alors, repris-je, baissant buijoiirs mes prétenlitns, nous
avons au moins les oiseaux de passage'? — Nous avons, ré-
plii|ua-l-il, c'est-à-dire, nous aiuons. Vers une ou deux se-
maines, les bécasses commenceront à paraître dans nos tail-
lis, et les canards dans nos étangs. Les bécassines seront
pent-élre arrivées un peu plus toi dans nos marais; car déjà,
m'a-t-on dil, quelques petites sourdes mit été vues voltigeant
sur les joncs desséchés, et les vanneauv, cette avant-garde
ordinaire de tout le gibier ein|ilumé (|ue le printemps nous
ramène, commence à faire entendre son cii mélancolique,
tandis que la maigre cigogne porte déjà an haut de nos clo-
chers les branches sèches qui feront son nid. — Enfin, m'é-
criai je, pour couper court à loiile objection de mon hûlp
sage el prévoyant, chassons ce que Dieu nous enverra : bé-
cassines, vanneaux, ramiers, grives, alouettes, qiloi que ce
soit ; mais chassons.» Et le lendemain malin, après avoir pris
le café avec une bonne tranche de bœul salé de Dantzig, en-
tourée de clioucrouteet assaisonnée d'un verre de vin du Uhin,
nous nous mimes en campagne à la grâce de Dieu.
J'avais dû enfoncer mes jambes amaigries dans de longues
bottes de marais qui montent jusqu'à la ceinture; et ne me
piquant point de tirer les bécassines à balle franche avec une
carabine cannelée, force m'avait été de prendre un lourd fusil
de très-gros calibre (n" 10), que j'avais porté an bord de la
Neva pour les grandes chasses de l'Iiisii. |-| p.iurtanl, pen-
dant plusieurs heures, sous la rosir ( niiiiuii, ih' d'une pluie
fine et froide, nous arpentâmes des Iriiidi ^ hei i>sees de brous-
sailles, des terres fangeuses, des niai ecagcs inondés, avec une
persévérance et un courage qui méritaient la plus éclatante
récompense, 0 injustice du sort ! ô déceptions de l'espérance!
ô dures épines de la vie! quand nous retournions à Tiisit
vers le soir, la tête penchée sous le poids de la tristesse et de
nos casquettes imprégnées d'eau comme des éponges, je me
rappelais involontairement le classique apologue d'Horace. —
Parturiutil montes, me disais-je; ce qui signilieen bon fran-
çais : On brave les difticullés d'une longue et pénible route;
on voyage sur patins et sur roues, à travers la gelée et le dé-
gel, la neige et la boue, les juifs et les douanes, on passe des
fleuves sur un radeau llotlant, sur la glace fondue, en bac, en
barque, en traîneau ; on touche à l'Allemagne, la terre pro-
mise des chasseurs; on chausse vile ses bottes de sept lieues,
on prend sur son épaule un canon de 48; dans l'eau tombée
et sous l'eau qui tombe, on marche, on marche, on marche...
et puis, nascituT riilivulus mus, un chasseur d'élans et d'ours
rentre triomphalement au logis... avec une sourde.
II,
Nécessairement j'avais une revanche à prendre, et ce ne
pouvait être fi Tiisit, Aussitôt que les glaçons qui faisaient le
Idociis de cette ville eurent enfin levé le siège, et que nos
bagages purent traverser le fleuve, nous partîmes en toute
bâte jiiiur Berlin. Ni Kanigsberg, la docte cl libérale patrie
de Kaiil, ni Elliiiig, si animée par le commerce et l'indus-
trie, ne pouvaient retenir un sent jour, une seule heure, no-
tre imiiatient désir de rencontier enliii la iiai^Muile venliire
el de sentir le premier souffle du priiileni|is. L'uiilijiie (disla-
cle à une prompte arrivée pouvait se trouver an pied de l'an-
tique l't iiiaje;,liienx château qui' les chevaliers tentons élevè-
rent à .Miirirnboiiig, où la Vislule, à l'époque des débâcles,
emporte qiie!i|iiel'ois les digues qui resserrent cl contiennent
son lit. MaU lieiiieusemeiil les glaces, rompues par le dégel,
s'étaient laissé traîner paisiblement jusqu'à la Baltique, sans
révolte et sans coinbat.
C'était plus loin, en remontant le cours du fleuve, que
grondait l'insurrection, el dans les sombres nouvelles que le
flot nous apportait des deux capitales de la Poloune, nous
eussions cru entendre la parole désespérée de Kosciuszko à
Macijovice : Finis PuUmiw'. si nous ne savions ipi'un peuple
est toujours immortel quand il croit en lui et en Dieu.
A Vienne, j'ai, comme on dit, une providence; c'est le
prince F. S., qui, dans son château de Jlarienllial, en Hon-
grie, sur le flanc des Karpatlies, ma donné la franche el cor-
diale hospitalité du chasseur. A Beilin aussi, j'ai ma provi-
dence prussienne, le cou. te de U., qui m'a ouvpil avec une
égale hienvelllaiiee son château et ses forêts de Lancke C'est
sur lui iiue je complais |i(iur efl'acer par quelque aition A'i'-
clat ma nnntense déroute de Tiisit. Il ne trompa point mon
espoir, et, bien reconiniandé à l'inlendanl de ses domaines,
je pris un beau soir celle roule déjà connue, aei ompagné
d'un ami, d'nn fidèle co-npagnon de mes eh.ivses en liiissie,
que d'heureuses circonstances m'avaienl fait retninver à Ber-
lin. Le vinage fut court, car les deux tiers du trajet se font
par le chemin de b'r de Sietlin, qui lie maintenant Bolin à
son port de mer. comme fera pour Paris le chemin du Havre,
el qui, terminant la grande ligne de l'Océan à la Baltique par
Bruxelles el Cologne, pour dioiuci II main à la navigation
régulière par la vapeur que vieniieiil d'établir les Busses einre
Kronstadt el Stellln, mettra bientôt Sainl-Pétersbourg à six
jours de Paris.
La chasse préparée pour le lendem.ain s'annonçait sons les
plus sinistres augures. D'abord nous avions passé chez l'in-
tendant du comte une nuit pleine d agitation el irair^oisscs.
Non pas que l'orage el la tempête eussent déchainé sur nous
leurs fureurs, ni que l'incendie, aux lueurs sinistres, nous
eût ouvert les yeux en sursaut; mais nous aviims dormi... je
me trompe, couché dans de vrais lits prussiens. Vous ne sa-
vez pas, ami lecteur, ce que c'est qu'un lit prussien? il laut
alors que je vous l'apprenne. Un lit prussien n'a ni somnier,
ni matelas, ni draps, nicuuveitnies. Eté connue hiver, leson't
deux étioils et courts lits de plume qui le composent, enler-
més dans des espèces de grandes taies d'oreiller; l'un dessus,
l'antre dessous. Pour se coucher, il faut se glisser prudent
ment entre les deux, puis s'y Imir coi, tapi, immobile et bitn
recroquevillé; sinon, au moindre mouvement, le lit d'eu
bani roule à coté du lit d'en bas, ou tout au moins les pieds
passent, et, en se déeouvranl ainsi, on court risque d'attra-
per des douleurs rliiimalismales, si rc n'est une fluxion de
poitrine. Elletlivenient, pressé, enfoui, suHoqué entre ces
deux montagnes de plumes, le patient est moins dans un lit
que dans une étuve, dans un bain de vapeur, et s'y trouve ex-
posé à une kyrielle de maux égale à celle dont le colériuue
M. Piirgon menace ce pauvre M. Argan, lntns|iiiation, pal-
pitation, sull'ocation. lièvre, cauchemar, asphyxie. a|ioplexic,
paralysie, catalepsie et privation de la vie. C'(4l en tout cas le
plus terrible sudoriliqiie que je connaisse. Onaiid iMiM. les
geiililshomines du (ui/' veulent maigrir un jockev de coiii.se,
ils feraient mieux vraimenl de l'enterrer dans un" lit prussien
que snus une couche de rumier. Ce serait aussi ellicace el
pins propre.
Aflaibli par cette orageuse nuitée, au moins autant que
par quatre mois de maladie, je pouvais à peine, en me levant,
soutenir le poids de ma carabine. Heureusement que je n'a-
vais aucun besoin de mes fortes. Nous allions commencer
par une chasse (|ui ressemble aux lits de Prusse, en ce que
ceux-ci ne ressemblent à nul aulre. C'est une chasse qui ne
se fait ni à pied, ni à cheval, mais en voiture. Chasser aiiifi
se nomme iifiischen. Dans un petit char-à-bancs à quatre
roues, traîné par deux cheVaux et conduit par un cocher qui
occupe le sléee de devant, deux tireurs, assis sur le siège de
derrière, de façon à te que chacun veille sur un des côtés, se
fout nunclialaimtient charrier à travers bols, sans prendre
d'autre piccaulion que celle de ne pas parler trop fort. Il est
même pei mis de fiiiner. et de battre le lu iquel pour allumer
sa pipe. t.iiie deviendrait un Allemand s'il eiail séparé deux
heures eutièi es de cette chère et |ieiiiétnelle compagne de sa
vie! Malgré le grincement des muts sur l'essieu et le bruit
des branches ou des l'enilles sèches qu'elles ccra.'enl, toute
celte grosse, lourde et bruyante machine fait moins peur aux
animaux sauvages que la vlie d'un seul homme niarcliunl à
pas de loup. On approche aisément ainsi, à bonne poilée de
balle, les cerfs et les chevieuils, ce que les Allemands nom-
ment le gibier rouge-, car \cyitiier miir (les sailiiliers), beau-
coup plus farouche el mieux avisé, se lient huit le |our dans
des fourrés impénétrables à toute espèce de véhicule, fût-ce
celui qu'inventa le grand Pascal, une simple biouelte.
Celle chasse est assui énienl l'une des |ilus agréables qui se
puissent faire; elle a tout lattra i d'une quête pleine de n uu-
vement et d'activité, sans en avoir la fatigue, et tout le
charme d'un aflut, si agité des doucis angoissis de l'espé-
rance, sans avoir l'ennui de l'immobilité. Elle est d'ailleurs
fort productive, et plus sûre peut-être qu'aucune aulre. Pour
nous, loulefois, le pftischen se réduisit à une simple prome-
nade; et c'était déjà un plaisir délicieux que de parcourir,
par un temnsdoux, sans neige el sans l'i imas, des foièts pres-
que semblables aux nôtres, où, près des arbres du nord, les
bouleaux el les pins, croissent le chêne, le hêlie et l'ormeau.
Nous avions d'ailleurs les émotions de la chasse. Mais nous
ne pûmes trouver l'occasion de placer une seule balle. Ce
n'est pas que le gibier manquât; au contraire. Il était nom-
breux, et nous rencontrions souvent les cerfs et les chevreuils
par petits troupeau.v. Ce n'est pas non plus. Dieu merci, qhe
nous fussions inatlentifs, bavards, lourds el empêtrés coiiiine
des ellas^ellrs de bricole. Non vraiment, nous tenions la bou-
che close mieux que des trappistes, les yeux ouverts comme
lépervier qui plane sur sa proie, et la main alerte comme le
chat qui va lancer un coup de grille. Oui, messieurs les
rieurs, et si nous passâmes la matinée entière sans licii abat-
tre, sans rien tirer, ce fut unii]uemenl par excès de galan-
terie.
Loi'is VunnoT.
{La fin à un prochain numéro.)
l<a Perse.
En dépit de la fréquence et de la gravité des accidents sur-
venus sur les chemins de fer, depuis leur récenle création,
leurs rails gigantesques ont envahi l'Europe. La longue paix
dont elle jouit depuis trente ans a propagé tontes les indus-
tries, multiplié les Iransaclions commerciales, elles voit s de
communication qui en ont été à la fois la tause et la consé-
quence, ont établi entre les peuples des relations toujours
croissantes. Si l'on y ajoute cette fureur de locimiotion,
celte :irti\ilé lirûlante, ipii se sont emparées aiippurd'bni de'
Ion les e>|,i Ils, on eoniprendi a ipie riiiimense réseau ipii s'é-
tend lie |i!iiseii phis sur 1(111- les points de notre vieil Occident
inen.iee d'envahir jusqu'à l'Orient,
An siècle (leiiiier, on voyageait peu. Le téméraire qui re-
venait de Moscou ou de Constantinoplc était recherché
Comme un personnage intére'isant. Ses poches semblaient
remplies d'aveiilmes in:iiiu»ei lies, et sa mémoire devaitêtre
ampliMiient garnie iraiiecilules piquantes sur les niœiirs dés
boyarils on le fanalisine des Turcs.
Niais la civilis.ilion, celle grande corruptrice du caractère
national, qui >'esl longleinps passée de chemins de fer eln'en
use aujourd'hui que imiir achever sou oiivraL'e, a rapproché
tons les peuples. Les I nsiuiii' s ii'huI plus quiMles nuances
légères, les mu'uis se .li-nii-ueni ;i yi-ww les nues des autres,
un langage unique s'iinpn-e il,, plus ..n plus, et il n'y a pas
jusqu'à la religion, cet abiiiie sans fond, qui a si longtemps
séparé les nations, qui ne tende à se combler el à livrer pa.<-
sage au progrès. Car c'est ainsi que l'on est convenu d'appe-
ler cette teinte uniforme el monotone qui s'étend de plus en
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
plus sur la surface du plobe.
Grâce aux clieniins de fer, la
France n'aura InenlM plus de
provinces ; la Belgique est à
Bruxelles. L'unilé allemande
existe de fait par les grandes
jonctions ferrées de Munich à
Berlin, devienne à Cologne. Le
Kremlin et Cronstadt se lou-
chent. L'Ilalie, celte terre pri-
vilégiée, si chère aux poêles et
aux artistes, qui devança l'Eu-
rope du qiiiir/.ii'iiio sif'cie, clic
veut la siiivii' aujouiiriiui. \'e-
nisc n'a pins ili> la^uDes ; Klo-
renccs'i'sl r;q)pi'(ii-lii''i' ilr l'isc,
qui esti'lli'-iiii'nic. ilcvciiiii' |iiirl
de mer. Nuplis a drs l;cii!ii>ni;;>
maintenant ipii s'clriidi'iit jus-
qu'à Castelliunaiv .1 Siu iviili-.
Pie IX, le |)a|"' ^fiii'ic'ii\ i\
libéral, a iirujiiis ilr.v niils-iiini
à son peuple enthousiasmé.
Pauvres poêles el pauvres
peintres, vous qui nous succé-
derez, k qui emprunterez-vous
vos sujets ? où irez-vous chei-
(Maisoc ie Hussein-Khan, à Tabriz.)
dont ils ont menacé la Chim-.
et qui suit partout leur dra-
peau.
Parmi ces pays, le. plus re-
marquable est la Perse. Son his-
toire, qui se lie aux faits les
plus reculés, ses conquêtes, ses
arts, sa littérature, sa religion,
tout contribue à le rendre
intéressant. Limitrophe de pays
barbares , envahi par les apiV
tres armés du prophète Korei-
cliylc, saixagé par les hordts
tartares de Tchenghis el de
Timour, vingt fois abattu, il se
releva vingt fois et resta, dans
ces temps modernes, le pays
le plus civilisé de l'Asie,
comme il avait été, dans l'an-
tiquité, le plus fort et le plus
glorieux, depuis son aiïran-
chissement , sous le règne de
Cyrus.
" Au voyageur étonné qui vient
de traverser les désens pials
de la Mésopotamie ou les mon-
tagnes âpres et sauvages de
Géorgien. Khan géoi
^^umvaieiir.
cher vos inspirations? Hugo, où Irouveras-tu
des orientales à chanter? El loi, infortuné Ro-
bert, si lu étais resté parmi nous, dans quel coin
de la chère Italie , dis-nous, aurais-tu trouvé
encore les motifs de tes ravissantes composi-
tions ?
Vos muses sont travesties. La langue froide
et souvent égoïste de la politique a remplacé
les accents mélodieux de l'une. L'autre, cou-
verte de deuil, a jeté son tambourin et ses
castagnettes, sa tleur cl sa robe écarlale bro-
chées d'or, pour revêtir le sombre costume qui
convient à la forge enfumée.
Grâce donc au raii-ujai/, infernal trait d'u-
nion qui, de tous les peuples, n'en fera bien-
tôt plus qu'un, la nationalité se perd, l'origi-
nalité s'elface, et lout tend il s'uniformer.
Les dislances autrefois s'évaluaient par
des unités assez longues. 11 en faut dix aujour-
d'hui pour remplir le même espace de temps.
C'était la lieue parcourue en une heure.
Maintenant, non content de nous faire par-
courir dix lieues dans le niêine temps, on nous
menace de nous en faire parcourir dix-
huit.
Multipliant par ce chifl're les affaires, les
voyages, tous les actes de notre vie dépendant
de la locomotion , on arrive à ce résultat pa-
radoxal qu'en vivant dix-luiil fois plus vile,
nous aurons vécu dix-huit fois plus. Puis, jetant
audacieusenient ce défi à Uieu , aux hommes,
aux machines à vapeur, abandonnez-vous au
progrès, contiez votre vie, sans réfléchir, l'hé-
sitation n'est pas permise, h l'adresse d'un
mécanicien et à la probité équivoque d'un
spéculateur , chaque tour de roue vous
fera gagner du temps, jusqu'à ce qu'un
choc, un déraillement, ou la chute d'un viaduc vienne comme
la foudre arrêter votre élan. Alors vous êtes plongé, noyé
dans un marais ; votre corps, broyé avec la machine, les voi-
tiu'es et le charbon, carbonisé inslanliinémcnt, n'est pas même
reconnaissable. Et pour avoir voulu dépasser les limites niar-
quées par la Providence à la vie qu'elle vous avait destinée,
vous l'avez abrégée, sans nécessité, sans profit pourpersonne,
sans gloire pour voire pavs.
Parlez-moi de l'Orient ! i la bonne heure ! Là on se sent
vivre, on vil réellement. Avec un beau ciel, des mœurs fa-
ciles et simples, on a peu de besoins; partant, on se hâte
peu. A cheval ou sur la bosse d'un chameau, l'homme d'O-
rient, rêveur el contemplatif, s'en remettant à Dieu de son
existence, atteint tranquillement, du pas modéré de sa mon-
ture, le but de son voyage, mais il arrive. Peu pressé d'ar-
river, il l'est encore moins de repartir. Il attend, en priant,
l'occasion, la bonne ou la mauvaise fortune. Sera-t-il heu-
reux ? ses projets, ses désirs seront-ils réalisés ? Dieu le sait.
Avec celle résignation vraiment philosophique elqui renvoie
à Dieu tout ce qui vient de Dieu, l'homme d'Orient n'éprouve
]joinl de ces déceptions qui font prendre en dégoût la vie el
ses semblables. Calme, modéré dans ses désirs, sans folle
ambition, le repos est son goût dominant. N'esl-il pas plus
heureux? Aura-l-il moins vécu, parce qu'il aura vécu da-
vantage avec lui-même? Pourquoi donc parler de civilisation
à ces gens-là? Que veut-on leur porter en leur donnant le
piogrès? Qu'y gagneront-ils?
Le voyageur avide d'impressions nouvelles, curieux de
pays qui ne ressemblent pas à ceux qui composent la grande
famille européenne, devra aller bien loin maintenant pour les
trouver. Il faudra, qu'abordant auxrivages orientaux, il s'en-
fonce dans celle Asie où les traditions antiques, la vie pas-
torale et le fanatisme religieux maintiennent encore une cou-
leur locale qu'il n'a pas, jusqu'à ce jour, été donné à la va-
peur d'effacer.
Au centre de l'Asie, sont des contrées peu accessibles,
éloignées du littoral de l'Océan ou de la Méditerranée, que
de vastes déserts el d'impénétrables chaînes de montagnes
protègent contre les envahissements de la civilisation. Là les
baïonnettes n'ont pas encore forcé ces barrières naturelles,
la politique astucieuse des diplomates n'est point parvenue à
aliéner entièrement à leur prolil la nationalité des peuples
qu'elles protègent. Le Pinjab, l'Affghanistan, la Perse, sont
encore des pays neufs nui se défendent contre les atteintes du
poison corrupteur que les Européens ont importé dans l'Inde,
l'Arménie , Ecbatane , Suze et Pcrsépolis ,
montrent encore les restes de leurs palais et de
leurs temples, leurs innombrables bas-reliefs,
au pied desquels Alexandre s'arrêta respec-
tueusement.
A cette époque, la Perse vaincue s'assoupit
sous le gouvernement des Arsacides. Bientôt
elle se relève avec Ardechir, et, resserrée dans
ses anciennes limites, elle parvint à les éten-
dre encore. Elle s'oppose aux envahissements
des Romains, et le triomphe de Sapor, vain-
queur de Valérien, atteste, sur la roche .sculp-
tée , les efforts qu'elle lit pour reconquérir sa
gloire passée.
Mais le fondateur de l'islainisme avait jeté
le fourreau de son glaive à deux tranchants,
el sa bannière victorieuse vint se planter sur
la tombe de l'inforluiié Jezdidgord, dernier
prince sassanide.
Ce fui le point de départ d'une ère toute
nouvelle pour la Perse. De gré ou de force, les
autels du fei furent renversés, la religion de
Zoroastre fit place à celle de Mahomet, et la
Perse, musulmane sous le régime des sultans
de Ghizné, entreprit sa régénération. Le goût
arabe introduit alors, comme l'avait été jadis
celui des Grecs, les arts se modifièrent, la
littérature se transforma et les mœurs se pliè-
rent aux exigences du Koran.
Peu après, fatiguée du gouvernement des
Attabeks el des pelils princes qui s'étaient
partagé l'héril.ige de Timour, la Perse, tra-
vaillée par des (lonles religieux, en vint à l'hé-
résie.Un t^ramlscliiMiir s.' ioiiiia.el un religieux
entrcp .ml .iiiliiiil iiir.iiiiliilienx. soulemipu-
des S'. I ileui> ;iii-M ili'N.més (lu'.irilenls, s en
fit 011 levier puissant, pour .-oulever de
sa base et renverser, au nom d'Ali, tout l'édifice que les
successeurs d'Omar avaient élevé sur les ruines des temples
guèbres.
Désormais, entre les Persans devenus schyitesel les sunni-
L'ILLUSÏRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
tes, s'éleva une Lanière infran-
chissable que la haine religieu-
serouçissait naguère encore du
sang des uns et des autres.
Le chef de celte grande sec-
te, qui devait maintenir l'équi-
libre entre les deux croyances,
comme entre les deux nations,
Chah Isniaël, fonda une nouvelle
dynastie de princes dont le rè-
gne jeta un grand lustre sur la
Perse moderne. Plus brilliinlp
alorsque jamais, elle se couvrit
de superbes mosquées, de palais
magnifiques; des édifices dé
toutes sortes embellirent les
villes. Ispahan devint le foyer
de cette renaissance, et les sou-
verains qui en occupèrent suc-
cessivement le troue la couvri-
rent de ces monuments admi-
rables qui lui ont conservé le
premier rang parmi les cités
orientales.
La puissance et la grandeur
de la Perse sous le règne des
Sophis ne put la sauver. Atta-
quée par les AITghans, qui s'en
emparèrent, agitée par des dis-
sensions, remuée par des fac-
tieux qui prétendaient à l'hé-
ritage de ces princes, elle vit
bientôt, maigre la gloire mili-
!
^1
^fe
f
Il
^Sîè
(TriJne de ielli-Ali-Cliah a Teberan )
taire de Nadir-Chih, s'affaiblir
son unité nationale. Sans cesse
partagée par les rivalités de
ceux qu'elle se donnait pour
chefs, la guerre civile lui laissa
peu de loisir pour édifier de
nouveaux monuments, ou mê-
me pour conserver ceux qu'elle
devait à la magnilicence de ses
anciens monarques. Le siège
du gouvernement, suivant la
fortune ou la tribu de celui
qui l'occupait, se trouva fré-
quemment changé. Transporté
d'Ispahan à Chiras, et de celte
ville à Téhéran, où il est resté,
ces revirements, qui n'eurent
jamais lieu sans beaucoup de
combats, furent la causedu dé-
péris.sement des arts et de l'in-
dustrie. Les mœurs s'en res-
sentirent connue les édifices,
et le découragement abaissa
les unes de même que l'aban-
don laissa les autres tomber en
ruine. La Perse aujourd'hui,
sous le règne de Méhémet-
Chàh, n'est plus que l'ombre
incertaine et déchirée de ce
qu'elle fut au temps du grand
roi Cliàh-Abbas. Mais tout ce
qui reste oncoredesmonuments
et des arls de cette époque
suffit néanmoins pour en faire un des pays de l'.Vsie les plus i du nord, celhi du centre cl celle du sui. Le cliinil de ces 1 du pays , offrent une grande variété dans chacune d'elles.
policés et les plus intéressants à étudier. 1 trois zones dilîère beaucoup. Leurs populations ont des nuan- La zone septentrionale comprend les provinces de I Azerbaïd-
Ce royaume se divise en trois zones bien distinctes : celle | ces très-tranchées. El les productions du sol, comme l'aspect | jan, du Ghil an, du Mazendran et du Kliorassan. Leur climat,
>iO
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
l'hiver, est rigoureux, surtout duus l'Azerbaïdjan, où la neige
tofiilie en ab )nildnoe. Ces provinces sont les plus peuplées
tic. la l'er-ie, il l'exception Ju Kliorassan, où se trouvent de
grands déserts salés. ,,.,,. i
La zone du centre comprend les provinces de I Irak-Ailjem,
du Kurdistan persan et du Kerman. Là, les saisons uIVrent
des vai'iiitidiis hieii moins sensibles que dans le Nord ; I été
n'a iioiiit (le ebaUiir iinupiiortalile, et l'hiver est sans froid
rigoureux. Ispahan est la cipilaln de l'Irak, et c'est dansée
centre quose trouvent iass.'iiihl.'>lr- III imenls les plus beaux
de l'art persan. Le lvmii;iii, r,i .i.m !r |,;„ tir (l.'snUdd une
aridité une la population m ■m.' m: l.'.uiiilnail pas, ne pré-
sente rien de remarquable, si ce n'est la ville dun.cine nom,
où se sont conservées quelques fabriques d'éiolles qui ne sont
pas sans valeur. . , ir r.
La zone qui s'étend ausud, et jusqn au rivage du goUe Her-
siquc, se compose du Lavistan, du liais, du Louvislan et de
l'Arohislan. Cette contrée, qui est occupée par de hautes
montagnes entre lesquelles seipeiiteiit des vallées arrosées par
de ihreiix loirenl., e.l liiibilée p,,i- île- Inims .le pasteurs
nom.»l(« porlaiil iliileinils ^, mais qni >r|He-eiileiit tou-
tes l'antique popiilalimi p.Tse, relie ,1'nii snilitCj.us celle
qui tient encore souvent de nos jours dans ses mains e sort
(les souverains qui régnent sur ce pays. La zone du sud porle
le nom de quermsir, ou pays de la chaleur, nom parfaite-
ment justifié par l'élévation de température de son cliniat, et
par les vents brillants qui régnent l'été sur la côte, où ils de-
viennent souvent mortels.
Depuis l'avènement au lr6ne de la nouvelle dynastie Ibn-
dée par Aga-Mohainet-Klian, de la tribu des Kadjiars, les
princes qui ont régné sur la Perse se sont bien rarement mort-
, très aux populations méridionales, dont ils ont toujours re-
douté l'esprit turbulent, le courage entreprenant et les tra-
ditions qui ont conservé parmi elles l'esprit de domination.
Aujourd'liui conbné au territoire occupé parla puissante tribu
dont sa famille est issue, Méhémet-Chàb tient sa cour à Té-
héran, d'où il sort peu, et qui, depuis cinquante ans, a ac-
quis une importance plus grande.
Les principales villes de Perse sont Tabriz, Zendjàn, Cas-
biii, Téhéran, Komii, Kactian, Ispahan, Meched, Kerinan,
Jezd, Himadan, Kermanchilh, Cliiraz, Boucliir, Schoucbter
et Bender-Abbas.
Tabriz, capitale de l' Azerbaïdjan, est une très-grande ville
assise au milieu d'une contrée couverte de ruines causées par
les tremblements de terre qui s'y font fréquemment sentir,
et cette ville, plus que les autres, en a soutlerl cruellement.
Elle est située au fond d'une grande vallée qui s'étend jus-
qu'au lac d'Ourmyab. De nombreux et grands jardins l'avoi-
sinent; on y récolte beaucoup de fruits, de toute espèce, au
dire du chevalier Chai'dih, qui la visita il y a deux cents ans;
sa population était alors de SOU,Ol)0 âmes. Depuis les guer-
res avec les Turcs, les tremblements de terre et la peste l'ont
tellement réduite, qu'elle s'élève à peine aujourd'hui à
60,000.
En général la ville est bien bâtie; ses maisons basses, per-
cées de belles et larges fenêtres aux vitraux de couleur, ont
un aspect original et varié qui ne manque pas de goût. Parmi
elles se distingue celle qu'habite un des grands personnages
de Perse, lliissein-Khan, le même que l'on vil il Pans en
ISj!) (voir la gravure). Les mosquées n'oll'rentrien de remar-
quable. Celle qui dut être la plus belle a été presque rasée
par un tremblement de terre, et c'est à peine si ce qui reste
de son portail et de ses émaux de couleur peut donner une
faible idée de ce qu'elle fut.
Tabriz est la ville la plus commerçante du royaume ; elle
possède des fabriques ; de nombreuses caravanes qui peu-
plent les caravensérails y apportent les produits de la Chine
et de l'Inile, ceux du mi'di de la Perse, de la Turquie ou de
l'Europe. Dans ses bazars règne une très-grande activité due
au commerce de transit qui s'y fait sur une assez grande
édielle. C'est de là en clïet que les marcliandises de France,
d'Angleterre et de Russie, pénètrent au centre de la Perse;
comme c'est par lii aussi que sortent pour se vendre à Stam-
boul tous les objets de fabrique orientale.
Kn mirchant de Tabriz vers la capitale actuelle, Téhéran,
on rencontre successivement Zendjàn etilashiii. L;i ineinièii',
qui semble avoir eu autrefois une iiii|iHi:nire |ilii> li inl ■.
est aujourd'hui réduite il des pruportimis Iml iiiiideslis. [AU:
possède néanmoins les restes encore imposants d'un [lalais,
dont les lambris, tous d'or et de glaces, ainsi que les com-
partiments de marjuterie, le disputent d'élégance aux pein-
tures et aux vasques de marbre blanc sculplé.
Dans le voisinage de Zimi Ijàn, on voit debout, au milieu
d'une vaste plaine, le mannilique et large dôme de Sulla-
nyeh, dont la banliesse fait bonneur à l'art des architecte s
persans. Cette bslle coupole, autrefois recouverte d'émaux
azurés, et accompagnée de minarets, est à peu près dépuuil-
lée de ses ornements, et ne présente plus que les briques
dont elle a été faite; elle recouvre un sanctuaire dans lequel
repose hi cendre d'un prince dont le nom doit sa conserva-
tion au monument seul , Chiih Ivodah-Bendeh {voir la gra-
vure). , .
Casbin est une ville de 30 ,à 40,000 fîmes, avec plusieurs
belles mosquées et de visles medressèhs, ou collèges. Les
b.izars y soni ii. --^j. n ieii\, et les citernes où l'on conserve
les eaux pliiviiil'. |i un ii i umiiiiule, sont des monuments
remarquables .le lu |.,v\..\..nie .les habitants. Les fues y simt
larges, et h.MU.'.iii|i sont plantées d'aibivs. Parmi les é hli-
ces qui m.^ritent dètre cités, il faut cmniiler le timilMMii ilii
saint I.iiaiii-lliiss.MU, huit brillant et reipl.'inlissanl il.' liMuail
qui le .■ ,n!.'. A p "i .li' ilisl.ini- .le ('.:isliiii, Trliéian inimtre
sou e.i.- .'I I s . I.riis .■léiiel.M's, iMi avant il.'s.pii'lles s'ou-
vrenl.l.' L..-.'. l'.-~.', l)ii..iin.' .■.II.- \ill.' ii.' s.iil pas très-
Vdste, elle a on iisp.'cl .1.' eiipll.il.', .■! le ni.Miv.Mii.iit .le la po-
pulation nomhieiis,. qui s'.i;;il.> ilaiis ^es loiiis tr..|. ii-siTii'S
prouve bien l'aggluMiiiiatiuii iriialiitants que le séj.mr .lu iii.i-
iiaraue y attire. Cet aspect cess... quand vient l'été. Alors l'air
est insalubre, les eaux se corrompent, une aimospbcre mor-
bilique plane sur la ville, on les malades abondent. A cette
éiiojue le chiili émigré, avec toute sa cour; il va planter sa
lente dans les gorges du Schimrdn, et toutes les familles que
rien n'attache aux murs de Téhéran, ou que la misiue n'y
retient pas malgré elles, suivent ce mouvement pour aller
demander aux ruisseaux de la montagne et à ses pentes ver-
dovantcs un air plus frais et plus salutaire. Les monumenls
les plus di^n.'S d allention à Téhéran sont dus au règne de
F.lli-Mi-Chàh, grand-père du roi actuel. Ce prince, dont les
prodigalités lui ont fait ii l.irl il.inner le litre de Grand, répan-
dit l'or autour de lui il.m- l'.l.i précaire où se trouvait déjà
la Perse, et malgré les il.|M..iin.s .!.■ l'Inde donlNadir-Cliab
avait enrichi lotrésor r..v,,l, I.' luxe d.' Feth-Ali-Cliah et celui
de ses nombreux enfants ne pouvaient se soutenir qu aux
dépens de ses sujets, sur qui pesaient des impots onéreux.
'Cependant, au milieu des ruines dont se couvrait la Perse
dotons cotés, il faut savoir gré i» ce monaniued'avoiréléve ii
Téhéran et dans ses environs quelques édilices ipti prouvent
que l'art persan, et le goût dont il porte renqireinte, ne s é-
taient point tout à fait perdus dans les troubles de la guerre
civile. ,
Le palais dii chah à Téhéran (voir la gravure) renferme une
salle du trône, q(ii n'est point indigne de tlgUrer à côté de
celles du palais d'Abbas le Grand à Ispahan. Le liône, spa-
cieux etsupporlé par des cariatides, est entièrement fait d al-
bâtre. Quoique d'Un goûtnoUveau, il se ressent de rinlluence
des idées des anciens Perses qui sculptèrent celui de Uaiius
sur les murs de Persépolis, car l'idée du trône porté par des
ligures emblématiques est la hiême.
A une heure il peu près de Téhéran est une belle habita-
tion d'été également due il Feth-Ali-Chab . et qu'on appelle
Kasrè-Kadjiar. Là, de frais ombrages et de belles eau.x_ vives,
sembleraient devoir attirer la cour; mais Méhémet-Chàb, qui
a des goûts nomades, préfère la tente, et ce palais reste aban-
donné.
{La fin au prochain nmnéro.)
lie clievRlier il'Agliire.
(Suite et IJD, — Vo.r t. VU, p. a(,2, 378 et 400.|
La soirée était déjà assez avancée. Le marquis de Kerue-
ven était seul dans son cabinet, éclairé par une petite lampe
d'étude. Enveloppé de sa robe de chambre, les mains croisées
derrière le dos, il marchait U'un pas inégal, en long tt en
large, la tète baissée et le front soucieux, s' arrêtant par in-
tervalles et se parlant à lui-même comme un homme com-
battu par diverses pensées.
(1 .le ne sais que croire et que penser! mnrmura-t-il;...
Rodolphe d'Aglure";... bizarre coïncidence de nom! »
Et il s'arrêta un moment, appuyant sa main sur la table,
comme pour rassembler ses souvenirs.
« Et sans doute, en regardant ce jeune homme. . . ses yeux. . .
sa physionomie... j'ai retrouvé tout à coup cette impression
que plus de vingt années n'ont pu eiïacer. C'est le regard,
c'est le sourire de Dorothée !... Bon Dieu ! aurais-je retrouvé
mon lils! »
Il fit(|uelques pas avec impétuosité et s'arrêta de nouveau.
« Et sa mère?... vit-elle encore?... Pauvre femme ! que
j'ai si indignement trompée, trahie, abandonnée... Comme
elle m'aimait, bon Dieu ! On m'a dit qu'elle en était morte !
J'ai été coupable...
« Coupable?... de quoi?... aurais-je pu lui faire partager
ma vie d'aventures et de dangers? Et maintenant encore...
ruiné, perdu, si je ne trouve une fortune qui m'aide à sou-
tenir mon grade et mon rang i|ui ne sont pour moi qu'un far-
deau Irop lourd, qu'aurais-je l'ait, que ferais-je encore? N'a-
elle pas été plus heureuse de ne connaître que les prenriières
douceurs de l'hymen, et de pouvoir pleurer son épouii avant
d'avoir eu le temps de perdre son amour et de pleurer ses
chagrins? Ah! certainement, Mauxchamps avait raison.
« ... Mais mon lils!... c'est le mien ! Il est grand, il est
beau, il est brave, il est di^ie de moi! Je veux... mais... sa
mère? et le nom que je porte? comment avouer...
u Ensuite... qui me dit que c'est mon lils? Il y a des d'A-
glure partout... Il y en avait iin à l'armée d'Italie ! Parbleu,
rien ne me prouve... Mais cette ressemblance ! c'est lui, c'est
elle, c'est Dorothée!
u II faut que je m'en assure. Je demanderai à ce jeune
honnne quelle est sa famille. — Et... s'il est mon fils... que
ferai-je? »
Kcineven tomba sur son fauteuil et se cacha le front entre
ses mains.
«Fatales conséquences de ma coupable conduite! Dans
quel cinbarras suis-j.'. maintenant ! Combien je paye cher ces
folies de jeunesse, ces escapades de garnison (jui nous fai-
saient rire autrefois! Je ne puis renoncer à l'alliance du ba-
ron d'Eckstein... Je suis perdu sans la d.)t de Clutilde ! et
mes créanciers qui ne m'accordent un instant de répit que
pour me laisser conclure ce riche mariage qui les rassure,
londralcnt sur moi comm^ autant d'oiseaux tie proie !... Ne
puis-je tout concilier? qu'ai-je besoin, moi, Kerneven, de
recnnnaitre KoiJolphc d'Aglure pour mon lils? Il a un imin,
ce jeune hoiiime, une famille; il ignore tout... lunirquiii le
lui appr.'iiihe? Ne pnis-je remplir auprès de lui les devoirs
d'un |MTc, s.iiis en prendre le tilre? Ne puis-je le soutenir,
le piiil.'gei- dans sa carrière, le recevoir dans mes bras, m'as-
surer sou alï.'clion, s-ans... »
Il se leva a\.N- iiuiiati.iu, lit (pieliliies pas et s'àrrèla comme
h'appé d'un.' i.II.'m.hi ii. nivelle: «Mais... il me déteste, lui;
il m'a insulté, il aime Clolilde ! Tout me le prouve... et sa
inèie! sa mère, si elli; vilencore... N'aurais-je pas aussi en-
vers elle un devoir il remplir! »
Il retomba sur son fauteuil, dans son altitude de méditation
profonde.
Uniu-tanI après, jj tressaillit, releva la tète et préla l'oreille.
» V'otie mi.ilie nie piiiii.ii.ii. ra de le déianger... disait une
voix au dehors. J.' ne pois attendre ; veuillez lui annoncer Ite
chevalier Rodolphe d'Aglure. »
Le marquis se leva comme par une comiDOtion électrique.
Puis il se rassit et attendit, les yeux lixés sur la porte :
(I Que voulez-vous? dit-il au valet qui se présenta.
— C'est un jeune homme, monsieur le marquis, qui in-
siste absolument pour vous parler sur-le-champ...
— C'est bien, j'ai entendu. Faites entrer. »
Rodolphe parut presque aussitôt sur le seuil. La demi-ob-
scurité, qui régnait dans la salle, ne' permettait pas de saisir
sur saphjsiononiic l'empreinle de f'émotion puissante qui
l'agilail. Le marquis se leva pour le recevoir.
u Monsieur le chevalier, dit-il, d'un ton calme et poli, je
ne m'attendais pas à vous revoir sitôt... Mais, quel que soit
le inotifqui vous amène chez moi, .sojczle bienvenu. ..Veuil-
lez prendre la |ieine de vous asseoir. »
Rodolphe [lariil frappé de cette aisance et de ce sang-froid.
L'exallali.in passiiiniii'e qui l'avait amené si rapidement chez
Kerneven en l'ut nuiiiiie amortie : une sorte de trouble, d'in-
décision lui su.i.'.la, etuue réilexion subite, qui dans le pre-
mier moment lui avait échappé se présenta tout à coup à son
esprit.
« J'ai pensé en elTet, monsieur le marquis, répondit-il d'un
accent encore éfaau qu'il s'eflbifait d'aflèrmir, que ma visite,
si niompte après notre rencontre, pourrait vous paraître sin-
guliête... Mais j'espère que vous l'e.xcuserez, quand vous en
connaîtrez le motif.
— Je vous écoute; monsieur.
— je crois... monsieur le marquis... que le nom de ma fa-
mille... que le nom de Rodolphe d'Aglure... ne vous est pas
inconnu. »
Rodolphe sentait sa voix s'éloullér dans sa poitrine. Il s'ar-
rêta et attendit.
« En ellet, monsieur le chevalier, je crois l'avoir entendu
déjà prononcer, répondit Kerneven d'un ton indifférent. J'ai
appris qu'un comte d'Aglure avait servi sous Belle-Isle...
Mais vous êtes Allemand, je crois?
— Allemand!... Je suis Français, monsieur le marquis;
fils d'un Français au service de Prusse... et mort à Fried-
berg... au moins... on noUs l'a dit !
-^ Ah! lit le marquis; et il y eut un moment de silence.
Mais votre mère, alors... votre mère était Allemande?
— Oui, monsieur le marquis., ma mère s'appelait Doro-
thée de Lichstadt...
— S'appelait? inlerrompit vivement le marquis avec un
mouvement involontaire; elle!... seiiez-vous orphelin?
— Non, monsieur le marquis... elle vit... et pleure tou-
jours son époux.
— Ab! fit encore le marquis; et il y eut encore un mo-
ment de silence. Rodolphe attendait, le "cœur palpitant...
— Je conçois, reprit enfin Kerneven avec calme, qu'elle
regrette d'être séparée de son lils unique. Vous êtes bien
jeune, monsieur le chevalier, et bien ignorant du monde,
pour vous y conduire seul et sans guide.
— J'espère, dit avec une certaine vivacité Rodolphe, qui
crut sentir une allusion sous ces paroles; j'espère me vnn-
duire toujours de manière à faire honneur au nom que je
porte...
— Je n'en doute [las, interrompit Kerneven avec le même
calme. )i
Ce calme, cette indilîerence, avaient achevé d'ébranler la
conviction qui avait amené Rodolphe chez le marquis. Il
voulut toutefois ne rien né^;liger.
« Permettez-moi de vous demander, monsieur le mar-
quis, si vous avez eu des parents de votre nom au service de
Prusse'' »
Kerneven resta un moment sans répondre.
te Ce serait possible, monsieur le chevalier, dit-il enlin
avec une cei laine coiilrainte. Ma famille est nombreuse... Je
ne puis rien affirmer ii cet égaid.
— Je venais seulement pour m'en assurer, répliqua Ro-
dolphe avec amertume. J'avais espéré que vous pourriez
éclairer des doutes que j'avais conçus... Je vois que je dois
y renoncer.
— Des doutes? demanda vivement Kerneven. Quels dou-
tes?
— J'avais pensé... que, peut-être, nos familles... auraient
été alliées.
— Ah!... comment cela?
— Pardon. C'est sans doute une erreur... et pat conséquent
ces détails de tainille vous intéresseraient peu. Mon nom
vous étiiil presipii' inconnu. ..Vousignoiiezceluide ma mère...
Ainsi noire pai enté, si elle existait, serait trop éloignée pour
changer en quoi i)ne ce lût nos si'iitiinenls réciproques. J'a-
vais cru devoir faire celle déniarcbe auprès de vuus... Main-
tenant vous me permellioz de ne pas insister; et je vous de-
mande pardon d avoir... »
Il se levait pour sortir. Kerneven l'arrêta parle bras.
u Nullement! Je suis au contraire charmé, clievilliet, d'a-
voir eu avec vous celte nouvelle entrevue, moins brusque et
moins vinl.'ule ipie la jireuiière. Je vous remercie do celle
démarclie : elle tait lii.inieur à la délicatesse de votre con-
science et il hi 11.. blesse de vos seulinienls... Il serait possible
que celle alliance evislàt ei\ effet... et je serais heureux
qu une pareille, inêine éloignée...
— Mtnisieui le marquis, interrompit Rodolphe avec éner-
gie, il faudiail que celle parenté fui bien nipprocliée. pour
me faire oublier le mal que mois m'ave/ l'ail ! oui! ieravoue;
j'avais cru un moment.... Mais ce n'est qu'une chimère, je
le vois.
— Qu'aviez-vous cru ? demanda vivement Kerneven.
— Ce que j'ai cru ! répondit Rodolphe en tressaillant à
l'acceiil, au mouvement qni accomiiagnaieiit celle parole. J'ai
cru, oui, j'ai cru, nu moment, ijne Kodolphe d'.-\glurc...
tué à la bataille de Friedberg... s'appelait le marquis de Ker-
neven ! »
L'ILLLSÏRATIOIN, JOUHNAL UNIVERSEL.
4i
Le marquis se leva bnisquenienl, par uii niouvenitiit in-
volontaire (lui aclk'va de troubler Rodolphe.
u Le marquis de Iverneven! Comment... mais, mais, c'est
singulierl cunliiiua-t-il en souriant et en se rasseyant sans
alïîCtation.C'est-à-direque vous me preniez pour votre père!...
Qui a pu vous donner celte idée?
— ya'im,iorte? puisqu'il n'en est rien !
— Mais si l'ail ; il m'importe à moi. Je serais très-lier d'a-
voir nn tils tel que vous... et vous, que l'erie/.-vons si j'étais
votre père ?
— Si l'étais votre Ois !... repartit Rodolphe avec une émo-
tion qui! ne pouvait maîtriser. Je me jetterais à vos pieds,
pour vous demander votre bénédiction... et je voudiais vous
conduire moi-même dans les bras de ma mère qui vous pleure
depuis vingt ans. n
Le marquis se tut un moment.
«Je comprends! reprit-il après un moment, avec une gaieté
qui dissimulait mal son émolion intérieure, ce serait à mer-
veille 1 vous seriez. eiicli:mté d'être quitte de votre duel de
demain, et plus encore d'être débarra^sé de votre rival auprès
de Clotilde d'EcksIein.
— Monsieur le marquis ! s'écria Rodolphe abusé etindif;né
par ce ton de plaisanterie. Je reyrplte le peu de paroles que
je viens de prononcer, puisque vous avez pu vous méprendre
surles sentiments quiles avaient dictées. HourRodoIplie d'A-
glure, devenu le marquis de Iverneven, je n'aurais été qu'un
tils respectueux et soumis, sacriliant à son repos et à sa vo-
lonté les plus chers sentiments de mon cœur, et les plus dou-
ces espérances de ma vie... Mais antrement, mais pour vous,
tel que vous vous montrez à mes yeux, je serai l'amant de
Clotilde, et le plus implacable ennemi que vous puissiez ren-
contrer !
— Fort bien! repartit Kerneven en souriant encore, de sorte
que vous me laissez le choix. Il faut, ou que j'épouse votre
mère, et que je vous reconnaisse pour mon lils, ou bien que
je me coupe la «orf;e avec vous ! L'alternative ne laisse pas
que d'être embarrassante.
— V(ms plaisantez, monsieur le marquis! dit Rodolphe
avec liaulenr en se levant. Soit ! vous êtes libre d'interpréter
comme il vous plaira ma démarche... Mais seulement jusqu'à
demain, je vous en piéviens.
— .\ merveille 1 repartit Iverneven en se levant aussi. Mais
encore un mot, chevalier. Cesl aujourd'hui, il y a seulement
quelques heures, que vous m avez provoqué. Voussaviez mou
nom alors, aussi bien que maintenant : comment, dans ce
court intervalle celle sint;ulière idée a-l-elle pu vous venir'?
— Heu impute! répunJit brusquement Kudolphe. Des ré-
vélations, à la sincérité desquelles j'avais dû croire, viennent
de m'être faites.,, et...
— Des révélations ! cela est biinrl-e ! et par qui?
— Connalsseï-vous le colonel dp Manxchamps? »
Kerneven tressaillit, « Mauxchainps?,.. atlelides... ijme
semble ..
— Oh ! ne cherchez pas, c'est inutile... Pour de sembla-
bles événements, il ne doit pas être nécessaire de rassembler
à grand'peiue ses .souvenirs. La mémoire du coeur est plus
prompte. Nous en resterons là, monsieur le marquis; et
nous ncMis séparerons .. jus .u'à demain !
— Comme il vous plaira, chevalier, repartit le marquis
avec un sanjî-froid indilTérent. Avez-vons des témoins?
— Des témoins? reprit Rodol|ihe assez embarrassé. Entre
gens d'honneur .. il me semble que les vôtres suflisent.
— Nullement, jeune houime; |e vous remercie de la bonne
opinion que vous avez de moi et de mes amis. Mais permet-
tez-moi de vous dire que c'est une imprudence, et que je
n'entends pas que vous agissiez ainsi... Ceci est une remon-
trance paternelle, chevalier 1
— Vous proloufiez la plaisanterie, monsieur le marquis.
Je m'en étonne; et j'attendais de vous plus de...
— C'est que voire idée m'a paru bizarre. — A propos,
vous aimez donc bien Clotilde t Vous êtes son ami d'enfance,
à ce que j'ai entendu?
— Monsieur le marquis !
— Et entre nous, voyons, à ctfcur ouvert.., Clotilde vous
aime-t-elle?
— Monsieur le marquis! vous abusez...
— Bah ! un peu plus, un peu moins... nous payerons tout
cela à la fois... Mais j'en cimviens : c'est assez pnur aujour-
d'hui. Nous remelirons le reste à demain ! Sans adieu,
monsieur le chevalier. M. le vicomte de Montaran aura l'hon-
neur de vous voir dem.iin malin pour vous indiquer le lieu
de notre rendez-vous. An revoir! »
Et il lui ouvrit la porte du cabinet.
" AJeinain! » dit violemment Rodolphe, et il sortit.
Kerneven, resté seul, s'assit près de la table, et reposa un
moment sa tête entre ses mains. Puis il écrivit un billet et
sonna.
" Lalleur! dit-il au v.ilet; voUs allez porter cette lettre à
M. de Montaran. Quoiqu'il soit tard, je veux qu'il la reçoive
ce soir. Allez. >>
VI.
« Bonjour, mon cher Ferdinand, dit le marquis en entrant
dans le salon. Je viens de bonne heure, n'est-ce pas? Votre
père n'est pas sorti? .„
— Pardonnez-moi... mais il ne peut tarder à rentrer. Il
n'a pas déjeuné.
— Ah! ah!... Eh bien, mon cher ami, me serait il possible,
en l'attendanl, de présenter mes hommafics à mademoiselle
Clotilde? Je voudrais l'entretenir un instant. »
Ferdinand parut un peu embarra'sé.
« Ma sœur a été souffrante hier toute la journée, et jo
crains...
— Je serais désolé qu'elle me reRisàt... Ce que j'ai à lui
dire est réEJlBitient important pour elle et pour moi... Veuillez
la faire prévenir, je vous en prie, que je lui demande en grâce
un moment d'entretien.
— 11 suffit, monsieur le marquis. Vous avez entendu, Jo-
seph? dit-il au domestique. Prévenez ma sœur et mademoi-
selle Czernitz.
— A propos, mon cher Ferdinand, reprit le marquis en le
prenant sous le bras et en se promenant en long et en large
dans le salon pendant qu'ils attendaient lerésullat de ce mes-
sage. Dites-moi... Qu'est-ce que ce chevalier Rodolphe d'A-
glure que vous avez amené ici, avant-hier? »
Ferdinand rouiiit et se déconcerla.
"C'est un jeune homme, dit-il enlin... mon camarade d'u-
niversité... qui...
— Vous avez été élevés ensemble,?
— Oui... par suite du voisinaKe.
— Il appartient à une bonne famille?
— Mais... oui... par les feunnes au moins.
— Comment ? par les femmes ?
— Oui... nous avions cru longtemps... Mais enlin... nous
avons appris...
— Ah ! bien, je comprends. U n'est pas légitime?
— C'est cela. Ce nom d'Aglure est un nom eu l'air que
son père avait pris pour tromper sa mère.
— Vrainwnt! V a-til longtemps que v(nis l'avez appris?
— Avant-hier soir. M. de Mauxcbanq)s nous a raconté tonte
cette histoire. Mon père a été fort courroucé et a défendu hier
à Rodolphe de reparaître ici. Ce pauvre garçon a été tout sur-
pris et a été bien désolé.
— Je le conçois.. . Et vous ne savez pas son véritable nom ?
— Comment? Il n'en a pas d'autre que le sien. Son père
est sans doute quelque aventurier inconnu. »
En ce moment Clolilde entra, suivie de sa dame de compa-
gnie. Kerneven la salua avec une galanterie respectueuse, et
s'approcha d'elle en lui exprimant tendrement toutes les in-
quiétudes qu'il avait ressenties en apprenant qu'elle était souf-
frante. En ell'et, la pâleur, l'air abattu et nn'lancoliqoe de la
jeune lille, étaient assez visibles. Elle s'assit, et K.Miieven,
après avoir échangé encore quelques phrases avec Feidioand
qui lui donna une poignée de main et sortit, vint se placer
auprès d'elle.
«Vous m'avez fait dire, monsieur, conmiença-l-elle pres-
que aussitôt, que vous aviez quelque chose d'inqiortant à
m'apprendre? »
L'air froid et haulain de Clolilde frappa Kerneven. Il ne
lui était pas habituel et aimonçait san.s doute quelque résolu-
tion nouvelle. Il voulut s'en assurer.
« C'est toujours chose importante pour moi de vous voir et
de vous parler, répondit-il galamment. Il y avait si longtemps,
deux grands jours, que j'en étais privé...
— Est-ce là tout ce que vous aviez à me dire, monsieur?
interrompit-elle avec une ii-onle mordante. J'avoue qu'il était
bien utile de me déranger pour cela !
— Vous me maltraitez ce iualiu, charmante Clolilde, re-
partit Kerneven eh souriant. Mais je vous avertis que je vais
vous le renihe, et je vous dirai même que je ne viens que
dans ce seid but. Je suis jaloux.
— J.ilonx!... Il me semble que vous n'avez pas encore le.
droit de l'être, répondit Clolilde avec une fierté pleine d'a-
mertume.
— Pardon. Je le prends dès à présenL Je suis jaloux.., et
vous devez savoir de qui.
— Moi !
— Sans doute. ,îe suis jaloux du chevalier d'Aglure.
— Monsieur le marquis! iiiloinnnpit vivement Clolilde; puis
elle ajouta en faisant un mouvc nt pour se lever et partir :
Je n'ai pas l'habitude d'enteinlre de pareils discours... Vous
me permettrez de m'y soustraue.
— l'oint du tout ! reprit Kerneven en la retenant d'un ton
moitié sérieux, moitié plaisant. Je tiens » vous dire tout ce
que j'ai sur le cœur... et, jiar une juste réciprocité, je vous
prie de me dire te que voUs avez sur le viMre.
— Vraiment ! dit Clotilde avec expressiiui.
— Oui,., sérieusement! Je ne viens ce matin que pour
l'entendre. Je vous ai déjà dit souvent que je vous aimais...
Vous ne m'avez jamais rien réptnidu.
—Vous auriez du complendre ! repartit amèrement la jeune
fille, emportée par un mouvement plus prompt que la ré-
flexion.
— Ah!.,, fil Kerneven; fort bien! reprit-il après un mo-
ment. Ceci, en effet, est assez clair... Et que répondriez- vous
au chevalier d'Anglure s'il vous faisait la même question?
— Monsieur le marquis !,..
— Voyons! dit Kerneven gaiement en la retenant encore.
Continuons avec la même franchise. Dites : vous déplaît-il
autant que moi ?
— Qu'est-ce que tout cela signifie, monsieur? répondit
ClotiliFe avec hauteur. Pourriez-vous me l'expliquer?
— Oui, je vous l'expliquerai tout à l'heure. En attendant,
je veux vous apprendre ce que vous ignorez peut-être encore :
c'est que ce soi-disant chevalier d'Aglure esl nu homme de
rien, un ndsérable bâtard...
— Monsieur! monsieur! s' écl^ia Clolilde.
— Parbleu! le fait est certain, avéré. Il a été raconté, prouvé
dans ce salon même... elle pauvre dialdu n'a rien trouvé à
répondre. C'est pour cela que M. votre père l'a chassé de
chez lui. »
Clotilde pnria virement le.s iliains à son front et se cacha
un moment le visage par Un ge.ste plus prompt que la pen-
sée. Puis elle releva raphlement la tête.
« (Test une calomnie ! dltelle avec force.
— Siirloul venant de moi, n"est-re pas? ajouta Kerneven
en souriant, s'il faut que j'interprète anisi, ma belle enfant,
le regard accusateur que vous m'avez lancé. Mais qu'importe
pour le chevalier Rodolphe, qu'il soit ou ne soit pas bàtaril!
Vous ne l'en aimerez pas moins pour cela.
_ — Je ne vous ai pas dit, monsieur, rtpliqua Clolilde avec
dignité, tandis nUe son sein palpitait malgré elle, je ne vous
ai pas dit si je l'aimais... et je pourrais m'onènsér dc> celle
supposition... qui, de votre part, est presque une insulte. Mais
je puis dire à haute voix, et je suis' bien aise de le dire devant
vous, que si j'aimais un homme, quel qu'il fiit, je l'aimerais
pour lui-même, pour ses vertus, pour la noblesse de son ca
ractêre et de son cœur... et les torts que la fortune pourrait
avoii- envers lui ne lui feraient rien perdre de mon estime et
de mon amitié. »
Ke"neveu la regarda un moment en silence.
« C'est bien ! dit-il enlin d'une voix émue. Je sais ce que je
voulais savoir.
— Quoi ! uuinsieur? demanda Clolilde avec fierté.
— Et j'en féliciterai le chevalier d'Aglure, ajouta Kerne-
ven en souriant malicieusement.
— Vous n'avez à féliciter personne, monsieur le marquis,
repartit Clotilde avec amertume. Mon parti e.^l irrévociîble-
ment pris... et j'espère que mon père m'accordera ce que je
veux lui demander. '
— Quoi donc, ma belle eid'anl?
— Demain... je me retirerai dans un couvent.
— Ali! s'écria Kerneven en se levant. Par exemple!... voilà
une singulière idée.
— Mon paili est pris! répéta Clolilde d'un ton ferme, et j'es-
père qu'à l'avenir, monsieur le marquis, après ce queje viens
de vous dire... vous n'essayerez pas d'y mettre obstacle.
— Si fait, pat-bleu ! repliqua-t-il en souriant, et qui plus
est... je iie serai pas le seul. »
En ce monieul on parlait dans l'antichambre.
« Monsieur le maïquis de Kerneven doit être ici, disait la
voix de Rodolphe.
— Oui, monsieur le chevalier... Mais...
— Il vient de m'écrire pour me prier de l'y rejoindre.
Veuillez le prévenir, je vous prie, n
Le valet ouvrit la porte du salon. Clotilde était restée pâle
et muette.
(( Priez monsieur le chevalier d'Aglure d'entrer un mo-
ment ici, dit Kerneven. Et se tournant vers Clotilde avec un
sourire : Vous le permettez, n'est-ce pas, mademoiselle? »
(Clotilde se leva en silence pour s'éloigner. Kerneven la re-
tint.
« Ah! par exemple! .s'écria-t-il ; il faut que vous restiez...
Entrez donc, chevalier ! cria-t-il à Rodolpoe qui s'arrêtait in-
déi is sur le seuil; venez vite, nous avons besoin de vous. »
Rodolphe, étonné, fit quelques pas dans le salon, et salua
la jeune lille qui, tout énuie, voulait fuir.
« Tenez! ajouta Kerneven qui ne lâchait pas la main de
Clolilde qu'il avait saisie. Veiicz à mon aide pour persuader
à mademoiselle Clotilde qu'elle a tort. Elle veut à loule force
se rctiier dans un couvent.
— Monsieur le marquis ! repartit vivement Rodolphe d'une
voix élonlTée. J'ai peine à comprendre cette plaisanterie... Il
ine semble que ce n'est ici ni le lieu ni le moment. Je serais
désolé que mademoiselle m'en crût complice... et je la prie
d'agréer mes excuses pour la manière dont je me présente
devant elle... M. de Montaran est venu nie prévenir que vous
m'attendiez ici; et bien qUe ce rendez- vous m'ait paru bien
bizarre, je n'ai pas cru devoir...
— Et vous avez parfaitement bien fait, interrompit Kerne-
ven. Je n'attends plus que M. le baron d'Ëckstein pour nous
expliquer tous les quatre ensemble.
— Monsieur! reprit impétueusement Rodolphe; ce n'est
pas là ce que j'attendais de vous et ce que je suis venu cher-
cher ici... Celte ruse me paraît...
— Un moment ! interrompit Kerneven avec aisance. Cette
ruse m'a fait apprendre ce que je voulais savoir. Avouez-le
maintenant, charmante Clolilde. Vous détestez le manjuis de
Kerneven, n'est-ce pas... et vous aimez le chevalier d'A-
glure?
— Monsieur! dit Clolilde palpitante. 'VoUs abu.sez...
— J'abuse de votre secret, n'est-ce pas? mais, laissez-moi
achever. Je veux vous dire que vous allez vous trouver bien
emlianassée... car vous aimez et vous détestez à la fois cha-
cun de nous deux. »
Rodolphe licssaillit, et Clolilde le regarda avec élonne-
meiit.
u Rien de plus c'air! reprit Kerneven avec une émolion
conteifue, moi, je suis Rodolphe d'Aglure, marquis de Ker-
neven... et ce jeune homme, c'est encore Rodolphe A'A-
glure, marquis de Kerneven, connue moi !
— Ah! mon Dieu ! n fit Rodolphe en ciiancelanl. Le mar-
quis lui lendit les bras, et le pressa sur son cœur.
« Fh bien ! Clotilde, dit-il d'une voix émue en se tournant
vers la jeune lille qui reslait palpitante et troublée. Quelle
que fût lu haissahcB de l'homme que v<ins auriez choisi, vous
l'aimeriez toujours, m'avez-voiis dit. Eh bien! j'espère que
vous aimerez toiijmirs Rodo'phe... bien qu'il soil mon fils.
— .\li! mon Dieu! balbutia Rodolphe, se laissant lomber
aux genoux de son père. Mon père! quoi... vous-même,
vous...
— Eb bien! eh bien! dit une voix forte derrière eux.
Qu'est-ce que cela? »
C'était le baron d'Ëckstein qiii était entré, et reslait lout
stupéfait du spectacle hiailendn qui s'offrait à lui.
« l'.e que c'est! s'écria Kerneven. Mon cher baron... c'est
lejemie marquis de Kerneven... c'est mon lils, que je vous
présente.
— Quoi? (onmient !... s'écria le gros baron, comprenant
à peine.
j — Sans doute!... c'est Rodolphe d'Aglure, marquis de
Kerneven, ciunme son père, cpii est devant vous. El puisque
I viuis vouliez un Kerneven pour gendre, permettez-moi de
I vous oflrir celui-ci. cpii est plus jeuiie, plus beau... et <|iii a
d'ailleurs, l'inappiiTiable avantage il'èlM- aimi' de mademoi-
selle Clolilde... (|iiidéli.>le pii,r,,mléii!,-iil l'aiilrc!
— Ah! monsieur le niaïqnis! s'éi lia Clolilde.
— \'oyous ! vnyiuis! répéla le baron. J'avoue que je n'y
cntuprends encore rien. Expliquez-Vous, je vous en (irie... »
Il paraît ipi'ils s'expliciuèrent, et que le barotv d'Iùkstein
linil par comprendre. Car, quelques jours après, Clolilde
d'Kckstein était l'épouse de Rodolphe d'Aglure, marquis de
Kerneven.
D. Faork d'Olivet.
42
L'ILLUSTRATION, JOURNAL' UNIVERSEL.
lia vie de eliàteau, caricatures par Clians*
(Arrivée au cliâteaii par un rhemm vicinal de
odè e d unechanbr
a an ;
(Quatre heures du matio.)
/*V/'^"''"' V
(La promenade dans le parc.)
(Essai d'une nouvelle voilure.)
(La vi>iteà M. le
(Le cliâlclain à son ami. — Teiiuz. v.nn mi sitllo dt- bains. J'ai
fait faire toutes les conKtTuction» par dw ms^émema aogluiG.)
(Lu lu.vn,' au m^tiio : — Admirai: mo-i cèire du Lib<*i
je l'di planté il y a Ki ans ; il vieat à merveille.)
Comme ces canards ront heureux dans celle mir
— Dites mon étang,
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
^3
IjB vie de chaleaU) caricatures par Clinin.
•;E lionne a tlNK LIONNE. :
Première dame : — Que vous êtes donc bonne,
toute belle, de venir me surprendre comme
vous me trouvez dans ud né^^li^é
Dtuxiême dam*- : — Vous êles magnifi()ue. Je
vcQue moi-même eu toilette du matio.j
Habits confectionnés par les dames du châleau
pour If^SjcnfaDts pauvres de la commune.)
<Voici[un tapis que je'vais brodtr pour mon grand salon. Vous Ferif z
bien aimable, chère amie, de m'en faire la mo.Iié pendant les fauit
ioure que vous allez rester avec nous.)
URE nu DINF.K.
reul-dle qu'on serve la soupe ! Voilà
sont au bout de l'allée qut arrivent.)
I//Im IJ"^Jk
tLe soir d'une journée de cbesse.
Le moment du départ.)
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
Bulletin bibllosrapltiqn*.
/icriîwins iH jiui'les de V AUemagne ; par M. Ili-NRI Bla/e.
Paris, l«iO. 1 vol. in-l!<. A/«c/ie; IJvij. 5 Ir. ao.
Les Poi'tes contempoi'ains de V Allemagne ; par M.N. IIaRTIN-
Paris, 1846. 1 vol. in-18. y«k« Renmtard. ô fr. HO.
Il y a plus d'un siiVIe et demi, un jésuite, un critique, le père
Bouhours, posait sniiu'.iiMiiil en Frinrce celle ipiestion, <pi"il
df^cidaît par la ue^:iiivi' : I u .Hlauiind pt'it-d iivtiir de VesprU"*
L'auteur it jamais l:iiii(ii\ i\r \:\ Mniuèrp de bien penser sur les
nvrrm/es d'rspril Miv:iit ril:ilii'll cl l'esp;i(,'nril , UKlis il ii,'linrait
ei>Mi|.lili'Uiriil l'^dleinarjd. L'im'iI-iI su , il ii'iOI |kis I lu
uidiii--. il m'im'M |i:is compris les (i-iivrcs <lc Miicli llnllcn. 0|iil/,
PaMlflcinmiiin. l..iKau,,iu niéiiie .I,' lIoliiMisleinct llollin:aiMi-\v:il-
d:iu. <pii av:iiciil |i^ini de son li-mps, car il mettait lli^ilu à coté
lie Virgile, n ci' ipii est un peu fort, dit Laharpc, niéuie pour
uii.iesiiile parlant d'un jcsu)!.'. «
Pendant nresiipie tout le dix-huilièine siècle, la France, qui
ne croyait plps à cette naïveté ilu père Bouhours, s'occupa fiu'l
peu, au point de vue littéraire, de l'Allemagne, qui, du reste,
se bornait à imiter serviléuieul les écrivains et les |ioëles du
trand siècle. Pans les dcrni.ics aiuiccs s.'uli'un'nt, cpielqnes es-
prits cnrienv se ,lern:ni.lei'enl ,,■ (|Ui- devenail la poésie au ilcla
vanv, de irailuire la M,:--si,„lr, de Klopstork, et \:t Mari d'.lb.l,
de Gessner. E'n 1790, bien qu'elle les connilt peu, la (Constituante
décerna le titre de citoyen français à KIopsiock et à Schiller.
Toutefois, jusqu'à l'époque où parut le livre de madame de
St3ël,c'esl-à-direjusqu'en18tS, l' Allemagne lit lèraire fut presque
complètement inconnue en France. L'illuslre anti'ur île Connue
aura toujours la gloire de l'initiative, et maigre Icsileleciuositi's
de son livre, nous croyons, avec M. Sainte- lïenve, <' qu'il n'y a
pas encore à chercher ailleurs la vive inia^e de cette éclo.sion
soudaine du génie allemand , le tableau de cet âge brillant et
poétique, qu'on peut appeler le siècle de Goethe. >i L'Athmarjne
a été corrigée, remplélèe, continuée; elle n'a point été relaite.
Ceux-ci ont ('■tiidie et appriitiiiiili rhi-Inire, le droit, la science,
onla plulosopliic ;icii\-i:i lie jii.L^ciii ipie la poésie; d'antres enlin
se bornent à obseivcr les niii'iiis l'i les caractères, aucun n'a
même essayé de reconstituer l'edilice, de la baseausommet, sur
un nouveau plan.
Parmi, les travaux littéraires les plus j-écents dont l'Allemagne
a été le sujet eu France, nous devons une mention parliculière
à deux ouvrages i|ui viennent de pàiaitre : les Érrivains et Pnë-
tes de l'AUemufini^, de M. Henri iila/.e, et les Pmies co/Uempii~
rniiis de rMeiinigne, par M. N. Martin. MM. li|a/.e et Martin se
sont rencontrés a peu prés dans la même idée, senleinent ils ne
l'uni pas traitée de la même manière. Une courte analyse de ces
iivrages moutrera en quoi ils se ressemblent, en quoi ils
dllle
Le livre de M. Bjaze se divise en deux parties d'inégale
grandeur. La première, et la plus longue, est consacrée à la poé-
sie lyrique; 1.1 seconde, aux écrivains et aux poijtes, ou plutôt a
quelques écrivains et à qneltpics poêles.
Dans SI disserijiieii sur la poésie lyrique. M. Blaze ne se con-
tente pas, de nous l'aire coiinailre, par des appréciations^raison-
nces, des ilelads liio^^rapliiiiies et des Iradiii-lions, les succes-
seurs de Scliillerelilelioeihe, il entreprend l'histoire critiquedu
tied, cetic poésie que nous iLvoiisioMjMiirsi^ ce, dit-il, «parce
(pie pareille aux lenjissme' „,iivhi du liliiii et du Danube, elle se
cache sous les grandes herbes cpii bordent le lleuve de la litté-
rature, et n'envoie ses mystérieuses boullées qu'à ceux qui s'at-
tardent au cœur de la nationalité germanique.» M. Henri Blaze
définit le tiei, il donne des exemples de ses dillërenls genres, il
cherche à faire coniprendre poiirqiii i il n'a rii'ii d'absolu; puis,
après avoir montre eoniineiu d naquit et se ilevehippa du (pi;i-
torzième au seizième siei h>, puinii le peuple, ei coninieiii son
caractère national se perdii au sei/.ieine sici-le, il nous fait assis-
tera sa renal-s e avi-i- l;i pnesie alleiiLiiele an sie.'l,' dernier,
avec ce umll pie iij'Maenienl ilenl llnelln' csl le Im'Ios.
Quand il : - h.- les deux | is ,lii Un. .illemand,
" l'épi ii-se „l Miiaiiinie du sei/ieni.' siècle et la crise litté-
raire du dix-hniliènie, .. M. Menu lila/e ileiai he du groupe cer-
taines inilividiialiles, (îueilie, .Schillei-, |i|iland, Frédéric Biic-
keit, Justin Ke.riieret lidoiiaid .Moiike. .Sa inétliode est celle-
ci ; il explique dans quelle siiiiiiioii d'esprit et de Cœur, au
niilieii de quelles eircnn ijin es , , is poêles ont écrit leurs
principaux rcciinlsd u,,i,i. il appivii.. leurs poésies, et pour
Jiisiilier ses pi;.;enieiii,,, il iiii.hiii, s„ii en vers, soit eu prose,
<|Mel,i,ies-i,,is de leurs i liels-il'o-li Me. T.es rindes, qui na^lie-
llielll l.e;nirnnp :i èlrc écriles d'illl sUle plus simple, — M II.
Ida/e prend solive pathos piiiii l.i 'poésie. - lions seniblcnt
iii.ilheiireiisciiienl iiicoinplèles. Illiland. Kenier, liiickeil cl
Mierike, reniplisseiil qii.ilre loilus ch.ipilres. ^olls ne iimis ,.|i
l'l:"W"':"" I'''-; '^ -l'iucs liages, ipielqnes pliiases iliriden-
les seiileiiic.nl soni consacrées de loin en lein a d'autres piicles,
qui méritaient d'èlre inienx traites. Millier, Auastasius Griin,
Heine. Cliainisso, .Simrock, le comte de Hlaten, Freiligralh, Le-
nan, llerweiili, et lieaiiconp d'autres. En outre, M Henri lîlaze
nous seiid.le lieiinconp trop cpris ,<decs-lle| si,' vanne c|ni
ne peiii eue enniprisc que dans cerlailies di-posil ii.iis .l'espril,
el -iir l'en ■: ,1e laquelle felal de I lin,' ,'M,ti,.,iiv inllne
cll'aie;,- ::elil ,, .l'aime, aillani ipi,' lui, !:i v,-~.ry 1 li,!,.,!; mais
je l'i'cl I ■ l',,iir,,np. p- r:n, ,,.,■, 1,- Uns , ,| -I l,Hijoiirs
;''• ''' I -^ !"'■" '''"' 'l'i'eii n- peiil ,i|,l.i,s.i,.r,p,-;, des
beiMclixe., p,,r „H lenips ,l,„iu,.el dans , ;,'s ,,,ii,li I i,„is imlis-
.,.lii,lecldl-ol,s,
,1e la l'n
es qui s
sont oppn.ees
se conp.nl,. p;
M Henri Itla/.i
p,,i'p,
et qu'il ne
;il p;
delaïUs.
pour moi
lier, a l'aide d'
hoiiellesqiieleveiileii,|i.,:i,. i, „, ,,,„,!,,„ „ ,,, , , i| |„„.
.I""i-s( ire les lendani'c, |,,...H -.,,,.s ,,,. i, „,,,i.,lle ,.eole'/
Pourquoi se moulre-t-jl si dédaigneux el si dur envers la iioésie
|iolilique-(
La seconde partie de l'ouvrime de M. fleuri Bla»e est presque
eniièrinnent consacrée à trois écrivains, Jeau-Paiiî Bichter, Im-
'ui'iui et Louis TiecU. Ces éliidésson't suivies de deux arli-
cles sur b,qiina d'Arnim el Clément Brentauo, Goethe et la com-
tesse Slollierg.
M. Martin ne .s'occupe que des poètes, et des poètes contem-
porains. Sa méthode est, à peu de chose près, celle de M. Henri
Blaze. Il mêle la biographie des ailleurs qu'il étudie à l'analyse
età l'appiei iaiiini de leiii sonvrcs, dont il traduitnne partie, soit
l'ii vers, s'iil en |irose. Moins piciiaiiienx que son rival, il man-
ipie eiM me ,1,' simplicité. Ln gênerai, il nous parait plus juste
ilaiis SCS jiej, iiieiiis. Le principal didàutipie mois , i,,\:ons ,1e-
voir lui lepi'iiliei, cesL d'être trop court. Son sujet eomp,, riait
d'autres ,le\ilop[,cmenis. Lu (erminani cliacniu- de s, s éludes,
on regrelle ipi elle ne soit pas plus longue au moins de nioilie.
M. Martin se lail lire avec trop de plaisir pour ne pas s'exposiT
a se voir demander un second volume, ou une seconde édition
M. Mailiii cliidie d'ahoiii les poêles (|ii'on appelle 1,^ s..ua-
bes : Loiii- lliland, Williem .Millier. Justin Keioc , .i.,i, il„ 1 1 ,|e
>:hanii.sso. Karl Siniroik, le comte de l'ialen et Lu Ociie lui, k. il.
Il traduit qnidques-unes de leurs plus délicieuses laulaisies.
Nous ne citerons comme un échantillon de cette poésie, qu'un
seul tel/, l'Enfant malade, d'Uldand :
o mère ! écputc ers acrprdii.
Q'i
Mo
Is Bonl doux au cœur, à l'oreille
Is font doux, 0 mêri- ! — Kt tu d
, cette mugii^ue m'éveille.
'■♦ «ipiip.
J'êr
Olj
Dor
oute... écoute... et n'entends rien
dors, mon pauvre enfant malade
s, le repos te fera bien ;
Non, ce chant^qui me réjouit
Ne vient pas d'une voix mortelle ;
C'est un chœur d'anges qui m'appelle.
Adieu, ma mère; bonne nuit.
D'après M. M.artin, la poésie allemande compte aiiiourd'hiii
quatre ec,,l,s : l'école souabe, dont nous venons d'enniiierir les
plus illn-lcs lepie.-eiilanls; l'école : icMenne, qui : r
l"'"'fM ■ I'"' 'INC sorte d'ecleclisine poeliqne on tien-
nent se 1,'iiiiir ,■! -niiMiil se l'„i,div la naïve d,nnvnr de l'eenle
souabe el l'n s.epliqiie propre a l'e. ni,' prilsHeline ,iiril,-l
plusjnste iFappelei l'eco!,. ,[ii d ; eiilin, une ,pi .tinnii,' ,■,■,, le
qUMl'apparllenl pas pins nn nmil ,pi'an sud, ipii c,.inple pur-
tout des adeptes, et semble vouloir tout envahir, lecole politi-
que pure. '
Cette division constatée, M. Martin nous fait counaitre les
quatre principaux poètes de cette école antrichieuue, qui. selon
lui, offre ce caractère vrainieiil remarquable et diiiin- d el,i"e-,
que, dans la mesure qu'elle a toujours su garder enii.- l'nispTri-
lion politique el la cunteniplalien de la naliire, elle a e,,ii^i:im-
nienl respecté les lois rii^onieiises de l'an l'i lès siiM,,piiliiliies
les plus délicates de la poésie. Iles ,p e p,„ i,,s s.. m An is|a-
suis Griiu (le cunile Dallersper;; , I enail. i;iiailes u,., k el /.ed-
litz. Après avoir déplore la posiii Iillicile que lait aces po(;tes
le gonveiiieinenl aiilrichicn, M. Miiriin lui adresse de sages
consiiis, ,p,'i| se Irouveia bien de siiiire, « s'il vent ressaisir, à
a leie des destinées de l' Allemagne, une inllueuce que la Prusse
lui enlevé cliaipiejonr dav.iiila.ne. n
Aux repies, 'ni:iiiis ,l,j:i , .iêlires de l'école autrichienne, suc-
cèdent,— iniiih I :, l'qiii.— lheodor Ka'rner,Schenkendorf,
Arndt, lims pi.ei.s iKiiiniLiii\, ennemis acharnés de la France,
qui ontaïKq.te pour muse I implacable .\eim'sis, la sombre déesse
de la haine et de la vengeance. !\I. Mm un a en raismi de louer
ces trois poètes, Ku'rner snrlonl, mort an champ d'iionnenr
l'epeedans nue main cl la Ivre il.ms l'unire • mais mois oublions
volontiers ,,d \:iliaii.iii Inilin-eei ,eiii' iiiimiii,' laroindie
quiprolili'lil de.- l'Iie nid,., - -,'|)Iii,i-i!K |
nirde mauvais, -s ; i,-si,,iis , non- Mimons
étudier, av.cJl. iHarlin, 'les chefs el I. . .., .. .. .
tants de (adie école politique qui réclame l'allran'cbissement vé-
ritable de l'Allemagne, Freiligralh, Hoffmann de Fallersleben,
Herwcgh, Prulz. '
Parmi liîs pièces les plus remarquables de celte école qu'a
traduites M Martin, nous en choisissons une au hasard, adres-
sée aux poêles allemands. C'est Herwegh qui en est l'auteur.
AUX rOLTES ALLEMANDS.
Soyez fiers! il n'est point d'or au monde qui résonne aussi
bien que l'or des cordes de vos lyres! Il n'est point de prince
assez puissant pour que vous soyez forcés de vous l'aire ses ser-
viteurs. Eu dépit de l'airain et du marbre, sa uiépioire mourra,
si vous la laissez mourir; la ponr|n'e la plus belle est encore
elle ,1,- vos eleoiis ipi'aiiime !,■ saim de vos .œnrs!
l'areillean di:,i,i;„il, la roM'e ne hrilie-l-elle pas lonjoiirs pour
vous an indien des ],l;,isiis'' i\'est-ce pas la plus belle des lentes
rov;iles que ce lialdai|iiiii (In ciel arrondi sur vos tètes? Est-ce
d'iela ve^n,'. ,loiii les rameaux s'enlacent sur un humble loit de
s mieux ipie le lierre parasite qui rampe au
,d 1 iitrele-
n,ilre pari,
ipanx représen-
pied ,1,. s p;,l
Que vol.,'
les alollelle^
Iranqnillem,
ton
■ille p;
eni. ,', poêles! résonne et palpite haulemèut avec
lilii,'> ,1 lis les airs! Partout vous reposerez plus
Ml ipie dans le caveau des princes. On peut trouver
V nue m ilresse. prompte à traiiir sa foi. Je ne vous
de dedaimier rannean de vos liancées; mais gar-
chaiii
1^ I'a.i-,v
le lien de lih,
ferii
el lu
: vos lyre
aide; que vos chants l'excitent et
.'il i;iî hIesM. sur le champ de ba-
e/. SOI lin Ivi si l'on vent lui ravir
, saisissez voiio epee d'une main
M. Martin est plus juste que M. Henri Blaze envers l'école po-
liliciue ih's poêles de la jeune Allemagne; mais il croit i|n'elle
est arrivée a n,,,. de ces epo,|nes de, i.-ives , n cerlaincs choses
I e C(^ iiiond,' n'i.lnippciil a la mas- sil,- ,!,■ iiioui ir, ,pi'a la con-
dition de .,, Iiaiisloiiner. c !'r, I, ni, lie, ilil-d, que la politi.Mle
puisse snllire a lomler el a cnli . Iciiir me école lui, 'i sii,, ,-st
ilus ipiiii'a pu nailreqiiedaiis l'iniaginalêin d'un peiiole
a peine sur le seuil delà vie |ioliinpn'; lanl de peispeiliv es s ou-
vrent alors aux veux cbhniis. Mais le inonde poliliqne esl celui
lies rcalilcs; des qu'en v entre, on en aperi;oi| les rigonn n-es
llmiles. ConniH m, d'ailleurs, comevoir une icole de poi'Ics qni,
leurs gramis , ris d'aiialhême nue lois lances, leur declaralion
de droits une lois rédigée en images pins nu moins heiireiisi's,
devrait s'alimenter éliinellenieni d'oppnsilion et de colères.
Evidemment, la muse ne |ieiil pas lon^iii inps inarcher dans celle
voie. Le silence que garde M lleiwegli depuis l'accueil depi
beaucoup moins enthousiaste lait à sou dernier recueil, est, à
notre avis, aussi significatif sur ce point que le recueillement
de M Freiligralh en Sui.«.sc, et que la démission sans donle
provisoire que nous ont apportée les /Waro/ini de M. Mufliiiann
de Fallersleben. .Nous nous irompoiis peut-être en augurant
ainsi de l'avenir d'une école qui compte des pi ëles rii hes de
talent et de jeunesse. Qu'ils piouveiit donc que nous avons été
mauvais prophètes; nous ne deinaudons pas mieux que de faiie
amende honorable devant la preiiiièie belle a'uvre que leur in-
spirera la poliliipie. ,,
Des nom es tlnne page au plus sur une vingtaine de prèles
d'un ordie inleiieni el une élude liop courte sur Henri Heine,
terminent le volume de M. M;irlin.
Somme toute, les jifrirqins el Pi êtes de l'Allemagne e\ les
Piiêtes cnniemporaijia de l'Mleiiiuijiie, maigre les li gères critiques
que nous avons cin devoir lenrlaire, sont des ouvrages sérieux,
nouveaux, utile.s.digncsdc nos éloges el de nos recominaiirlalioiis.
Unsiiccèsglorieuxlenrberailassuie alors mêmequ'ils n'auraient
d'autre mérite que de signalera l'allenlion de la Fiance, les
œuvres encore inconnues d'une pléiade de poètes dislingués.
Mais on les lira avec autant ;d'inlerêt queide piolil, et leurs
noinbieuses qualités si lliiaieni, a défaut d'autres litres, pour
garaiilirdéjaa leurs auteurs MM. Blaze et Martin, une place
boiiorable parmi les criliques et les traducteurs de noire époque
Uifloirc d'une scission dans le compagnonnage, suivie de la
biographie de l'auleur du Livre du compagnonnage el de
réllexions diverses; par M. Acricol Pehdiulier, dit A>i-
gnonais-la-Vebtu, compagnon menuisier. !2 vol. à i fr.
— Paris, 184(i. Clicz l'auteur, rue du Faubourg-Saint-
Antoine, iiô.
L'auleur du Livre du compagnmmiee , M. Agricol Perdigiiier,
vient de compléter son précédent l'iavail parla publicalion de
lieux veaux volumes L'un cinitient l'hisloire d'un mouve-
iiienl p.iilienlier qui a éclate dans l'association compagnnoiiale;
l'antre la bnigiaplne de M, Agricol Perdignier. Le premier n'est
pas siisci plible d'analyse. Le compagnnonage s'est partagé en
deux Iracimns cnutniiies. M. Agricol Perdignier est intervenu
<iponr lâcher, dit-il, de les rapprocher, de les unir encore, caria
classe onv rière n'est que trop divisée ; n mais an ndlieu de tant
de |iassii,iis conliaires, s.i parole a manque d'anlorile. el les
deux camps se soi unes, ,„nsoiides a leur deli inient léci-
pioqiie. L'Insioiii. d.- 1 1 Ile s. issioii csl le coniplenieiil indispen-
sable du io/c ,fo c„my„ij«„/,„f,jp , nnipiel nous nous soinineg
liermis de taire des enipriinls si considérables dans les deux
articles que nous avons publies sur ce sujet. (Voir llllvslroiion
du i'I novembre IS'oi, page lise, et ilii 21), page 20r., tome VL)
Nous ne saurions trop rieomin.imler aux nombreux lecteurs
lies I, niaiis| pliilaniliicpnines, soi i.disles el Immanilaires des
^lanils |,,iini;inx a k, mode, la leiinre de celle vie d'ouvrier,
laioniee siiii|.k nieiil pal' un onviicr. M. Agricol Perdignier ne
elierche pas a faire de l'effet; aussi l'impression qu'il produit
n'en est-elle que plus vive. Il est iuipo-sible de ne pas êlre
prolondi nient eniii et de ne pas rcllècliir, en parcourant ce pe-
li' vol , trop lin 11 rempli de f.iils attristants et instructifs. Ce
n'esl pa,i,ii rcii.eii parti,- imaginaire, raconté avec un cer-
tain ail II ilaiis lin -ivle pins ou moins correct et élégant; c'est
la reahle moiiiii'e 1,11e qu'elle est, sans relicence, mais sans
L'^'i^eia ; désolâmes lev, lalions, doni la Iranehise est mal-
lienrensemenl inconie-lal.le. \ oie. hnis snriout qui calomniez le
peuple, p.irce cpie vous ne le eoiin:ii-s, / pa-. lisez ces pages, si
eloqneiiies dans leur siinplieiie. ,,ii \L \^,ieol Perdiguief ra-
conte (a' qu'il a la ^em lo-n,. ,r;,pp,.i, , .,s n ibnlations Suivez-
le dans loiiie sa caiinne si ;,^ii,|,, -i i,,,,, nlee, si honorable
et SI bien remplie. (,ln,' de passa.;, s leins pmiiriens vous citer.
Cl Si nous voulons, nous autres ailisans, approfondir notre
métier, développer notre enleiidcmenl, aeqiienr quebincs con-
naissances, savoir ce cpie c'est que la vie humaine, être 1 inie
enliri dans toute l'elendiie du mol, nous sommes forces de pren-
dre suruolre nourriture et sur rroire sommeil. .Nous ne pouvons
faire la conquête d'un peu de savoir qu'à cette unique et dure
condition, souvent mortelle, car les forces physiques ont des
bornes. » {Page 7.)
Il La maladie nécessite l'excès du travail, l'excès du travail
ramène la maladie ; quand une fois on est enferme dans ce la-
byrinthe, dans ce cercle fatal, on n'en sort, le plus souvent, que
|iar la mort. Combien j'ai vu de braves ouvriers périr de la
sorle. à la llenr de leur âge. » (Page 18.)
« Combien de fois je me suis nourri une journée entière avec
un sou de pain, u (Page 21.)
ce II n'esl que trop vrai, l'artisan a de la peine à se suffire à
lui-même ; pour un qui prospère , cent qui végètent Les riches
el les savants, quand ils s'occupent de nous, disent : l'ouvrier
gagne lanl, depini-e laiil, donc il lui resie lanl; voilà son
compte iiel d'une aiiiiie. Ils ne pensent cpi'à trois choses: ga-
gner, dépenser, icieiiii. Ils suppose ni loin lier toujours valitle,
toujours occniie, tcmjours bien paye, et ils croient leurs calculs
infaillibles. La machine en fer qui fonctionne se détraque par-
fois; l'ouvrier, quelle (lue soit la rudesse de sestravanx. jamais!
I\'est-il pas. en etl'el, plus dur el plus Ion cpie le ter'/ Mu man-
que d'ouvrage, des maladies, des convalesce nces, des |-ecliiilcs,
des conrbalnres, des fonlnrcs. de \ iii;;! ace idenli peu iinpoi-^
tants, mais souvent répètes, de l'atraihlisseincnt graduel des tor-
ées et des degoiUs cpii loiil cortège a lonlesces douleurs, iln'eu
est point cpiesiion; ou ne cunnait point tout cela. » (Ptgerill.)
Et cet homme qui a tant sniitlert, savez- vous quel langage il
lient à ses frêi'es, cpii soullit nt coumie lui'? ce Compas-iions du
tour de France, cpialid vous eprouvete/ ,1, s n ii'i, s , | .'e- liai-
temenls nidi-nes. ,|iiand vous serez ii >, i-,- p.,i L, m i.v.ise
l'ortuiie. pi n 1 / a i, el vous VOUS rc 1, v, i ^, V, I- .,! |, pus
donne l'cv.nip'i' ,11 courage el de l:i p, 1 -, v,-, . i„ , - \," v„ùs
ai-je pas je ,111 m milieu des posiiicnis les plus extraordi-
naires, d ne lanl j.iei.iis p, nu,' |'i s| clai l'e '.'
te Jcsns a d.i : \ii,i, v.- , nneinis; lailcs <lii bien à ceux qui
vous hai.ssent; henissev. ceux qui tout des inipii calions coiiire
vous,et priez pour ceux qui vous pi'isecntenl cl vonsedomnienl.
«Celui qui vint, il y a dix-hnil siècles, pour ilcirniri' l'ava-
rice, l'esprit de rapine, la dunte disvceurs. le- liiikiisis iin • a-
liles. le iev,,Ii ml eeniirasle d'un,, exiiême opulence' cl d'une
'■>ii''" ' ' "" : "lui '|ui \iiit pour sauver le genre Imm.cin,
Il a lie' '"■ " ■' lien sauve; rinii|iiite lêgni' eucoie sur la
leire; 1,1, ;is , ,.sl l.i laiili' lies liommes. cl ne n celle du Clirisl. ..
Le Cl.iisl se sni'vil .. L'tvangile nous lesle. et l'esprit e|iii en
émane planera sur les populatiors et les pénétrera, (nfiei' dci.,-
à cetle genéieuse inllueuce, nngi:,i;,| iiuvail saice mpliia, et
nos neveux verionl un jour deseeiniri' sur la terre, se lenant
par la main, la Liberle, l'tgaiile e I la Fraternité, dont on n':,-
vait encore possède iiiie les on l'ies. Cliacnn comprendia ah'rs
que le lils du char) entier, ipi'c.n avait appelé le Sauveur d. s
hommes, était vraimeiil le Sauveur dans le sens le plus positit
el le plus élciulu qu'il liU possible deMonner à ce mot. "
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
^5
Mise en Teme chez M. PATRIS, propriétaire «lu JOl'RXAL Df PALAIS, A Paris : elioz les principaux libraires de Franco.
12 GBOS vnu MIS grand in-S° de
n,-J20 p. ou in-4" de l.seop.,
pap. colle, reiiferni. la matière
de pliisde 10 vol. in-S» ordin.
PRIX : 40 FB.
Pri^sentant t
DE
TODSiJOllEnSAEilS
ANNOTES
EXPLIQUÉS.
' cha4|ii
article l'état complet de la JI'RISPRLnE:«< T.. «le la I,K«ISI,.tTIO!« et de la DOCTKiniE DES AITEURS.
pur une SOilÉTË UC JI RI!4t 0\SL'I/l E»>.
Nul n'est censé ijjnorer la loi, et peu de personnes la connaisseni
question la plus diflicile qui l'intéresse : ce livbb est i tile aux noïDi
D .\FK.\iREs en
es conns on! eu l'Iienrense idée île donner à rliaeun, étranger on ayant drcil, les moyens de se lixer sur la
..-..>— -f '1" '' iilu'ége les recherches, et i>uis1'H>.sa1!I.e aux peo!>iiietaiiies et aux cens mi monde qui ont besoin de dé-
Îendre''l'eursintérêts7 Chacun sait, en eOet, qu'un simple code sans cosisientaihe ne présente, pour qui cherche des renseignements, que des difficultés souvent insurmontables.
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et renlerniB on Traité complet pour "
Chaipie livraison hebdomadaire, composée d'une feuille grand in-octavo à deux
,-texle,
matière
Iles in-octavi)
DIVISIONS DE L'OUVRAGE : — Sciences vmthématiqties. Sciences physii/iies, U traités. — Scie
traites. — heliginii, Mnriile, 5 traités. — Législatinn, Mminislmlinn, 5 traites. — Ethiciilinn, Lilléralure
Industrie, l'i traites. — Ecmwune publique cl Uuuwsli>iuc, 9 traités
AVIS A LIRE.
Les éditeurs se félicitent d'avoir pu faire a|iprécier par les
hommes les plus in>norables le but utile de leur entreprise, et
de (louvoir compter dans la liste de leurs collaborateurs les sa-
vants les plus connus par leur dévouement aux classes indus-
trieuses.
Les Cent Traités formeront deux volumes grand i»-8, conte-
nant la matière de plus de trente volumes ordinaires, avec des
gravures sur bois, aussi nombreuses que lai matière l'exigera
comme éclaircissement.
Chaque volume sera composé de 50 feuilles à deux colonnes,
en petit-texte très-lisible, et imprimé avec luxe sur un papier
de la meilleure qualité.
Histmre, Géographie, 13
Cest à rficosse que nous devons la première idée de l'entre-
prise que nous annonçons. Le livre inlilnle Chambers's infnr-
matinn for llie peuple, publié à Edimbourg, en 1842, obtint, dès
son apparition, un succès presque inouï Dans le cours de la
première année, il s'était vendu à 70,000 exemplaires.
Nous n'avons emprunté au Chamhers's information que l'idée
de cette publication. Tout en l'imitant dans sa forme typogra-
phique, nous avons con(,;u notre entreprise sur un jilan tout
dilTcrent, car il fallait avant tout l'approprier aux besoins d'in-
struction de nos compatriotes.
La rédaction des Cent Traités a été confiée aux savants et aux
écrivains les plus distingués dans chaque matière spéciale.
naturelles et médicales, M trailés. —
4 traités. — Beaux-Arls, 6 traités, — Agriculture, tti traités.—
Chaque traité sera renfermé dans une feuille (rarement deux),
qui paraîtra sous forme de livraison hebdomadaire, et pourra
s'acquérir séparément.
Cette publication s'adresse surtout aux classes laborieuses,
pirmi lesquelles il s'opère, depuis quelques années, un travail
d'inlelligciice (|ue les hommes à portée de voir et en étal de
comprendre suivent avec intérêt.
Néanmoins, toutes les classes de lecteurs trouveront leur pro-
fit dans cet ensemble d'instruction sur toules les choses qu'il
n'est peçmis à personne d'ignorer, et moins i ceux qui ont du
loisir qu'à ceux qui travaillent.
£n vente eA«» fAVMiMJV, éaileur, rue HieheUett, ««.
PlIVEllES RUSSES, ». MCOIAS GOGOL
Traduction française, publiée par M. lOUIS ITIAR^OT. — 1 volume m-18. Prii i 3 fr. 50 c.
CI\Q NOIIVELIES : TARASS BOILBA; Li:S MÉJIOIIIES D'UN FOI; LA CAlÈCUKl m MÉNAGE D'AlTItEFOlS; LE ROI DES GNOMES.
EUT VESm dans la BIBI.IOTHEQUE CAZIN A UN FB.ANC lE VOLUME, publiée par PAILIX, UO, rue Richelieu-
SOIVEMKS m CHASSES EN EUROPE
PAR LOUIS VIARDOT
SOmaAIRE : PRÉFACE.
EN ESPAGNE, 1s:;r.-18i2. — EX ANGLETERRE, 1811. — EN HONGRIE,
EN RUSSIE, 1844-lSi.j. — KN PRUSSE, 181(1.
IJu joli volume in-l§-C'azlii. — Prix: t franc.
EAU DE RICCI-DESFORGES.
iHiiie rud..'ur 1:. plu
Kan, doiiL io siicn-s
lir lf> di'uls, IfS t-iilrrlenir blan-
l-l.-lll'Sfl l:i .■nri.MlniHl.T.T l'ti:i-
Irlli-s M'iil les qii:iliti's ili- celte
plus fie r.o :ii)s. .\uiit« prions les
ili' ^t' li'iiircii ifMidir conire les
elle e^l en hnl, et nous uhlien-
frauiles inees>uiUeï. auxquelles
drnns jusliee.
Ira seule fabrique et Tunique dépôt sont chez I<. DES-
FORGES. ex-Chirurgien]>eutiste de feu S. A. B.. le duc de
Berry, RTTB DESFOSEÉESMONTMARTRE. 27) dans la porte-
cochèrei au deuxtèoie.
A HENRY I".
H. IiEVILlAYEa , CHEKISIER, 22, rue des Filles-
Saint-Thoma-, au Cidn do la rue Richelieu. Nos abonnés nous
sauront gre de leur faire connaître le chaiigemeiit de domicile
des magasins de Chemises Levillayer, dans lesquels se trouvent
réunis le bon, le beau, le bien fait et le bon marché. Les étran-
gers sont engagés à vi^il^:■r ce vaste établissement, oi'i on leur
distribuera un pri\-coiirant.
LONGUEVILLE,
me Ri«>hellru« pr4>>a le Théàtre-Françala.
CHEMISES.
■ ean-
Ce ViiiaiRTc. d'un usa^ rei:onnu hit-n lup^rirur nul mut de
Cologn'- el que tant de contretacleurs clierclirnt & imiter, est
aujourd'hui le coMiiétique le plus distingué ei le plu» ri-cliercli*
pour les snins délit;.at5 de la loilette des dames. Il rafial'.hit cl
assouplit la ptau.. laïuelle il rend son «lasticiUi 11 enlè.e let lou-
ions et rougeurs, calme le teo du rasoir et dissipe les maui de Mtc
\î59,rtje SairU-Himor4, à Paris. — \ fr.SOle flacon- ^
TODTES LES DAMES.
'.■Ile iiniiime Puye, à l'aide de laqi
i;;iiaMlie de la boue sans le seiiiui
2, au coin de la rue Riclnlii
Madame TILMAN vient
d'inventer une a^çrafe
elle la robe est soutenue
s des mains. — Rue de
11, au premier.
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(CUAMPS-EI.YSl-.KS).
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Speii..lchiclll ilill-:i.lr.-s aM\ lilllvs . I.iuucts ,.| l rr.ilMllialulecS.
Ces envçl»iipcs, ipii uni rc.ii l'ai>| i.)li:Éii(iii ilc .M. \v Iiilkcteur
CESiiBAL DES PosTts, oiit clc le siijct d'iiue décision (le Ak le
MiMSTBE DES FINANCES, poiir Cil auloiiser l'emploi avec un seul
cachet an lieu de trois, exisjés pour les enveloppes île forme or-
dinaire Vente en gros et en détail, à la PAPETERIE MA-
RIOM, li, cilé Bergère.
LE CHOCOLAT MÉNîER,t;;x.::;;:i!ro;l:ii\Tx:
cite la cii|iiililr des cciiilirlai'li'urs. ha forme parliciiliiTe et ses
enveloppes ont été copiées, et les médailles dont il est revêtu
ont été remplacées par des dessins auxquels on s'est efforcé de
donner la même apparence. Les amateurs de cet excellent pro-
duit voudront bien exii!er que le nom Menieb soit sur les éti-
quettes et sur les tablettes.
Dépôt, pas.sajçe Clioiseul, 21, et che? un grand nombre de phar-
maciens et d'é|iiciers de Paris et de toute la France.
MAliDBJOiïRINE
Traitt sur la pitrlinn île ers M,fl,i<lte'. si.iKmiI île la Phlliisic,
Asthme, Calarriie cl ilcs aiilics iii.il.i.li. ^ i iniiniiini-s. K.irlic». olr.
Par le Dorleui -riRAT, »P. .Wuleninrl,
t T. In-R:(.r. SOnar la i.iisli-. cil l'AnltiM . r. liicui.i.ico. S.S.//ff.
CHATEAU-ROUGE
(CUAI SSI.1; CLICSASCOi 111).
Soirées musicales et dansantes, les dimanches, lundis, jeudi?
Entrée : 2fiancs.
Les samedis, grande l'été. Entrée : 5 francs.
46
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
Dock nattant à Marseille.
Un dock, dans l'aocpplion ordinaire do ce mot, est un sys-
tème de maft-isin perleclionné, un r('sum(^ do port franc, un
entrepôt où lu niari-liandise se (lépusr <■[ niriiiile les avanta-
ges du toii'itoii'o national et du Icnilnnc cli.in^pr.
Mais cette explication ne peut s'.ipiiliipiii an dock (lottant.
A l'extrémité de l'avant, et dans un espace triangulaire en
communication avec les flotteurs, est installée une machine
à vapeur destinée ii l'épuisement des eaux.
L'exti'émité de l'arrière forme une porte par laiinelle en-
trent et sortent les navires.
qui n'a d'autre but que de faciliter la réparation des navires.
Sa forme est un parallélogramme, sur les côtés duquel
sont réservés des espaces , dits chambres ou flotteurs, cotn-
niunicpiant, au moyen de vannes, avec l'intérieur du bassin.
Voici maintenant le mécanisme de l'opération :
On lève des soupapes pratiquées le long des notteurs,''pour
l'introduction des eaux ; une heure après, le bass-in, qui a une
surcharge de lest, est coulé : la porte s'ouvre, cl le navire est |
introduit dans cette espèce de petit port. On ferme ensuite
la porte et les soupapes, on intercepte les communications,
et la machine ii vapeur dont nous avons déjà parlé, procède
à l'épuisement des eaux.
i,e dock ainsi allégé remonte et soulève le navire dont la
carène reste à sec ; dans cette position, le bâ-
timent, parfaitement accoté, évite toutes les fa-
tigues du système habituel d'abattage et peut
.se prêter sur tons les points à la fois aux tra-
vaux du carénage.
Cet appareil ingénieux, qui permet, au be-
soin, l'introduction d'un navire tout chargé,
_; est une invention originaire des Etals-Unis
dont raoplication n'a encore été faite en Eu-
rope que dans les ports d'Amsterdam, du Ha-
vre et de Marseille.
C'est à M. de Coninck que nous devons l'im-
portation de ce système indispensable aux ba-
teaux à vapeur qui, empêches de se coucher
sur le flanc à cause de leur machine, ne se pré ■
lent nullement au système d abattage ordi-
naire.
Le premier essai du dock flottant de Mar-
seille a eu lieu le 26 juin dernier avec le Sca-
mandre, paquebot-iioste pesant 800 tonneaux ;
ce steamer, entré dans le bassin avec son ar-
mement complet et le charbon nécessaire à
sa navigation, aurait pu réparer ses fonds en
moins de sept à huit lieures.
L'ascension du dock supportant ce poids
considérable a eu lieu en deux heures et do-
mie à la satisfaction unanime des spectateurs,
dont quelques-uns, qui avaient mis en doute
la réussite de l'opération, ont été forcés d'ap-
plaudir à leur désappointement.
Grâce à cette amélioration que l'on doit
à sa chambre de commerce, le port de Mar-
seille'qui, jusqu'à ce jour, est resté tributaire des localités
voisines ou étrangères, va devenir un centre important de
réparation pour les flottes de paquebots qui sillonnent la Mé-
diterranée.
L'Art (lu Chant, par M. G. Diprez, de l'Académie royale de musique, et professeur de chant au Conservatoire de Paris.
— Escudier, place de la Bourse, 20.
L'organisation musicale la meilleure est sans contredit celle
qui est l)asée sur renseignement du chant. C'est à cela que
les Ilaliens ont dû jusqu'à ce jour leur supèriorilé. Kn France,
on a vu pendant longtemps, et même encore qucIqueloLs aujour-
d'hui, on voit les enfants mettre les doigts sur les louches du
piano, ou sur les cordes du violon, sans avoir la moindre notion
de chant. Il eslpresqne impossible de devenir jamais ainsi bon
musicien. Les études mécaniques faites de la sorte |)résentenl
une aridité rebutanle. L'élève ne conçoit pas le but de la
nmsique, au milieu de ce dédale d'exercices laslidieux. En Ita-
lie, au contraire, comme onthante tout d'abord, des .(n'un com-
mence ensuite l'élude d'un instrument, on seul .|iiil l;iiil avant
tout chercher à irailer ce qu'on a déjà fait avec la \ u)S. La pro-
lixité d'ornements, de brod(!ries, de traits brillants et rapides, ne
dégénère pas en value forfanterie de triples el quadruples cro-
ches. La forme mélodique sert toujours de base aux fantaisies
les plus désordonnées en apparence. C'est ce qu'on pi'iil vérilicr
par l'examen des compositions inslrumentalis des (■.•l.liii-s vir-
tuoses italiens depuis Tartini jusqu'à Pagaiiiiii. Oiiaiii aux com-
positions vocales, les maîtres italiens ont cel :ivaiil:iL;e sur ceux
de France el d'Allemagne, qu'ils savent chanter avant même
d'avoir la première notion dcU'harmonie.
Il ne peut donc exister de bonne éducation nmsicaleqne celle
dont lechanlesl le fondement. Aussi doit-on considérer la pu-
blication d'une bonne méthode de chant, comme le plus impor-
tant service qu'on puisse rendre à l'art.
Tout le monde connaît maintenant, el aoprécie comme il le
mérite, l'admirable talent decliantenr de M. Duprez. Depuis le
jour de son début à l'Académie Royale de musique, dans le
rôle d'Arnold, de Guillaume Tell, on peut dire qu'il s'est opéré
une véritable transformation dans la manière de chanler en
France. Dès qu'on l'eut entendu, ce fut à qui imiterait le mieux
son style large, expressif, fort, ornementé avec goût et sobriété.
Jusqu'alors Tes chanteurs français ne s'étaient guère occupés
de la qualité et du volume du son. L'émission de la voix se fai-
sait tellement qnellenicMi; cl lorsque le son ne voulait pas sor-
tir, cequin'élait piis s;ms c\cm|ile, au moyeu delégèrescontor-
sionsde tète, etde quelques niouvemenls de bras, on se tirait
des mauvais pas, comme il arrive IrcquriiimcMi rlir/ n.uis, i,\c.'
esprit. Le chanteur français, pro|irrmciil Jil.csi le cl ciir
spirituel par excellence. Chanter :nc'c es|.nl e^i enellei imii
ce qu'il faut p"
giers
et liiMie l:i
qu'en
disenl les |.;
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SMCU I;, plu
slqil'U
portait de sa puissance de voix et de la force de son organe, la
raison se trouvait confondue. On cria bien plus encore au mi-
racle lorsqu'on put ju^er à Paris de l;i ic;ilile ilc su réputation.
ifDécidrnienl, dis;.il-on, M. Dupr ■/. ,, i.i. I :;ir, ;, vauicu la na-
ture, et lui a dérobé ses secrets les i^lie. pieei eux, i. Mais on crai-
gnait qu il n'en fit son proflt en égoi.sie, et qu'il ne rcsiùl rien
de ses travaux extraordinaires pour le profil de l'art. De pareils
doutes étaient une injure à la conscience de l'artiste. M. Duprez
y vient de répoudre en livrant au public les fruits de ses études,
de ses méditations et de loule smi cx]icrience.
Nous ne pouvons mieux ieinlre( pie de son remarquable
ouvrage qu'en rapportant ici le .pie l:i section de musique de
l'Académie royale des Bcaiix-Arlsu consigné dans le procès-ver-
bal d'une de ses séances : « L'ouvrage de M. Duprez intitulé :
r^rl du Chant, sur lequel M. le minisire de l'intérieur a de-
mandé un rapport à l'Académie des Beaux-Arts, se distingue
icmp-
connu, et en le conipai
idic
qualité
unt-propos, indiqnele plan qu'il a suivi;
sa lucHii iltM'si [li\i>ei' en trois parties : la première, consacrée
au cliatit large, d'ex|iression el de force ; la seconde, an chant
de grâce eld'agilité; la troisième enlin, au chant complet, c'est-
à-dire aux paroles unies à la musique.
« Ce plan, très-bon et bien conçu, est aussi bien exécuté.
L'aulcnr, en restant lidèle au but (pi'il s'est proposé, en écrivant
iMie nieiliode daus iaipicllc toutes les dillicullcs s.uil traitées
gradiiclliuueiit !■! se de\el(ippenl a\cc hcaui'oiip d'an el de me-
sure, a su donner a ses lc( nus iili xcrilahlc iiilcrcl luuMi-al.
«Les cl iules ipi' il a coiu pesées, cl ipii Muil eu grand nombre,
sont remarqiialiics par i'.lc^auce ei la distinclion du chant,
aussi bien que |iar l.i piireie de l'hai loouic.
«La section de musique pense ipie M. Duprez a rendu un vé-
ritable service à l'art, en coiisigiiaui dans cet ouvrage le résul-
tai de son expérience, el en livrant |ioiir ainsi dire au public le
•secret de ce style simple eteleve, de celle diction noble et vraie,
caractères disliiiclifs du talent de l'antenr.
".sii;iM'a la nimiile : .VrBEB, Cabafa, SpONTiKi, Onslow, Adam,
appi
l'iii
d.' ; An ,1,1 Cl,,.
lilu
est un
e analyse concise et très-exacte
■ M
1> e
/,. On peul v aioulcr que janLiis
■Ile
nul
de
■-I p
'1 ..
mport
de vue
lO-, i..i
s un p
ll-le e:
nie liraiiclic de la musique n'a
plus elevc. M. Duprez a eu le
r^, d'eciuiomiser le texte dans
ilaiil ipii do^Miaiisc devant ses
iiaiil iiaivemeut a\ec ses amis
au ciille du liean el du bon.
pales hihli.ah
lelcpi
l'ex
■ellcnleccolc. d,' Clio-
elévcs (111 uns qu'il s
•rail irop
011^-
d'en
iiuerer, pr.
iivciil l'clli-
lus a
iproroudi el le mieux
cacilc des préceptes
du c'Iclue
pro
esse
ir. Mais 11
s deux nue
.'Col,
Il iheiiiie, M Duprez
nous avons noniincc
sont en M
nl|
le s
ne la pers
onnilicalion
' ipli
inilHpie linp siMlvenl
de fJrt (la Chaut. 1.
nue, mad
Ulol
elle
tlourlol, à
iieardenle.
, il
eiaii ipiuu chanteur
Ircslimili'e. \:\ ce-
' en Italie, Doni/j'lli
lanl ce ipi'.in l'avail
intelligente, d'clitc, i
l,i,„r, Xr.i/.tis.^,,,, , I
les a un liaiil ■•.r i
pins douce, i„,H iH
s,ni d,duil,anipe,a
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,\, •' .. ,
1 ,i ,11, ,
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Mil
irtii'coiisai
eiinil loin
selle Daiiii
ciil douce,
c. de /Miei
leeaiiclianl
■s les ipiali-
:) inoiilrf, à
lebr
lit de ses succès rap-
l'excelleuce des Icço
is HUc M.
Du
mw.
u exposées
)iun& la i-c-
conde partie de son ouvrage, celle qui est consacrée au cbant
de grâce et d'n^iV/Vc'.
M. Duprez a dédié son .ht du Chant à Rossini, qui a accepté
celte dédicace avec transport : I„ nccetin cnn traspnrt,, la de-
dieu, etc. C'est ainsi que comnicuce la lettre de reuierciineDls
du grand maître à son célèbre interprète. Mais c'est surtouLau
public qu'un pareil ouvrage est naturellemenl dédié, et le public
ne l'accueillera pas avec moins de transport que Rossini.
Rt^'ii'siiiii.
9
EXPL1CATI0H DD DERHISK RiBDS.
, ' [L'homme cniporlô rc se oonlifnt plus quand la moutarde
Jacques DUBOCHKT.
Tiré à la presse nn'canique de Lackaiipf et C rue Damictte, 5.
L'ILLUSTRATION,
'+t!^/
Ab. pour Parii. S moii, 8 fr. — 6 mois, 16 tr. — Ud an, 30 tr.
Prix de chaque N" 75 c — La collti-lioii meosuelle, br., 2 fr. 75.
N« 183. Vol. VIU.— SAMEDI 12 SEPTEMBRE 1846.
Bureaux, rue BIcbellen 60.
Ab. pour lei dép- — 5 moii, 9 tr. — G moii, f: fr. — Un an, sa tr.
Ab. pour l'Élrangcr. — «0 — SO — M.
SO.HMAIRE.
GtaemlD de fer aerten à force ceotrlfage. i'ne Grarure. — His-
toire de la semaine. — Courrier de Paru. Portrait de M. de
Jouy : Sat/Us-d'Olouiie ; Courses de Luçon, Costumes de ta Vendée,
le Marais: Ltiçon et Sainte-Hermine : l'Hippodrome. — Ecole
rOfale v*C*rloalre d'AlfOrl. Amphithéâtre: Etires au Iranail. —
Deux Cta«SHf>8 eu Pru^ne. Par M. Lou-s Viardot (Fin. —La Ptriie.
Deuxième et dernier article. Vue d'Ispnhan; Capitaine d'injanterie ,
Irrégulier, Kurde, Artillerie à dos de chameaux. Tambour, Soldat du
Khoraçan, garde royale. Irrégulier du sud , Artilleur, Cavalier ir~
régulier; Camp du chah, à ïspahan; Corlérje du châjt allant il la
grande mosquée ; Seid, Derviche, Cadi, Mollah, Grand mollah ; Cour
intérieure de la grande mns'iuêe d'J^p.ihan. — Le pori lie ToillOU.
Troisième article. l'ue des magasins particuliers, la Chahie de fAr-
ttnal, dite chaîne neuve, le Pare d'artillerie; la Salle d'arm.s. —
Balleiln blblloKrapblque. — Anuonces.— Modes. ICiialpages.
f. Une Gravure. — K«bua.
Clieniin de tev aéi>l<Mi n force centrifuge.
Le Journal du Hinri' du mois dernier a publié, à quelques
jours de distance, les deux articles suivants sur la curieuse
expérience dont notre dessin offre la représentation exacte :
« Aujourd'hui, à onze heures, une réunion nombreuse
avait envahi les jardins de Frascati, où devait être essayé,
pour la première fois, le seul chemin de fer aérien qui existe
en France. Nous appelons ce chemin aérien , attendu que le
point de départ est à 9 mètres au-dessus du niveau du jardin ;
pendant un espace de 32 mètres, la pente est de 44 centimè-
ires par mètre. Arrivé au bout de cet espace, le char entre
dans un cercle de 4 mètres environ de hauteur qu'il parcourt
avec une incroyable rapidité, pour remonter ensuite, pendant
18 mètres, une pente de 28 centimètres environ par mètre.
« 11 est difficile d'assister à un spectacle plus curieux, plus
intéressant. L'expérience a eu lieu en présence de M.Dumon,
ministre des travaux publics. A son entrée dans le jardin, le
char portant deux sacs contenant, chacun, 50 kilogrammes de
sable, partit avec une effrayante rapidité, et, après avoir par-
couru l'hélice, il vint expirer au bout du chemin, sous les fe-
nètresdu premier étage de l'hôtel occupé par madame Aguado,
avec une telle précision, qu'un bouquet de fleurs serait venu
tomber plus lourdement aux pieds de la noble dame.
« M. le ministre des travaux publics devait partir pour
Rouen à la marée, qui n'attend pas ; à peine la seconde
épreuve, qu'il avait lui-même demandée avec le plus vif in-
térêt, fut-elle terminée, qu'il a dû aller s'embarquer sur le
bateau à vapeur, après avoir complimenté l'ingénieur, M. Cla-
vières, sur la beauté de son travail.
«M. Thiers était présent à ces expériences; il a adressé à
l'ingénieur les félicitations les plus (laiteuses, sur la justesse
de ses calculs, sur l'exactitude avec laquelle il a trouvé la
solution du pnihlème de la force ce nirifuge.
«On a surtout remar(|ué la vitesse avec laquelle le char,
poussé à une force i|ui lui a fait faire 60 lieues à l'heure,
passe dans l'hélice, dont le diamètre est de 4 mètres. On com-
prend qu'il y a un moment où le char est compléltment
chaviré et que, par conséquent, il n'est plus retenu sur le
rail que par la force ceniriluge.
«Une cxiiériencc décisive sera faite devant les autorités
de la ville du Havre; nuis le chemin de fer aéricnseia livié
ensuite à la curiosité du public.»
«Samedi dernier, Frascati a donné une grande lêle à l'oc-
casion de l'inauguration du chemin de fer aérien, construit
dans le jardin, sur les plans et snus la direction de M. Cla-
vières. Nous avons ili'j.i piiili'-diTiM étrange effort de la science,
ù propos d'expériciic 1"- qui mil été faites avec le plus grand
succès, il y a queUpus juins, dcviiiit .M. le ministre du com-
merce et en présence de M. Tliicis, pendant un court séjour
qu'il a fait au Havre. Avant-hier au ^oir, ce n'étaient plus
quelques personnes privilégiées, c'était le public tout entier
qui avait été convuqué au curieux et intéressant spectacle de
chars lances à toute vitesse sur ur.e penle de 44 centimètres
par mèlie, et parcourant au bas de cette pente un cercle de
12 mètres de circonférence, pour remonter ensuite une pente
de 52 ccnlimctres par mètre, le tout avec une rapidité de
240 kilr mètres à l'heure.
«La foule était nombreuse, attentive, anxieuse; elle exa-
minait avec intérêt les tunibinaisons de ce travail, manifes-r
tant une vive impatience jusqu'au moment où le premier char
a été lancé, puis suivant la marche de ce char avec un fré-
missement involontaire. Quatre voyages successifs ont été
accomplis avec un succès enlier, et chacun de ces voyages a
été accueilli par de vifs applaudissements. De nombreux
amateurs se sont offerts pour monter dans les chars et tenter
(ux-mèmes la course, en apparence très- périlleuse, car le char
est, penilant un moment, entièrement renversé.
« Une prudence, peut-être excessive, mais à laquelle on ne
peut qu'applaudir, a opposé une résistance absolue à cet em-
presseiiieiit. L'iiabile ingénieur a prétexté la nécessité de
multiplier à 1 hilini les épreuves, de consolider mieux encore
diverses parties du chemin ; cependant il n'ett resté à quel-
que s-pectaleiir que ce soit le moindre doute sur la certilude
(|ue le chemin eût été parcouru sans aucun accident, si l'on
eût cédé aux sollicitations, aux pressantes instances de ceux
que semblait tourmenter le désir de ressentir les vives émo-
ÀH
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
lions d'une c'[reuvc de cett»; nature. Ha donc fallu se con-
Icnter, pour telle première lois, de la course decliars cljar-
yés de poids divers et sur les sièges desquels avaient été
placés des personnages travestis.
«On annonce, que d'ici à quelques jours, une .seconde l'ÎMe
sera donnée à Frascati, et que cejour-là, toutes les émotions
du voyage aérien seront permises à la fou!e. Des épreuves se
multiplient d'instant en instant; tous les calculs sur les di-
verses combinaisons et les ellets de la force centrifune s'é-
tudient et se vérifient avec un soin extrême; toutes les par-
ties du chemin sont examinées avec une précision parfaite;
le succès, en un mot, se préiiare avec une sollicitude de na-
ture à prévenir toute déception.
cl Du reste, nous approiums avec sidisfaclion que l'auteur
de ce travail nuM ir(]ii;ilili' n'iMilcnil point cmi borner les ex-
périences à un sini|ile Iml di' i-nrinsilé ; iiiaisqu'au contraire,
ce cliemin , d'une coiicepiinii IcIlciniMil liardie, que rien
d'aussi important dans ce genre n'i'\M.' rniure ailleurs, ser-
virai expérimenter divers syslciiics irapiilications utiles, et
notamment un mode d'enrayenient pour les locomotives sur
les pent.ss de chemins de fer. On comprend que la pente de
ii centimètres par mètre, alors que les plus ra|iides, sur les
chemins de fer, sont de 5 à 8 ou U millimètres par rnèlre,
donnera lal'aiiillé de. se livrera des expériences positives, en
raison iii'Mne do la plus grande difficullé à vaincre.
«M. Bredart, direiteiirde l'établissement de Frascati, avec
le plus louable empressement, et sans autre mobile que le
sentiment de l'art, a mis son jardina la disposition de M. Cla-
vières. M. Métayer (ils, mécanicien de la marine, a exécuté
les travaux de chemin aérien avec zèle et intelligence. »
, A ces comptes rendus, faits sur les lieux mêmes par des
témoins oculaires et dignes de foi, nous nous contenterons
d'ajouter pour le moment quelques nouveaux détails que nous
envoie notre correspondant.
Ce cliemin aérien n'est pas une expérience entièrement
nouvelle. M. Clavières, habile mécanicien de Bordeaux, l'a
exporté d'Angleterre, où il en existe un sur une échelle plus
petite, il est vrai, car le cercle n'a que 2 mètres au lieu de
4 mètres de diamètre. Comme l'indiquele journal du Havre,
le chemin aérien de M. Clavières n'a pas seulement pour but
de satisfaire un intérêt de curiosité ; son ingénieux et hardi
constructeur se propose surtout de s'en servir pour se livrer
à des expériences utiles, pour essayer un frein dynamomé-
trique qui, sises espérances se réalisent, doit pouvoir arrêter
ses wagons sur sa pente de iO centimètres par mètre.
On comprendra sans peine l'ulililé d'une pareille décou-
verte appliquée aux chemins de fer actuels dont les pentes ne
dépassent jamais le maximum de 9 millimètres par mèlre.
Dans le cas où, comme il en a la presque certitude, le frein
dont M. Clavières est l'inventeur, produirait sur le chemin
de fer aérien les elfeis qu'il en attend, avec quelle facilité
n'arrêterait on pas désormais les machines à vapeur sur les
chemins de fer ordinaires ?
Les expériences dont nous avons emprunté le récit au
Journal (la Havre, ont été depuis plusieurs fois renouvelées.
Elles ont toutes réu.ssi. On a rempli les wagons d'œufs, de
verres d'eau, de bouquets de Heurs, le Irajets'estaccompliainsi
que le représente notre dessin sans qu'un œuf se fut brisé,
sans qu'une fleur eût glissé ii terre, sans qu'une goutte d'eau
eût coulé. Enlin un des ouvriers a voulu entreprendre à son
tour cette petite excursion plus périlleuse en apparence qu'en
réalité. Parti du point le plus élevé à une heure de l'après-
midi, il arrivait ii l'extrémité opposée (75 mètre.s) à \ heure
8 secondes. En mettant pied à terre, il a paru fort satisfait
de son voyage. Pendant la descente, il a distingué parfaite-
ment, malgré la rapidité de sa course, les objets qui l'entou-
raient; mais nur^dis entré dans le cercle, il n'a plus rien vu,
et en sorUnl il a nioonlé la pente opposée à la descente, en
regardyll Imji ;i.il.imdf--Jui et en battant des mains. Il avait,
du-il^i s|iiré lii'i.-lji ileiùeiit el il avait surtout éprouvé une
seiisr||^^ui-*iil. :ii!i.Tabie en f.iisnnt le tour de l'hélice. Aussi,
a t-ilivx'iifu rçcrt/fi«>;iW'r^ O^'ux collectes faites en sa faveur'
à la fet'v de QlaKjfe¥\(ié/ience, ont produit, la première'
Blii3«o>ir«de la Semalii».
Nos législateurs ont marché d'un tel pas, oue notre dernier
numéro n'a pu les suivre. Nous les avons laissés à la consti-
tution délinitive du bureau de la Chambre. Nommer la com-
mission pour la rédaction de l'adresse, la commission de la
comptabilité, une commission de pétitions, élire les deux
questeurs, MM. Clément et de l'Espée, assister à un débat
il I iiccasiiiu lies mesures réclamées par les incendies qui af-
lli^^enl II' sii:l-est, et à l'occasion de manœuvres militaires
qui auiaieul appuyé des manœuvres électorales h Perpignan,
euleiidre la lecture du projet d'adresse improvisé par un rap-
porteur que le choix de la Chambre est venu surprendre, ou
plulot prémédité par un rapporteur désigné d'avance à des
commissaires également choisis, voter enlin par assis et levé
00 discours de la couronne retourné, tout ci la n'a demandé
pour ainsi dire que lu leiiips (|ue nous metloiis à l'énumérer-
mais le scrutin a été, lui, plus exigeant, et pour léunir 251
boules dans I urne, il n'a pas fallu moins de Irois heures do
li:ilrnuill/s dans tous les couloirs de la Chambre, dans ks
qiiaineis aijacenis, dans les minisières, aux directions du
personnel, et jusque dans la cour de la malle-posle. Mais
enhn, ["i six heures un quart, l'urne et M. Sau^et se sont trou-
vés satisfaits.
Le lendemain vendredi, les ministres sont venus dans les
deux Chambres donner lecture de l'ordonnance royale qui
proroge la session au 1 1 janvier 1847.
Chaeiiu s'aeenrde ;\ reeuiiiiailre que, pour avoir été courte,
avant-s, ss.iHi a ele si^Miiliealive. D'abord elle a beaucoup
un. MX ili* oniimé, ipi,. n avaient su le faire des supputations
conhadictoircs, les lurces respecUves de la majorité et de
l'opposition, ensuite elle a fourni à cette incontestable majo-
rité l'occasion rapidement saisie de se bien dessiner et de
dissiper toute incertitude sur ses tendantes et tur sa marche
à venir.
Question des grains. — Sur plusieurs points de la France,
la population, par trop préoccupée des moyens de subsistance
qu elle trouvera dans la saison rigoureuse, rompromct les
chances favorables de ressources suflisaiiles et de mercuriales
abordables [lar des mouvements et des éiiieiiieM)iii ont pour
inévitable elTel, en entravant la circiilaliun, de nuire ù l'ap-
provisionnement des marchés et de faire élever les prix.
M. le minisire de ragriculture et du commerce vient, à la
date du 25 août, d'adres.ser une circulaire aux préfets pour
leur demander les ressuiines ipi'oflrent leurs départements
en réserves et en récnlles iinii\el|es. Ces renseignements eus-
.sent peut-être été recueillis plus lïit avec plus d'opportuniié
encore. Quant à M. le ministre de la guerre, il fait procéder
à plusieurs adjudications considérables pour l'intégralité de
fournitures qui, échelonnées et par livraisons successives au-
raient produit un vide moins brusque sur certains marchés.
Le chef du même département ministériel prévoit, dit-on, la
nécessité d'avoir recours ii un crédit extraordinaire de 25 mil-
lions pour les subsislances de notre armée d'Afrique. En Algé-
rie et dans le midi de la F'rance, les récoltes seront, à ce qu'on
assure, plus que médiocres; les orges, les pommes de terre
surtout feront défaut. Cette insuffisance n'aura certainement
pas le caractère d'une disetle, mais elle exigera pour notre
année, dans la prévision du gouvernement, un supplément
considérable de dépense.
Dans celte situation, il est fâcheux que M. le ministre du
commerce, qui vient de solliciter et d'obtenir du gouverne-
ment russe, à la suite des manifestations des Chambres de
commerce, la révocation de l'ukase qui frappait la marine
française d'une aggravation de droits de 50 pour cent, n'ait
obtenu cet acte de justice et de réciprocité que pour les na-
vires français venant des ports de l'Océan et de la Manche,
et à la desliuation de la Baltique et de la mer Blanche, comme
à celle de la mer Noire et de la mer d'Azolf. L'exclusion des
bâtiments venant des ports de la Méditerranée est fort re-
grettable, car en ce moment plus que jamais la facilité des
communications entre Marseille et Odessa eût élé précieuse.
Taïti. — Des renforts assez considérables vont être diri-
gés sur l'Océanie. On porte à environ 1,600 hommes le nom-
bre des troupes qui seront embarquées. Le 1"' bataillon du
\" régiment d'infanterie de marine, en garnison à Cher-
bourg, esldésigné pour ce service. Il doit s'embarquer le 15.
Les corvettes l Allier, la Somme et la Loire, sont dispo-
sées à Brest, pour le transport des troupes. La Galatée va
être armée pour aller stationner dans ces parages.
Espagne. — Tout à coup la Gazelle of/icielle de Madrid a
parlé, et le 29 août elle a annoncé le prochain mariage de la
reine Isabelle avec son cousin l'inlantdon François d'Assises.
Les fiançailles avaient eu lieu dans la nuit du 28 au 29. Les
certes sont convoquées pour le 14 de ce mois.
On a su en même temps que l'infante dona Maria-Luisa-
Ferdinar.da, sœur de la reine, épouserait, le jour du ma-
riage d'Isabelle, M. le prince de Montpensier.
On avait d'abord annoncé que ces deux unions seraient cé-
lébrées à la fin d'octobre. Le 10 du même mois fut ensuite
fi.vé pour la double cérémonie. Aujourd'hui elle parait devoir
être plus prochaine ; on parle du 24 septembre.
La reine Isabelle est née à Madrid, le 10 octobre 1830; Sa
Majesté est, par conséquent, âgée de près de seize ans.
L'infant don François d'Assises est né le 15 mai 1822; il a
eu vingt-quatre ans au mois de mai dernier.
M. le duc de Montpensier est né à Neuilly, le 31 juillet
1824; S. A. R. est par conséquent âgé d'un peu plus de
vingt-deux ans.
Dona Maria-Luisa-Ferdinanda, infante d'Espagne, est née le
50janvierl8ô2;S.A.R. est âgée de quatorze ans et sept mois.
Le parti progressiste, une notable portion du parti mo-
déré lui-même, nous n'ajouterons pas, ce qui va de soi, la
presse anglaise tout entière, ont vivement attaqué la secDnde
de ces unions surtout. On y a vu l'alliance dans l'avenir de
Narvaez avec les Tuileries. On annonce en efl'et le retour de
ce général, de son ambassade, et sa prochaine nomination à
la présidence du sénat. On ajoute que, d'un aulre côté, Ma-
rie-Christine, après avoir fait accorder le titre d'altesse à son
mari morganatique et la grandesse de première classe aux huit
enfants issus de celle union, viendrait habiter la France. Le
mariage de la reine doit nécessairement entraîner l'éloigne-
ment de sa mère, habituée depuis trop longtemps à gouver-
ner, pour qu'on ne suppose pas, elle présente, qu'elle veut
gouverner toujours. Warie-Chrisline a, pour se retirer, un
prétexte dont elle fera bien de proliler. Elle accompagnera et
présentera elle-même l'infante Luisa à la cour des Tuileries.
Irlande. — Il a été décidé, dans une grande assemblée
tenue le 5 de ce mois, à Dublin, que le lord-maire serait in-
vité à convoquer une réunion générale dans laquelle on dé-
libérerait sur les mesures à prendre pour soulager les pau-
vres au milieu de la détresse qui règne dans le pays.
Les circonstances paraissent, en effet, bien difficiles en
Irlande.
« Les alarmes au sujet de la famine, dit une feuille de Li-
merick, se répandent dans tout le pays. Les autorités de
Palldskerney ayant été informées que les paysans des dis-
tricts voisins avaient résolu de se réunir hier niatiii de bonne
heure pour roiu|ire le pont, alin d'empêcher les feiniieis de
porter leur blé à Limerick, elles mil lait appel à la police des
environs. Celle-ci, sous les ordres de M. O'ilalley, est restée
sur pied toute la nuit, et a empêché la tentalive \iroje|ée.
PliisdeiOU voilures chargées de blé ont traversé le (loiii p. u-
dant la nuit. Les dilTérentes commissions de .secours solliii-
tent du gouveriienient la coniiiiuation de siiliveiiliniis en
mais et en avoine pour être distribuées par l'intermédiaire
des commissaires. «
Danemark. — On lit dans le Correspondant d» Ham-
boury, du 31 août ;
«Dans une des dernières séances de l'assemblée de Roes-
kild, en a délibérésur une proposition de M. David, concer-
nant l'abolition de l'esclavage dans les iles dandses des In-
des occidentales. Il résulte du rapjort du comité, que le
nombre des nègres esclaves dans ces iles, s'élève à 24,(00,
c'tst-à dire au delà de iroitié de la population. Le comité se
prononce pour l'émancipation absolue et simultanée, en
échange d'une indemnité complète en laveur des propriétai-
res. La somme est évaluéeà4 millions de francs, qui seraient
payés par le trésor public. Le commissaire royal a fait des
objections. Le vote n'a pas encore eu lieu, mais il est hors
de doute que la proposition passera, bien qu'avec quelques
modifications. »
TtBQiiiE. — « Constantinople, 19 août :
«Le vice -roi d'EgypIe vient de quitter notre ville, après
avoir fait agréer par Sa Hautesse un cadeau de liuit millions
de piastres, et parla sultane mère un autre cadeau de quatre
millions. Hamid-bey, premier chambellan, l'accompagne
jusqu'au Caire, Il n'a encore rien transpiré des effets de la
présence de Méhémet-Ali à Constantinople. On s'attendait à
une impulsion donnée au parti des réformes. On craint
d'être obligé de renoncer à une pareille espérance; mais il
est plus sage de ne former aucun jugement.
« Le vice-roi d'Egypte touchera à la Cavale pour visiter le
lieu de sa naissance, et l'on a fait de grands préparatifs pour
l'y recevoir. Pendant les quelques jeîurs qu'il doit y rester,
il habitera la maison même où il a passé les premières années
de sa jeunesse. Par un .'entiment que comprendront surtout
ceux qui se trouvent éloignés depuis longues années des lieux
qui les ont vus naître, et que nous pourrions appeler la re-
ligion des souvenirs. Son Altesse a, dit-on, donné l'ordre de
ne rien changera cette habitation, de n'y faire que les répa-
rations absolument indispensables, désirant revoir tout ce
qu'elle a quitté depuis longues années, et retrouver ainsi plus
intactes les impressions de son enfance et les souvenirs de
sa famille.
u Depuis que Son Altesse est à Constantinople, elle n'a
cessé de répandre des bienfaits presque à chaque instant de
la journée, et cela ne surprendra pas quand on saura qu'elle
recevait deux ou trois cents placets par jour, et que jamais
solliciteur n'a été renvoyé avant d'avoir obtenu l'objet de sa
demande et sans bénir, en s'éloiguant, l'humanité et l'allabi-
lité du pacha. On évalue à la somme énorme de 50 millions de
piastres les dépenses que Son Altesse a faites jusqu'à ce jour
en dons et en charités. Sa Majesté le sultan et les sultanes
ont envoyé de magnifiques présents au vice-roi. »
Etats-Unis et Mexique. — Le Great Western a apporté
des nouvelles des Etats-Unis postérieures de cinq jours à cel-
les que nous avons publiées. En voici le résumé :
« Les élections d'août, pour la Caroline du Nord, l'Indiana,
le Missouri et l'illinois, ont donné ce résultat, que la force
des wighs a augmenté dans les Etats wigbs, et que la tinte
du parti démocratique s'est accrue dans les Etats démocrati-
ques. La Caroline du Nord, qui ordinairement était clas-êe
parmi les Etats whigs, mais qui depuis peu inclinait furt veis
la démocratie, est revenue au parti whig. Grâce it ce itlinii,
les whigs gagnent deux membres dans le sénat des Etats-Unis.
« On a reçu des nouvelles de Matamoras et de Camargo :
les premières vont jusqu'au 2 août et les autres jusqu'au 27
juillet. Les troupes qui sont en marche sur Monterey s'élè-
vent à 17,000 hommes. La population mexicaine est complè-
tement inactive, si nous en jugeons par les renseignements
reçus au camp américain. Le Mexique parait indilléient aux
résultats de la guerre. Paredès s'est retiré à Mexico.
« Il réunit ses troupes autour de lui et fortifie sa position
aussi bien que le lui permettent ses ressources limitées. On
a cessé de suivre avec intérêt les mouvements deSanla-Anna,
attendu que sa popularité dans la division de l'armée qui est
à la Vera-Cruz ne suffit pas pour qu'un mouvement révolu-
tionnaire contre la dictature de Paredès soit assuré de réussir.
«On a reçu à Saint-Louis des nouvelles de Leavenwonli
jusqu'au 9 août. Un courrier était arrivé du camp du général
Kearney. Au moment du départ du courrier, le général se
trouvait à ITiO milles de Bent's Fort. Sa marclù; était rapide,
et ses troupes étaient dans le meilleur état, rravait seule-
ment perdu 9 volontaires en traversant les prairies. Le bruit
courait parmi les comnieiçants et les Mexicains que le général
Urrea marchait à la tête d'un corps mexicain considérable
pour protéger Santa-Fé. Le général Kearney s'avançait aussi
promptement que possible. Si ses transports ne le relardent
jws, il ira droit à Santa-Fé. »
Le Sfunrfurii extrait de la Bermuda- Poyal-Gazel te au ]H
août les nouvelles suivantes de Vera-Cruz à la date du 31
juillet : 0 Aujourd'hui il y a eu, en faveur de Santa-Anna, un
pronunciamenio qui a jeté la ville dans une vive agitation.
On dit qu'une dépulation va se rendre, par le paquebot, à la
Havane, pour inviter Santa-Anna à retourner au Mexique.
L'escadre américaine n'a encore altaqué ni la ville de la Vera-
Cruz ni le château de Saint-Jean d'uiloa. On pense qu'elle a
le projet de diriger ses forces contre Tampico et Alvarado.
Le 29 juillet, tous les vaisseaux ont mis à la voile de l'île Verte,
et se sont dirigés vers le Sud. Quelques personnes supposaient
qu'ils allaient brûler Alvarado pour forcer le Mexique ii cé-
der aux exigences américaines. Le vaisseau du Commodore,
/(■ Cnmberland, a donné contre un récif en vue de San-Anloii
Lizardo, et comme le temps fut pluvieux et mauvais cette
nuit-li"i, il resta environ trente heures l'i ta'onner contre le
récit. Il lui a fallu, pour se tirer de là, le secours d'un puis-
sant steamer; encore avait-il jelé â la mer quelques canons. »
Brésil. — Ou a des iiiiUve'lcsdeUiii-.Iaiieiro par les Etats-
Unis; elles sont du 2 luillet. Les chambres brésiliennes étaient
en session.
Des interpellations ont été adressées au ministre des affai-
res étrangères sur les affaires de la Plata; on prévoyait que
le général Paz allait se réfugier sur le territoire du Brésil et
qu'il pourrait y être poursuivi par les soldais d'Oribe. Le mi-
nistre a répondu qu'il y avait assez de troupes sur celle Irou-
tière pour n'y craindre aucune violation de territoire.
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
^9
Haïti. — A la date du 51 juillet, le président Riche était
en tournée dans le Sud, et se trouvait à Jérôme, où il avait
été accueilli et fêté. Tout élait tranquille sur chacun des points
de la république. L'insurrection élait terminée ; il n'était plus
question de campement ni de bandes armées dans la plaine.
L\"DE. — Les nouvelles de l'Inde apportées par la malle du
ISjui'let sont, comme <rurdinaire en cetle saison, asseï
nulles au point de vue politique ; mais elles conliennf ni un
tableau enrayant de la mortalité produite par le choléra à la
suite d'une saison plus cheuideolplus sèche que de coutume.
Bien (|u'aucune station ne semble avoir été éparj^née, c'est
surtout le port de Karachi dans le Scinde, localité générale-
ment saine, qui parait avoir le plus soulTerl. Selon les rap-
ports ol'liciels, en moins de quinze jours, du 15 au :25juin, la
raoilié d'une population de l(i,(IUU ànips aurait été emportée
par le Iléau, et sur unejiarnison de G,OUU combattants l,4i)0,
dont Sllj Européens et oOo cipayes , ont actuellement péri.
Voici ce que raconte un témoin oculaire de l'airivée et du
passage de cette terrible épidémie :
« Durant la première quinzaine de juin, la chaleur avait
été intense; mais la parnison et les hôpitaux civils ne comp-
taient pas plus de malades qu'à l'ordinaire. Le 14 du mois se
trouvait être un dimanche; ce jour-là l'atmosphère était plus
lourde que de coutume. Néanmoins les troupes se préparè-
rent à entendre le service divin. Pendant qu'on complétait le
carré, un nuage fort épais et qui semblait gros d'un orage,
s'éleva lentement de l'iioriïon. Pendant un instant il couvrit
tout le ciel, puis vint un vent liès-violent qui pencha les ar-
bres, ébranla les casernes, et lit chanceler les constructions
même les plus solides. Ce vint passa comme le simoun, ba-
layant le nuage et laissant le ciel aussi nu et l'atmosphère
aussi immobile qu'auparavant. Mais il avait apporté sur ses
ailes un hôte terrible, qui devait malheureusement s'arrêter
en chemin.
« Quand les troupes revinrent de la prière quelques hom-
mes tombèrent dans les rangs, et di>jà avant minuit neuf Eu-
ropéens, soldais du 8(i" de la Reine, avaient cessé de souf-
frir; enfin, avant le matin, les hôpitaux ne suflisaient plus pour
recevoir le nombre toujours croissant des malailes. Le len-
dem.iiu, cinquante soldats, tant du lit)" (carabiniers d'Angle-
terre) que du V.G' et du 1" régiment européen de Bombay
furent conduits au champ du repos. La nuit suivante fut hor-
rible îi passer et le réveil fut plus horrible encore. La conta-
gion s'était étendue sur toute la ville. On voyaildansles rues
et sur le seuil des maisons un millier de cadavres de tout âge,
de tout sexe et de toutes couleurs. Les jours suivants jus-
qu'au ii, on ne compta plus; il n'était plus question d en-
sevelir les morts, de larges fosses étaient creusées ii la hâte,
et soldats, cipaye.s. Européens et indigènes, maîtres et servi-
teurs étaient entassés pèlc-mêle, sans bière, sans linceul,
dans leurs lits et sur leur litière, jusqu'il quelques pouces de
sol; puis un peu de terre recouvrait le tout, pas assez peut-
être pour sauver la ville d'une seconde énidé "ie presque
aussi fatale que la première, résultat |iroliable des exhalai-
sons qui s'échappent de cette masse piiti ide.
« Du 23 au 28, la maladie sembla perdre de son intensité.
Le 2'J, jour où s'arrêtent les rai)|iorls ofliciels, on ne cornu-
lait que deux viclimes. dont un nflicier du 12" réuiment d'in-
fanterie indigène. Ihdcrabad et Sukkiir sur l'Indus, Buni-
bay, Bellarv, Calcutta, ajoutent leur contingent à cette lon-
gue liste nécrologique, et il est peu de familles en Angleterre
auxquelles ce courrier n'apportera point de tristes nou-
velles, n
.AFFdHAMSTAN. — Le i niîii cst arrivé à Caboul un am-
bassadeur du shah de Perse, chargé d'une mission extraor-
dinaire pour Dost-Maliumed. Voici les détails que contien-
nent à de sujet les journaux de l'Inde :
« Recule 6 mai, en audience publique par l'Emir, ses frè-
res et ses lils, cet envoyé leur expliqua neltement que le but
de son voyage était d- réunir tous hs AlUhans en une confé-
dération hostile à l'Angleterre, confédéralion dont la Perse
se proposait d'être l'àme, et qu'elle était prête à soutenir de
ses troupes et de ses trésors. Maliomtd-Akhbar-Klian, vizir
et commandant de toutes les tribus qui reconnaissent l'au-
torité nominale de son père, répomlit sans hésiter que rien
ne lui ferait un plus grand plaisir que de marcher de nou-
veau contre les .Anglais, et que, si eiïectivement Mahomed-
ShahKajar élait disposé à lui avancer les fonds nécessaires,
il élait prêt, de son côté, à envahir le Pesliawer d'autant plus
volontiers que, sans compter les habitants musulmans de ce
pays, 20,000 sikhs lui avaient écrit pour le pres.ser de se
mettre en campagne, jurant de se joindre à lui au moment
où il déboucherait desdéljlés du Khyber. Sur cette déclara-
tion plusieurs autres chefs présents se prononcèrent dans le
même sens; Mahomed-Zeinan-Klian s'engageait à fournir
pour sa part un eontingniit ih' 50,1100 montagnards qui se
joindraient avec entliuiisiaMiie k loolc expédition contre les
Anglais. D'un autre côté, Dost-.\lahome 1 lui-même parait
avoir accueilli les propositions de l'ambassadeuravec une in-
crédulité et une froideur marquées. On ajoute que cette ré-
pugnance aurait amené une querelle entre lui et son lils
(Mahomed-Akiibar-Klian), querelle qui aurait eu pour der-
nier résultat l'abdication du père et sa déterminalion de s'é-
loigner de Caboul pour un pèlerinage à la Mecque. »
Quoique cette ambas.sadc ne soit qu'une des mille intri-
gues, sans cesse renouvelées et sans cesse impuissantes, de
la Perse agissant en son nom, mais sous une influence étran-
gère qu'il est facile de retonnailre, il est évident, psr les
préparatifs qui sefonlii Delhi, ipie le gnuvernemenl de l'Inde
se met en mesure de parera tontes les éventnalilés. Bien
qu'il soit toujours question de retirer le corps d'armée d'oc-
cupation canlonné à Lahore, et que le 80' régiment de la
Reine, qui en fait partie, ait été même oflicielicmont averti
qu'il retournerait prnchainementà Mirât, les commandants des
cirps situés sur la frontière n'en ont pas moins reçu l'ordre
de ne négliger aucun moyen pour mettre leurs régiments au
grand complet de cent dix hommes par compagnie. Chaque
jour enfin des munitions de guerre sont expédiées de Delhi
vers le nord-ouest. Ce sont des signes certains que les auto-
rités anglaises s'attendent à de nouvelles luttes pour la cam-
pagne prochaine. Mais quand, et comment sera l'ennemi?
c'est ce qu'il est encore impossible de préjuger.
N'ÉCiOLOGlE. — L'Acaûémie française vient de perdre
M. de Jouy. Le Courrier de Paris vous dira sa vie. Bornons-
nous à enregistrer sa mort. — Piétro Maroncelli, le compa-
gnon de captivité de Sylvie Pellico, s'clait relire aux Elals-
Unis. Sa vie n'était plus qu'un cruel martyre : il est mort fou!
— M. Picot-Désormaux, ancien député, vient de mourir à
l'âge de qualre-vingt-deu.xans.
Caurripi? de Varia»
Les lettres ont fait une perte sensible, M. de Jouy est mort
le 5 de ce mois à Saint-Gennain-en-Laye. Né à Versailles
en 1767, M. de Jouy se distingua d'abord dans les camps; à
dix-huit ans, il était ollicier dans Royal-Infanterie : c'est en
cetle qualité qu'il prit part à nos dernières campagnes dans
les Indes, où il se Ht remarquer de Tippoo-Sacb. Rentré en
France à l'époque de la révolution, M. de Jouy se tiouva sur
les champs de bataille de Valmy et de Jemraapes ; aide de
camp de Dumouriez, il suivit la fortune de son cliel et quitta
l'épaiilette bien jeune encore; sa vocation secrète l'appelait
ailleurs. M. de Jouy préluda à ses succès litléraires par des
succès de salon. Beau danseur et beau diseur, il fut 1 un des
merveilleux de cette brillante et facile société du directoire
qui recueillait les naufragés et les débris de tous les régimes :
M. de Bonfflers, M. de Lauraguais, M. Suard, La Harpe et
l'abbé Delille ; et, parmi ceux auxquels l'avenir et la fortune
souriaient déjà, Talleyrand, Fonlanes, Raynouard, Latfitle,
Regnault de Saint-Jean d'Angely. On échappait à la ter-
reur, quoi de plus simple qu'on se reprit avec passion ii tous
les plaisirs? On se rattachait à la grande tradition du di.x-
huitième siècle, les petits soupers, les causeries, les joies fa-
ciles, la chanson. Combien de personnages destinés à la gra-
vité, combien de législateurs et de poêles tragiques se mon-
trèrent d'abord sous un masque anacréoiitique ou boulîon.
M. de Jouy, qui devait finir comme Quinault et Ducis, débuta
donc à la fafon de Laujon et Désaugiers. 11 chansonna la
circonstance au théâtre des jeunes altistes. Il ht des parodies
avant de faire des tragédies, et la pelile pièce précéda la
grande. Lorsque dix ans plus tard, l'Institut couronna ta Ves-
tale, son chef d'oeuvre et le vrai poème lyrique de l'époque
impériale, l'illustre auteur n'avait pas répudié le jlun-jhn et
les Iréteaux du burlesque. Pendant six mois, fout Paris cou-
rut à Comment, faire? et au Tableau des Sabines, parodies
de deux œuvres en vogue, dues ii des hommes d'un grand
renom, K' tiebue et David.
Cependant, l'heure de la vie sérieuse, comme dit Horace,
avait sonné pour M. de Jouy, mais de cet esprit aimable, de
ce ciuaclère débonnaire et doux, de cetle verve discrète,
qu'attendre en fait de sérieux? sinon la malice inolfen-
sive d'un moraliste enjoué. Après Montesquieu , Voltaire,
Mercier et KivaruI, M. de Jouy eut l'idée d'aborder la pein-
ture des mœurs parisiennes. L'Ermite de la Chausfée-d' An-
lin (lemirquez ranlithèse), quoique tout liérùssé des cita-
tions de Perse et de Juvénal,ne sort jamais des bornes d'une
plaisanterie agréable. Ces légers croquis publiés tous les lun-
dis par découpures dans ta (iazetle de France, obtinrent ce
succès de curiosité qui aujourd'hui va s'éparpillant sur les
vingt feuilletons de la presse quotidienne. De 181 1 h 181-t,
il n'y eut pas en France, après le nom de Napoléon, de ré-
putation plus grande et plus célébrée que celle de M. de Jouy.
C'étaient deux gloires qui k elles seules se partageaient l'au-
réole et le journal ; en haut, le bulletin des victoires et con-
quêtes, en bas, le ridicule du jour, le petit événement de la
veille, le chapitre fugitif de mœurs qulirexistenlplus. La res-
tauration elle-même, cetle grande diversion aux spliuideurs
impériales, n'arracha pas complètement les Parisiens aux
.séiliictions de leur conteur. V Ermite survécut .'i l'empereur,
et même, on peut le dire, il lui survécut trop. L'Ermite
voyagea en province, il alla en Suisse, en Italie et jus(|u'en
Guyane; mais dans ces longues jiérégrinations, il finit par
jierdre beaucoup de ses admirateurs, jusqu'à ce qu'un beau
jour l'Ermite alla mourir en prison. C'est alors que M. de
Jouy se tourna vers la muse tragique , et ressaisit par un
(■oii'p d'éclat cetle grande voaue etccs suffrages qui abandon-
naient sa fortune. La censure de la restauration qui avait
proscrit un Bélisaire de l'auteur, h cause de sa vague res-
.«emblance avec le prisonnier de Sainle-Hélène, autorisa la
représenlation de SijUa, qui, grâce à Talma, lui ressemblait
bien davantage. Cetle tragédie de Sylla fut sans contredit le
jikis granil succès dramatique de la restauration , c'était le
liou juet de ce feu d'artifice que les représentants de la lit-
térature dite de t'Emjiire liraient si paisiblement depuis le
commencement du siècle. Après ce lour de force, l'alhlèle
déposa le cesie et alla se rcpuser de ses travaux au sein de
l'Académie, où il avait clé admis dès ISIO en remplacement
de Parny. Poète, romancier, peintre de mœurs, aulcur dra-
matique et piibliciste, vous voyez que M. de Jouy a parcouru
pendant trente ans toutes les routes qui conduisent à la re-
nommée, et qui auraient dû assurer sa fortune, si sim dé-
sintéressement n'avait été plus graifd encore que son talent.
En résumé, c'était, dans la vie privée, un homme excel-
lent, p'iin de bonlioiiiie et d'abandon, d'un caractère facile
et doux, et d'une pnibité inilexible. Il fut l'un des derniers
représenlauls de cetle génération littéraire que la société du
dix-huilième siècle légua à la nôtre comme contraste, géné-
ration qui se distinguait par le .savoir-vivre, l'urbanité des
manières, la modeslie des prélentions et la pudeur de l'es-
prit. M. de Jouy devait à l'amitié personnelle du roi Louis-
Philippe dont 11 avait été le compagnon d'armes, la place de
bibliothécaire au Louvre.
On se doule que cetle mort donne déjà l'éveil aux ambi-
tions académiques. L'une de ces ambitions impatientes alla
visiter récemment l'illustre défunt, et lui demanda sa voix
dans la prévisiou d'un aulre décès qui s'ajourne ; « Vous au-
rez mieux que ma voix, lui dit M. de Jouy, vous aurez ma
place.» L'hiver dernier, son .gendre l'ayant conduit Uicz un
notaire afin de dresser un certificat de vie jiour loucher le
trimestre d'une pension, il lui dit : « Je me sentais si loulade,
qu'à mon arrivée chez le notaire, je réfléchissais que ma de-
mande était bien hasardée, et qu'on faisait sagement de ne
pas s'en rapporter à moi et d'exiger l'allestalion de deux té-
moins, » et il ajouta en souriant : « Décidcinent, mon ami,
je ni'apervois que je ne vis plus que par devant notaiie. »
A|iivs la mention nécrologique, voici le luillelin nuptial,
iiiius f.iisons concurrence aujourd'hui aux registres de l'étal
ciNii. Mais à quoi bon parler d'un mariage qui donne en ce
nionient de l'exercice à toutes les plumes de la capitale, et
dont les clauses sont discutées d'un bout de l'Europe à l'au-
tre? M. de Monlpensier doit épouser, dans quelques semai-
nes, la jeune infante d'Espagne. Il n'en faut pas davantage
pour mettre les esprits aux champs. Si la France et la pénin-
sule s'en réjouissent, la Prusse s'étonne, l'Angleterre s'indi-
gne, et M. de Metternich fronce le sourcil. Mais voyez un peu
comme le siècle marche, et combien do changements intro-
duils dans le cérémonial desunionsprincièrcs! Autrefois les
odes, les dithyrambes, lesépithalames, toutes les fleurs d'une
rhétorique et d'une poésie officielles poussaient à l'envi sur
l'autel nuptial ; maintenant pas la moindre idylle, pas l'om-
bre d'un quatrain, mais en revanche force protocoles, échan-
ges de notes, toute la presse en travail, et combien d'inves-
tigations et de conjectures ! Cette union est du goût du jeune
prince et convient à la princesse, à la bonne heure ! Mais la
quadruple alliance, la question du Maroc, l'équilibre euro-
péen ! ô nobles fiancés, vous pouvez attendre, on pèse vos
destinées, et votre bonheur se discute encore. Cependant il
s'était dit desclioses charmantes touchant cet hymen où la
polilique ne jouait pas le seul rôle. En fait de mariage et de
hançailles,lesje«nes princes d'Orléans ne se conforment guère
aux usages royaux, et ils dérogent volontiers à la tradition.
M. de Joinville avait franchi les inerspourdona Franciscade
Bragance. Pourquoi M. de Monlpensier n'aurait-il pas poussé
jusqu'à Madrid pour enlever la main de sa cousine à labarbe
des diplomates?
Puisque nous côtoyons l'Espagne, c'est le cas de répéter
une nouvelle qui nous arrive tout droit des Pyrénées. Trois
Françaises viennent de faire l'ascension du Mont-Perdu dans
les Pyrénées, trois héroïnes, trois sœurs, jeunes, belles, dé-
licates, et les premières qui aient tenté ce pèlerinage semé
de dangers et d écueils.Cetépouvantable entassement de bel-
les horreurs, ce dédale inextricable de pics bleuâtres, de
sombres rochers, d'aiguilles gigantesques, de mugissants
précipices, ces murailles de glace, ces abîmes sans fond, rien
n'a pu les arrêter. Les plus robustes montagnards hésitaitnt
sur leur trace. « Mais, leur disait-on, là haut vous mourrez
de froid ou vous éloulTerez de chaud, vos yeux deviendront
sanglants, le soleil les brûle; comment ces petits pieds pour-
ront-ils franchir la grande muraille de glace? la neige élin-
celante, le glacier vert-sombre, les mille nuancesqui se croi-
sent dans l'atmosphère causent un vertige auquel vous suc-
comberez. On va au Mont-Perdu, mais on n'en revient pas.
Quelle folie ! n Maintenant que la folie a réussi, il faut bien
la saluer d'un aulre titre. En témoignage de leur conquête,
ces belles inlrépides ont déposé leur carte de visite sur la
cime du Mont-Perdu. Voilà désormais des noms placés bien
haut.
Nous voici à l'hippodrome... de Luçon. Grâce à notre vi-
gnette, vous assistez aux courses de Luçon, et vous voyez des
visages et des costumes de Luçon. Ceci est une nouvelle
preuve des goûls hippiques et des besoins équestres qui Ira-
vaillenl les populations du royaume. Lufon, petite ville per-
due au fond du Bas- Poitou, a ses coursiers, ses prix, son turf
et ses sportmen comme Paris, Lyon, Rouen et Bordeaux. On
nous affirme que l'hippodrome de Lu^'on est un des plus beaux
de la France, et que ses coursiers ne le cèdent guère en force
et en agilité aux plus fameux coureurs du Champ-de-Mars et
de Chanlllly. Cetle fêle de Luçon a eu lieu le 24 août, el un
témoin oculaire a bien voulu nous en Iransmetlre une des-
cription, dont nous citerons senlcnieiil ces quatre lignes ;
« Un temps msgnilique, d'eléganles tiiliunes garnies de gra-
cieuses personnes et de fraîches loilelles, de nombreux équi-
pages, de plus nombreux cavaliers , et une population de vingt
mille personnes se pressant autour de l'enceinte, c'était un
très-beau spectacle et des plus rares pour Luçon.»
Rapprochons-nous l'e I enceinte continue. La banlieue
a une idiysionomie cliannanle en ce moment, c'est Paris
qui la peuple. Dans un rayon de plusieurs lieues autour de
la capitale, la banlieue est devenue pour le Parisien un
séjour enchanteur: c'est un lliéàlrc en [lernuinence, une foire
perpétuelle, un bal inamovible; le l'aiisien y trouve de l'oni-
tirage d'abord el des eaux jaillissantes, et puis tous les jeux
el les plaisirs de la grande ville, les joutes, les courses, les
feux d'aitifice : à Sceaux, à Meudon, à Enghien, vous trou-
vez des jardins aussi ornés que ceux de Wabille, des fêtes
au.ssi éclatantes que les kermesses du Chàteau-Rouge ; En-
ghien se distingue encore par son parc, par son lac, et sur-
tout par ses eaux bienfaisantes. C'est un Vicliy en miniature,
un Baden en raccourci. Le soir, en voguant sur les eaux
tremblolanles de son lac parsemé d'Ilots pleins de verdure,
l'imagination peut rêver sans trop d'invraisemblance le paysage
du lac Majeur et les horizons vaporeux des Borromces. En-
ghien n'a pas que ses eaux et son parc; dans ce parc il y a
un manège, dos courses de bague et de javelots, il y a un
(irehesire de danse, que sais-je encore, un tir au pistolet el
à la carabine. Pour l'année proi haine, son propriétaire el en-
trepreneur, M. Ilauman, le célèbre violon, médite el prépare
des accroissemenls nouveaux. Ilcmime à Vichy, on trouvera
à Enghien un salon de conversation et une salle de concert.
La direction des diflérentes parties de cet lldorado a été
condéeà des spécialités distinguées, ainsi l'orchestre est di-
riïé par M. Denaiill. l'un des lauréats du Conservatoire; Pi 1-
20
LULLSTttATlON, JOURNAL UNIVERSEL.
lier a la direction du manépe, et Devisme, celle du tir. Que
vous dire ensuite des splendeurs de l'illumincition, sinon que
les magnificences du clii'Ueau-Rouge sont éclipsées; M. Ilau-
man n'a ménagé ni les lampes chinoises, ni les lanternes vé-
nitiennes, il jette feu et flammes, et nous en lait voir de
toutes les couleurs, et toute cette pompe cliampélre, tout ce
plaisir à grand orcli 'stre est placé, grâce au chemin de lér, ù
vingt minutes du boulevard des Italiens.
Le théiltre du Palais-Hoyal a donné, la semaine dernière,
une petite pièce que le public n'a pas voulu écouler jusqu'à
la fin et dont cerfciinemcnt vous ne voudriez pas lire le
compte rendu ; ce tliéiilre a été plus lieureu.v avec la parodie
de Clarisse llaihurr i\i)ul imiis is |iin|ioMMis de viius cnii-
V;iiid(
■I Ih(
li|,.
tltii'^ Ifs Saltiinhan-
l'in lliéàtral que nous
ti.iiii ; hélas ! que n'a-
uiteuter sur-le-champ
ter quelques-unes ih^ |ii\.n^ri
ce soir même, lu l'Imr l c»/,/,
Salomon; aux Variétés, Uilr;
qu«s ; tel est le sommaire d'ii
tiendrons en réserve pour sain
vons-nous le don d'ubiquité, allii di
votre impatience.
Au.\ Français, il n'est plus question de l'indisposition de
mademoiselle Hachel, ni de l'engagement de mademoiselle
Rose Chéri. Ilermione ne s'éloignera pas de la capitali', el
Clarisse restera au Gymnase ; c'est le berceau de son (ali'nt,
mademoiselle Rose Ciiéri ne veut pas le quitter, elle a la [iru-
dence des bons esprits et la mémoire du cœur. Qu'elle s'y at-
tache donc, son talent trouvera sans doule l'occasion d'y
grandir encore : aujourd'hui que mademoiselle Chéri est de-
venue une célébrité, il est naturel que la curiosité publique
cherche à connaître le passé de cette charmante comédienne
dans la prévision de son avenir.
Le véritable nom de mademoiselle Chéri est Cizos. C'est
sous ce nom du moins qu'elle débuta au Gynmase dans le
drame-vaudeville û' Estelle, vers les derniers jours de l'année
^840. Elle avait à peine quinze ans; elle s'était présentée chez
le directeur des Variétés, M. Roqueplan, qui l'accueillit avec
bienveillance, mais jugeant que le talent de la jeune débutante
serait mieux à sa place au Gymnase, il l'adressa àM.Poirson,
lequel, sur une première audition, l'engagea auxappointements
de huit cents francs par an. Son père, directeur du théâtre
de Clerniont, lui avait fait jouer, dès la plus tendre enfance.
les rôles du répertoire de Léontine Fay ; et elle était citée
comme la meilleure actrice de la troupe ; ses camarades du
Gymnase ne la jugèrent pas d'abord aussi favorablement , le
public avait été froid, ils se montrèrent sévères, à l'exception
de Klein et de mademoiselle Habeneck, qui reconnurent dans la
jeune débutante le germe des qualités rares que le travail de-
vait si heureusement développer. Après dix-buit mois d'études
opiniâtres, il ne fallait plus qu'une occasion pour mettre ce
talent en évidence. C'étaitaumoisdefévrierluii; une indispo-
silion de mademoiselleNathalie allaitinterrompreles représen-
tations d'Une Jeunesse orageuse, lorsque mademoiselle Chéri
s'ofl'rit pour la remplacer, et s'acquitia .si ijien de son rôle,
qu'elle fut rappelée avec de grands applaudissements. Dn rôle
nouveau qu'elle créa, à quelque temps delà, dans une pièce
intéressante, coup d'essai d'un jeune auteur, M. Léon Lava,
confirma cet éclatant succès, et depuis cette époque, chacune
des créations de la jeune actrice a été poui- elle l'occasion
d'un nouveau triomphe. Dans Georges et Thérèse, Madame
(le Cérigny, le Chanijement île main, Hébecca, et dans vingt
autres rôles, elle a fait briller les qualités qui la distinguent,
c'est-à-dire rintelligeiice déliée, le naturel parfait, la grâce
exquise, la vive sensibilité, et tout récenuneiil, dans Clarisse
Ifarlowe, le cri du cœur et les élans du pathétique le plus vrai
dans une exécution savante et irréprochable.
Les œuvres littéraires n'ont rien ollert de nouveau pen-
dant le cours de cet été, et tout l'esprit français semble s'être
réfugié au rez-de-chaussée, des feuilles quotidiennes. Les
voix les plus connues sont muettes, d'autres soins captivent
les écrivains les plus illustres. Il règne parmi eux une ^ande
émulation de présidence. Depuis le présidentMontesquieu,on
n'avait point vu tant de présidents en pleine littérature. M. de
Lamartine préside des conseils généraux ; M. Villemain, des
sociétés philanthropiques; M. Victor Hugo, un comité d'ar-
chéologie ; M. Cousin préside des banquets. Il semble que la
plupart aient dit leur dernier mot, leur cxegi monumerttum.
Les nouveautés les plus neuves sont des réimpressions.
M. Alfred de Vigny vient de donner la neuvième édition du
beau roman de Cinq-Mars, enrichie de son discours de ré-
ception à l'Académie française. Parmi les publications éle-
(Coiffures de Luçon de Sainte-Hei
(Courses de Luçon. — Costumes <ie la VenJe
Habitants des Marais de la Vendée. J
vées et sérieuses, le momie savant a remarqué un excellent j venir le plus grand événement littéraire de cet automne. Deux 1 sont entre las mains de M. Paulin et parailront prochaine
travail de M. Léon Halevy, sur l'antiquité; cependant voici | nouveaux volumes de l'Histoire de l'Empire, par M. Tliiers, | ment.
L'ILLUSTKA'noN, JOIKNAL LNIVEUSI:;!..
2\
La médecine vétérinaire est une branche de l'art de gué-
rir, qui, autrefois très-négligée, et pour ainsi dire inconnue
en France, tend aujourd'luii à suivre les progrès réalisés de-
puis longtemps par la médecine humaine; en ce momentsnr-
tout, où toutes les forces des peuples, comme tous leseflorts
Ecole royale Tetériiiaire d'Alfort.
des individus semblent tournés vers une incessante augmen-
tation de la production nationale et de la richesse publique,
comment ne pourrait-on pas être frappé de la nécessite de
mettre la médecine vétérinaire en haimonie avec sa sœur
ainée, la médecine des hommes? qui pourrait en effet n;é-
roniiailrc son imporlance? (|ni pouirait nier combien l'exis-
tence dun personnel médical nombreux, instruit, éclairé
peut avoir d'inlluence sur l'agriculture, sur l'industrie, sur
le travail? Qu'on parcoure nos campagnes, la plupart de nos
départements éloignés des grands centres de lumières et de
^^
x.,.;..^^
NN^ V \ÎN>, VnNV-~
population, et on sera stupéfait de l'état vraiment déplorable
où se trouve tout ce qui louche à l'Iiygiène des animaux do-
mestiques. Au moment même où nous écrivons, une épi-
zootie olïrant tous les caractères de la fièvre charbonneuse
et du charbon symptomalique vient d'éclater dans quelques
cantons des Basses-Pyrénées,
et la commission sanitaire en-
voyée sur les lieux par le pré-
fet' déclare dans sou rapport
que les seules causes du mal
consistent dans l'emploi de
mauvais fourrages, poudreux
et terreux, dans le travail ex-
cessif des animaux, dans la
malpropreté des étables , W.
froid des nuits et la mauvaisi'
qualité des eaux. Combien de
lois, soit par ignorance, soil
par éloignement des secours,
se conhe-t-on à une routine
empirique qui aggrave le mal
au lieu de l'atténuer, ou ne
songe-t-on à le combattre que
lorsqu'il est devenu complète-
ment incurable? C'est en sui-
vant de tels errements que le
cultivateur voit son travail s'a-
moindrir, ses engrais diminuer,
sa richesse se perdre, sa terre
devenir stérile, ou ne lui don- L ?■ i
ner, en échange di> SCS soiMirs, ':
que des produits innblèniali- .-.^==
ques : c'est ainsi que l'aisar'ce -êi^
disparait dans les campagnes ^
pour faire place à la misère ;
car les animaux, qu'on les ciin- \,
sidère comme instruments de
travail ou comme bétail de ' ■ "^^
rente, forment la première l't .
la jilus indispensable richesse
de la culture.
Il ne faut donc point s'éton-
ner de la place que doit occu-
per la médecine vétérinaire dans l'échelle des connaissances
nécessaires à un peuple bien gouverné, de l'intérêt qui s'at-
tache à ses progrès, de la faveur dont doivent être entourés
les établissements où se donne cet enseignement si utile, si
nécessaire. Longtemps avant noire époque, son imporlance
avait vivement frappé les liommes supérieurs, qui, dès le
début delà révolution française, songèrent, au sein de l'as-
semblée constituante, à régénérer l'instruction publique.
M. de Talleyrand, qui préludait alors à cette carrière politi-
que qu'il a poursuivie depuis avec tant de bonheur et d'éclat.
pour qu'on en reconnaisse la vérité. Les grands principes
de l'art de guérir ne changent point, leur application seule
varie. Il faut donc qu'il n'y ait qu'un genre d'école, et qu'a-
près avoir établi les bases de la science, on cherche par des
travaux divers îien perfectionner toutes les parties. »
Ces vérités ne sont encore,
malgré l'autorité de l'homme
qui les proclamait alors, qu'im-
parfaitement passées dans la
pratique. Seulement elles ont
été quelquefois reconnues.
C'est sans doute en témoignage
de ces principes que l'acadé-
mie de médecine comprend
aujourd'hui dans son sein une
section de médecine vétérinai-
re. Déjà à l'époque dont nous
parlons la France possédait
deux écoles vétérinaires, celle
de Lyon fondée par Bourgelat,
et celle d'Alfort. La troisième,
celle de Toulouse, ne fut créée
que beaucoup plus lard, sous
le minisièrc de M. de Villèle,
et pour iridi^mniser en quel-
que sorte celle capitale du Lan-
guedoc de n'avoir pas obtenu
l'école des arts et métiers dont
fut dotée la ville de Chillons.
Toutelois, si l'école vétérinaire
d'Alfort doit aujourd'hui la
légitime célébrité dont elle jouit
ù la proximité de la capitale
qui la place ainsi sous les yeux
du pouvoir, h la portée de
toutes les ressources scientifi-
ques et de toutes les lumières
crinlire d'Alfort. — Elère'
qui s'échappent sans cesse de
ce fovcr, lie celte
s'exprimait ainsi dans son savant rapport sur l'inslruction
publique :
H Que la médecine et la chirurgie des animaux doivent
être réunies à la médecine humaine, disait le futur diplo-
mate, c'est ui> ■ proposition qui n'a besoin que d'être énoncée
métropole du
momie inlcllecluel, elle le doit
aussi .1 1,1 jiisle iriiommée de
ses professeurs. C'est elle en
cfl'et qui sert en quelque sorte
de type et de modèle pour l'enseignement vélénnairc en
France, c'est elle qui est de préférence visitée par les étian-
gers avides de s'instruire nu de la conq.arer aux étabhsse-
mcnts analogues ipii peuvent exister dans leur pays.
Chaque année, le miiiislre du commerce, entouré des plus
22
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
hauts fonctionnaires de son diîparlcment, vient ajouter par su
présBnce à la solennité de la distribution des récompenses,
et témoigner ainsi, tant par ses actes que par ses discours,
de tout l'intérêt qu'il porte à cet utile établissement. Cette
année, le jeudi 27 août, le sous-secrétaire d'Etat du ministère
do ra'riciilture et du commerce est venu lui-même présider
à la d'stribulion des prix et à la remise des dipiftiiies aux
élèves qui ont accompli avec le plus de succès le cours de
leurs études. ,,,.•, • •
Alton, doublement menacé, par la révolution française, a
cause de' son titre d'école royale, semblait un moment ne
point devoir survivre à la proscription générale. Malgré les
protestations éloquentes de Talleyrand-Férigord et de Vicq-
d'Azyr, elle ne put être sauvée ([u'au moyen de l'organisa-
tion militaire ([ui fut proposée par le docleur Vitet, maire de
Lyon et appliquée aux professeurs , aux répétiteurs et aux
élèves.
Sous la Convention, la nécessité fit ù cette assemblée une
loi de maintenir l'école; elle y vit sans doute une pépinière
destinée à fournir aux répimeiils diM':ivalerip des m.irw/Mtio-
experts; mais Iniijnnis i-i-il iin'.ll.' cnnsidiini Allnil comme
une institution iiu'il fdhiil mn^i-iw,', sml l'ii me dr la aliène,
soit en vue de la paix. i;"csl ausM probalili-Miiént dans te but
que, par un décret du 20 mars I7'J5, elle exempla de la loi
du recrutement les professeurs et les élèves des écoles d'AI-
fortet de Lyon. , , ,.
En l'an III, ces deux écoles, rétablies de la violente se-
cousse que le régime de la terreur avait imprimée à tout ce
qui existait sur le sol français, prirent le titre, plus en har-
monie avec leur organisulion et leur but, à'Ecoles d'économie
rurale vétérinaire. Senlcniful, pour rompre les traditions du
passé, on ordonna que I élablisMMiiont serait transféré à Ver-
sailles; mais cette translation n'eut pas lieu.
Napoléon, avec sa supériorité habituelle, avait toujours
reconnu la place que devait occuper l'enscii^nement vétéri-
naire. Par ses ordres, les officiers de l'année suivaient, tant ù
Alfort qu'il Lyon, un cours d'iiippiatrinue, et des haras d'ex-
périences furent ensuite attachés aux cleux écoles. Enlin, un
décret impérial du 15 juillet ISin constitua de nouveau l'é-
cole d' Alfort, et lui donna sur sa sœur ainée la suprématie.
Car deux écoles y étaient instituées, l'une pour former des
maréchaux vétérinaires, l'autre, d'où l'on sortait médecin vé-
térinaire après avoir suivi le cours complet des études. De
ce décret toutefois, dont les événemenis et la chute de Napo-
léon empêchèrent l'exécution entière, il ne resta que deux
dispositions, celle qui créait le jury d'examen composé de
professeurs, et celle qui prescrivait les conditions imposées
aux élèves pour entrer à Alfort ou à Lyon.
On ne peut se dissimuler cependant que la création de
cette première école, celle destinée k former des maréchaux
vétérinaires, renfermait le germe d'une idée féconde. Elle
popularisait et propageait l'instruction, plaçait auprès des mé-
decins vétérinaires des agents plus éclairés et pins capables
de bien exécuter leurs prescriptions, et enlin offrait de pré-
cieuses ressources aux départements trop pauvres pour assu-
rer une clientèle convenable aux vétérinaires en titre. Seule-
ment il faut se demander si une semblable école aurait dû
être établie à part, dans une autre localité, ou bien élre con-
fondue avec l'école principale.
Plus tard, un règlement général, sanctionné par une or-
donnance royale en date du 25 août 1826, a établi parité
d'organisation et d'enseignement entre les trois écoles vétéri-
naires du royaume. Alfort a seulement une chaire de plus.
Après cet historique destiné i"i rappeler le passé de celle
école, il nous reste a indiquer ce qu'est aujourd liui Alfort,
son but, son organisation intérieure, son enseiKuenient, ses
tendances, son utilité comme établissement spécial et comme
établissement agronomique, en un mot, à faire connaître ce
qu'il est actuellement.
Le nombre des élèves de l'école d' Alfort est ordinairement
de 250 environ, et ne pourrait sans inconvénient dépasser
celui de 270; sur ce nombre, il en entre annuellement 80 à
peu près, après avoir subi les examens indiqués par un lè-
glenienl •'yi'-' i:il ilii iiiiiii^ln-; 40 à 45 sortent munis du diplôme
qui leiii ;i'snri' le liliv i\r médecin vétérinaire. Tel est depuis
longtemps le iiiiioMoiii'iil à peu près invariable de l'école, lin
1840, il a été délivré 52 diplômes.
Dans le nombre que nous venons de citer, il faut compren-
dre 40 élèves inililaires qui entrent, après avoir suivi le
temps des études, diuis les divers régiments de l'armée avec
le titre de sous-aides vétérinaires et le grade de maréchaiix-
des-!ogis. Le prix de la pension est de ôHOfr. par an, sans y
llITr
,11 ip:
p;iir
I à roiiruir.
ri IfS ntillliliu-
cirs piélVls et
r |.ar dr|,;,,l,.-
Irpuis |WU, Crt
|iii f;a;;iieiit
comprendre le trou
120 bourses étaient
tiens avaient lieu par I' ini mu I.i |im ^iiii
du ministre, et dans la pni|i(>rliiiii de Mi
ment, et de 54 h la disposition du iiiiiiisi
état de choses a été changé. Ce sont les i
eux-mêmes leurs bourses par leur aptilude, et le deju é d'iu
struction dont ils font preuve à leurs examens passés devant
le jury rie l'école.
■ ' •'■ ... l|m;niclies et les jours de fête; le
;iirrini seul-ment à rentrer à neuf
!,ruirs,.,lété.
i ;i loiiiiT dans l'établissement à la
iiiiiiiaire , les élèves y suivent des
di' quatre ans. A la lin de chaque
us oui liiMi pour décider si les élèves
ces cours, il faut ajouter celui de jurisprudence vétérinaire,
qui est fait cette année par le directeur de l'école, M. Ke-
nault, et qui n'est pas un des moins nécessaires ù cause des
cas nombreux que présentent, dans la pratique appliquée, les
vices redhibiloires. Un professeur de dessin était en oulre
autrefois attaché à l'établissement; mais, depuis quelque
temps, celte place a été supprimée.
De vastes écm iis, qui s'itoiident sur deux ligne? parallèles,
h droite et à ^'n" Ir huiipbilliéiilre de- (Irumusli^ilmiis
anatomiques, iviihi i.inil I. , cliev.nix malales .pu huiI ihiic-
nés à l'école poiii v ••liv -ui;jiM.s, el pour lesquels Irurs pi"-
iiriétaires payent une peusi le 2 Ir. .'>0 c. par jour, (.liaijue
élève a un cheval à trailer. i-l lnus les jours rend coiuple,
tant de siui étiit ipie des résultais obleniis. Les opéraliiins se
fdUt dans l'iiiiipliilliéàtre et servent ainsi ih:i(|n(' Ims de Icxle
à une li'i •Iiuiquc. Les maladies di pird -nui , ,.|||.s qui
présenlent les ;ip|iliiations les plus l'iéqii. •hhs. 1, .-L'yalioii du
cbifli-e est alliilooV s|Hri;,|.Mni'iità une double cause, le mau-
vais état des ^IMP|^^ ci , jinniiis, elle travail excessif dontces
animaux soui sm i lui; |ji's .nix environs de la capilale. On en
est surtout convaincu en examinant la composition des écu-
ries dans lesquelles les chevaux de trait sont en immense
majorité. Une autre écurie est destinée aux chevaux abiin-
i donnés ou déclarés complètement incurables. Et enlin une
troisième, reléguée au bout du parc, renferme ceux qui
sont atteints de la morve ou d'autres maladies contagieuses.
Au-dessus d'une de ces écuries sont les salles qui renfer-
ment les collections. On y trouve surtout de nombreux cas
de maladies des os, et de maladies intestinales produites par
des calculs dont quelques-uns ont un volume réellement
prodinieux. L'expérience et le progrès des études chimiques
ont fait leeoimailre que ces dernières maladies .se rencon-
traient principalement chez les chevaux de meuniers, liabi-
luellement nourris au son, à cause de la présence du phos-
phalc ammoniaco-inagnésien que recèle cette substance ali-
mentaire. . . . , .
Dans un bâtiment à part, au-dessus des cuisines et du ré-
fectoire, sont les dortoirs avec lits en fer. Les élèves y sont
divisés par chambrée de .six. Chacun à son tour est tenu de
balayer et de tenir enétat de propreté la chambre commune,
(|ui contient en outre pour chaque élève une armoire dans
laquelle il met son linge et ses elfets.
Cn jardin botanique est annexé i\ l'école. Il est divisé en
lieux parties; dans l'une, on cultive les plantes les plus usi-
tées en médecine ; dans l'autre, exclusivement celles em-
ployées dans la pharmacie vétérinaire. C'est dans une des
parties de ce jardin, au milieu d'un massif d'arbres, qu est
la macJiine hydraulique de Perrier, qui va chercher les eaux
de la Marne pour les distribuer en abondance dans loules les
parties de l'établissement. Derrière, s'étendent quelques
champs où l'on sème des céréales et où on cultive diverses
plantes fourragères.
A coté du jardin botanique est un vaste dieiui où sont
traitées toutes les maladies des diiens. Les animaux atteints
ou soupçonnés de la rage sont à part, dans des loges gril-
lées et lérmées îi clef. Le prix de la pension pour un chien
est de GO centimes par jour.
Enfui l'école conlient encore une porcherie. Les porcs s y
nourrissent économiquement avec les débris des animaux
abattus. Les individus qui composent ce petit troupeau ap-
partiennent à la race anglaise croisée avec la race chinoise,
et alteigiicnt avec rapidité un volume et un degré d'embon-
point remarquables. Cette porcherie sert encore à l'inslruc-
tion des élèves qui ont ainsi de fréquentes occasions de pra-
tiquer la castralitin.
Alfort contient aussi un troupeau de divers animaux, et
que nous appellerons troupeau d expérience. C'est en effet sur
l'école que sont dirigés d'abord les animaux de races étran-
gères, importés en France par les soins de l'administration
supérieure. Tons les ans, à l'époque du mois de juin, il en
est vendu un certain nombre aux enchères publiques. Enfin
c'est Alfort qui, en quelque sorte, donne l'hospitalilé à la
nouvelle race ovhiecroisée,cr.ééepourainsi dire par M, Uranx,
de Mauehamps, et l'a fait ainsi connaître des niiru.ilciiis.
Il nous resie àdire quelquesmols de la Imre il"ii( les i!is-
positions sont parfaitement combinées. Les l,.iirii(Mii\ i I les
cheminées sont en fonte, et elle contient six louiiieaux ilnu-
blesà deux feux. Les élèves y forgent alternativement deux
il deux ensemble, par ordre sipliabétique. Toutefois, nous
avons été élonné de ne point trouver à côté de cette forge
un de ces ap|ian ilssi bii ii éuib'is, que les maréchaux du nerd
de la France 1 1 de la llrli:iqiie appellent un traniil. D'uni été,
sadispositiou peiiiiel de leri er sans danger el saiisiatigiie lonle
espèce d'animal, nièiiie ceux qu'uni' maladie nu loufe autre
cause lenilrail le's plus sciisildcs à la douleur, el, de l'autre,
ii faut soM:;er que les élèves, à leur sorlie de léciile, se ré-
pandent siu tous les pninis de la France ol duivent, autant
pus;
en propre une quinzaine de chevaux de selle uniquement des-
tinés à son manège. On aurait dû penser qu'il n'y a pas un
vétérinaire qui ne soit appelé un jour à être propHétaire de
chevaux, à s'en servir souvent pour ses besoins et ceux de
sa clientèle, etqu", pour bien connaître un cheval, pour mieux
le soi;iiier, mieux I aimer pour ainsi dire, une des premières
condilinns est de savoir soi-même bien le monter.
L'éidle possède une chapelle dans la partie de rétablisse-
ment où sont les logements des professeurs, mais elle n'a
pas daumonier spécial. Le service divin y est fait les di-
manches et lesjoursde fêtes par un prèlre élranger.
Les crédits récemment volés [lar les chambres ont permis
deinnstruireà Alfort des bàtiniei.tsneufs qui cimiiendronldes
salles de dissection, de déniunslralion et de laboratoire de
chimie. Os bâtiments ne sont point encore terminés, mais
tout lait es|)érer qu'ils pourront l'être pour la prochaine ren-
trée des éludes. Les derniers Iravaux, ceux de menuiserie,
de peinture et de vitrerie, doivent être adjugés le .5 S' ptem-
bre. Enlin, cet ensemble de constructions va être prochaine-
ment complété par l'érertion d'un magasin t'énéral et isolé,
destiné à remplacer celui qui est aujourd'hui au-dessus de
l'inlirmerie des élèves.
Telle est dans toutes ses parties l'école d'Alfort; tel est
l'erisemble des constructions ou plutôt des élablissemenls
qu'il renferme, et où se dispense, sous toutes ses diverses
faces, l'enseignement vélérinaire. C'est notre première école
spéciale de France, et les élèves qui en sortent continuent,
par leurs connaissances et leur capacité, sa léfiilinie réputa -
lion. Pourquoi faut il alors regrelttr que le budget ne soit
pas plus généreux, cl que le traitement des professeurs, trai-
tement insuflisant, ne les engage pas à s'atlacher plus
longtemps à l'école où ils professent? En elletau bout de
quelque lenips,-leur plus grande préoccupation est de la
quiiter, pour ainsi dire anssilot qu'ils ont conquis le droit
de s'intituler : ancien professeur à l'école royale d'Allort, tt
de chercher, soit dans la clientèle privée, suit dans d'autres
travaux, une position plus lucrative. L'enseignement géné-
ral ne peut que perdre à celle inslabilté continuelle des
professeurs et des systèmes; il ne peut pas, pour ainsi dire,
constiluer de traditions. Espérons donc que le gouverne-
ment, qui sent combien il est importantde réhabiliter la mé-
decine et l'enseignement vétérinaires, ne voudra pas laisser
son œuvBe inachevée, reconnaîtra que ce n'est point assez
de s'occuper de l'école en elle-même, et que sa sollicitude
doit s'étendre aussi un peu sur ceux qui la dirigent, et ajou-
tent à sa réputation par des travaux souvent obscurs, mais
toujours utiles.
rl'Mit
apic
Le
règli m Me
heures cil liu
Une fois .Il
suile de cet c
cours dont la
année scolain
de chaque (-ours pioivriil passer l'aiiiirc siiu aille dans le
supérieur. Ceiixijui n'ont pas repomlii iriiiie niaiii
saiilesontadmis i» doiililer liiii .nincc, mai- si a|ii
temps d'études ils ne sont point encore au iiivcai
gnement qu'ils ont reçu, ils sont exclus coinuic
Les cours comprennent la chimie el la pliysiipi
ii l'art vcléiiiiaiic; la liiilaniipic, l'anal, Miiic avec les aiiln
SCieill c- qui en ile|.-ni!clll, Iclles que l'nste,,|i,;;ic, la Collllai-
sance (les iiialailies iles nei is l'I lies aiii. lililinus. la palliolii
gie interne, la lliciapeiiliipie el la cliiiiiinie vétcriiiaiie. ,
(Juautà Allur
nani, que li
ments du nm
A côlé de la
Ireélrangcis à aucune dcslialdluiles locales,
■el iiiilili piiiirra scnihler d'aulaiil plus élon-
,. eiiMMr plulôt ses élèvcs dans les déparle-
I lin ihiiil-ouest.
ii-e siiiil les salles de dissection. Les élèves
V sont exercés deux fois nar semaine, le lundi et le jeudi.
Celte opération se fail sur des tables ea fer, garnies de quatre
petites roues. Aux quatre anyles sont destrons dans lesquels
on implante des barres de fer où l'on altache les aniniau.x :
ils sont ordinairement abaltus par l'effusion du sang, alin de
rendre la ilisseclion plus facile.
Anlicluis ri'cnle roiilenait un manège. Plusieurs prnprie-
nls que leurs chevaux tussent moulés par
cet exercice fût souvent de nature îl con-
iil dont ils élaient l'objet, ce manège a été
lus, 1 lUtcii Iniuvanl |listeiiicnl fiiiiilces les
ni éle expiiiiiics à cel égard, uousue poii-
r celle siippi cssiou el faire des vieux pour
li- laile, s'elaill pi;
|,|e les ,.le\es el qu
ci- ! trarier le Irailcii
es. I supprimé, l'nnr
ces plaintes qui avai
les vous que refjicil
Deux. Clin«ees en PruHse»
(Fin. - Vo
. viir. p 7.)
le rélalilisscinenl île ce manioc. Sans emprunter, coinnie on
le faisait, les chevaux des l'curics, el qui n'èla.ent que Irop
souveul impropres il cet exercice, l'école po> rrait posséder
« Ah! voilà bien les Français! vous écriewz-vous ; sans
doute quelque jeune et jolie Prussienne, enveloppée, de son
raanlelet noir, avait pris place sur un banc du chariot, juste-
ment entre les chasseurs... n — Vous n'y êtes pas, el je vais
vous épargner l'invenlion de nouveaux commentirires. Cha-
cun doit, n'est- il pas vrai, se conformer aux usages du pays
qu'il habite. C'est une vérité vieille au moins comme Alci-
biade, qui savait n'être étranger nulle part. Or, les cliasseurç
allemands se font un sciupule de conscience, un devoir
d honneur, de ne jamais lirer sur les femelles dans les espè-
ces où l'on peut recnnnaitre les mâles. Dans le doute abstiens-
loi. Celui qui commet le meurtre d'une biche on d'une chè-
vre, soit avec préméditation, soit par imprudence, est noté
de bourreau ou de maladroit, et ses camarades n ont pas as-
sez de malédictions et de moqueries pour punir son crime par
le reproche et le persiflage. Voilà coiumeiit le gibier se ton-
serve en Allemagne, où la chasse ainsi l'aile ne peut le dimi-
nuer; el si nos chambres eii.ssenl glissé dans la récente loi
un iielil bout d'arlicle pénal pour enjoindre le respect du sexe,
siiiis peine d'aiiieiide et de prison, pcnl-èlre aurions-noUS
I e,s[ioir de repeupler nos bois des grandes races, qui dispa-
railront bientôt de la France cuiiime oui disparu du vieux
monde les animaux antéuiluviens (I).
J'avoue cependant que ce genre de galanterie est fort diffi-
cile Il pratiquer pour les Français et pour les Russes, qui
n'ont, pas plus les uns que les autres, rhahiliide de res|)ecler
les dames... parmi les animaux. Nous n'eûmes jamais que des
feinelli s en vue, ou du nmins à puilée. Les mâles fuyaient
làclieineut de loin, ou se cachaient plus làcliement encore di i-
rière leiiis toiiipaulies. El, celles, nolie cimlinence fut aii--i
niéiitoiie que cel
biche élégaule, qi
il nos coups, et v
du oiah'e d'amoi
lenlalion. L'on d
iplnll.
lailc I Il
ol que CCS lille
chaque iiislanl, quelq;,.
relte, s'offrait impiinéin
plus cliarnianls eniissn
is cœurs aux appâts lic
des Èves animales du pa-
radis connaissenl l'iirl bien aussi les pi ivilejies que donnent la
faiblesse et la beaule. Elles sont curieuses el coqneltes comme
les filles d'Adam. An premier bruit qui frappe leurs oreilles,
au premier regard qu'elles jettent sur la iiiachine rmilante,
elles bondissent avec effroi; on croirait que leurs petits pieds
agiles vont les emporter tout d'un trait au fond des taillis.
Pas du tout : sûres d'être aperçues, bientôt elles s'arrêtent,
(1) Dans la discussien sur la Ini rie la rlia'çe. on aurait pn
l'aire valoir une iai>nn qu'oui iici;lif,ee im^ li(;islal( ms : c'est
que, .s'il devient aliunilaiil, le (jilocr cesse .l'èlie le |Mi\i'èi;e de
la richesse, el eiiUe ci.iiiinc pailie iinini lalile .lans l'aoïiicllla-
lieii piililiqiie. yii'ou aille a \ iciiiie. un y li. .encra nii.' I.i.inlie-
iic i.our le uiliicr, i.ii la \iaiiilc île cerl .'Sl vcn.lii.' mcins cher
,,n,' la viaiiili' de Inioit eu .!.■ iii.nilon ; el lors .les (;r.iiiilcs iiie-
I ie; annuelles ipie t.. ni leiis l.'s s.'igneuis aulrici.iciis ilims leurs
lines I iMu lin r un icv.nii .lu i:iliii'r, eoiiiine <lu poisson qu'on
pêche dans un elaiij;. le^ plus' pauvres gens, à dix lieues à la
romle, peuvent se len.ili-r de lièvres el rie perdrix.
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
23
ri, prenant la plus gracieusr» pose , la plus engageante alti-
Ude, elles allendent, pour bondir encore, que le chasseur
rapproché d'elle puisse admirera son aise tons leurs attraits,
(l'est ainsi qu'elles s'éloignent, recommençant dix fois leur
|ii!tit manège avant de disparaître, et semblables à la Galalliée
(le Virgile, qui fuyait aussi vers les saules, mais qui d'abord
voulait" être vue : El se cupit ante viJeri
Pendant celte longue promenade en chariot de guerre, nous
ji'avions fait que deux rencontres qui ne lusseiit pas du gi-
bier : d'abord celle d'un grand troupeau de nmuliMis. aussi
nombreux que l'armée de Pentapoliu, au bras retroussé, qui
venait brouter les premiers brins d'herbe, plus précoces dans
les pelouses des bois que dans les prairies des champs. Le
berger de ce troupeau, bien abrité dans un gros carrik à
irente-six collets, Iricolail gravement une paire de bas de
I line, tout en fumint sa longue pipe, joignant ainsi au plaisir
du mari le travail de la ménagère, et, tandis qu'il tenait tendu
:i l'un de ses bras, dans un pot de terre, le repas de la jour-
née, sous l'autre, en contre-poids, il portait une grosse Bible :
celait le pain du coips et de l'àme. N'est-ce pas un de ces
iraits qui peignent tout un pays? Ne voil-on pas aussitôt
combien l'insliintiDn primaire y est libéralement répandue,
et combien les doctrines religieuses y sont encore prises au
sérieux'? Peut-ê!re que notre berger, piétisle ou ralioimaliste,
songeait, entre les mailles de son tricot, soit pour les mau-
dire, soil pour les glorilier, aux prédications des Ronge, des
C?.erski, des Post, de tous ces petits Lntbers qui pullulent en
Allemagne, annonçant une antre ère de libre examen, et, qui
sait? peut-èlre une réformalion nouvelle, peut-être une ré-
volution politique et sociale.
L'autre remontre était encore une curieuse étude de
mœurs; mais, hélas! plus aflli^eante et non moins prophéti-
que de futurs bouleversements. Avec leurs yeux de faucon,
les gardes avisèrent tout à coup, i"! travers le taillis, un pau-
vre diable de paysan, qui, moins déliant qu'un cerf à la pâ-
ture, chargeait de (euillesctd'herbes sèches une petite voiture
à bras. En un clin d'œil il fut cerné, traqué, empoigné. On
lui enleva son ri eau de fer pour servir de gage et d'hypo-
thèque à ramende que lui faisait encourir son délit. Notez
c|u"il n'avait pas même fait, lort au maître de la terre
Du foin que peut manger une poule en un jour;
car il n'enlevait, pour faire litière à sa vache, que des objets
sans valeur, abandonnés, et que partout ailleurs on laisse
prendre à tout venant. Et pourtant ce fut en vain que nous
intercédâmes en sa faveur, que nous invoquâmes la généro-
sité bien connue du noble comte de R., pour désarmer I in-
exorable rigueur de ses agents. Rien ne fit : en Prusse, la loi
est une consigne militaire. Ou nous apprit même que le dé-
linquant payerait une amende double, non pas qu'il lût en
état de récidive, mais parce que le crime était commis un
dimanche. Voilà connnent on protège à la fois le repos obli-
gatoire du jour saint et les privilèges de la sacio-sainle pro-
priété. Â nous, riches et oisifs, le droit d'égorger à notre aise
les animaux des bois, pour nous repaître de leur chair déli-
cate ; à lui, pauvre et travailleur, le devoir de respecter jus-
qu'à l'herbe llélrie qu'ils dédaignent de brouter; pour nous,
même le dimanche, tout plaisir permis ; pour lui, tout travail
défendu. 0 justice humaine ! quand donc ccsseras-lu d'être
absurde et dérisoire !
Nous étions partis au point du jiuir. Une assez forte gelée
blanche argenlait alors sur les prairies la pointe des herbes
naissanles, et le soleil s'était levé dans un ciel serein, mais
pâle et décoloré. C'était un autre fâcheux pronostic, car gelée
elsoleil du matin n'ont jamais réjoui le pèlerin La pluie nous
menaçait pour le milieu du jour. En elTet, à peine élions-
iious entrés dans la propre et gentille cabane d'un garde-
chasse pour déjeuner avec des tranches de saucisson pressées
entre deux tailines de beurre, et an osées de fort bonne bière
h la bavaroise, que les gouttes d'eau, aidées d'un vent vio-
lejil, commencèrent à cinjjler les vitres. C'était une juste
punition du ciel, vengeur de l'homme an râteau. 6our nous
rappeler au sentiment de l'égalité fraternelle, il nous taisait
voir et sentir que la pluie tombe sur tout le monde. Nous
reçûmes avec résignation la leçon et la rosée d'en haut ; mais
noire chasse n'en fut pas même reUirdée. Il s'agissait, après
déjeuner, de remplacer le pfihchrn par de pelites battues.
Comme l'esprit d'un pays se montre en toutes choses! Chez
les Russes, brillants et prodigues, j'avais vu ras-embler une
année de deux à trois cenis hminncs pour fouler des encein-
tes de lièvres. Économes el siinpli's, b's .Allemands ne con-
naissent pas ce luxe inutile. Mais si j.miis voisins du nord, en
cela comme en tout, dépassent la limite du trop, peut-être
restent-ils à leur tour en deçà de la limite du trop peu. Trois
gardes, et voilà tout, s'étaient réunis pour nous battre le bois
et traquer du grand gibier. X la vérité, l'un lenail au bout
d une (icelle un petit chien qui pouvait passer pour quatrième
rabatteur; on l'appelait IMinnenI, je me le rappelle, du terme
qu'emploient nos piqiieurs en France pour appuyer les chiens
courants. Ce Bellement ne payait pas de mine, et je ne sais
trop à quel genre, espèce ou variété de la race canine on
pouvait le rattacher. Il était cauleur de cannelle, petit, mai-
gre, l'oreille courte, l'œil éteint. Il lenail la queue entre les
jambes et Rrelottail de tous ses membres, comme s'il eût eu
la lièvre tierce.
Nous partinies'en cet équipage, trois tireurs, trois batteurs,
avec le petit chien par-dessus le marché, et la chasse com-
mença presque à la porte de la maison. Quelque étroites et
resserrées que fussent nos enceintes, toujours trop grandes
pour si peu de monde, elles étaient mal foulées d'un côté, el
jihis mal gardées de l'autre. Presque yiarlout nous trouvions
du uibier, et maintes fois le fausset aifiu de Bellement, qui
donnait deux ou trois coups de gueule sur un chevreuil lancé
à vue, et le double à peu près sur un cerf, nous avertit d'ap-
prêter l'œil el la m;iin. Mais rien ne sortait sur nous; c'était
à droite ou à gauche, devant ou derrière, trop tôt ou trop
lard, jamais à point. Quelquefois cependant nous entendions
le bruit lointain, si reconnaissable et si doux à l'oreille du
chasseur, d'un petit galop sur la feuille morte, quadrupedan-
tem sonilum. Le bruit se rapprochait, une ombre fauve glis-
sait à travers les arbres ; nous étions en joue, le doigt sur la
détente... Pas plus de cornes que sur ma main. Lue biche
ou une chèvre ! C'était à se donner au diable. El les heures
s'en allaient ainsi, et le soir venait, el nous n'avions pas en-
core brûlé une amorce. Mais l'espérance , qui suit l'homme
jusqu au tombeau, n'abandonne le chasseur qu'à la nuit close.
EiiUn, d'enceinte en enceinte, nous arrivâmes à un endroit
que je reconnus aussitôt pour y avoir l'ait chasse une fois pré-
cédente. C'était un semis de jeunes pins de huit à dix ans,
plantés si près l'un de l'autre, et poussés si dru, qu'ils res-
semblaient aux pieux d'une palissade. Je n'ai pas souvenir
d'avoir jamais vu fourré plus épais, plus impénélrable. On
me plaça dans une clairière, presque au centre de ce fourré,
longue, étroite, et semblable à une langue de pré plantée de
quelques futaies. La battue se fil. Déjà l'entendais le sifllole-
ment des gardes rapprochés de moi, et les coups (pi ils don-
naient sur les troncs d'arbre avec un court bàlon. l)é|i'i. Bel-
lement était venu se récbaulTer un instant entre mes Ijolies;
il n'y avait plus rien à attendre de cette enceinte. La pluie
tombait toujours, non (las à verse, mais avec une régularité
et une obstination désespérantes. Adossé contre un gros arbre
iMiur m'ahriter un peu, et cai.bant sous mon estomac couibé
les batteries de ma carabine, je me tenais tantôt sur un pied,
tantôt sur un autre, comme une dinde au perchoir. Dans ce
gîte en plein venl, liésespéiant de la chasse, ou du moins de
la battue, je songeais,
Car que faire en un gîte à moins que l'on ne songe,
par quel singulier concours de circonstances un Français
venant du nord et un Russe du midi s'étaient rencontrés pour
chasser à Berlin. Les événements de la vie des hommes, me
disais- je, s'engendrent comme les hommes eux-mêmes; ils
naissent les uns des autres par une filiation sans fin, par une
série de causes et d'effets qui remontent, comme les généra-
tions humaines, jusqu'au premier jour de la création. Voyez
quelles immenses racines un seul homme projette dans le
passé de l'humanité tout entière! Chacun de nous, n'est-il
pas vrai, a deux grands pères et deux grand'mères, lesquels
avaient aussi chacun quatre aïeux. Cela fait déjà seize ancê-
tres à la quatrième génération. Continuez le calcul, el vous
trouverez avec une sorte d'épouvante la même progression
que celle du grain de blé que l'inventeur des échecs deman-
dait pour sa récompense, multiplié par les cases du damier.
Toutes les terres du roi de Perse n'eussent pu fournir une
telle récolte. Évaluez aussi les ancêtres d'un homme, en fai-
sant seulement remonter son origine jusqu'à l'ère chrétienne,
el sans comnter par siècle plus de trois générations, vous
verrez que des millions d'hommes, échelonnés comme les
degrés d'une pyramide qui toujours élargirait sa base, ont
coopéré à la naissance de cet homme placé au faite de la py-
ramide ; vous verrez en même temps que le corps universel
des êtres nos semblables qu'on appelle l'humanité, se com-
pose d'une multitude infinie de pyramides semblables, mêlées
el entrelacées les unes dans les autres, formant les familles,
les nations et les races. Quelle preuve plus forimlle, quel
témoignage plus magnifique de la fraternité humaine? Nous
ne sommes pas seuieincnl tous semblables, nous souunes lous
parents. Ainsi naissent el s'encbainenl les événements susci-
tés par la ProviJence. Qui voudrait découvrir la cause pre-
mière de la rencontre fortuite d'un Russe el d'un Français
chassant en Prusse, devrait remonter le cours des âges el la
lilialion des choses jusqu'à la naissance du mimde, el par
delà, puisque la création elle-même n'est qu'un effet, puis-
qu'une cause antéiieure, effet peut-être à son tour, et pro-
cédant d'une autre cause perdue dans les profondeurs de
l'éternité...
J'en étais là, perdu dans les profondeurs de ma réflexion,
lorsque j'entendis loul à coup derrière moi un léger frôlement
sur la mousse. Je me retourne : c'était un énorme sanglier,
qui traversait sournoisement la clairière, venant du bois où
l'on ne chassait pas pour entrer au bois où l'on chassait.
Pourquoi celo? je n'en sais rien, el ne me mis pas plus en
peine alors qu'aujourd'hui de résoudre le problême. J empoi-
fiuai ma carabine, el fis feu lesleineiil sur la bêle quand elle
disparaissait dans l'épaisseur du buis.
(juoique tiré au jugé, le coup fut heureux. Comme, à la vue
de mon rapide mouvement, le ntbirrnoir avait fait un qnait
de conversion pour s'êluifiner plus vite en me tournant le dos,
ma balle le fiappii de biais dans les reins, etpênêlni sous les
côtes. Cependant il coiiliiHia sa course sans p;iiailre seule-
ment efdeuré. .Mais bieiitnl, aux cris obstinés de Belleiuenl,
qui s'était jeté viiilliiiiiiiieiit à sa poursuite, je compris (pi'aii
lieu de faire tonl droit sii percée, il tournait dans le buirré de
la battue. Evidemment il était blessé. Presque aussitôt j'en-
tendis qu'il faisait fort. Bellement hurlait avec une fureur dé-
sespérée. C'est le devoir de loiit chasseur d'aller au fort,
comme de tout général d'armée ir;ivancer an bi ml du canon.
Je m'élançai dans le bois avec tonte l;i célêiilé et toute rêiier-
gie que peut donner à un invalide la lièvre de la passion.
Mais, hélas! comment percer toutes ces bariieades ipie miqi-
posail répais.se plantation de pins? A la façon d'un baigneur,
qui se repose et reprend des forces en nageant allernalive-
roenl sur le venlre et sur le dos, j'enfonçais el me poussais
dans le fourré, tanlôl le nez en avant, tantôt le nez en arrière.
Mais vainement jo m'écorchais les mains pour m'oiivrir pas-
sage ; vaineineiil je donnais lèle baissée dans le taillis comme
un taureau de course sur la lance du picador: vainement
j'exposais mon visasie aux souffiits des branches décharnées,
re^'ardant, après chaque effort, si je ne laissais pas un de mes
yeux au boul de quelque épine; je n'avançais qu'avec une
lenteur désolante. J'avançais pourtant; el , malgré le bruit
d'une marche quiélail un véiitable assaut, le sanglier et le
pelil cliien étaient si fort occupés l'un de l'aulre qu'ils me
laissèrent arriver justjii'an près deux. J'approchai à dix pas du
champ de bataille. Bellement aboyait dans mes jambes , et
j'entendais le sourd grognement de l'ennemi acculé dans sa
forteresse. Enfin, soit qu'il eût aperçu ou senti le puissant
renfort qui arrivait au ctnen, le sanglier battit en retraite. Je
vis une masse noire rouler dans le fourré, écartant el pliant
les arbres comme s'ils eussent été des joncs. Je levai rapide-
ment ma carabine, et mis la crosse à l'épaule; mais toute la
forte que me prêtaient la rage et le désespoir ne put me laire
abaisser le canon, qui resta empètié dans Its branches, el,
sans avoir essuyé luon feu, l'animal blessé dispaïut.
Je me remis à sa poursuite. 11 avait nouveau traversé la
clairière pour retourner à son lancé, où Bellement le suivait,
toujours abovant, loujouis acbainé. Là, il lut rencontré par
mon compagnon de cbiisse, qui lui logea ses deux balles dans
le corps, sans pouvoir toutefois lariêler. Lorsque j'arrivai,
tout haletant, de ma nouvelle course à travers Lois, je trou-
vai dans la clairière mon ami qui chargeait son lusil el me
nionlrail le fourré voisin, où l'animal faisait fort une seconde
lois. J'y pénétrai. Quel S|iettacle, ô triple déesse! Assis cen-
tre un gros arlire, dans la posture du sanglier antique de
Horence, le poil hérissé, l'œil en feu, la buie baissée, jetant
par sa bouche entr'ouverte une écume sanglante, preuve de
sa douleur cl de sa rage, notre sanglier iberchail à frapptr
de ses terribles défenses ce faible et méprisable ennemi, qui
pourtant ne le laissait vivre ni mi urir. Levant lui, ai.tour de
lui, sur lui. Bellement se multipliait et l'attaquiiil par lous
les côtés, comme eût l'ait une mente entière, ('e pauvre ro-
quet, naguère si piteux, était devenu le plus brillant héros,
il avait grandi de cent coudées. Couvert aussi de sang, mais
du .sang de l'ennemi, agile pour la ch;rrge et pour la letiaile,
déployant une hardiesse, une valeur, une témérité qu'égalait
seuil: ment son adresse à parer les coups, il harcelait sans re-
lâche son formidable adversaire, qu'il mordait aux cuisses, à
la nuque, aux oreilles, au museau. J'étais à quinze pas du
groupe, et je ne pouvais tirer, crainte de frapper, avec l'é-
norme animal, son cliétif et généreux assaillant. C'tûl été
bien pis, ma foi, que de tuer une biche; et de ma vie je ne
me fusse consolé d'un tel coup. Mais enfin, jetant loin de lui,
par une violente secousse, le petit chien qui s'éluit pi ndu à
son oreille, le sanglier se découviil, tlma balle, aussilêt liiée
en pleine poitrine, le traversa de part en part. Il bondit en-
core, tourna de mon côté son œil ai dent comme un cbai bon
rouge, et s'élança sur moi avec furie. Mais, au boul de trois
pas, il tomba sur les genoux el le groin, puis sur le flanc, et
bientôt les élancements convulsifs de ses quatre membres
m'annoncèrent qu'il était expiré.
Tout le monde accourut à ['hallali. « C'était un rusé co-
quin, disaient les gardes, qui avaient reconnu la bête; il nous
a bien des fois échappé. » Ru.sé ou non, il paraissait du moins
très-fort et très-redoutable. C'était un solitaire qui avait dé-
pas.sé son tiers-an ; el quand on examinait ses deux paires de
défenses, bien aiguisées chaque jour, pointues et coupantes
sur les deux Lords tomme un poignard à deux tranchants,
on s'elîrayait des dangers qu'avait courus dans celle longue
bataille le pauvre petit Bellement. Pour lui, salisfaitmais non
vain de la victoire, il s'était couché près du monstre, et lé-
chait paisiblement ses pattes souillées de sang el de fange.
On amena le chariot du matin pour empor 1er le corps de la
victime, llanquée bientôt après de deux chevreuils que nous
tuâmes ensuite mon ami et moi; puis, le soir venu, munis
d'un certificat en bonne forme, dùiiicnt parafé, scellé et tim-
bré, qui établissait la légitime oiii:ine de nos trois dépouilles
oiiiines, nous francbimes la bairiêre de Berlin, sans risquer
a être pris pmir des braconniers fraudeurs, et nous allâmes
de ce pas oITiir au comte de B., comme jadis Méléagre à la
belliiiueuse Atalanle, la bure du sanglier de Calydon.
Lous VIABDOT.
Il» Perse*
(I)(îuxiètne et Ucrnier article. — Voir t. VITl, p 7.)
Mécbed, capitale du Kborassan, n'a d'antre importance
que celle que lui ont donnée, à diverses époques, les guerres
intestines. Sa population passe pour Irês-faralique.
Khoûrn est une ville sainte; elle possède les restes de Fat-
mé, petite-fille d'Ali, et la coupole d'or qui siii monte le mau-
solée consacré à sa mémoire guide 'es nombreux crevants
qui y viennent en pèlerinage des frontières les plus éloignées
de la Perse.
Fetli-Ali-Cbàb s'était choisi ce lieu vénéré pour sépulture;
el autant par piété que pour se rendre favorabbs les imans
gardiens de ce sanclnaire, il l'enrichit par des dons magnili-
(pres. Ce fut lui qui fit recouvrir la coupole de plaques d'or,
cl lit ciseler la pente d'argent massif devant laquelle s'age-
nouillent les pèlerins. La tombe royale, beaucoup plus mo-
deste, ne se reconnaît qu'à la ligure du roi, sculptée en
albâtre, el couchée sur un lit de semblable matière, à la ma-
nière de nos tombeaux du moyen âge.
Kachan , ville populeuse el manufacturière, est en outre
remarquable par ses bizars et ses bains.
La plus grande, comme la plus belle des villes de la Perse,
est Ispaban; bien déchue de sa gloire, au temps des sophis ,
elle a conservé cependant un air de capitale. (Voir la gra-
vure )Ses vastes mosquées, à connoles brillantes d'émail, aux
minarets élancés; ses immenses bazars; ses palais, dont les
ruines sont encore .somptueuses; sa grande place du Cbâii;
ses promenades; ses ponts; son lleuve ; loul altiste le rang
qu'occupa Ispaban, el relui que ses ouvrages d'art lui con-
servèrent encore loiiptrmps, eu Orient.
Malheureux ineiil b ^ bazars y sont déserts, et les boutiques
aussi rares que les aelieleiirs; de nombreuses émigrations, le
cliangemenl de résidence du souverain, la guerre, .ont con-
tribué à diminuer la populaliim et à accroître Us ruines; —
plusieurs mosipiiies se sont écroulées, el le manque d'argent,
rins'oucianre du Chah, les ont fait abandininer. Il n'est pas
jusqu'au (Aalais de Cliâh-Abbas, monument de la (jloire d'une
puissante famille de princes, qui ne se ressente de la déca-
dence de" ce pays malheureux.
2'.
LULUSTIUTION, JOUftNAL UNlVEllSEL.
HCependant , souâ les ombra-
ges des grands arbres sécu-
laires, presque ignorée au mi-
lieu des ruines, se cache une
modeste retraite que son hum-
ble apparence traiiit à peine.
Créée par un fils de Feth-Ali-
Chiih,parleprinceLefid-Doviet-
Mirz, cette charmante habita-
tionrentérmetout ce que l'ima-
gination, aidée d'un art habile,
pouvait enfanter de plus déli-
cat et de plus galant; cet ermi-
tage d'un épicurien consiste en
un parterre semé des plus bel-
les Heurs , qui répandent les
parfums les plus suaves ; il pré-
cède un appartement mysté-
rieux, dans lequel le jour ne
parvient à faire entrer quelques
laibles rayons qu'au travers de
dessins déliés et élégants de
vitraux colorés et découpés en
forme de bouquets gracieux. Le
pied le plus délicat y foule si-
lencieusement des tapis à la
mollesse desquels il ne saurait
laire le moindre reproche ; de
jolies peintures y mléresseni
l'œil le plus paresseux; de petits
coins bien sombres et bien tran-
quilles y invitent au repos, et
quand on s'assoupit dans cette
charmante cellule, on y rêve
de fées et de houris; on se berce
de doux songes qu'enfantent le
silence et les ravissants objets
dont on est entouré.
Un pannneau se lève, une
nouvelle salle apparaît, le rêve
continue. C'est le séjour de la
beauté, le bain où les amours
vont tremper le bout de leurs
ailes. Un uassin rempli d'une
«au limpide et pnjfonde reçoit
dans son bain seize cariatides
groupées par quatre et qui sup-
portent quatre coloimes dejgla-
ces et d'or; au milieu, un jet
d'eau étale son éventail, dont
les gouttes éparpillées rafraî-
chissent les dalles de marbre ;
partout des peintures, des mo-
saïques, des miroirs répétant a
l'envi les détails de ce réduit
enchanté. Telle est la demeure
d un Persan, disciple d'Hadz,
qui, fuyant la dévastation et la
misère éparses autour de lui,
s'est fait un petit paradis sur
cette terre.
La grande mosquée est la
plus belle et la plus vaste qui
soit en Perse. Ede est surtout
remarquable par les mosaïques
d'émaux et les sculptures en
albâtre qui la décorent. (Voir
la gravure.)
Parmi les admirables travaux
dus aux successeurs de Châli-
Ismail, il faut citer les ponts
hardis et élégants jetés sur le
Zendih-Voud, rivière peu pro-
fonde, maisidonlles bords plats,
submergés au printemps, ont
nécessite que ces ouvrages fus-
sent exécutés dans des propor-
tions très- allongées. Les plus
remarquables sout celui d'i4/o-
veriii-Khan , et de Poul-h'ad-
jiou. Quelques légères différen-
ces ont été apportées dans leur
construction; mais tous deux
sont horizontaux , garnis de
chaque côté de hautes murail-
les (voir la gravure), dans l'é-
paisseur desquelles sont percées
des arcades communiquant
avec une galerie latérale qui
domine la rivière. Les piétons y
passent, et les habitants se plai-
sent à venir y prendre le frais.
Le premier de ces ponts donne
passage à l'eau par trente-
quatre arches; le second est plus
court et repose sur vingt et
I
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
pars
èbres.
iinearcl.es: il a de plus que l'autre une galerie inférieure au | ses habitanls un grand nombre de
nivsaii Ail heiivp 0" adqrateurs du feu.
Kerman et Yevd sont des villes industrieuses qui fabriquent Hamadan, l'antique Ecbatane, est une ville aiiiourd liui de
des dXset des étoivk de soie. La seconde compte parmi | très-mince importance. A part quelques débris de peu dm-
(Corlppe d i rhdl Uani
térèt, maisqui révèlent son âge
reculé, ce quelle offre de plus
intéressant est le tombeau d'Es-
theret de Mardochée. Il s'é-
lève au milieu des masures à
demi ruinées du quartier juif,
sur une petite place où, à cer-
taines époques de l'année, ac-
courent de tous les points de
l'Asie, les pèlerins qui croient
à l'autlienticité du mausolée.
Kermanchàh est une ville
frontière, à une journée de la
province de Bagdad: elle n'au-
rait rien d'intéressant à offrir,
si elle ne se trouvait dans le
voisinage d'un monument très-
curieux de l'époque des Sas-
sanides, qui porte le nom de
Tdgh-i-Bortan, et consiste
en deu.x grottes dont les pa-
rois sont ornées de sculptures
très-curieuses. Kermancliàli
est le passage des caravanes
qui se rendent sur les bords de
lEuplirate et transportent les
corps embaumés des person-
nages qui veulent, par dévo-
tion, être mis en terre sainte, à
Kerbelah, qui est le lieu de sé-
pulture, et où se trouve la mos-
quée de Hussein, fils à'Ali, ce
grand saint desSchj/îtopersans.
(Cortège du chah allant à la grande raosiîuéc.")
.Le voyageur qu. suit la grande route d'.spalian au golfe , nides, et les 6-ndes scul^^^^^^^^^^^^^ les fabuleux ex- | JO-^P-fX^^-'-.t^ P'^^S^U^^^^^^^^^^
&l,KiÊes";VKr«^^^^ I ^'t itllSl'ili'^rcïXVet L^rdette ville a ton- | SL^Vs armes qu'on ylbrique jouissent dLe grande
26
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
riîpnlation dans ce pays. Sous le règne de 1 usurpateur ha-
rim-tOian, elle deviut la capilale du royaume ; et, à d autres
époques rap|)nicliées, elle fut le centre de conspirations lor-
mées contre l'autorité du mm
Cliira/. s'eiioryueiMit :i j"--!'
un gran'l nomlire d'ériu
OU coiiip'
Siadi, ilo
leur fîliiii
li-l,M|.nil
leur vlll.'
sullMilr ,
eloiiilï! le
râleur
linic
iir (liinné naissance à
hlc^, [larmi lesi|uels
l'Iriiirv |i(i(''lrs (ir l'Orienl, llatlz l't
,,"ivn-,lr,Hhrii 'S Cl iriiiMi<, ii'niil |.,iO;M>sé
,lll,rir ,1 IKilrr pj)-. I.Hlls s |illllllIV^ silllt le-
,il„■l■M■■l■^.I.Hl^ d;'■^ |,ciiUos vuibius di;rt iiiurs dc
r, Crllc il ' S.iiili, un peu plus éloignée, reste
h, Ml il.'-, î (iiir. s ei (les liei'bes sauvages qui ont
is niUi'Iriiiii's luilis par la piélé de ses adini-
iilii' (II', m iiiiiv .1 piiii' tout ornement quelques-
un,-:, de ses slidjiln's les pins ivuMiqil.ililes.
La séiMiltme dUalii, au coiilr.iiie, est au milieu d un vaste
cinietière planté de cyprès, de pins et d'oiaufjers, près d'un
kiiisqne éléi^ant. De lieu n'a nullement l'aspect triste d'un
chauip fnnelire; il e.t le rendez-vous des promeneurs qui
vieunenl y fumer le kaUioun, en feuilletant et récitant lespa^es
du livre immortel du poiile, conlié îi la garde d'un mollah.
Le caractère île ces deux hommes remarquables semble,
comme une ombre, errer autour de leurs tombes. Saadi, mo-
raliste, avait un petit cercle de disciples dévoués que sa mo-
rale n'elTraviil- pas, et qui se plaisaient dans ses sérieux en-
tretiens. Hàliz, véritable Cliirazien, adonné au plaisir, s'eni-
vrant des jouissances de ce monde, en espi^rant les joies pro-
mises dans l'autre aux vrais croyants, était plus fait pour
plaire aux Persans, et devait attirer autour de lui une foule
de jeunes adeptes qui reculaient devant la sévère philosopliie
de son rival.
De même ani«iird'lini, quelques rares promeneurs passent
la porle ihi loin iraii dr S laili, lis qu'un pius grand nom-
bre n'allant |us jusipir-lii, s'anvimit pour perdre quelques
heures en c.iiiseries Irivules près du marbre funéraire du phi-
losophe épicurien. . , . •./,■■
Parmi les autres cnnosités qui sont aux environs de thiraz,
on peut justement compter la tour des Mamacenis : le gou-
verneur d'Ispahan, Mannulcher-Khan avait clé chargé, il y a
quelques années, dedirig(U- une expédition militaire dans les
montagnes entre Chiraz et Chouchter, refuge hahiluel des
Mamacenis, dont les meurtres et les brigandages avaient à la
tin éveillé la justice et la sévérité du gouvernement. Elant
parvenu à les forcer dans leurs retraites, et à en faire quel-
ques-uns prisonniers, M iiMulcher-Khan, pour imprimer la
terreur à leurs çiiai|ii;:niiiis, et leur ôler l'envie de reprendre
le cours de leur vu' criminelle, eut la- barbare idée de faire
construire, dans la plaine Ue Chiraz, et près des portes, une
tour dans les murs de laquelle étaient réservées autant de
niches qu'il avait de captifs, et il les y lit placer en les ma-
çonnant avec de la chaux. On avait pratiqué à la hauteur
de chaque tète un trou, alin qu'on pût voir sur les visages de
ces malheureux les horribles sonIVrances que la douleur et
la faim l.nir l'aisaii-nt ouilurer. Aujourd'hui quelques débris
de crimes et quelques lanilieaiix de vêlements se voient en-
core dans ces .iiivcrliiies , el le voyaseur, étranger à ces
sortes de spi'ia
delà jinli.i' Il
Beuiler li m
nature a piu
prouve ciioibii
lages sur ei'ip
d'ailleurs l'ot
, l'ré'uit en faisanl le tour de ce monument
ilun gouverneur persan.
■.,1 nu petit port sur le golfe Persiquo. La
iiiir lui, el le choix de son emplacement
si ilifllrilc de trouver de meilleurs niouil-
iiihiis|iilalière. Les Européens y viennent
lient, el tout le commerce de l'Inle ou de
l'Arabie se fait presque exclusivement par le moyeu degran-
d 'S barques arabes ipii vont îi Bombay, Mascate et Bassorah.
Chiui-hter est une ville qui depuis longtemps passe pour
Mre l'ancienne Su'ze ; cepemlaut la grande quantité de ruines
que l'on trouve dans les environs de Dizfiil, qui en est dis-
taule d'une |ournée, doivent faire penser que ce sérail là plii-
I6t qu'aurait été la capitale de l'antique Suziaune. Là est le
tombeau de Daniel. , „.
Bender-Abbas est un autre port qui n a pas plus d impor-
tance que Bender Bichir. Plus voisin de Bombay (|ue celui-
ci, il doit à celte cause d'èlre plus fréquenté par les navires
arabes qui font le cabotage entre la côte de l'InJe et celle de
Perse.
De même que le royaume de Perse peut se diviser terri-
torialemeut en trois zones distinctes, variant de climat, d'as-
pect et (le productions, on peut aussi partager sa population
eu (piatre grandes classes de ciloyens, dont les allributions
dilT M-eiit essentiellement et se perpétuent généralement dans
les familles.
l,a première de ces classes, celle à laquelle Ions rendent
hommage, et qui a le pas sur les autres, est celle des Mollahs
ou prèlres, et des savants. La seconde comprend les Mirzas
ou écrivains; les hommes d'Elalsont généralement pris dans
cette classe, à l'excepiion du premier minisire ou vizir qui,
étant l'homme de confiance du souverain, peutèlre choisi par
lui parmi les Mollahs, comme celui qui a le pouvoir aujmir-
d'bui, ou parmi les IChaus et les hommes d'épée. La troi-
sième classe est celle des Serbaz ou militaires; et la qua-
trième si'conipiisi' de hms ceux qui travaillent dejeurs mains,
que l'on iioinme Kacis, comme les cultivateurs, les artisans,
1>.S maribamis, elr.
I Irèï-pnissant en Perse. Il peni fa-
li^Hir, ipii di'viiMil, iliri^i- par loi.
lêt" de 0 à 7,000 hommes asseoir son camp sur les bords du
ZpmMi-linwl. Cctie rc'solulion énergique imposa au grand
inouchlaidetàsc's partisans, dont plusieurs, faits prisonniers,
expièrent leurs crimes dans des lourmenis airuces, sans
(lu'une .seule voix se soit élevée pour les plaindre.
Le camp royal (v.dr la gravure), doni les lentes blanches .se
Rroupaient sur les ri.csdii ;?i/n(/.'/i-/i""', aniourdu pavil On
uu'li.ihilaille chali, réunissait, sur une iietite échelle, lesdit-
fi'.iriili's aiiiiis (liiut se compose l'armée persane. Deux seu-
liTiient sont liiriiii'cs de troupes régulières, l'infanterie et
l'artillerie. Quant à la cavalerie, elle se compose de tous les
gens du roi, des khans et de leurs serviteurs, et de tous les
hommes auxquels on fait appel en cas de guerre ; dans 1 es-;
poirdu butin, ils accourent ordinairement en foule. Mais si
chaque cavalier peutèlre à craindre, dans un condiatcorpsà
corps, on p'iit aussi dire qu'en masse ils constituent une
troupe (léleslalile, ne connaissant aucune discipl , sans
chefs pour les guider, ces cavaliers coinbatlanl i liarun pinir
leur compte ; ils allaquent quand ils croient pniuoir If laiie
avecavanlage, et fuient à la première crainle d nu échec.
Au reste, ils ont conservé l'ancienne tactiquedesParthes, qui
se soni rendus si re loulables aux Romains.
Quant à l'infanterie et à l'artillerie, ces deux armes offrent
un semblant de formation régulière et euriqiéenne. L'une et
l'autre organisée par des officiers anglais pour laire tête à
l'armée russe, il y a vingt ans, lout en étant fort loin de res-
seinli'er à des li oiipi's européennes, ne sontcependant pas san.s
valeur cl le siège d'ilérat, en 1857, a été pour linfanterie
surtout locrasionde prouver que, si la discipline européenne
pouvait difficilement modifier la nature des soldats persans,
le courage, en masse ou individuellemeni, ne pouvait leur
êlrc refusé.
L'infanterie est divisée en garde royale ettroupes de ligne.
Pour la iireinière l'habillement, à peu près unilorme, consisie
en une veste rouge à collets et parenieuls bleu, avec epaii-
lellesdedrap bleu à effilés de colon blanc, — cachet de
leur origine anglaise, — le pantalon est de toile blanche. Ires-
ample et plissé. Le bonnet persan de peau de mouton nmr,
n a aucun si>:ne Miililair.. ili^lim lif. Les buflleleries sont
blanches et siippnilnil iiiir ii\W\»'' et un Innneaii le hamn-
nelte; quelque soldais P"il.'nl par ilcvaiil le Isainlji iialm-
nal, mais il nesl p as d'ordonnance. Le lusil esl .l'iui (le 1 ar-
mie am;laise, de très-mauvaise fahricalion, et coniiint il n est
point d'armuriers qui sachent réparer les armes cnrniM'enui's,
il en résulte que l'on voit fréquemment dans les laisceaiix de-
vant les lentes ou les corps de garde, des fusils sans baion-
iiettes, sans platine, ou sans chien.
Lbabillenienl de la troupe de ligne dilTère peu. La veste
rouge isl leiiiplai iM'parune vesteen colon bleu clair oujanne.
L'arlilleiie est, pour son matériel, dans un état à peu près
aussi déplorable que l'infanterie. Les canons sont londus sur
(les nioilides anglais, mais fabriqués à Téhéran, dans un ar-
senal dirigé par un Persan qui a pris, en Europe, une tein-
ture de l'art de la fonte; ils sont très-mauvais, et rendent,
pour les canonniers, leur service très-dangereux. Le costume
des artilleurs (voir la gravure) est de Ions ceux de 1 armée le
plus original. Us sont bizarrement accoutrés d'une veste de
drap bleu avec des torsades et des hongroises, à l'instar des
uniformes russes; et un alîrenx bonnet de peau de mouton
noir ou gris, très-volumineux, grossièrement imilé des /,(-/-
*oA-.«, leur donne unaspectsauvagequilesrend plus ridicules
que redoutables.
Il exisie une antre espèce d'artillerie, utile dans un pays
monlaiii)!'
dont il a été le compagnon d'enfance, à la cour d'Abbas-Mirza,
père du roi actueL
Méhémel-Chàh est un prince doux, ami des Européens,
mais timide et gouverné par un vieux mollah, son précepleur
autrefois, et qui a toule sa confiance même aujuurd liui dans
sa charge de grand vizir. Méhémet-Chàli (voir la gravure) a
treiile-neuf ans ; il est très-brun, avo(j rie grands jeux et d'é-
jioniii's iiiiiiislarli.s :
indKjiir pi I.i Lin,
nain. II. l'i m rli.ilm
assailli déjà dans ^,i
de goutte. L'espoir d
cice lui a fait cnlrepi
le goût de la vit; in
simple. Les jours de j
tout brodé Je perf
l'i':
piii ex|iie>sive ;elle
Il I lief d'une grande
I I .ilhiliiHi ,iii\ .Miiiniances qui l'iiiil
lisse, et qu'il doilade violents accès
niballre ce mal par l'activité et l'cxer-
le de longues courtes, et lui a donné
lie. Sun iiivinme est d'ordinaire Imt
, iliiMliiiilialiil (le(a(lieniireroni.e,
|ii> 11' 1 n >. .'■011 lidiinel est surnioiii'-
d'une aigretle'en diainanls.l^iiaïul il sorl, pour allercliassi i
au faucon, ou priera la musquée, il esl à cheval, sous un pa-
rasol. Des courriers et des massiers ouvrent la roule et le-
foulent les curieux. Derrière marclient un grand nombre de
seigmmrs et de cavaliers armés de fusils ou de lances.
Méhémet-Châh, sans être fanatique, suit très-rigoureuse-
ment les préceptes de sa religion. Il ne boit jamais de vin et
ne fume même pas. Le nombre de ses [enimes est extrême-
ment limité, ce qui rend beaucoup Iropvasie le harem royal,
que son grand-père, Feth-Ali-Cbàh, avait lait disposer puui
six cents femmes.
La politique russe et anglaise, bien plus intéressée que
celle de la France à entretenir ûes relations diplomaliques
suivies avec la cour de Perse, a nécessité depuis longues an-
nées la résidence fixe d'ambassadeurs de Russie et d'Angle-
terre. Le gouvernement persan, serré dans le double nœud
des intrigues de ces deux personnages, se débat avec peine.
Le golfe Persique, ouvert aux llotles anglaises, et le Caucase,
par où sont eiilrés déjà les régiments russes, sont de tie|
iaibles barrières contre la puissance de ces redoutables ad-
versaires, pour que le chah agisse selon ses inslincls person-
nels, ou même d'après les besoins de son peuple et de la con-
servation de sa nationalité.
Les Français sont plus aimés, et auraient plus de succès
auprès du Cliàli; mais ils sont trop loin, et ne pouvant con-
tre-balancer l'influence anglo-russe, c'est à peine si ce mal-
heureux monarque ose écouter h s conseils qui lui viennent
de la France. Les Aiîghans du côté de l'Inde, et les Circas-
sieus du côté de la Russie, sont aujourd'hui les alliés les plus
puissants et les plus sûrs que puisse avoir le Cbàli de Perse.
Peut-êlre les défilés de Djellalabad et ceux du Caucase, re-
fermés derrière des armées anglaise et russe, seront-ils en-
core longtemps la sauvegarde de ce royaume, où lout meurt,
tout tombe, et où la poussière du désert recouvre incessaui-
mcnt les ruines des mosquées, comme elle recouvrira peut-
èlre un jour le trône de Mébéinet-Cbab.
'Ull
ineni de:
au Clial
artillerii
P'
Le p,irti des Mi.llali^
cilement so\ile\i-r le Ir
rednutahleipiel |ii 1 li- i
le grand mouclilai I d l-|
avait réuni autour de lu
lents et de mauvais snii
le pouvoir des ennemis
dugraiiil miinrhliil sur
roi, reuilaieiil mhi paru
croissail liiiis li's jHiirs
movei
Cel
quel:
■iliie. Na:.;iie
aille
1 l'rr
■la! lie I lin-es lie pouvait durcr, et les brigandages aux-
e livi. leul les bandes armées de ce chef rebelle, dans
fspabaii même, liiurnirent au chah l'occasion de venir à la
iN.elipii pounail,en Perse, où il y a peu de routes
:;iaiiils services. Mais elle est presque exclusive-
II -eaux feux de galas et aux honneurs que l'on rend
quand il quille son palais eu sa tente. C'est une
piiM'e (le peiites pièces extrêmement légères,
nées à (lus de chameau. ' ,.r i
La bieran liie militaire n'est sujelle à aucune loi fixe. La
volonté (In Chah di-pose des grades, des commondemcnts;
mais une fois iloiiiies, ils depeiideni les nus des autres, et I .>-
chellequi les dislingue, ou règle le ,h-ré d obéissance aux
supérieurs, se rapproche beaucoup de celle des armées d bu-
'"(Ib'aque ré-dment a ses officiers. Plusieurs régiments for-
ment lin eiirps iini obéit à un serOar ou général, et I armée
tiiiii enlTie esl sons h-s ordres d'un chef unique que Ion ap-
pelle nii^r-ur.iiw. Celui-ci ne peut plus recevoir d'ordre que
du roi ou de l'un des princes de la famille royale.
Ces princes .sont ce que la faveur ou la conliam^e du Chah
les l'ait. Ils peuvent avoir un commandement d année ou
un gouvernement de province, selon son bon plaisir. Mais,
comme la mélianee aussi bien ipie la Irahismi seiuhleiil être
en Asie d'un iisa-e liequenl et liadiliomiel, il en it'sulleqne
li> roi .ipnelleà lemplirees lnut(« fonctions de couhauce ceux
des pnii: e- eu rh,il,-:a.lrlix dont il ne redoute ni le mérite,
ni le (■ iiaiieie eiiirepi cnanl, ni même les richesses ou la po-
pularité. Aussi voit-on en Perse un lrès-L:rand nombre de
princes de sang royal ipii vivent, dans I msivi le, des aninOues
que leur font le souverain et même ipiehpiesgi amis sei.mienrs
reconnaissants ou dévoués. Ceci élmiuera nnonssi I un pense
que le dernier rid, Felh-.\h Chah, a laissé soixaii'e-dx priii-
ees, tons ses fils; et, en ajoutaot à ce nombre les cnlanis de
ceux-ci, ou arriverait i\ on cldlVre énorme. Aussi, anjour-
d'inii la (|iialilé de chali-zadêli n esl-elle (iiie ce que la fait
rautorité (liiiil est levèlu celui ipii la possède.
Parmi ers clifdi-zadéhs. le |dus reniai qiiahle par les qualités
de S(ui creiir et par ses mérites iu!elleelii(ds, est un onc e du
chah (voir la gravure) Malek-Kasseni-l\liiza,(:e prince géné-
reux et libéral se disliiigue par l'élévation de ses idées, sou
instruction et l'intérêt avec leiinel il cherche à se mettre au
niveau des connaissances européennes. Il parle six langues,
sans compter la sienne, le fram.'ais parfailement bien, laii-
elais le russe, le liiir, l'arabe, l'indostani. C est nu des plus
Z(Més pnilei Iriiis lies EiiropViis dont la science mi l'industrie
peut rendre le ..■piur en Perse profitable àl'instrucliou
progrès de ses ciunpalriotes. Il esl, au r
el au
ste, l'ami du Chah,
Ii« Port de Toulon.
(Troisième ar'.icle. Voir tome VII, pagfsT et 139.1
Un canal étroit sépare la partie de l'arsenal où nous nous
sommes arrêtés dans notre article précédent, de celle que
nous allons visiter aujourd'hui. Ce canal, qu'on traverse sur
un pont de planches, établit une communication, à travers
les remparts, entre la darse du port et la rade, par le canal
de la Boulangerie, qui baigne la jetée du mur d enceinte et
lui sert de fosse jusqu'à la mer.
Cette communication, par laquelle les embarcations de l'E-
tat, qui sortaient du port pour se rendre en rade, allaient
preiulre le vent quand le mistral tourmentait la nier, est au-
jourd'hui inlerceptée par une barrière en bois.
Le parc d'artillerie et les bâtiments qui en dépendent sont
placés dans un des bastions du rempart, dont ils suivent, en
cet endroit, les flancs et les faces. Ce bastion fut lout d'abord,
dans les plans de Vauban, destiné au parc d'arlilkiie. Pour
consacrer cette destinalion, le célèbre ai chitecle donna, en
dehors du rempart, la forme de canons aux gargouilles en
pierre de taille qui rejettent dans la mer les eaux pluviales
de l'édifice. Le rempart n'olîie, en effet, sur toute sa lon-
gueur, qu'un très-petit nombre d'ouvertures pour l'écoule-
ment drs eaux, tandis ipiaii baslion du parc d artilleiie, il se
montre hérissé, sur les deux lignes de laiigle, de vingt el un
canaux, alTeclaut lousia même lorme d'une gueule de canon.
Les élablissenients de l'arsenal qui, depuis la porte d'en-
Irée, formaient une dmilile ligne paiallêle, cliangenl ici d'or-
dre de bataille 1 1 se développent sur une seule ligne, entre le
rempart et la daise, jusqu'à la Chaiue-Neuve.
Niius trouvons premièrement, à notre droite, un spacieux
pavillon consacre aux buieanx de la direction d'ailillerie.
Devant nous, et sur le prolongement de la façade de ce pa-
villon, est le parc aux boulets formé par l'angle rcniraiit du
bastion, et dont une rangée de canons-bornes, liés par une
(haine, ferme latiorge, autrefois deftudue (lar une palissade.
Cette gorge est bordée par une rangée de pièces de canon.
Le soubassement du pavillon qu'occupent les bureau.\ de
la diiediou d'arlillerie est aussi bordé par une ligne de nior-
lieis énormes, londus avec leurs crapauds, qu'on embarque
sur des navires appelés bumbanlis, construils exprès pour
recevinr celle pesante ai lill-iie. Tmis (es 11101 tiers, peints en
noir, porteiii lle^ ium ii|i1iimi^ qui i,i|. pi lient les récentes vic-
toires de luisesiailii s, il lies iiiiiiis 1 II i.ippiiil avec Iciir rôle
do deslrnclioii : le lu/cni", le iulcan, Ir 1 cvMi'e, la Sala-
mandre, l'Hécla, etc. L'un a démoli les batleries de Saint-
Jean d'Ulloa , l'autre a bombardé la Kasbali à Alger, la bou-
che sombre et niuelle de ces bronzes laconle plus éloi|iieni-
uieill ipie la \ihiuie des bisloiiens, la gloire de ikiIic iiiaiiiie,
(pie l'doiilde désastre d'AliniiKiret de Tiafalgar n'a pu aiiean-
lir, et en l'a\eiiir de knpielle iinus avons foi eiicoie, malgré
l'espèce d'oubli et d'abaissement où elle semble lonibee de
nos jours : car, vodà qu'on demande encore au pays l'im-
mense sacrifice de quatre-vingt-treize millions pour Vemellre
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
27
Kl marine sur le pied de paix où la France confiante la croyait
solidement établie depuis dix ans.
En face de rariilleiie, sur l'esplanade qui sépare le parc
aiix boulets de la darse, est élabli le parc aux canons. Une
profusion de pièces de tout calibre est entassée là, par luur-
i!rs rangées et simulant des batteries superposées, sur des
chantiers dont la base est en maçonnerie et les appuis supé-
I leurs formés de pièces de bois.
L'arlillerie des vaisseaux fut d'abord entièrement composée
iJe pièces en bronze, fondues Ji la fonderie de la njarine, qui
: e trouve en debors de l'arsenal, au nord de la ville, entre le
nmpart et les bureaux de llnsciiplion niaiiiinie. Le grand
n!)mme de canons qu'exigea bientùt ledévelop(iementde nos
t rces navales, et la dépense excessive qu'occasionnait l'a-
i!iat du bronze et son coulage, iniroduisirent dans I arnie-
iiientdes vaisseaux les canons de fer, tirés des fonderies de
l.i Bourgogne. Une ordonnance royale, datée du 1"' décembre
t;i'i9 imposa uu tiers de canons en fer à tous les navires de
I iital, excepté cependant aux vaisseaux montés par les ami-
iKUX, diint rarlillene tout entière dut rester eu pièces de
fititieverte. La niènie pensée d'écunonde fit rendre, queli|nes
iiu:iécs après, une nouvelleonlnnnaïKe qui prescrivituux vais-
MMlix d'embarquer la nioilié de leur artillerie en pièces de fer.
Quelques accidents survenus alors dans l'exercice des ca-
nnns de fer excitèrent la défiance des olficiersiie niariiie, iiin
«ipp'isèreut de grandes diflicultés îi leur intrciduclmn sur
leurs vaisseaux. A Toulon même , on les refu.sa couipléte-
inent. Il fallut qu'une ordonnance sévère, rendue au mois
de mai IC74, prescrivit aux olficiers-coniniandauls de les ac-
lepler délinitivemenl. Des expéiiinres iionibrtu^cs faites de-
vant des conimissaiies et des olliiieisde niariie avaient, un
leste, prouvé irrévocab'ement la solidité de ces pièces, dont
lions nous servons encore aUjOurd'bui. L'arlillei le en bronze
I esta spécialement réservée aux vaisseaux il trois ponts, et
celle disposition existait encore au début de la révolution,
puisque le vaisseau le flci/ni- Z.< uis, qui fut débaplisé alors
pour prendre le nom de Itcpublicain , avait toutes ses pièces
en bronze quand il se trouva sur la roclie Mingan, dans le
goulet de la rade de Brest.
Le parc aux biinlels forme un assez vaste pentagone, nii,
perpendiculairement au quai de la darse, sont alignées de
longues pyramides de projectiles, recouvertes à leur surface,
par la pluie et l'air salin, a'une coucbe de rouille dorée. Un
;;rand nombre d'aflùts de batteries forme le soubassement des
bâtiments intérieurs. Quelques beaux arbres ombragent,
l'été, celte double cour, et nue double ligne de lauriers-roses
qui ont merveilleoseuient prospéré suus la surveillance et par
les soins de M. Cliarpenlier, directeur de l'artillerie de ma-
rine au port de Toulon ei colonel de celte arme, jette de la
variété et du cbarmeau milieu de l'étalage austère et sombre
lies boulets et des alTiits. C'est sévère tt gracieux à la fois,
comme une ode de Beranger.
Le rez-de- chaussée du pavillon, dont le premier étage est
occupé par les bureaux de la direction d'artillerie, est divisé
en trois nefs par une double rangée de pdiers aui soutiennent
dix-huit voûtes d'arêtes vives en plein cintre. An pird declia-
qiie pilier, on a planté, dans les dalles du sol, un canon em-
blématique.
La net du milieu, moins large que les deux autres, forme
lé corridnr, à l'exirémilé duquel mi munie un superbe esca-
lier en pierre de t.iillc de Cassis, qui rappelle celui du Ma-
lîasin général dont nous avons parlé dans la deuxième partie
lie ce travail. Cet escalier se double au premier pâli r pour
aboiilir à la salle et aux bureaux ou pour descendre dans le
corridnr qui s'ouvre sur le parc aux bouleis.
Dans les magasins formés pir les deux autres nefs du pa-
villon, à droite et à gauche du corridor, se trouvent les ate-
liers de la iinrnilure de l'artillerie, les entrepôts de cordages,
de poulies et de manivelles : et, dans l'angle du bastion, der-
rière l'escalier, le vasle magasin aux picrriers.
Tout le rez-de-chaussée de la première aile qui suit est
occupe par le magasin aux aiïûls. Outre l'étalaue d'allïitsque
nous avons signalé dans la cour, cet immense magasin en est
encombré du .sol ii la voûte. On est même réduit à enlrepo-
ser une partie de ces embarrassanles machines à bord des
navires -casernes, faute d'espace dans les magasins ipii leur
sont consacrés.
Le rez-de-chaussée de la deuxième aile renferme les ate-
liers .'i bois, c'esl-ù-dire les ateliers des chaipeutiers, des
menuisiers et des tourneurs de l'artillerie. C'est aussi dans
lin compartiment du rez-decliai.s>ée de cette aile que sont
éliihlis les bureaux d'adininislration de la compagnie des ou-
vriers artilleurs.
Dans le rcz-de-cbaiisséedu pavillon qui correspond :\ celui
des bureaux de la direction se Irnnve l'alel er des f.iiges. Dans
l'angle qui corresp<Mnl au magasin des picrriers, fonctionne
une belle macliine ii haute pression, de la force de douze
chevaux. Elle marche à une pression moyenne de cinq at-
mosphères. Elle alimente, par des ventilaienrs souterrains,
les vingt-quatre fourneaux dont se compejse l'atelier des for-
ges. Par des axes et des conrroiesile transmission, elle donne
le. mouvement, dans les divers alclicrs que nous allons voir
au premier étage, à deux ventilateurs à vanne, qui fout 1 ,400
tours il la minute;
A une ferle machine à engrennge, ^ un seul arbre, qui peut
percer vcilicalement des trcuis de 0 Onl jusqu'à K.O.M);
A une machine à quatre furets verlicaux, pour furcr les pe-
tites pièces ;
A nue machine à tarauder des boulons de 0,0.iO;
A une m.icliine pour tourner et lileter des arbres de 2,00
de liini;ueor ;
A d'Mix meivennes machines pour tarauder les boulons de
tl,OI et 0,0-2 ;
A une ma;liine pour tailler les étrous à 4, 6 et 8 pans;
A une scie circulaire piuir débiter le bois;
Enfin à un martinet à cilindre oscillant, mû direclement
par une peirtion de la vapeur que fournissent les cbaudiiMes.
Cette belle machine est ^ rotation directe, sans détente ni
condensation ; elle est mue par deux chaudières à bouilleurs
lionzoulaux et cylindriques; placées, ainsi que leurs four-
neaux, dans la plate-forme du rempart, et alimentées sans
cesse par une pumpe qui lirel'eau d'un puils communiquant
avec la nier par uu petit canal siiuleriaiii.
L'exliémitedurc/.-de-cbausscc du pavillon est occupée par
l'alelier des ferblantiers de celte dircclinn.
Dans la partie qui existe eiilrelesbàlinicuts et le rempart,
on trouve successivement, tu revenani vers le pavillon des
bureaux, une petite londerie de cuivre, nu magasin de char-
bon, dévastes magasins de bois debilé, deseiunpôls de nii-
Irailles, des magasins de piilrailles pour les laionades, des
magasins de culots, de crapaudincs; jiuis l'atelier des mitrail-
les, l'alelier et le magasin des peintres ; un n'eu finit plus sur
celle ligue debâliinenls, longue de 28il nièircs.
Au premier palier de l'escdier qui conduit aux bureaux,
on voit sur un piédestal sculplé une grande statue en bois,
plac'e là pour servir de cnuroniienient à la première volée de
l'escalier. C'est la ponlaiuc colossale de la vieille frégaie la
Ciicé. A l'aide de quelques modilii'alions dans les altnbuls,
la fabuleuse majiicicune représente aujourd'hui, tant bien
que mal, la duiiiilé de la mer, mais on se demande encore
quel rappiirt elle a avec l'arlillerie.
En luonlaiil la volée de gauche, dont la rampe en fer est
ciiiii(inn>'i' par un énorme boulet algérien de pii^rre calcaire,
pesant près dnCu kilogrammes, on idiimlit aux bureaux de la
iliri'cliun. Le premier élage du pavillon est aussi divisé en
triiis nefs, par la même architecture qui règne au rez-de-
clianssi'e. La nef du milieu sert de corrideu'. A droite sont les
seciélariatselu directeur, des capilaines el des employés; à
gauche, la salle des coniérences, dans laquelle se trouvent la
bibliothèque, les plans, une finile de modèles de pièces d'ar-
lillerie, entre autres nu curieux et superbe moJèle en cuivre
de la pièce fatalement célèbre, nommée la Consulaire, par la
bouche de laquelle les deys d'Aluer lai-aienl jeter sanglants
et mutilés à la face de I Europe les coiimiIs des puissances ci-
vilisées dont leur ombrageuse susceptibilité crojait avoiràse
plaindre.
En montant la volée de droite, on aboutit à la porte d'en-
trée de la nouvelle salle d'armes.
La salle d'armes se trouvait dans l'arsenal de Marseille à
l'époque où cette ville était le portdeconstruclion et de sta-
tion lies galères, qui constituaient alors la puissance navale
de 11 Eraiice dans la Méditerranée. Lorsque Louis XIV eut
fait de l'ouliin un grand port, les armes fabriquées pour l'ar-
mement des galèivs v fiiient envoyées et dépeisées dans l'an-
cien filial silii-î h l'exlréiiiile occidentale de l'arsenal, entre la
curderie et les ateliers de la direction des travaux hydrauli-
ques. L'insuffisance de ce local, reconnue depuis longtemps,
puisqu'il pouvait conlenir à peine 20,000 fusils, nécessila la
création d'une utmvelle salle d armes en harmonie avec lini-
poilance acluel!e du port et assez vasle pour loger tout le
matériel destiné aux armements éventuels.
L'entrée de la nouvelle salle d'armes est gardée par deux
Hercules peints couleur de bronze, qui souliennent un cintre
autour duquel rayonne un ninifie de lames de poignard. Ce
cintre est surmonté du bnsie de Napoléon.
En entrant dans celle salle on é|irouvc un vif et profond
éhlouis.semen!. Les trois nefs qui la divisent, deux irès-étroiles
sur les cotés, une immense au milieu, sont liltéralement ta-
pissées par des armes de toute espèce : fusils, épées, poignards,
haches et sabres d'abordage, fusils de rempart, canardières,
pistolets et mousquetons de calibre, ballebarJes, piques,
tromblons, picrriers, bats, pertuisanes, ospiugoles, tout ce
que les hommes ont inventé pour se défendre et pour se dé-
truire. La grande nef du milieu avait été primitivement divi-
sée en trois autres nefs par les longs râteliers qui suppor-
taient les fusils dans l'ancien local. Ces râteliers ont disparu,
et les armes ont été arrimées contre les vingt-deux piliers
qui souliennent la voûte. Le jour extérieur qui se trouvait
inlereeplé par li>s râteliers vient maintenant se jouer à tra-
vers les Imi .mil Iles élincelantes et sur les poignées des sa-
bres, d'iiM j.iil i-M'ut des milliers d étincelles. Leirsque le so-
leil se levé, et que ses rayons presque luirizonlaux s'éparpil-
lent sur cette forêt d'armes, liiisanles c nue des miroirs, la
salle oITre alors un spectacle oui r.ippelle la nuigiiiliquc revue
des troupes chrétiennes et la divine illniiiination de la vallée
de Thérébinthe parlesrellels des armes des croisés, pendant
ce lever de soleil que le Tasse a placé dans les premiers
chaiils de sa Jérusalem déliorée, poème tout de lumière, d'a-
mour, de chevalerie et de fui.
Il a fallu toutes les ressources du génie inventif de M. le
colonel Charpentier pour parvenir à remplir sans monotonie
et sans qu'aucun ornement piràl contre le goût, une salle
aussi démesurément grande, hons chaque voûte on admire
uu cliel d'oeuvre d'invenlion et de patience. Ici, c'est un sa-
pin dont les branches fali*;nées s'iiulineiit vers le parquet,
sous le poids des poisuards epii siiiiuleiit son l'euil'a^e La,
ce sont lies palmiers dont la line est li:;urce avec des lames
de poignards et les painos avec des pistolets suspendus par
leurs gueules. A côté, c'est un aulre groujie de palmiers où
l'emploi des mêmes armes est interveili, c'est à-dire que le
tronc est moulé avec des iiistolels et les branches avec des
lames de poignards ; plus loin, ce sont des lyres dont le buis
est figuré parla cambrure des pistolelsd'aboidageetlos cordes
pur des baguettes de fusil. Ce sont des laisteaiix ranlasli(|ues
on racieretle cuivre, arlistementiiiêlés, forment l'ensemble le
pinsparfait; ce sont des vases compeisés avec des chiens el
des platines de fusil, d'où s'élancent, à travers une feuillée
épaisse de petiles lames de dagues, des lonrnesols couron-
nés de tiélenlex, d'une ressemblance frappante avec leurs frères
pacifiques des jardins. El puis des Ironhées où sont encadrés
les noms de nos grandes vieloires de la république el de
l'empire; et puis des soleils de baionnelles (|ui vous blessent
les retiards; des aiiiénles de greuailis écarlates qui, pour
compléler la fe'crie, mêlent quelque chose d'infernal au ta-
bleau ; et puis des lustres magnifiques où l'éclat de l'aejer
imite si bien la transparence du verre qu'on se croit obligé
de les palper pour se persuader qu'en effet il n'est entré dans
leur confection que des pièces d'armes; el puis tant d'autres
choses belles on tout simplement jolies dont lesdélails échap-
pent à la description la plus complaisante et la plus minu-
ti.usc.
Au milieu de la salle est une belle statue de Bellone, bran-
dissant une épéeavec tant d'impéluosité et de colère qu'on
se seul presque bien aise d'être séparé d'elle par une bar-
rière qui est encore un chef-d'œuvre dans son genre. C'est
peiit-êire le plus admirable de ces travaux, qui le sont Ions.
A l'aide de bassinets, de ressorts, de delenles, de platinés,
do vis et d'une foule el'autres petites pièces en fer ou eu cui-
vre tirées du fnsil, ou a monté celle barrière où l'on voit
enirelacés tonte sorte de feuillages, de Heurs et de fruits.
Tous les soirs, vers cinq heures, des groupes de riches
nnifeirmes et d'élégantes dames viennent se iiromener sous
tes palmiers élincelanls où, avec un peu de bonne volonté,
on peut se croire en plein Orient. Le vent du soir qui s'in-
troduit dans la sa'le par les larges fenêtres, murmure dans
celle forêt artificielle, et les parfums de la mer, arrivant par
biiiiflées embaumées sur les ailes de la brise, complètent celle
illusion uu peu forcée, mais cliarmaule.
La foule des visileurs s'arrête toujours devant deux man-
ne(|iiins, qui font le guet autour de la barrière dont nous
veiiiius de palier cl qui sont recouverts de la pesante armure
des guerriers du moyen âge. Ce n'est ni 1» gorgerin dont le
poids écraserait les épaules les plus robustes Ce nos jours,
ni répidtriue niéialiiqiie que se forgeaient les chevaliers
clirélie'us (pi'ou admiie en ces mannequins aux visages gro-
tesi|iics; Cl' snni deux boucliers en acier, marlelés à Iroid
dont l'un lepiéseiile la prise de Jérnsaleiu et qu'à cause de
cela ou alliiliiie géiiéieiisemenl à Godefiiiy de Bouillon, et
l'aiilie, la diliviance d'Andromède, malbeureiise pour avoir
été belle, .le ne sais pas pourquoi, par exemple, on atlribue
celui-ci à Baymonil, comte de Toulouse. L'ombre austère du
héros cbrélii 11 serait peut-èlre bien indignée de ce qu'on ose
lui donner pour devise un sujet lire du cœur du paga-
nisme.
Sur le premier de ces bnucliors, on voit les remparts de
la ville sainte et les guerriers (|iii marebent pour la délivrer
des grifl'es de Saladin etd'lsiuen. Uieii iipparait sur un nuage
pcuir protéger les armes chiélieiiues elpinir ennainmer l'en-
IhousiaMi e lies eeniballanls de la foi. Sur le second, plus
simple l'e I niui'ii'-iliein mais non moins remarquable par l'é-
m it;ie t\f- pli>siiiiioinies, la purelé du dessin et le fini mira-
culeux des détails, on voit Andromède |iiesqne nue, sur le
rocher uii la vengeani-e de Jnnon tt des Néréides l'avait en-
diaiiiée. Pégase, qui n'a pas les mêmes raisons que Persée
pour se prendre corps-à-corps avi c le rcdoulable irionsire
marin, se lient trani|uillenient à l'écart dans un coin du ta-
bleau, prêt à jouer des jambes et des ailes selon la tournure
du combat, taillis que le guerrier demi-dieu, encouragé
tout à coup par la douce récompense que la belle victime n'o-
sera lui refiiser après sa délivrance, présente la lêle de Mé-
duse au inonsire Inricux. Ce qu'il y a de plus curieux dans
celle scène, c'est que le fer de la lance le Persée soit en-
loncé tout entier dans le flanc du monstre qui, avani de re-
cevoir le coup, avait eu la bonhomie, comme on le sait, de
se laisser pétrifier. Il fallait que celte lame fût fièrement
trempée.
Quoi qu'il en soit, ces deux boucliers, qui sont évidem-
ment sortis de la même main, méritent l'admiration qu'on
leur prodigne à Toulon, et ce poil doit s'estimer heureux
que la création du musée naval de Paris ne les lui ait pas
enlevés.
C'est à M. le colonel directeur de l'arlillerie, que le port
de Toulon doit de posséder cette splendide salle d'armes
L'artillerie de marine est en oulre redevable à M. le colonel
Charpentier d'un Essai sur le nialèriet de noire artillerie nu-
ori/p, livre fort estimé dont les jonrnaux de Paris ont naguère
rendu compte et dont la rédaciion simple, élégante et claire,
inilie d'emblée les lecteurs pnilaiies aux secrets les plus iii-
liiiies de l'arme. M. Cliarpenlier est aussi, ni ee n'est pas le
moins beau de ses titres, l'oinhileiir iluue éeole d'apprentis-
armuriers, choisis exclusiveiiieiit dans les laïuilles ;les pau-
vres malins ou arlillims de mai iiie. Ces enlanls de \-2 à l.'i
ans, revêtus d'un cliariiiaiit uiiiioraie d'artilleur, sont déj:'! au
nombre de .'il). Pour les dédommager de ce que leur profes-
sion a de trop austère pour leur âge, ils emt, à leurs heures
de loisir, nu professeur de miisieiue. Ils manient le fusilavec
l'aplomb el l'Iialu et' d'une vieille mouslaclie, et Ihrabim-
Pacliaa dai^ih' I'- |kis-i r en revue, lors de son débarqne-
nieiil à Toulon, au milieu de la place d'armes et avec tout le
sérieux orieulal.
On sort de la salle d'armes par une porte ouverte en face
de la grande porte d'enlrce, à l'exirémilé oppo.sée. On trouve
iiiiinéiliatemtnt devant soi nu escalier en pierre de laille,
senibialile à celui par lequel ou est monte. H conduit au
iiiaynitiqiie atelier de l'armurerie dont l'activité féconde se-
lait capable d'épouvantir uu apolre de la paix à lout prix.
i;et atelier compte jusqu'à qualre-vingls élaiix. C'est dans
sou sein que fonctionnent les principales machines mises en
mouvemeiil parles axeset les lourroies de transmission de la
inaebiiie a vapeur que nous^avons décrite plus haut. L'ale-
lier de l'.tjiisl.ige est à côlé.
L'alelier des bourreliers est silné parallèlement à celui des
armuriers, sur la nef de celte aile qui rei;arile le levant.
Le premier élage du dernier pavillon dont le plantlicM- e.st
en bois, contrairement à lout le reste ilc l'édifice où il est
formé, e-ounne au magasin général, de voûtes en briques
creuses, liées par du mortier, est occupé par deux ateliers
impoilanls: celui delà limerie, à droite, où l'on compte
aussi une cinqu; niaiiic d'élanx, et l'atelier des modèles à
gauche. Dans cet atelier d'organisation toute récente, vont
se coiifeclionner des nieidèles de toutes les pièces en usage
dans l'arlilleiie de marine. La collection de ces modèles for-
mera un nius^e de modèles d'armes sur lesquelles seronldes
sinées des échelles de proportion, et ce musée fera pendant
28
I /ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
au musée des modèles de vaisseaux, si justement admiré par
tous les visiteurs.
L'arliUerie est un des plus riclics et des plus vastes éla-
blissementsdu port de Toulon. Elle développe 500 mètres
d'enceinte, et la barrière qui ferme le parc aux boulets n'a
pas moins de 90 mètres de longueur. Les biktinients qui l.i
composent, liés ensemble par trois anfjles immenses, sont
percés de 82 ouvertures de façade de cliaque côté.fScs vastes
combles sont remplis de gargousses, de tai.sses à poudre et
de pièces de fer provenant du superllu des ateliers. Ses ate-
liers et magasins d'artilices qui, du polygone de la marine
où ils ont été incendiés en 1840, ontété transférés sur la plage
di; Castigneau, forment h eux seuls un cbarmant petit arse-
nal à part, délenilu parla rade au midi et par un mur d'en-
ceinte sur ses trois autres faces. L'artillerie occupe près de
mille bras. Un ordre parlait, une grande barmonievd'arri-
mage, une sage et intelligente répartition des locaux entre
les divers ateliers ; enlin, et par-dessus tout, une propreté
admirable, qu'on ne rencontre |ias toujours dans les ateliers
des autres directions, une blanclieur rayonnante sur tous les
murs, sur toutes les voûtes, sur toutes les façades, surtoules
les coutures, partout, font de l'artillerie la principale gloire
de l'arsenal de Toulon, et nous en aurions gardé la descrip-
tion polir linir par un coup d'éclat notre revue, si notre
(Port de Toulon. — Vu-
inexorable itinéraire ne nous avait forcé de nous y arrêter
aujnurd'bui.
Maintenant, en continuant notre visite, nous longeons un
quai étroit et long bordé d'un côté par une bâtisse continue,
adossée au rempart. Cette biitise a reçu le nom de maga-
sins partictdiers, et les premiers compartiments de cette in-
terminable série de magasins dépendent encore de la direc-
tion d'artillerie de marine. Ces magasins servent d'entrepôt
aux agrès et apparaux, aux innonilirables cordages, aux
étoupes, aux grappins, aux poulies, enlin à toutes les petites
pièces d'armement des navires qui entrent en commission de
port.
Pour éviter toute reclierclie et toute confusion quand un na-
vire réarme, chaque article est étiqueté et rangé dans un ma-
gasin à part, de sorte que les équipages ont de suite sous la main
toutes les pièces qui composaient l'armement précédent.
Les grandes pièces du navire qui désarme, ou qui entre en
commission de port, sont .seules proscrites d«s magasins par-
ticuliers. Ainsi les voiles, les mats, les vergues, les ca-
nons, etc., etc., sont déposés dans leurs magasins respectifs,
où on les timbre cependant du nom du navire auquel ils
appartiennent. Les ancres sont déposées vis-à-vis le rempart,
en dehors de l'arsenal, sur le rivage de Castigneau. Ces énor-
mes pièces de fer couchent tranquillement à la belle étoile.
(Port de Toulon.— La ctiaine dcrArscnnl, d
sans enclos ni gardien. On est persuadé d'avance qu'elles no
tenteront personne.
(Juantaux embarcations, canots, yoles, etc., elles restent
attachées sur le pont ou suspendues a l'arrière et sur les cô-
tés du navire désarmé. On ne leur a pas (\iicon' diwigné un
hangar pour être entreposées au dèsarniiMnciit do leur
navire. On peut les voir dans le dessin de M. Lehiaire, pen-
dues au flanc maternel, et emmaillottées dans une toile gou-
dronnée qui les abrite contre les ardeurs du soleil du Midi.
Le qua\ est bordé à gauche par une ligii) de navires d;-
sarméj, de toutiîs dimensions, depuis le brick fluet jusqu'au
gigantesque vaissi-nn à trois pouls. La dernière partie de ce
quai esl i.'i MM'i' ;iii\ iMviixs en arineiiiant qui achèvent \k
de se m Ui' l'ii /Mil i|.' pi-.'iidre la unr. La plupart di's iii-
viros .1111.11 ii'< Mil I /Ih' Ul:iii^ sont perdus pour la navi;.;alinn
et tout a lait li «s (!■■ service. Plus iriiii, ciiiid imiii' îi luirt
pour crime de décrépitude, ne largnera le càhle-cliaine qui
le relient bord à quii que pour aller tomber devant le chan-
tier du h\lage, sous la hache d.'s bourreaux... c'est-à-dire
des forçats. Ce rang de navires est appelé le rang des maga-
sins inrticulieis, pour le distinguer des deux rangs que nous
renciiiilivroiis hienlôl.
L.i double limii' de navires et de bfttisses des magasins
parlii'uliers ne linlt qn'u la c'iaiue- neuve, lirtie ouverture
L'ILLlSïttAïlON, JOURNAL UNIVERSEL.
29
faite dans l'épaisseur du rempart, par laquelle les vaisseaux
de l'Etat passeut alleniativement du port à la rade ou de la
rade au port, selon le besoin que leur impose l'activité nu le
repos. Cette ouverture tire son nom de la chaîne eu fer qui
la barre le soir et qu'on tend à fleur d'eau pour interdire
l'entrée ou la sortie du port à toute embarcation pendant la
nuit.
Cette chaîne, lixée à demeure par un de ses bouts, est at-
tachée par son autre extrémité, sur le quai opposé, à un
treuil en bois qui sert à la tirer du fond de l'eau, où on la
laisse plongée pendant tout le jour. Une barque à fond plat,
connue sons le nom de oa-et-denl, fait l'oflice de bac, sons
la conduite d'un condamné, et transporte d'un mole k l'autre
toute personne qui se présente pour passer.
Deux caronades sur affûts, chargées à mitraille, sont diri-
gées du môle occidental contre le mole opposé, pour défen-
dre, à quelque heure que ce soit, le passage de la chaîne aux
forçats, en cas de révolte de ceux-ci.
Sur les deux extrémités des milles qui forment la chaine-
neuve, on a établi la coquerie ou cuisine des équipages des
I navires qui se trouvent en réparation ou en commission de
port dans l'arsenal. Comme il est absolument défendu d'allu-
mer du feu à bord de* navires dans l'arsenal, on a dû choisir
un endroit où, sous la surveillance ince,ssante des pompiers,
les matelots pussent faire bouillir en paix leurs fèves et leurs
haricots. A 'Toulon, le lieu est assez mal choisi sous tous les
rapports. D'abord le feu est fait en quelque sorte en plein air,
[>uisqu'iJ n'est abrité que par des niches peu profondes, pra-
tiquées dans l'épaisseur même du mur du rempart, etqu'un
vent violent pourrait éparpiller des étincelles dans le voisi-
nage où se termina le rang de vaisseiu\ l^'^ m lui^ins parti-
culiers. La pro-fimité de la niir ne ju-ini ■ I m |i is pleine-
mentla sécuritéavec lapielle on enU'i'ii ni 1 i, i,i;it le jour,
des feux homériques. Ensuite lacoquerit- elini, placée à l'ex-
trémité du port, les matelots dont les navires sont eu répara-
tion devant les bureaux de la direction, ou devant la direction
d'artillerie ou même aux bassins, ont un trajet immense à
faire avec un chaudron parfois fort lourd .'l transporteret que
la faim peut seule leur rendre léger ; ou bien encore, si c est
par mer qu'ils vont prendre l'énorme marmite, que de chan-
ces ne court pas ce malheureux diner de l'équipage dans le
frêle youyou qui remplit ordinairement cette mission, à Ira-
T^.
^ (l-orl.dc Toulon. — La.saUc i'a
vers une darse où tant de canots se croisent, où tant d'avi-
rons s'enchevêtrent, et où le moindre abordage peut faire o.s-
ciller l'embarcation, renverser la marmite, échauder les ra-
meurs et affamer tout un navire ! C'est très-sérieux, au
moins, ce que je dis là; si sérieux qu'à Brest, ii Bochefcirt et
à Cherbourg, pour éviter de (lareilles calamités, les cuqueri.s
sont établies dans de grands hangars, parfaitement toitures.
au centre d'activité du'poit; et iiciidant qu'on ne garde à
bord que le iioinbre d'iionmies .sliiclmu'nt ni'ii.^^;iin' à la
sûreté du navire, le reste de réi|ni|:;ii:e, Iraniiiiillinn'iil assis
autour de tables bien installées, prend ses repas dans de laiges
hangars voisins des enquéries et recouverts par une toiture
commune.
Nous ne franchirons paslachaine-neuve aujourd'hui. Nous
avons été eniraînés assez loin par la descriplion de l'artillerie
pour nous permettre une hallo. Nous réserMuis punr le pro-
chain article, qui nous lamcnera à nolie | iiinler point de
déjiarl, la description des Imgnis, celle des trois bassins et
celle du magnihque atelier des mécaniciens qui s'élève en face.
{La suite à un prochain numéro.)
Cdables PONCY.
50
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
BulletiB feibliosrapliiqvi*.
L'Éijyple en IS-i3; par M. ViCTon Schoelcheii. I vol. in-8.
— l'aris, IS-iG. Puijnerre. (i fr.
u Deux inlérôts piiissanls, dit M. Victor Scliœlcher au début
tic son livre, nous firent entreprendre un voyajje en Orient (no-
veinljre )S4'i| : le désir d'étudier l'esclavage uuisulnian pour le
comparera l'eMl.ivnue ilin-licn; l'e-i|,i-iance de corji.Miipler eji
Egypte uu s|ic(1;cilr nnrqia' d.iiis l'lii>luire, celui duij |,eii|ile
régénéré par son ciKiiiie. « M. Vii((H' .sclKeli'liiT punsait (|u'il
s'acconiplissail ^n l.-^ hinis du Nil uni jvie de civilisai!. ui,
et qu'un grau'l lii m.ir ;j|,,..l m .le -:i |iiu^^aiite et généreuse
voix une rac.' Ii.ii.i.'ini'-. ..in.r e :i la lih.'ile, à l'industrie, à
tous les perlV.i i.i hk -.„ i.h.x. Si> .iiidcs sur la servitude
d'OrienI ne miiii pas a. Im-\..- ; il .-1 allr Ir, . (iiii|.l.'t.'r eu Al-
«érie, 1.11 la l'r -r r.li-i.' .•ii,-,,iv .vii iliii-..' ]n,li|:ili<in. Elles
foriru m 11 ivrau.' si..vi.il Ir Imc ',"•■ id. S.h.ili'lirr publie
aujounl'lLiii esl cmsam- .■iiii.T.iii.-iit a i'KkM'I'' l.'aut._-ur se
contente de dire ce qu'il a vu. Il pose .les luiMuisses, et laisse
an lecteur la tilclie, malheureusement trop facile, d'en tirer les
cunséiiuences. Il suffît, en ell'.'t, de parcourir (pielques pages de
cet onvra;îe pour 'c rnnvainirc d'une bien triste vérité, c'est que
jamais riii;,vpi.. n'a elc |ilu> iiuM'iahle, plus opprimée, plus avi-
lie, plus di'|ii'ii|.lri', ipie sciiis le (iiiuviTiieuienl prétendu civili-
salenr.lu lrii|> lameux lyrau Mcliemel-Ali.
Divers voyageurs, dignes de foi, avaient déjà eu le courage
d'avertir la France qu'elle était la dupe d'une odieuse niystili-
cation. Ainsi, M. Fontanier écrivait, en 1844, dans le premier
chapitre de son rai/a^c dans l'Inde (1), que « sous un vernis de
civilisation, l'Kgyple cachait lous les vices d'une administration
tur.|ue; que, saut' une plus grande sécurité pour les Européens
et les chrétiens, elle était peut-être la province la plus mal
gouver , cl iucduiesl dilcuicnl la plus nialli.-iueuse de l'em-
pire » Mais M i'.julanicr s'elJil for. ciuciii c.iiii.iiic d'cxpli.iuer
en (liiclipcs linn.-s l..,s caiiM's di's cii s pr.i li:^i.'MM!s dans les-
quelles ulaiçnlloinlicsjus'|u'a|..iM.i |..s|.ai'licuiicr^cUe gouver-
nemeul. Celle vérité, iiueM. Fonlauicravait siinplenieut avan-
cée, M. V. Schwicher l'a développée et prouvée daus l'intéres-
sant ouvrage qu'il vient de publier.
Deux ou trois citations empruntées, dans des ordres de faits
dilTiTents, à ce nouvel ouvrage de M. Victor Scliueleher, eu fe-
ront comprendre, mieux que tous nos éloges, l'intérêt et ta nou-
veauté.
« L'EgypIe est devenue, dit M. Schœlcher, la propriété parti-
culière de Méhémet-Ali: lont lui appartient, terres el personnes,
sauf les biens qu'il a di-traits, pour 1(« donner en apanage avec
leurs habitants, à sa famille et a ses favoris.
it Four assurer la perception de l'imiiôl, Méhémet a conçu un
genre de solidarité qui n'a pas de précèdent ou d'analogue dans
l'histoire lîscale, si riche d'ailleurs en iidiiuilés. Les habitants
d'un même village sont res|i(iMsalil.'s l.'S uns pour les antres; nul
ne peut se soustraire a elle illinjulile lui ; c u'esl pas tout ; il
y a solidarité entre les vilhine^ .l'un niéiiie canton, el entre les
cantons d'un même déparlenieut. Lorsqu'un vMIage est reste
quelque temps sans pouvoir acciuitler la taxe, et que la solida-
rilé des voisins ne parait pas devoir combler le déticit, il est
cunlisqué au prolit du grand pacha ou vice-roi, avec tons ses
habitants el toiiles 1.., i, rus .pd en dépendent. C'est la con-
trainte par corp- c\i'ii'.'. cil m .- .■; bien plus que la conlraiiiie
par (-orps, c'est ia ii.i .■ .■ii .iv lUiil.- delà |iopulaiion insolvable;
car il faut ajoid.-c .[u'iiii vill.l,^.■ une l'ois couUsquë ue peut plus
s'affranchir, pajàt-il même sou arriéré. »
Mehéinet-Ali ne conlisqne pas lous les villages. De temps
en temps, il avise tel ou tel homme, bey ou aulie, musulman,
copte ou arménien, qu'il sait s'être enrichi d'une manière quel-
conque, et il lui fait présent, par grJce singulière, de deux ou
trois villages, le laissant mailre de disposer à sa fantaisie des
hommes et des cho-es. Tout le monde redoute ces cadeaux, que
personne n'.'se refuser. En ellel, lorsi|ue le généreux prince vous
donne nu village, cela veut dire <|u'il vous rend responsable,
vis-à-vis du trésor, de la redevance de ce village, sans parler
de l'arriéré, que l'on rembourse eu compensation de la faveur
du maître.
Parlerons-nous maintenant de l'administration ou plutôt de
la venle de la justice, de l'élal des écoles, du sort des fellahs,
ces serl's si durement allacliés à la glèb.*, ipic le virtli..-inieiir .le
l'Egypte fut pendre lorsqu'ils se pernielli'ul il.' .piiii.r liMir vil-
lage natal; de la chasse aux hommes ihiii> h' K.ir.l.il:in? les
bornes de cel arlich' ne nous le penniili-iii pas. Lu reiiMiyanl
au livre de M. SiIhcIiIu i- .eux .!.■ imk Ic.i.'iirs qui désireraient
connaître l'éhil r. d .1.' ..il.- iiialli.'.n ru,.' i-,L,Ngle, dont l'avenir
n'est pas moins trisi.. .pie 1.' puscui, .l.i i u par un homme de
conscience el de cieur, nous lui ferons nu dernier emprunt. On
verra par les paragraphes suivants comment Meheiuet-Ali a
organisé rindiistrie.
Il Les filatures de Méhémet-Ali, dit l'auleur, lui donnent, à ce
qu'il |)iMli, de beaux bénéfices. Il vient de faijre un traite par
lequel il a vendu pour un an, à uu prix déterîniné, tout ce qu'il
produirait, .s'engageant à livrer au moins trente-cinq mille piè-
ces par mois, i.es toiles, assez grossières, mais solides, sont
tantes consommées sur place; teintes en bleu, avec l'indigo du
|)ays, elles forment le seul vêtement des fcuimes de la ba-se
cla^se, en vertu d'un rnouupole v.'xiiloire. Nulle femnu; fellah
ne peut ;iciicici- Cl- \cii iii.Li ;hiIi, i>;irt((ne dans les magasins
du gr.Hcl pi.rlia .111 lie . i< ,,i -,.uis. Chaque pièce porte une
mar.|ui-. Il !.■ IVm n'aurait point cette mar-
que siT 11 rv|, , ,c :i n.i ,-, ,cn' . !..ililiicnt.
« A \uir !■■ ninnvciiuMt industriel, à voirces édifices aux larges
façades niblrcs ,1,. Icnêlres. on se sent porté toul d'abord à
louer l:i li -Ils, (• .1 ■ rii.uume d'I'.tat ipii. eu 1. s élevant, eut l'idée
pari .- ■'. .:. |.. . ., •■ ,e. ' , : ,: ^. , ,,,' .'..i.i.ni.iel de
VM ''' ' "■'"■' ■ ■ '• ' ■■ • ■' ' ' .I(.s,|ue I;, pen-
sa cnpidit,'.
Il Les ouvriers des fabriques particulières du vice-roi, comme
ceux de l'arsenal, de la fonderie et des établiss.'nu-nls publics,
sont pris de viv.' l'nn-e rl:ills les villii ; :in';ie|,e. :, i,.,;rs f-iii-l-
Strie; \r. liàimi .■nuif, le I, m , i ^ . „\ it,. ', , _
dace li.. l'ail'c la ll nlle ivm , i,, ■ l ' ■ ,, ,,|.; nelili.ne-
meUt,iU !.• ...■UVCMl ivsIit ili. i: , , .:i,v .l,\ slllls |,el-
missinii; c,.|iii iiMl s'idni^iie .1.,,, ■ I, ;m iiir nu :;oiaiii, et
il sait que s'il ne revient pas, .Hi : ' ■. i.ulenienl le terme
lixe, le girant estniiseii prison jieiu'a .eu 1. Unir. Dans les ate-
liers, les hommes sont trailés connue des esclaves. Les conlre-
maltres parcourent les salles armés d'une badine de dattier,
(1) ïi-i
. Paulin. 7 fr. W c. te volui.
dont ils frappent ceux qui causent ou ne se montrent pas assez
actifs à leur gre. Les taules grives, rie même que l'absence à
l'appel du malin, sont enneisirc.^s et punies après le travail
avec le l'àloii nu le courbach. l.e travail forcé une fois admis,
tiiules les cruautés dnchâlimeut corporel en devienneut la con-
séquence logique.
Il Les hiiuiuies condamnés à cet inf:^me régime ne sont point
payes a prix dehaltns Mvee ei> . ;;, : :,ii -jv ,',„ .1, iitre, qui en-
core les met te plus s n 1 , i . , , ,, ,;,, , ,,,i .;iiis|_ par uu
ralfineiuentcnicl, l.i \ . I ,e .1 , i. 1 .i, ; ml, pour ex-
traire de ces itul.'s je /i ,. 1 , e, ,• 1 ,s,e I ,' -, ■ hors fiu'ces.
(In l.'llr .li.linc lin s;il,,iie. |i.n. ■ .,11 ,1 l,H,l luen .|n ils :,M ni de
lie f.i
m |e
la
de lu l';i
raig'i.i
'. Comme il a éle dit plus haut, ou leur l'ail
s pour les faux frais de la manufacture, pour
lin un mulet de manège qui meurt, pour lé-
é, etc. ynelquefois enfin ce qui leur reste dû
m bout de six mois en produits mal réussis
Is revendent a nioilié prix pour réaliser de
Il Voila coiiinie tout traités les ouvriers de Méhéniel- Ali. Aussi
pditenl-ils sur leur figiire pile el cave l'empreiutu d'une pro-
fonde tristesse. »
L'J'-ay/jte en ISir, se divise en deux parties. La preini.'.re est
la part.e pnlltir|ii.' : les iinpiils, l':idiuiuistiati..n de la jnsii.c, les
■■ ' wals, les iiépilaux et l'école de iii.'deciiie, l'ar-
seual, les ;
ment de 1'
le Scnne.r
•t ceypiie.
l'I le Ko
on/
sihle lie le
les, les l'atlliiucs, les éudes, le peire-
I., l.'S lellalis, la chas.se aux lioiunies daus
u. les eu tues, de la nalioualité arabe
■, .1 eolin M.'lieiiiel-Ali, tels soûl les tilres de ses
s. lell.'ineut l'emplis de faits, qu'il nous eslimpos-
n:.l>s,T.
Lu se.'iiiile li.Hiiea pour titre : Voyage. Elle comprend treize
chapitres, iiiiiioles : 1" les bateaux-postes du Levant; Malle;
2° d'Alexandrie au Caire; S" le Caire; 4° nniMii.e ; ieli:;iou;
5" le Coran; 0° navigation du Nil; le Nil; .1,1 nii .1 , 7"
Moyenne-Egyple ; 8" races des habitants de ri;^\|ih . niieiio-
rilé de la législation élliiopienne; !)" Hante-Lgipie ; lU' mines
de Ihèbes; H" Part dans l'ancienne Egypte; 12° uàoiuihcations;
1ô" pyramides. A propos des pyramides, nous donnerons à
M. .Scliœlcher le conseil de lire le remarquable ouvrage de
M. Kialin de IVisi^ny, dont rilhi^lm/ùn a publie l'analyse dans
sou numéro lin .s ui.v.'iiiliie lèi;..lla .-ii laisiui de ne pas croire
que ces nioiil;i^iii sil. pieu ss ni il.' elrvies seulement pour
y enfermer un s>ineleUe île rimi pii'.ls. cnmnie dit Volncy, et que
l'esprit investigateur des critiques modernes nous révélerait, sur
le but de pareilles constructions, quelque chose de plus satisfai-
sant.
11 La renommée de IMeliénu't-Ali, dit, en terminant le portrait
de ce l'.iliv :;iand Ininuiie, M. Vie.l.ir .S lue eh.,-, in'lll surtout à
l'es|)ril iprii a en de cuin|Mvn.lre I,. p,,iu.,ii .h-i.. ,,, laine. Il est
le pi
lit use lie la pi
i'|i|ii
; poris de mer
e,qui expliqu
ilp;
l l'ait mettre
ineuls il des
des subven-
inpirequ'ob-
iieiiii. m !. s il, II, MHS, u éprouve un i;ranii lnuilii-ur a se faire
trailiii.'e les ci.i.ms .le s n g.Miie, iloiii il | rnul luinver la fac-
ture.Ii.ns s.,s leiiiiiies. iM.'d^iie i.inl, il isl liidicil.. .pie la verilé
tarde liingi.nips eniore a se taire |our; les esprits sérieux
commencent déjà â se détromper, et bi^'Utùl le vice- roi d'Egypte
n'aura plus d'autre renommée que celle qu'il mérite, celled'un
eharlalau. n
Glanures d' Ésope , recupil de fables; par M. J. J. Pouciiat,
ancien lecteur, professeur îi l'Acadéinie de Lausanne.
i vol. in-8 de 5,45 pages. Troisième édition. — Paris,
Bslin-Mandur, rue Christine, 5.
S'il est besoin dejustifier la publication d'un volume de fables
nouvelles, nous eu laisserons le soin à l'auteur lui-même. Voici
son prologue :
Quand la vieiUo Parabole,
IJ.i s,è,le adrontanl le bruit,
Obo ouvrir son humble: école,
Aux peuples dicter des lois;
L'Apologue avec un saee
Parut même cliez tes rois :
Pour lui vrai temps de miracles!
Il fil la paiy , la guerre, et valut des oracles.
A rt'tîir ItsÉiats il renonce aujourd'tiui;
Mais (lu peuple et des chets doucemenl il sait nrc
El la l,,çon uui vieul de lui
Prolile mieu.x qu'une satire.
A lui de nous charmer I Quand l'austère Boileau
Imm ,1., à son ti'Cleiir Cassasnc el Coelt'cU-au.
La Fontaine, plus deux, fait voir phis de sagesse,
Et, pour corriger noire espèce,
Un r.-nard lui sillii, u..e mouche, un roseau.
H.uriux qui. n
Boi
Mon
. Uel 1
El n'a pour ennemis que les loups et tes ours !
11 rend la poésie à son antique usage;
Sans flâner lis folles erreurs,
De l'ciifanl, du vieillard il obtient le suffrage.
Même en nous censurant, il échappe aux censeurs.
M. l'orcliat, en traçant dans ces vers gracieux la mission du
fabuliste, montre d'abord qu'il s'est fait la plus juste idée du
genre aimable, et toujours goûté, dont il s'occupe avec bon-
heur. Le recueil ne dément point le prologue; c'est l'œuvre
d'un ami de la sagesse non moins que d'un poëte. On louera
la pure simplicité de lu forme, cl le nylc clair, élégant el ferme
sans durcie; mais ou sera p. m-, ii '..eei, pins l'iappé de la
richesse du foudseldela p.ui . , , ,, eiii,, de ic livre, n rit
d'ailleurs sans fastueuse pi. lee. , ,,' |,eiiii de vue mur il,
uiius n'en ciiunais-iins pas iLii, , . m e, depuis l.:i iMinlaiue,
'P 1 " " "Il 1 spiil plus s;ii,i et |dii5 elcve. IMatou cl le Ciirist
. ' j, ' 11 la. .V ce soidile pur el salutaire, ue rec..iiuaîl-ou
, 1 ,, ; 1 , 11.' peeii.|ue iniiure des Alpes et du Léman'/ celle
iii.ic. v.ill, e un l';iuii iir a \e,-ii en i! s'esi insnire. un il lut siin-
vcnt l'hôte bienveillant des ; ,. , , • , ii,,.iiliriini qu'il cl le
nôlre,il voit, umis l'esperuii- . 1, . ,, eux. ipie ses aP étions
étaient bien idacces. C.ctie I ,.e . ,. .pu i,\.' s.uivcnl l'aitcntiiin
du fa.iuliste In-h.ticn, et dnnt il s'incnp.' comme d'une autre
patrie, 1 oinin.'in e a leconnailn^ cl a l'ainicr.
Sons le lilic iiiiidcste, mais peu exact, de Glunum, M. l'or-
cliat nous oll're riTllcment une ,„„i.ti.ou nouvelle dans le chaiu|)
de l'apologue ; car, entre ses nombreuses qualités de poile, la
richesse d'invention sera peut-être mise au premier rang,
plupait des sujets nous paraissent entièrement neufs, ou lia
d'une laçiin tiiiil a lait originale. Nous aurions pu craiudre
l'aniitie ue nous aveuglât ; mais nous avons de nombreux gar:.
La Jltvue de Puris, \ns D'ï/itlSf et beaucoup d'autres joui :
ont parlé de ce recueil de la manière la plus lavorable; ai;
mention que nous lui donnons aujourd'hui arrive-l-elle ;r,
ment où la Iroisième édition est presque épuisée. L'accu,
nous avons vu faire cel hiver, daus [.lusieurs salons letti
M Forchai, qui dit ses fables aussi bien qu'il les compose,
autorise à prédire que bientôt les G/uni/rc» d'Ési,pt seroiii
coiiiioes, aussi goûtées aux bords de la Seine que sur les 1 1
du Léman.
Citons encore une fable, prise parmi les moins étendues.
LA FEUILLE DE CHÊNIi.
Une feuille de chén«
Volait au eré du vent, .
Et. dèdai(;oatit la [ilaiue,
Disait en s'étevaiit :
« Oh ! que loin de la terre
J'ai pris un noble essor 1
Qui peut I
Eltefut aussi vainc'
Tant que Zéphyr t'aida;
II retint s. D haleine.
Et la feuille tomba.
Vous tomberez c^mme el
Ce ébritéi d'un jour
Quand la vogue infidèle
Aura change d'amour.
Du Système prohibitif, par M. Henri Fonfiiéde. Brochure
in-8 de 105 pages. — Paris, 1846. Guilkuinin. — Bor-
deaux, CUaumas- Guyct .
M. Campan, secrélaire de la chambre de commerce de Bor-
deaux, a eu rcceuiinenl riienieuse idée de publier les œuvres
coiiipleles de Ueiiri Funliele, ce publicisle girondin qui s'était
f.iil dans la pr.si,. nue ;i belle place pur son laleul. Les œuvres
d'un écrivain soûl, en eficL le plus beau niouuinenl que ses
amis puissent élever a sa mémoire.
Pendant le cours de son travail, M. Campan a cru devoir pu-
blier à part la brochure de Foiifrède sur le sysléme prohibitif.
Cette pnblicalion ne pouvait avoir lieu dans un uiomeul plus
opportun que celui où les fiee-lyaders français se réunissaient
pour donner un bantuetà Richard Cobden.
Mais, en niellant à part ee mérite, dû tout entier à l'opportu-
nité, il en reste encore un autre qui recommandera snflisauiineut
ce travail de Foulrède à luiis les amis de la liberté commerciale.
En effet, quelle quesoil l'opinion qu'on embrasse, que l'on veuille,
avec les libre-ecbangisles, l'abolition du système protecteur
ou, avec leur.s adversaires, la conlinuation de la proteelioo, où
bien, mieux encore, si, simple spectateur, on se place en dehors
des deux paitis qui ont aujourd'hui levé leur drapeau Fun con-
tre l'autre, ou reconnaîtra, si on ne s'arrête qu'au mérite inlrjo-
sêque de l'nuM-age de Henri Fonfrède, que rien de pins saisis-
sant, de plus cli.ir, de pins net, n'a éle écrit sur le système pro-
hibitif ; jamais il n'a ete attaque daus un style à la fois plus simple
et pins brillant.
Entre autres reproches que lui fail iW. Fonfrède, plaçons <
première ligne celui d'être tellement ab.-olu qu'il n'a pour con-
clii-iun que de pousser tans cesse les nations vers le^ dernières
limites de la pri.lection. En cll'el, pour suivre l'auteur daus'^ou
raisonneuiciu, les industries prn ilc;,iecs n'onl-elles pas com-
mence par dire : protegez-nons jiisqu a ce que nous ayons acquis
assez do force, assez de développement poui' supporter la con-
cui rence élraugère ; mais ee jour n'arrive jamais, car quand il
est de nouveau queslion de loucher aux larils, ces mêmes indu-
stries, eelles-la même qui, pcriii.li.iiienieiil, quand il s'agit de
récompenses Mute incilaillcsa disli ihii.c, s,, vauleiit haruiinent
de ue ciaindie ainiine cimciini ncc. el de faire niii ux, meilleur
el a meilleur mari lie que les industries rivales similaires, dis, „|
cette fois : Voyez les progrès que nous avons lails, voulez-i. us
1. s coinpioineilre, les anéantir, en ouvrant témérairein m , s
barrières à l'invasion des produits étrangers. Le sysièine ; n
nom duquel on débite lous ces raisonnements est tetlenu ni
absolu, qu'elles ne s'aperçnivent pas qu'elles en sont elles-
mêmes les viciimes. parce que les industries protégées laisanl
payer une prime en leur Tiveiir a celles qui ne jouissent jias de
cette pniteclion, nu, m n , m .,nis| ii.u.s |ts produits qu'elles
consoinuieulel qn'.'-l ■ ... , ; .lie-eni pus.
L'auteur, pass. ni .,,■ i, ;, lee iln.'rses industries privi-
légiées , aborde djuiics .u^uncius. 11 prend nu exem-
ple dans l'industrie cotouniere, dont lous les produits, du mo-
ment qu'ils sont à l'état de fabrication, sont prohibes, de temps
immémorial, à l'exception des nankins, qui sont soumis au droit
de :> fr. par kilegr. ne, iinand ils sunt imporles directement
de Cliiiie par n.niivs tV^inçns. l.a lirnehiire de Henri Fonlrède
parainail anjonril'lini, qu'il poiiniiii rcpiodiiire des argumenis
idenli.incs. le ministre duioiiimcrcc veut réduire à I fr. ce drnit
de 5 fr., el tout aussilèt il reçoit les représentations de la chiiin-
bre de commerce de Lille. Aurait-il voulu le porter, au lien .le
1 fr., à 1 fr 91) c, le résultat aurait eie le même. Le ininiu,
aurait dû s'y al tendre, car il a assez profite des bénéfices ili,
lèiiie proliiliitir, |.iiur en cimnaîti'e par cuL'ur Ions les errein
loule la ilipliHii-ilie. Or, pour eu revenir à l'iiidiislrie du >.
n'est-il pas |,\i. lent i|iie de deux choses l'une, ou elle est ii. ..-
paille, si, ;i|iics un.' si longue proteclion, elle ne peut souieiiir
la coninir.nie ciiangere, ou bien, si elle a fait les progn^s
iliiiit elle s.' \.inl.,, , II.' n'a plus besoin de la conlinuation de
cett.' piiilei inm s, en. r.nisc aiiv ciinsommalenrs.
As.-nien.ni, l'iii ^ii!:e ni . s| pi escnl.' siiiis nue forme Spécieuse,
mais ii'.si il |,:,s in..,iii|ilei .' 1'. iiripiiu pailcr toujoni-s des pro-
ilnils lit. II. lues, et n'en ncn dire quand ils sont ;i l'elat de ma-
lièie première.' iNe seriil-il pas plus logique de demander d'a-
bord l'abolition du droit qui grève à l'importaiiou les cotons en
laine.'
M. Fonlrède traite inssi la question des fers, et examine en-
suite les olij . H. IIS ,;iM ,111 elé failes au sujet du niainlien, par
l'Anglelerie. e, , . 1 m n\ acie «le navigation de lti.%2, auquel
cependant l.i (,i le 1,1. i:ii;ne n'a pas encore osé loucher.
•ronlcfiiis. il ne 1. .luirait pas cioire. d'apiès cet exposé, que
M Fonfrède veul leiiM fser iiiiiii.'iliaiciiicnl ti.otes les barriè-
res : ce qu'il deniami,,, c'est rati..liiiiin du svstcnie actuel el son
reniplaei nient |iar nii s.\si, nie plus liln-ral, mais ,i.„M „„ uinps
duiin, . .111 iiie>eii il,, icdiiclnuis successives, et dont le chill're
seraii :ii:ii née ,r:i\;iiuc. aliii ijue les industries privilégiées,
prcMiines :i l',i\ ..ii.c, ii'eiMiuiMiSMMil pas de trop brusques Se-
cousses, cl i.uss.ni iitteiiiihc |iiii a peu, tout en faisanl chaque
jour de n.ineinv cneris. le inomeul où elles seront replacées
daus une siiUatioii re-nli.-rc el iii.rmale.
Tels sont les points prinejpaiix trailés dans U brochure de
iM. Henri Fonfrède. tjui Ile que soit ropiniondroeux qui la liront,
ils ne pourront s'enqiêeiier de la comprendre au nombre des
pièces de ce grand procès qui s'insiruit anjouid'hni enlre les
jiartisans de la liberté des échanges et ceux de la protection.
L'ILLUSTftATiOlN, JOURNAL UNIVERSEL.
51
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Industrie, 12 traites. — Economie publique et domestique, y traités.
C'est à l'Ecosse que nous devons la première idée de l'entre-
prise que nous annonçons. Le livre intitule Cltamhers's infnr-
matinn for iliê peopU , publié à Edimbourg, en 1842, obtint, dés
son apparition, un succès presque inouï. Dans le cours de la
première année, il s'était vendu à 70,000 exemplaires.
Nous n'avons emprunté au Chambert's information que l'idée
de celle publication. Tout en l'iiuitant dans sa forme typogra-
phique, nous avons cum;u noire entreprise sur uu plan tout
dilTerent, car il fallait avant tout l'approprier aux besoins d'iu-
struction de nos compatriotes.
La rédaction des Cint Traités a été conliée aux savants elaux
écrivains les plus dislingues dans chaque matière spéciale.
AVIS A LIRE.
I>es éditeurs se félicitent d'avoir pu faire apprécier par les
hommes les plus homirables le but utile de leur entreprise, et
de pouvoir compter mms la liste (le leurs collaborateurs les sa-
vants les plus connus par leur dévouement aux classes indus-
trieuses.
Les Cent Traités formeront deux volumes grand iii-8, conte-
nant la matière de plus de trente volumes ordinaires, avec des
gravures sur bois, aussi nombreuses que la matière l'exigera
comme éclaircissement.
Chaque volume sera composé de 50 feuilles à deux colonnes,
en petit-texte trés-lisible, et imprimé avec luxe sur un papier
de la meilleure qualité.
Chaque traité Sera renfermé dans une feuille (rarement deux),
qui paraîtra sons forme de livraison hebdomadaire, el pourra
s'ac()uerir sé|ia rément.
Cette publication s'adresse surtout aux classes laborieuses,
pirmi lesquelles il s'opère, depuis quelques années, uu travail
d'iiilelligeiice (|iie les lioiiimes à portée de voir et en état de
comprendre suivent avec intérêt.
Néanmoins, Imiles les classes de lecteurs trouveront leur pro-
fit dans cit ensemble d'instruction sur toutes les choses qu'il
ii'-'st permis a piTsoime d'ignorer, cl moins â ceux qui ont du
loisir qu'à ceux qui travaillent.
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Par MM. A.\drielx DE BRIOUDE, docteur en médecine; L. BAUDET, ancien professeur au colléj^e Stanislas, et une Société de Savants et de Lillératenrsi.
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tions scientifiques. — Astronomie, Météorolo-
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conragemenl, des Hôpitaux niililaiies, le compte rendu de l'Illus-
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teiiis, lémoignent de la honié de ces Appareils qui proscrivent les
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IjEi liOULULAl nUllllLR) tageusemefU connu, a ex-
cite la cupidilé des conirel'actenrs. ^a forme particubère el ses
enveloppes ont été copiées, el les médailles dont il est revêtu
onl ete remplacées par des dessins auxquels on s'est efforcé de
donner la même apparence. Les amateurs de cet excellent pro-
duit voudront bien exiger que le nom Menieb soil sur les éti-
quettes et sur les tablettes.
Dépôt, passage Choiseul, 21, et chez un grand nombre de phar-
maciens et d'épiciers de Paris et de toute la France.
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Par le Ducleur TIliAT, Uf. Maleiuart,
< V. io-£ : (i r. 5U par la poste, ch. l'Auteur, r. Uicuelieu, Si.A/f,
32
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
Modes. — Equipai^eB.
Le domaine de la mode s'.HondaiU sur loin, ce serait laisser | point fair.- n^urer les équipages, celte pierre de touche de la I 11 ne sullit pas, en effet, pour justifier ses droits à i
complet le feuilleton spécial qui lui est consacré, que de n'y | véritable rashioii. I tation d élégance, d'avoir ce que l'OD appelle comi
incomplet
^^^
voiture. (Et qui n'en a paslaujourd'liiii que l'industrie des loueurs
de carrosses les a rendues aussi communes , mais peut-être
moins commodes, que les liacres! ) Il faut, au contraire, une
réunion de conditions de fortune, de soins et de goût qui man-
quent encore à beaucoup de maîtres de maison en France.
D'abord un équipage ne se compose pas d'une voiture isolée;
une maison moulée doit avoir sous ses remises uu coupé de ville
et un cabriolet pour l'hiver; une berline pour le voyage; une
calèche, un tilbury et une voiture de chasse. Si vous ajouteis à
cel indispensable matériel, les chevaux de trait et de selle, et
les nombreux domestiques nécessaires à l'entretien de la carros-
serie, de la sellerie et de l'écurie, vous verrez que la dépense
d'une maison à équipage doit tenir une des places les plus im-
portantes dans le budget d'une grande fortune.
La saison d'été ne nous permetlanl, en ce moment, de nous
occuper que des voilures de campagne, nous allons procéder à
la description d'une calèche, que les ateliers de carrosserie
d'Ehrler viennent d'expédier au propriétaire d'une des plus belles
terres de la Touraine.
Cette calèche, à fond brun, avec rechampissage de filets clairs,
est montée sur un système de ressorts qui allie la douceur à la
solidité nécessaire au chemin de traverse, et les essieux ont ce
qu'on peut appeler la voie. On choisissriit presque loujours au-
trefois la teinte des garnitures intérii'uri's ihiiis les l'uiaux des
armoiries; mais on parait avoir renonce ilcpiiis quelques années
à ces rapports héraldiques, et la calèche d'Eliiler est garnie en
drap gris d'argent, avec galons et passementeries rappelant seu-
lement les couleurs de la livrée; celle charmante voilure est
destinée à être menée à la Daumont, par un postillon en cha-
peau rond et en veste d'étoffe de couleur claire, unie ou à raies.
Quant à la livrée d'été ordinaire, elle se compose, pour la pe-
tite tenue, d'une redingote assez courte, portée avec une culotte
de velours blanc côtelé, des bottes à revers, gants blancs et cha-
peau rond bordé d'un large galon. La livrée habillée se compose
encore du chapeau rond bordé d'un galon, d'un habit de drap
coupé à la française, à col droit montant et sans revers, garni
de boutons en métal très-bombés, avec armoiries ou simple
chiffre, d'un gilet à basipie en panne borde d'un galon, d'une
culotU! aussi en panne , terminée , dans la journée , par les
frandes guêtres en drap de couleur noisette, qui, pour le service
u soir, font place au bas blanc.
Nous promettons incessamment à nos abonnés le dessin d'une
voiture de chasse, dont le modèle s'achève en ce moment dans
les ateliers du carrossier qui nous a permis de reproduire la ca-
lèche dont la gravure accompagne aujourd'hui noire article.
ERRATUM. — Une suppression typographique a étrangement
défiijnré nos nouvelles des Eiuts-Unis dans le dernier numéro.
Apres avoir dit que le bill pour la iiégoi-ialion avec le lVlexi(ine
avait Ole .Kiople av.'c uu ai.icudiuiu'ui |,;n l:i iliiiiuliicules ivprc-
seilliiuls, nous ajoutions ,|u'll |.:i,^s:i ;i l.i .lis, iissioii du scuai pré-
cisémeiil h- jour lixe poui la ilùiiiiv du ,'onsiès. Venait ensuile
le récit de hi manière dont fut amené l'avorlemenl de cette me-
sure législative. A la mise en page du numéro toute cette der-
nière partie de la relation a été supprimée, et l'on a ainsi pre-
semé comme voté un projet qui a succombé sous une myslilica-
tiou. Nous rétablissons le retranchement :
« Cet acte important a élé mis à mort d'une façon qui mérite
d'être mentionnée. Il fut évoqué à la tribune sénatoriale à
onze heures et demie (il ne restait plus qu'une demi-heure .') par
M. Lewis, qui proposa de le sanctionner, nfoins l'amendement
par lequel la Chambre avait stipulé que l'esclavage ne pourrait
jamais être établi sur le territoire aci|uis du Mexique à l'aide de
ces deux millions de dollars. Celte proposition de M. Lewis
était une indication de l'opposition que cette restriction abolilio-
nisle ne devait pas man(iuer de soulever parmi les hommes du
Sud, et cette opposition, en un pareil moment, était par elle-
même un arrêt de mort pour le bill. Mais ses adversaires eurent
l'ingénieuse idée de ne point se charger d'une exécution directe
et de laisser la peine de celte strangulation aux cordons du rè-
glement. En conséquence, M. Davis, du Massachusetts, monta à
la tribune et entama un discours en forme sur la question.
« En vain des communications incessantes de la Chambre au
Sénat vinrent interrompre l'oraleur, en vain M. Lewis le conjura
de lui céder un instant la parole pour proposer une prolongation
de la session pendant quelques heures seulement, M. Davis tint
bon, et continua sa tilehe, qui était en apparence, au moins, de
prouver que cet octroi de 2 millions ilc> dollars à l'administration
était une espèce d'inslruction iuiliici Ir :i elle donnée de pour-
suivre la guerre jusqu'à ce (lu'elle inil :iii|ucnr la Californie. En-
liu midi sonna, et le présideul lut oblige de proclamer que la
session était close et le bill en discussion enterré avec elle.
<i On ne doutait pas que M. Polk ne prllsur lui de poursuivre,
malgré tout, les négociations eulamées; mais l'argent comp-
tant eût à coup sur douné uu grand poids à ses arguments. »
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chez tous les Libraires, et en particulier chez tous les Correspon-
dants du Comptoir central de la Librairie.
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SOMMAIRE.
Histoire de la semaine. Vue de Fe-, ville de l'empire du Maroc. —
Coprrler de Pari». Le Jugemenl de Salomon. — PPOI-OD VOUB
voir «taos voua aimer. Rooiarce; paroles de &1. Eugène Mahon,
musique de .M Vimeux. ~ ColODie aRrlcole de Pelfl-Boars. —
Soa*f nlrn de voyacen. Peslh et Bude, par M. X. Marmier. — Le
IHosee d'Arl'Ilerl», par M. F. de Saulcy. Galeries serranl d'eitirie:
Vue intérieure de la grande salle; Armure de Henri ///; Epee de
Henri IV ; Armvre de François 1*'; Epée deFrançois P^; Armure du
due de Guise; Targe du roi Malhins Corvin; Epèes: Casque du con~
nêtoble Artne de Montmorency ; Arbalète de Catherine de Médicis;
Bouclier ; Masses d'armes; Casque de Henri II; Armure du milieu
du quinzième siècle; Fpèe du connétable de France ; Armure de tour-
noi au quinzième siècle ; Epée d'un roi de France du nom de Henri;
Armure du grand bâtard, Antoine de Bourgogne. — L'Enfant TOI*.
Nonvetle. — Le» Bol»90n«. Huit Gravures. — Ballelln blbllOffra-
pblqae ADDoncru. — Chapelle dea Dames du Palnt-Saere-
ment, construite jeu IMS et iai6. r/ne Gravure. — BCbas.
Histoire de la Semaine»
Nous devons être heureux, car nous sommes dans la sai-
son où l'histoire de nos événements devient fort stérile et
fort ennuyeuse. Nos tribunes parlementaires sont muettes,
nos tribunaux sont déserts, les hôtels ministériels et le Mo-
niteur sont vides de Leurs Excellences et de leurs arrêtés,
et n'était la polémique des feuilles de Paris, de Londres et
de Madrid, à laquelle les chancelleries et la Bourse prêtent
une attention assez sérieuse, nous ne vivrions guère que des
arrivafîes de l'étranger.
Le mariage annoncé de M. le duc de Monlpensier et de
l'infante Louise-Ferdinande a continué à soulever en Espa-
gne les inquiétudes des progressistes, qui ont vu avec peine
le retour du général Narvaez de sanglante mémoire, servant,
disent-ils, en quelque sorte, de courrier au jeune fiancé. En
Angleterre, on a voulu voir dans cette alliance une spécula-
tion de la maison de France sur l'avenir du Irone d'Espagne,
et le Foreign-Ofl'tce n'a pas pris le moindre soin pour dissi-
muler son dépit ou en rendre l'expression moins provoquante.
A Paris, on n'y a voulu voir qu'une alliance de famille, con-
venant sans doute aux parties conlractanles, pour laquelle le
consentement du pays n'a point été demandé et n'avait point
à l'être, et dont il serait fort injuste que le pays supportât
les frais, lui qui n'a ni la prétention ni l'espoir d'en tirer
avantage.
La célébration de cette union ne paraît pas devoir être
aussi prochaine qu'on l'avait annoncé en dernier lieu : il n'est
plus question du 2i septembre: et il est devenu douteux que
MM. les ducs de Nemours et d'Aumale accompagnent leur
frère en Espagne. Ouoi qu'il en soit de ces changements de
programme, rien n'indique qu'il en soit survenu dans la ré-
solution des cojirs de l'Escnrial et des Tuileries.
CnÉATiox d'une école française a ATiitxE.'i. — Nous
disions tout à l'henre que les ordonnances royales et les ar-
rêtés ministériels se faisaient rares. M. de Salvandy, toute-
fois, ne laisse pas, bien entendu, chômer la fcuiile ofllciellc.
Il vient d'instituer une École française de perfectionnement
pour l'étude de la langue, de l'histoire et îles antiquités
grecques à Athènes, ipii se composera d'élèves de l'Ecole
normale supérieure, reçus agrégés des claFScs d'humanilés,
d'histoire ou de pliild-oj.liie. Celte écoie sera placée sous la
direction d'un prolis>ei:r de lacullé ou d'un n.embre de l'In-
tlilul nommé par le roi. Le séjour des membres de l'Ecole
française à Athènes sera de deux ans. L'article .i porte en
outre :
« L'Ecole française d'Alht nés pourra ouvrir, avec l'autori-
sation de Sa Majesté le roi de la Grèce, des cours publics et
gratuits de largue et de lilléialuie fcnç; isc et latine. Ses
membres pourront, à la demarde du f.ouv(ri!( mint grec,
professer dans 1 Iniversilé et les éccles {.rccques tous les
cours ((iiiialib'.is avec leurs ^udes. Ils seioul inFtiliiés en
comnii.'siin des lettres peur conférer le laccalauréal es let-
tres aux élèves des écoles françaises et lalines de i'Ciienl qui
ont reçu ou qui recevraient le plein exercice de l'Université
d« France. »
Outre l'intérêt littéraire, il peut y avoir dans celle fonda-
tion, si elle est bien établie et bien conduite, un germe puis-
sant destiné îi relier de plus en plus la Grèce à la France, il
y a là le commencement d'une iniluence inlellectuelle appe-
lée ù jouer un grand rôle dans l'union des deux pays. Déjà la
Grèce est en communauté de principes politiques avec nous:
bientôt en nous transmctiant les ricliesses littéraires enfouies
dans son sein, elle nous empruntera nos trési,rs intellectuels,
et de cet échange sortira l'inslructiin de tous, et avec elle
do mutuelles et fécondes svmpalliies entre les deux peuples.
Les premiers en Euro[c, nous a\ons défendu la Grèce oppri-
mée; nos soldats ont et n, battu st us ses drat eaux; les pre-
miers nous iivtns rtcinriu i'indc'i (ridante de la Gn'ie; les
premiers nt us avrns sali:é l'a\érini<nl du gouvernement
conslilulionnel à Atliènes; aujourd liui, ne sonimes-rii-us pas
les premiers à rendre lu ri mage ..ux tliefs-d'auvie de leurs
aïeux, ei à chercher à faire circirltr dans la Grète régénérée
les bienfaits de rrotre civilisation et les leçons de notre cxpé-
rienceî
Tbaitesiem «e la Légion n'iioNNEitt. — M. le ministre
de la guerre prépare, dit-on, de son côté, une mesure (riii trou-
vera certainement arrssi des approbateurs. On sait que lessous-
ofliciers et soldats nommés chevaliers de la Légion d'honneur
sont les seuls qui louchent le traitement primitif de 2.''.0 fr.,
et qu'ils en jouissent lors môme que |iar la ;uile ils devien-
nent officiers, taudis que les officiers nommés chevaliers ne
reçoivenlaueun trailerneiit. Il paraîtrait qirc M. le ministre de
la guerre a l'irrlenlion de pr'oposer aux Chambres de rendre
cotrnrnnf sa loulrslesn'niinations militaires, failesou îi faire,
les dis|i(i>itii)ris particulitresaiix sou^-nfficierset aux stildats.
La dolalion |iriMiilive de la Létriorr d'bonnerrr, qui très-cer-
tainement aurait suffi et au delà au payement du traitement
des légionnaires militaires, fut dépouillée par les Ir-cités de
181") de ses principaux revinirs, et la contribution de guerre
imposée par l'étranger la frappa ainsi hors de toute propor-
tion.
COMPACNrE FRANÇAISE DE I.'rSTII.ME DE PaNAJU. — Le
Moniteur a publié la' note suivante :
LULUSÏRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
ù.riiniHMil lie lil
h' (II' Ir.iili' ri lie (■ i-sM'i
lie cominimii'ation eiUre le
pniir
ilmix
iIcM.Klinn.quelii
<W l'iinaina av;iit (;harn
ISuiivclli-l-ireiiailoiin p
l-onverlme d'une voie de commim.i'auon «";■-;■" ;■;;"
oc«Sans. M. Klein est de retour de sa mission; .1 ^len/l^i
river de Bogota, porteur d'un proje de concession «t'hi ca-
iller des charRes pour l'exécution d'un clicinin de fera tia-
IrsHsIlme^e Panama, disent,'. ,.,onlra,l,rloweme„ entre
lui et un commissaire nommé «</ h>v par le président de la
république. Ce projet, dûment siyne par le ^^"«""f '" -^ "
couvernenient, a été communiqué oUicielletnent a la ((impa-
enie L'élat ar.tuel de cette négociation ne aisse plus a lef^i. r
^iitiv 1 1 ivpiilili<iur ,-\. la compagnie que des points sur W>-
qiirlslnn 'iihiM irri|iroquc et leur Lon esprit ne peuvent
niciiiiiiM'r ilr \r^ iiM'lIn'. d'accord
« Ouelnues jours après le second départ de M. Salmon,
. -^ ^ ■' «.. ..;,h.i; An r-.imn à P:inpnnn noiir
envoya ses aides de {«nip a Papenoo pour
ji's (pi'ils pouvaient circuler librement; et
Miicis qui parurent en ville furent aussitcjt
Miiirs par la police. Le frère de M. Salmon
ii;ii^ |p coup élait porlé.
11 , 1 ■^ lureslaliiiiis. (excités encore par une
l'iiinaré (pii leur ordonnait d'atlaquer les
ALGtMiip. Eï iVUiioc. — Des ordres sont arrivés aux chefs-
lieux des divisions militaires pour faire rejoindre au pliislM
les militaires en confié apparlcnanl à I armée d Alrique. M. le
maréHnl liiigeaud se rend de son coté dans son gouvcriie-
mnil Nous paraissons en effet être à la veille de grands évé-
neiniMils A b l-el-Kadcr n'a pas perdu le temps pendant lequel
il nous a laissés sans nouvelles do lui. Il a sourdement mmé
l'autorité et la puissance de notre voisin et allie I empereur
du Maroc, et plus habile que s'il avait visé à se fane pr«cia-
mer empereur, en sa qualité de défenseur de la foi, il déclare
Abd-er-Rahman inhabile à régner et excite Ics^peuples à ao-
ccpliT comme vrai et légitime souverain Muley-Edns, descen-
dant de la famille impériale. Il est bien sûr de savoir exploi-
ter la reconnaissance et la sujétion de sa créature, l'.dris se
trouve déjà près de Fez avec un nombre immense de parti-
sans, et le premier choc avec les troupes de l'empereur peut
amener une guerre active à laquelle il nous serait difhcile de
demeurer étrangers. La presse censurée de l'Algérie einet le
conseil et formule le projet d'une expédition dans le Maroc,
et le Cimstituiionnel a publié, alors que M. le duc d Isly était
encore îi Paris, sur le bon état et la disponibilité de nos trou-
pes d'Afrique, des détails qui, par leur source même assez
lacile à deviner sous l'anonyme, semblent avoir pour but de
préparer l'opinion à la nouvelle d'un mouvement prochain et
décisif. Du reste, grâce à l'activilé et à la haute intelligence
d'un dé nos officiers généraux, nous ne nous trouverons pas
surpris. « Le général Cavaignac, commandant la subdivision
de TIemcen, dit te Toulonnais, d'après sa correspondance,
a tout prévu, et les mililaires qui arrivent de Ghazaouat sont
unanimes pour l'éloge de ce brave oflicier général, qui a su
inspirer une confiance sans bornes aux troupes placées sous
ses ordres. »
— On écrit de Toulon, le 8 septembre :
0 Les Arabes arrivés il y a quelques jours de Sainte-Mar-
guerite par le vapeur le Castor, sont renvoyés à leurs tribus.
Ils ont été embarqués aujourd'hui sur la frégate à vapeur VO-
riimque, partie pour Alger avec la correspondance. »
Serait-ce un commencement d'exéculion pour un échange
de prisonniers? Nous le désirons bien vivement; une lettre
publiée, cette semaine, par auelques-uns'de nos journaux,
lettre écrite par un de nos braves officiers, M. Courby de
Cognord, prisonnier d'Abd-el-Kader, laisserait peser sur
l'administration de la guerre une grave responsabilité, si
l'espérance que nous exprimens ici n'était pas réalisée.
Taiti. — Le Siècle a publié, sous la date du 31 mai der-
nier, une lettre deTaïli qui présente un triste tableau de l'a-
narcbie à laquelle notre établissement serait livré. En voici
les passages les plus intéressants :
ic Je m'empresse de vous adressera la hâte les détails que
vous me demandez sur ce pays. Vous devinez sans peine que
rien n'est changé depuis votre départ, si ce n'est que le dé-
sordre, la confusion et les désastres sont encore plus grands
que lorsque vous étiez ici.
« Nous avons de nouveau trouvé les moyens de nous met-
tre aux prises avec les nalurels, et ceux-ci cernent la ville
plus étroitement encore qu'après l'affaire de Hapapé, puis-
qu'ils sont parvenus à brûler deux maisons, dont l'une est au
centre de la ville, près l'ancienne demeure de M. Pritcliard.
Ces maisons appartiennent au pilote Henri etau juge de paix
M. Fergus. Les insurgés n'en veulent plus qu'à celle de
M. Mœrenbout, carils sont plus acharnés contre les étrangers
que notre gouverneur emploie que contre les Français eux-
mêmes. Depuis dix jours, Papéiti jouit du spectacle de la fu-
sillade ; nuit et jour les insurgés attaquent les avant-
postes.
« Au mois de janvier dernier, le gouverneur voulut don-
ner un repas aux naturels pour fêter l'anniversaire du pro-
tectorat. M. Mœrenhout, chargé d'acheter les provisions né-
cessaires, envoya à Hapapé un détachement de sa police in-
digène, qui brûla les cases des gens de Papenoo et pilla leurs
vivres ; les naturels insurgés usèrent naturellement de re-
présailles. Dès lors, il fut résolu que l'on marcherait contre
eux ; on saisit, pour aller attaquer Huabine, l'occasion de
■venger ta mort d'un pilote qui était, disait-on, de nos amis
et qui avait été assassiné dans celte île. On expédia donc
YUrimie avec la compagnie détachée à Taravao; mais le C(uii-
mandant du bateau à vapeur anglais, informé de la mission
de cette frégate pour les lies sous le vent, protesta contre sou
départ. La reine de Huabine, Ariépaya, également avertie,
tendit des embûches à l'expédition : trois de ses agents, se
disant des nôtres, s'offrirent ù guider les troupes et les con-
duisirent au milieu lie ri'Mncini; elles v soiilTiin'Ol beaiiroup
et ne piniMit ellerhier ijinnii' irli.iile'lmi^ I inMiilile. I.u
guerre iiiii>i allninée, li' ;4(m\eriieiir ,ill;iil iiiiui lier sur r,i|i"-
1100, lursque M. Salmon \iiit |iro|iiiser de. .seiilieinellre |inur
rétablir la paix et faire rentrer l'oinaré à Taili. Le gouver-
neur mit le l'haélou à la disposilion de ce né^;iieiatenr; mais
M. SMiinoii ne rapporla, de sa mission près de l'omaré, que
ili's piiioles r,, |),ii\ !■! Il promesse verbale qu'elle rentrerait
;i Tiiiii iipiisMM nmlies. Il fut renvoyé vers elle pour, obtenir
un eii^jageiiieiil plus roriuel.
le gouvern
avertir les iiisi
cepenilaiil lis y
iirrétés ri i-iii|ii
les lil rein lin
i< ENa-p''!''-
prétendue lellr ,.
Français, les insurgés marchèrent sur Papeiti, qu ils cernè-
rent de tous côtés.
Il Quelques faits vous édilieront complètement sur la direc-
tion qui est donnée aux alfuires. M. le gouverneur livre à
tous les renégats ta'itiens que lui présenli' M. Mœrenhout des
armes avec lesquelles ils passent imuiédialeinent à I ennemi.
Lorsque la police fit contre les habitants de Papennii I expé-
dition dont ie vous ai parlé, M. Martirt, qui iniiiiii.iniliiil a
Hapapé, voulut arrêter la destruction. Les gens .|p |,i |iMlire
répondirent qu'ils exécutaient les ordres de M. Mœrenlioiit.
M Martin ayant cru devoir en écrire à M. le gouverneur, fut
remplacé quelques jours après. La belle-mère de M. Salmon,
parente de Pomaré, a fait sa soumission ; mais on la tient en
cbartre privée, et elle ne peut circuler qu'avec un gendarme
à ses côtés. . . . . . c ■ n
« Pomaré va nous arriver incessamment, si toutelois elle
n'est pas elTrayée parles nouveaux rassemblements et si elle
n'est pas informée que sa parente est traquée comme elle le
ême; car on ne s'en cache pas ici, et on l'attend
sera elle-même; car on ne sen cacne pai
de pied ferme. .
« .le crois devoir vous faire part aussi d un procès qui a
causé un très-grand scandale dans la colonie. M. Lucas, en
butte aux poursuites de M. Mœrenboul, protesta contre les
actes de ce fonctionnaire. Il fut traduit devant le tribunal
civil qui se déclara incompétent, et de \k devant le premier
conseil de guerre, qui le condamna à 100 fr. d'amende, en
admettant des circonstances aUénunnIes. Véritable mystifica-
tion pour l'administration. Aussi M.- Mœrenhout en appela-
t-il de la sentence du premier conseil de guerre. Le conseil
de révision accueillit cet appel et cassa le jugement. Enbn le
deuxième conseil, devant lequel l'affaire fut renvoyée, se dé-
clara incompétent et renvoya la cause en cassation, comme
le demandait M. Lucas. Cependant M. le gouverneur avait
adressé le S novembre aux membres des tribunaux une cir-
culaire par laquelle il les invitait à ne pas admettre de cir-
constances atténuantes et à rejeter l'appel en cassation que
M. Lucas avait formé. Que dirait-on en,France si le chef du
pouvoir exécutif s'avisait de donner de pareils avis aux juges.'
Les commissaires du roi près le conseil de révision et le pre-
mier conseil de guerre ont protesté contre les abus commis
au préjudice de M. Lucas. 1)
— On lit dans te Journal de Cherbourg du 10 :
Il Le vapeur le Gomer est arrivé dimanche à Cherbourg,
venant de Brest. Ce navire vient prendre des soldats du 1='
régiment d'infanterie de marine, pour les transporter à
Brest, d'où ils seront dirigés sur Tahiti; et chemin faisant,
ils feront partie de l'expédition de Madagascar.
« Nous apprenons que cette expédition sera forte; on em-
barque 3,01)0 hommes de troupes, dont 500 hommes d artil-
lerie. Plusieurs officiers attachés à notre port ont reçu l or-
dre de se tenir prêts à tout événement. « , , ,
Un corps de musique inililaire doit être embarqué avec les
troupes de renfort qui sont destinées pour les établissements
français de l'Océanie; il a été spécialement demandé par le
gouverneur et par les officiers qui commandent les dilleren-
tes îles sous notre domination. Il paraît que la musique a
produit déjà sur les habitants de ces pays les plus heureux
elTels, et qu'elle a aidé d'une manière sensible à changer et
à adoucir leurs mœurs et leurs babiiudes.
Etats-pontificaux. — La correspondance de Rome du
1" septembre portait :
(1 Le prince de Joinville est arrivé samedi à quatre heures
après midi à Civita-Veccbia, par te Ithamsés: bien qu il eut
annoncé vouloir garder l'incognito, un bataillon de troupes a
formé la haie sur son passage lorsqu'il a débarque. Le déle-
gat accompagné de toutes les autorités locales, avait préala-
blement rendu visite au prince à bord du Rhamses, et l a ha-
rangué en ces termes : , , . ,
Il Je suis heureux, en ma qualité de représenlant du gou-
vernement de Sa Sainteté, de l'occasion qui m est donnée
d'offrir mes hommages et mes services au vainqueur de
Mogador, digne fils de ce grand roi que la Providence a en-
voyé au monde pour le bonheur de riiumamté. »
« S. A. avait de nouveau exprimé le désir de passer ina-
perçu, déclarant n'être venue à Rome que pour se jeter aux
pieds du saint-père ! Ce sont les paroles du prince à monsei-
gneur Ricci, le délégat de Civita-Veccbia. Au débarquement
de S. A., la foule qui l'atlendait sur le port a fait retentir de
nombreuses acclamations, et a jeté sur le passage de S. A.
deux suppliques. Pour échapper à ces manilestaUons, le prince
renonça à demeurer à Civita-Vecchia ; il partit et arriva à
Rome à dix heures du soir, accompagné de M. le duc de Bro-
glie, premier secrétaire de l'ambassade, qui était allé le re-
cevoir à Civita-Veccbia. Le lendemain, à midi, S. A. a élé
reçue par le saint-père, qui l'a accueillie avec une bonté re-
marquable et une satisfaction visible. Sa S.uutele lui a ex-
primé tous les vœux qu'elle forme pour le rui et la reine :
elle y a ajouté des paroles qui seront lorl agréables à LL. MM.
Le soir, le prince a dîné à l'anibassaile, en compagnie de plu-
sieurs grands personnages romains, parmi lesquels on cile le
cardinal (iizzi, secrélaire d'Klal, le prince et la princesse
Massim» et leur belle-sœur. Le prince et la princesse Inrlo-
iiia deviiienl s'v Iroiiver aussi, mais la princesse, parlant la
même nuit pour Naples, doit, en conipensalion, aeeepler un
dîner à bord du vaisseau de l'amiral prince. S. A. est parue
dimanche soir pour Naples, voie de terre. Elle a laissé ici une
quinzaine d'olliiiers, et son aumônier. Ces messieurs ont
cinq jours de congé pour visiter Rome ; le prince est reparti
avec ses deux aides de camp. »
Le prince devait, dit-on, rester jusqu'au 6 septembre ;
mais comme sa présence dans celte capitale excitait beaucoup
de sympathie et que les jeunes gens préparaient des démons-
trations en sa faveur, il a jugé plus prudent de partir abn de
ne pas porter ombrage à l'Anliiihe.
Le Sémaphore de Marseille donne des détails sur les ca-
deaux qui ont été échangés en celle circonstance :
Il Sa Sainteté a fait remettre au prince la collection com-
plète des gravures de la calcograpbie pontificale, représen-
tant tous les monuments antiques et modernes de Rome.
Celte colloclion est évaluée à (i,OliO fr. Plus, deux vases d al-
bâtre qui avaient attiré l'attention de S. A., et qui sont fuî-
mes de l'albâtre si magnilique envoyé à Grégoire XVI pai
Mébémet-Ali. , ,
Il Le saint-père a encore remis au prince, et cela de se-
propres mains, des corone (chapelets), pour la reine et h-
princesses. Celui de la reine est de grande valeur. Le princr
a fait ses cadeaux avec non moins de magnificence que ton
frère le duc d'Aumale, qui, d'ailleurs, lit un séjour dans la
cité catholique , tandis que le jeune amiral na pu y faire
qu'une apparition.
«La famille du pape (on appelle ainsi le personnel de sa
maison), a reçu du prince raille écus romains, soit cinq mille
cinq cents francs. Tous les personnages iiunains qui l'ont vi-
sité ont reçu de lui des souvenirs parfaitement apprepriés à
leur carrière.
« Les objets donnés par le prince sont tous en or garnis
de diamants. Les serviteurs de l'ambassade ont eu 1,200 fr.
pour leur part. On estime que les cadeaux du jeune amiral
ne s'élèvent pas à moins de 40,000 fr. »
Princii'AUTé deLlcques.— On écrit de Lucques :
« Le prince don Ferdinand de Bourbon, duc héréditaire de
Lucques, qui a épousé récemment la sœur de M. le duc de
Bordeaux, a donné un noble exemple de courage et d'huma-
nité.
«En se promenant sur les bords de la mer, aux environs
de Vialeggio, il aperçut un baigneur qui, s'élant trop avance,
était violemment entraîné par le courant et allait périr. Aus-
sitôt le prhice s'élance dans l'eau, plonge à plusieurs reprise-,
saisit l'imprudent, qui avait déjà disparu dans les flots, le ra-
mène au rivage, et après lui avoir donné les soins que son
état exigeait, s'esquive pour éviter les témoignages de re-
connaissance. )>
Egypte. — On écrit d'Alexandrie, le 50 août, au Cour-
rier de Marseille :
Il Les lettres du Caire ne font que parler de S. A. Ibra-
him-Pacba. Le prince s'est fait honneur, par deux inesuie>
qui ont augmenté l'estime qu'on a pour lui.
«Voici dans quelles circonstances il a fait preuve de cet
esprit de tolérance qui fait le caractère dislinctif de Méhé-
met-Ali et d'ibrabim :
« Le grand rabbin des Israélites était mort ; il était indis-
pensable de rendre à un chef de religion les honneurs que la
société lui doit, mais la crainte que (juclques fanatiques au-
raient peut-être cherché à troubler une cérémonie si pieuse
avait décidé le corps des Israélites à demander protection an
gouverneur du Caire, S. A. Abbas-Pacha, qui promit, sans
tenir parole, alors ilsdurents'adresserà S. A. Ibrahim- Pacha,
celui-ci était en grand divan ou grand conseil. Il admit la dé-
putation, et après l'avoir entendue, il se tourna vers les as-
sistants et leur dit :
«Depuis que j'ai fait mon voyage en Europe, je suis mé-
content de moi-même. Ne nous le dissimulons pas, nous
avons encore beaucoup à faire pour commencer la voie du
progrès. J'ai vu la protection qu on accorde à tous les cultes
sans exceidion , le respect qu'on a poux eux, et je ne souflri-
rai pas qu'en Egypte il en suit différemment. En conséquence,
au lieu de donner quelques soldais pour escorter le convoi,
nous lui donnerons trais mille hmmnes, et de plus ma jiropre
voiture servira de cliariot pour y ineltre !a bière. »
«Après une pareille action, qui fait lionneur au prince,
nous devons en signaler une autre : le lendemain, il a fait
appeler tous ses mameluks et esclaves, et leur a donné la li-
berté avec la faculté de rester avec lui, s'ils étaient contents,
ou bien de chercher ailleurs une meilleure existence. Jus-
qu'à présent, personne n'a voulu le quitter : tous lui ont as-
suré qu'ils ne le quitteraient jamais. »
Mébémet-Ali est arrivé à Alexandrie, de retour de son
vovage de Conslantinople, le 21 au soir ; il a été reçu avec
des dénionstratibns extraordinaires de joie de la population.
Il y a eu illumination générale les 2i, 25 et 26. Le vice-roi
a reçu la visite des consuls étrangers le 25 et le 27. 11 est re-
parti pour le Caire.
Les Français établis dans celle dernière ville viennent de
consacrer à la mémoire de Kléber un souvenir durable. La
maison où il est mort, sur la place l'Esbekièb, est habitée,
depuis peu de temps, par un de nos compalrioles; sur la ter-
rasse où fut frappe le général, ils ont fait placer son buste,
supporté par une colonne de granit, el au milieu de la fa-
çade eMérieure de la maison ils uni lait (iiiser une plaque en
marbre, sur laquelle est gravée l'inscription suivante : «Jean-
Baptiste Kléber, général en chef de l'armée d'Egypte, né à
Strasbourg en 17o-l, est mort dans celle maison le Ujîlin
1800. » Et an-dessous de l'inscription, dans un médaillon
entouré de feuilles de lauriers, se trouvent les noms des
principales victoires rempoilét s par Kléber.
Le Morning-l'ost dit ingénument dans sa correspondance
«les Anglais demandent un chemin de fer à travers l'is-
thme, parce que ce chemin proliterail principalement à leurs
vovagenrs; les Français contrarient ce projet et veulent, à
travers rislbnir, un canal qui oiiviirail la navigation aux In-
des à ioules les nations qu'eIVrayc le long délour par le cap
de Bonne-Espérance. »
Akabie. — La forteresse d'Aden est en ce moment inves-
tie par les Arabes, au nombre de 7,000 hommes. Le chef de
cette armée paraît être un fanatique nommé Shéiiff Fackee
Isniaêl, du voisinage d'Alger, qui, se rendant en pèlerinage à
la Mecque, a eu un accès d'enthousiasme et a juré de chas-
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
00
ser les Anglais d'Aden ou de mourir. En revenant de la Mec-
que il n'a pas cessé de prêcher l'extermination des inlidèles.
7,01)0 hommes des plus braves ont rallié son drapeau. Il a
reçu des approvisionnements par des eniliu'i.-:ilions de Moka.
Le IC août, à une heure et demie du nialiu, iOU hommes se
sont approchés de la place en reconnaissance, et ils ont tiré
sur les sentinelles. Les canons de la place ont lait l'en et ont
tué ou blessé 2:2 hommes. Au jour, on a trouvé devant les
reniparls les cadavres et les armes. On sait que lintenlion du
chef est de ne faire une attaque en règle que lorsqu'il aura
réuni beaucoup de monde el qu'il pourra attaquer sur plu-
sieurs points à la fois. Le service de la place est très fatigant.
Les he<liaux manquent de fourrage et les troupes n'ont pas
de légumes frais.
I.M)i;. — Les journaux anglais s'occupent beaucoup des
dernières nouvelles de l'Inde, etsuiloni de l'ingratitude de
Goulab-Sing, au prolit de qui l'Aiiglelerii' a conslilué une
priiii ipauté indépendante. (Je rajah se nionlie moins docile
(jue l'on ne s'y attendait. Il refuse péreni['loiremeiit de payer
au ;.'c]uverneur général l'indenniité promi>e eu échange des
avanlages qui lui ont été assurés par le dernier traité, et il
parait disposé à repousser, au besoin, la force par la force.
Cette atlitndo de Goidab menace d'introduire de sérieuses
complications dans les alïaires du Pendjab.
Un autre chef montagnard, Dewan-Mooira, est sur le point
de se proclamer indéjiendant du royaume de Lahure;et
Ackbar-Klian, prince de» Aiïghans, en faveur de qui Dosl-
Mohamed, son père, aurait abdiqué à la suite de la réceplion
de l'ambassadeur persan dont nous avons parlé il y a huit
jours, songe àproliter de tous ces désordres pour reprendre
Pesliawer, que les Sikhs ont enlevé autrefois à sa famille.
An milieu de celle crise, le diirhar (gouvernenemeni) de
Laboie non-seulement ne se consolide pas, mais devient plus
impopulaire que jamais; le viïir, ce favori de la reine-mere,
(]u'nne intrigue de palais a porté au pouvoir, est générale-
ment détesté, et des événements graves semblent de nou-
»eau près d'éclater.
Uio-BE-L.v-PLAT.\ : — Le Timcs publie les nouvelles sui-
fantes :
a Des dépêches de Rivera annoncent qu'il a battu de nou-
veau Montoro à .\renal-Grande. Il a pris Mercedes, la ville la
plus importante entre la capitale de Kive-Negro. Montoro a
été tué dans la bataille. Une grande perle pour Rosas est
celle du colonel Tliornc (.américain), tué à l'aflaire de San-
Lorenzo. Les forces de Rosas, dans celle affaire, s'élevaient à
1,000 hommes, sons les ordres du général Moncilla ; elles
ivaient quin/.e à vingt canons. Les deux escadrilles française
et anglaise combinées comptaient (iO canons.
« On mande de Corrienles qu'il est arrivé des dépêches des
apilaines Holham et Trehouarl; elles sont ainsi conçues :
« Entrerios et Corrientes a;;iront de concert contre Rosas
•lions le-s parlis. Corrientes et Entrerios seront deux provin-
:es ou républiques distinctes; elles seront, sous Ions les rap-
ports, indépendantes de Buen<is-.4yres. Urquiza aura le conj-
iiandement des armées combinées. Le Paraguay aura le
du)ix d'entrer dans la ligue, à la condiliim de ne pas per-
npllre au général Paz d'intervenir dans l'allaire. »
Et.\TS-Ums. — Les feuilles quotidiennes ont annoncé cette
semaine que Paris était complètement privé de glace. Nous
levons rassurer les consommateurs eu extrayant du dernier
irrivagc des Etats-Unis la nouvelle qu'un navire américain,
'Aimzonf, embarque en ce moment à Boston un plein char-
;ement de glace pour le Havre. C'e-t la première fois, ii notre
■onnaissance, que celte nature de marchandise figurera dans
los importalions desElal.s-Unis.
Triilbles i>e ColO(;-ve. — Voici la réponse du roi à l'a-
Iresse du conseil municipal de, Cologne :
<i La révolte contre l'autorité est partout un crime grave,
lurtnutdans une ville qui est, à juste titre, un boulevard de
'Allemagne. Ainsi donc c'est à tort que l'on qualilie dans
"adresse d'insigniliante celte occasion de lintervenlion des
roupes. Je reconnais, au contraire, que le tumulte devait
■tre réprimé par la force des armes, (pioiqu'd soit à déplorer
lu'un homme ait péri el que quehjues-uns aient été griève-
nent blessés. Mes troupes ont en général montré du calme
■t de la modération; j'ai jugé à propos de leur en témoigner
na satisficlieui par le général commandant. Si des citoyens
laisiblesont été maltraités par des soldats dans des quartiers
'loignés du lieu du tumulte. Ifs coupables seront punis sui-
vant la sévérité des lois militaires.
« Je reconnais le Service que la bourgeoisie a rendu pour
établir le calme, mais j'ai dû blàuuT lorganisalion d nue
jarde bourgeoise sans la permission expresse de l'aulorilé,
larce qu'on pourrait en inférer que les autorités civiles et
nililaires, après avoir agi par la force, ont confié le main-
ien de l'ordre aux bourgeois, tandis que je veux positive-
ncnl que l'on évite jusqu'à l'apparence une pareille fai-
)|esse.
a Néanmoins, d'après le vœu exprimé, j'ai ordonné qu'à
'avenir, lorsque des mesures de sûreté extraordinaires se-
aienl prises, on en avertirait, si le temps le permellail, les
lUiorites communales pour en instruire la Ixjurgeoisie et ré-
clamer son concours. J'ai lieu d'espérer que le bon sens des
TOuraeoi» et des autorités épargneia désormais le retour de
pareils événemcnls. »
SiknK. — On annonce que les vastes élablissemenls ser-
vant à I evploilation des mines d'argeni de Sala, à 80 kilomè-
Ires de Sloekolm, ont été dévorés par un incendie dans la
nnil du'ili an 27 août. La perle est évalm^e à ."> millions.
Néchoi.ooee. — M. Rouger, député de l'Aude de l.Sô-i à
1850, soiis-préfel de Caslelnaudary de ISÔ!) à LSiii, vient de
mourir. — Un artiste distingué, M. l'aiil Lelon^', architecle,
chargé d'édifier le nonvel hôtel du timbre sur les terrains
des Petils-l'ères, vieni de succomber par suite d'une chute
Je cheval. Le corlége nombreux d altistes et de gens du
mon :i,', qui se sont empressés de rendre à sa dépouille mor-
telle les derniers devoirs, montrait combien grande était la
i?rle que les arts et l'iimiliô viennent de Kiirc
<?»urrier de Paria.
Les plus grands événements de la semaine ont été de pe-
tits événemeuls dramatiques. Si Paris se distrait et s'aumse,
c'est à huis clos, la chronique l'ignore et n'a rien à vous ap-
prendre. Veuillez donc renoncer pour aujourd'hui aux plai-
sirs de la médisance. Il est vrai que l'Académie française
coun.nnail jeudi dernier la vertu en séance solennelle ; mais,
liélas I la verlii a besoin, comme tout le reste, de l'à-propos
pour par.iilre dans tout son lustre; et. lorsque dix jours de
bruit et de renommée ont déjà passé sur une éloquence et
un atlendris.sement officiels, il serait difficile d'en rajeunir
l'intérêt et lespeclacle. Nous nous sommes promis, d'ailleurs,
d'acquitter un assez gros arriéré théâtral, et comme vous
voyez, le dessinateur de l'illtislralioii lui demande une de
ses colonnes pour h Temple de Salomoti ; mais le Courrier
compte bien .se dédommager samedi prochain, et le plus
amplement qu'il lui sera possible, du silence forcé que le
déficit des circonstances lui impose aujourd'hui.
Pour commencer, voici le Temple de Salomon ! quel titre
imposant et majestueux, un temple sacré et béni entre tous les
autres, l'arche sainte des palriarches, le sanctuaire de tontes
les religions et de tous les cultes; et puis Salomon, le monar-
que-prophète, le Moïse du livre de.sliois. le poiMe divin dont on
venait à l'envi consulter la sagesse eliiilniirerrinlelfigence et
la piélé. Cependant ceci e^l nue lii>loire lé^^éiement scanda-
leuse; mais tons les soleils ont leui' laLlie, la robe d'innocence
etde sainteté de ce grand Salomona plusd'un accroc ctle mé-
lodrame va nous l'agrandir. Vous allez voir quelles maximes
sont pratiquées par ce roi de l'Ecclésiaste, par cet inventeur de
la sagesse des nations, el puis vous arriverez sans rougir, s'il
est possible,jusqu'au bout de ce petit récit plein de damnation.
Le temple de Salomon recèle dans ses profondeurs plus d'un
mystère digne du Parc-aux-Cerfs. Le Louis XV oriental a
son Lebel, qui s'appelle Manassêset s'acquitte en conscience
de son emploi. Je vous laisse à penser la quantité de ber-
geretles qu'il fait tomber dans la gueule du loup. Salomon,
du reste, est un personnage dont l'appélit est connu; il se
maria sept cent cinquante fois, selon la version de l'Ecriture,
sans compier les unions morganatiques. Pour le moment,
voici la victime la plus intéressante de ce Manassès, une rose
delà terre de Judée et de la tribu de Benjamin, Suzanne : elle
est belle et chaste, elle aime Mizaël , son fiancé. 0'abord
c'est en vain que l'oiseleur du prince tend ses filets, la co-
lombe échap[ierait sans l'inlervention de la magie. Manassès
endort Suzanne au moyen d'un philtre. Quel songe et quel
réveil! les Meurs, les paifums, le vin qui coule, les danses,
l'orgie du grand roi et le festin de la reine de Saba. Ac-
courue du fond de l'Arabie, sur la foi de Salomon et de sa
renommée, la reine sent sa dignité compromise par le spec-
tacle qu'on lui olfrc : C'est l'anneau de Salomon passé au doigt
delà Benjamine, puis le grand prêtre qui veut chasser le grand
roi de son palais, qui appelle sur sa têle la vengeance du ciel
et finit par l'aire descendre la fimih e sur le temple :
Tout t'ciil, el sans s'armer d'ioi iDiiri^e iniilile,
Loin (lu temple delrnit. eliac un chen lie un asile.
La reine regagne ses Etals, Salomon se réfugie dans son
oratoire et Suzanne an désert. Cette destruction du temple
est cerlainement l'incident le plus dramatique à signaler dans
Celte vieille histoire^udaïqiie. Tant de galeries, de vestibules,
decolonnades, les lampes de vermeil, les ustensiles sacrés, l'au-
lel étintelant de pierreries, la grande cuveiiorlée par les huit
bo'ufs de bronze, les Chérubins de bois de cèdre, à l'aile im-
mense, aux yeux d'escarboucle, cette prolusion et ce mélange
radieux de marbre rouge et blanc, de diamants et d'or, voilà
les merveilles que nous avons vues s'écrouler et disparaître
au milieu des cris de la surprise et de l'admiration. Chute co-
lossale, présage d'un succès pyramidal. Et puis quand le dé-
sert s'est fait sur cette œuvre de destruction, nous avons
revu Suzanne. Quel changement, grand Dieu! et quelle pé-
nitence imposée à la pauvre fille pour le péché du roi Salo-
mon. On sait que les plus grandes expiations se sont accom-
plies sur le sab'e; Suzanne est an moment d'y périr de soif
coinine Agar, lorsqu'elle rencontre son prétendu et lui conte
tout, — récit très- tr.ansparent, — le philtre, le sommeil, le
songe, l'anneau ; elle n'oublie rien, si ce n'eslde se tuer à la
manière de Lucrèce; Mizaèl ne la tient pas moins pour morte
et trépassée et lui jette le manteau sur le visage, cl, le poi-
gnard aux dents, il s'enfonce dans le d^sr ii |h.iii' la venger.
Mizarl se flatte, la vengeance qu'il nodilr mi, m \nl:;aire, un
liomicideclandestin,tristeressoiirie |i(iur l,i inisr ■ n -cvue.] Le
mélodrame prend les choses de plus haut el fait plus de fra-
cas avec .sa vengeance ; d'ailleurs, il peut retrouver dans sa
tradition un grand enseignement et un autre grand spectacle.
A propos du temple de Salomon, le moyen de ne pas songer
nu peu et même beaucoup au jmjrmei}! de Snlumim. C'est
ainsi que nous nous trouvons transportés au beau milieu d'une
autre histoire qui mérite d'exercer la verve du machiniste, et
qu'après tant de récits et de peintures, vous voudrez encore
connaître de visu.
Après la cliule de son temple, Salomon a éprouvé la perle
de son lils unique, il ne lui reste que ,ses huit cents femmes,
mais une malédiclion pèse sur elles. Sa race va s'éteindre,
quel sera l'héritier de sa couronne? C'est alors qu'un ange
vient lever avec éclat ces appréhensions dynastiques. 11 reste
au puissant monarque un rejeton diuil le seul Manasfès con-
naît la mère, mais le fouibe abuse de la posilion pour indi-
quer à son roi une autre mère que Suzanne, et un enfant d'o-
rigine suspecte, le fils et héritier dune ( erlaine Rebecca qui
vise à jouer le rôle de la Pompadour auprès du Louis XV de
la Judée, et convoite son liéiie. Séduit par les promesses
exagérées de l'ambilieuse, Manassès pnliledu soirnieil de
l'innocence pour éloufler celui des deux poupons dont l'exis-
tence comprnmellrait la réussite de ses projets. Heureuse-
ment pour Suzanne, il se trompe de berceau, et c'est au
marmot de Rebecca qu'il a tordu le cou. Ne devinez- vous pas
la fin de l'aventure et sa conclusion? Les i eux mères se
disputent l'enfant survivant jusqu'au prononcé du fameux
jugement. Suzanne sera' reine de Judée, et la race de Da-
viu peut se perpétuer.' Après ce trait de sagesse et celle
éclatante rentrée en grâce avec l'Eternelj Salomon rebâtit
son teiuple et l'inaugure au milieu du plus beau cortège et
d'une pompe digne de l'Opéra.
11 est juste de reconnaître que les auteurs ont mis en œu-
vre assez adroitement les spleudides bizarreries de la lé-
gende, et que les décorateurs ont bâti de belles décorations
sur leur Ubrelto, mais le sujet ne méritail-il pas mieu.x en-
core ? Salomon et son temple, c'est-à-dire Sardanapale dans
son palais, Héliogabale au udlieu de ses pompeuses extrava-
gances, une imagination de poêle servie par la puissance et
les richesses d'un roi, voilà pour l'action et pour le spectacle;
quant à la conception et au caractère de l'œuvre, on pour-
rait regretter, — si le regret nedevait sembler étrange ici puis-
qu'il s'agit d'un mélodrame, — l'oubli des poêles au sujet du
roi juif. Salomon est assurément le personnage le plus poé-
tique de l'Orient, le plus lyrique et à la fois le mieux taillé
pour le drame, c'est le vivant résumé de toutes les énergies
liuinaines : l'ambition spleiidide de César ou de Napoléon,
la passion des héros les plus passionnés du roman, la sagesse
de Socrate, le doute de Pascal, tous les amours et toutes les
défaillances du cœur, est-ce que la figure de ce grand ras-
sasié, dont il est permis de ressaisir les traits à travers les ob-
scurités orientales, ne se prêterait pas à un rajeunissement
contemporain? Si nous savions louer convenablement des dé-
corations, nous dirionsque celles deMM. Philastre et Cambon
sont magnifiques, et que la mise en scène est splendide, l'ad-
ministration du théâtre de la Gaieté a remuécielet terre dans
celte circonstance, et mulinlié, pour le plaisir des yeux, les
apparitions, les métamorphoses, les costumes, les paillet-
tes , les danses , les coups de théâtre et les coups de
sabre.
Du temple de Salomon courons place Ventadour. Mais
qu'est-ce que la place Ventadour? Pour vous et moi, c'est
une place ornée d'un théâtre, un carré quasi-régulier planté
de maisons d'assez paisible apparence; M. Paul de Kock
est d'un autre sentiment, la place Ventadour n'a pas son
estime, c'est un endroit maudit, un square dangereux, un
véritable lieu de perdition. Tous les âges, tous les rangs,
et les deux sexes y perdent une foule de choses, on y perd
des sacs, des ombrelles, des billels de banque, beaucoup de
vertus s'y sont perdues, on y perd des perruques. Dans celte
oasis de pierres taillées, où "se croisent rarement deux pas-
sants, M. de Kock, fidèle à une idée ihe qui allait se résou-
dre en vaudeville, a vu de nombreux atlroiipements; à l'en
croire, il y pousse des journalistes, c'est un point de débar-
quement pour les provinciaux ; on y trouve enfin surabon-
dance d'étudiants el de griseltes. C'est ainsi qne trois de ces
demoiselles, parties des environs de la rue Saint-Jacques s'y
réunissent en compagnie d'un trio de galanlins, dont le plus
aimable a nom Boursicot. Ce Boursicot, étudiant de quin-
zième année, pnële mécoiinn et apprenti journaliste, a ueau
ballri' le liMi|H(i avec son esprit, il n'en jaillit pas un écu.
Tous lis |.l iisiis siiiit pour lui des plaisirs défendus. S'agit-il
d'une liiie |i;ii lie i.//ra-»Hi(ro,s-, les amis de Boursicot prodi-
guent à leur Cornaline ou Séraphine les jouissances du luxe
et de la civilisation ; quant au nourrisson des muses, force
madrigaux, voilà tout ce qu'il peut olîrir à l'appétit de son
Atalante, liors-d'œuvre bien légers pour l'estomac d'une
grisette. Il répète en vain qu'il perce, on ne voit de percé
que ses coudes. Exaspéré par ce sarcasme, Boursicot évoque
(jhatterlon, exhale plusieurs vers mélancoliques, et se promet
bien de s'asphyxier à la première occasion. Mais c'est à peine
si Atalanle a le" temps de gémir sur la destinée lamentable et
le trépas iirésuméde son Boursicot. lorsqu'il reparait dans un
costume qui nous rassure. Le poêle râpé est présentement
un genlilhnmme doré sur toutes les coutures. Il a découvert
le Pactole sans sortir de la place Ventadour, c'est une autre
cour des Miracles. Des billels de banque en émaillaient l'as-
phalte, Boursicot n'a en qu'à se baisser pour en prendre.
Pendant qu'il y faisait sa trouvaille, le parrain de son Ata-
lanle y perdait sa perruque. La coïncidence de ces deux
événements est grosse d'un quiproquo; mais l'accouche-
ment sera long et laborieux , et le mot de l'énigme ne
nous sera dit qu'au Ranela^li. Quand le parrain chauve
parle du trésor qu'il a penlii, le poêle incompris qui a prélevé
des droits d'anlenr soi les douze mille Irancs se persuada
qu'il eslquesthiii île lii.riii jusqu'au moment où touts'ex-
pliqueà lasalisln li.iii -einrale. Boursicot ne verra plus dans
son nom une plaisinih i ie navrante. Cet or est sa propriété
légitime, c'est le don d'un oncle d'Amérique trop heureux
de contribuer au bonheur de son coquin de neveu. Ne de-
mandez pas à M. de Kock le trait fin, la plaisanterie attique,
la raillerie spirituelle, l'intention malicieuse ; c'est l'homme
du gros sel et de la gaillardise, c'est surtout l'homme heu-
reux et applaudi. Qui est-ce qui n'a pas ri de ses pièces, rien
que sur la loi de son nom?
Quant à la Xouielle Clarisse Ilarlotce du Palais-Royal, c'est
une page du roman retournée, et la pièce du Gymnase mise,
comme la culotte du bon roi Dagubeit, à l'enveis. Malgré la
résistance de son père Haiirru el de son hère Itaçimt, celte
Clarisse de Lavillclte veut épouser alisohimeril Galopin, fac-
teur rural, qu'elle a baplisé Lanhin'. Mais à (elle proposition
légitime, le pinlibond \illat;eiijs n pord ce nail peu tlianipê-
tre: Du /îdji.' A lors Clarisse retilé\e dans uiiebrouelle; quand
le Lovelace de banlieue a sullisaninienl (ileuré son malheur
avec les yeux de Grassol, c'est à son tour de proposer le
conjunf/o à Clarisse qui lui répond : Vesnatrls! «0 (Jaiisse,
.s'écrie-t-il, vous voulez donc rester garçon? Fichire! me
voilà compromis! » Pour sortir de celte silualion inouïe, et
se soustraire à la tyrannie d'une amsnie qui le relient caplif
chez des blanchisseuses sous la gai de de Bageot, il enceit
Clarisse avec nnnarcotique, et purge violemment son geôlier,
seul moyen, dit-il, de le faire aller... mais daignez m'éparr
gner le reste.
36
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
Grassot est un superbe Lovelace, et mademoiselle Natlia- 1 sance et une firùce charmantes. Olait la voix énn.p le n-^ard i relevés par ce grain à'hwmur qui est tout ragrément de la
lie s'est, avisée d'imiter mademoiselle Rose Chéri avec une ai- | pudi(|ue, le mainlien, le costume, et le désespoir du modèle, | parodie, et qui a déterminé le succès de la présente.
(Théâtre de la Gaieté. — Le Temple de Salomon. — Scène du .Jugement.)
M. E0GÈHE ÏSI&HOM.
CHANT.
PIANO.
PEUT-ON VOUS VOIR SANS VOUS AIMER!
A IfM. AfjnRA.91, arliste tie l' Opéra- Co»Ê»itjiue.
Andante canlabile.
musique
DE
M. VÎKEïïX.
r 7 c
.^|J.Jl-J.^r p
Au sein d'u-ne pai-si - ble vi e, S'écou-
^^^
^^m
Phk^
^rr^TT
Hit', 'i
sirs, loin des amours; Mais dès quejeconnus,Ma- da-
A ^ A _ A
nie, Vos grà ces qui savent char-
L'ILLLSTIUTION, JOURNAL UNIVERSEL.
37
Vous, que loii-jours je crois par - fai - le, Vous, mon Ijon - heur. vous. mon lonr - mtnl. Si vous e - - ticz UD jour co-
quet - te El Ira- his siez vo - tre ser - menl. . . Ce ten - - die cœur qui vous a do - re De mé - pris de - vrail
, peut - - on vous voir sans
(V;3;21î
i^}
v<^
LULliSrilATlON, JOURNAL UNIVERSEL.
Colonie Miçrieole <Ie l'rlil-Bours.
LETTRE A M. I.E UIRECTEtR I)E l'iI.LUSTKATION.
Monsieur le directeur,
A (WTorentes reprises vous avez entretenu vos lecteurs de la
rilonie agricole de Petit-Bourg, et, chaque Ibis, vous avez ap-
olau Ji à la pensée ([ui avait présidé à l'érection de cette co-
lonie, et vous avez eu des éloges bien mérités, à mon sens,
pour la manière dont on l'avait mise à exécution. Vous avez
dit comment était or^^anisé le travail ; vous nous avez, dans
lies dessins dont j'ai pu constater la rigoureuse exactitude,
montré le colon travaillant, mangeant ou se reposant. Enlm,
après avoir lu l'article imprimé dans le volume II, page23.j,
de l'Illuslnition, on est parfaitement édilié sur le but et sur
les moyens employés dans cetteadmirableinstitulion. Mais ce
que vous n'avez pas pu dire, parce que la colonie en était en-
core à ce moment il ses premiers pas, c'est la métliode mise
en pratique pour élever le cœur de ces pauvres enfants, pour
les moraliser et en faire des hommes.
Permettez-moi de suppléer en cela à votre rédacteur : car,
à mon avis, il est bon de faire connaître ce qui peut être ap-
pliqué partout, et avec succès, je le pense; pour les enfants
riches, comme pour les enfants pauvres, la première, la meil-
leure éducation est celle du cœur, et à ce litre je ne puis que
recommander vivement aux instituteurs le système auquel
a recours l'Iiouorable directeur de Petit-Bourg, M. Allier.
Tons les dimanches, les colons sont réunis en séance, sous
la présidence de M. Allier et en présence de tous les em-
ployés de hi Cdhiiiie. (Jn apporte et on lit les notes de la se-
maine, ir< m m\;iiM's et les bonnes. Il faut voir alors tous ces
enfaiils ;iii''iiiil . i r.iignant ou espérant de se voir interpeller.
On coiiiiiieiiie |i;ir les mauvaises notes. Le colon accusé se
lève, et là, devant Ions, il reçoit d'abord une admonition ;
en suite de laquelle il doit faire lui-même sa confession, don-
ner des explications sur le fait qui lui est reproché ; puis,
quand la confession est terminée, le direcleur lui demande
quelle punilion il a mérilée,' et parfois le remords agit avec
tant de force dans ces petites âmes, qu'ils s'inlligent une pu-
jdus folle qu'elle ne semblerait nécessaire. Quand le
(^h4ë^?|»Hi"""'i' *"" arrêt, le directeur consulle les mo-
(,(!■ ^^JfH^des ridons choisis par leurs camarades eux-
|i(jur leiAirveiller). Souvent cesderniers cassent l'ar-
I ei (liiniiiiiunlrVin augmentent la peine. Le directeur, qui
me 1,1 l'juir siibijéine prononce en dernier ressort.
,di|ii(iiiche dernier, à une de ces séances, et en
vofci un episodiw' Deux enfants s'étaient battus. Coupables
'iuiji les deiixTin même degré, ils s'étaient iniligé deu.x jours
JSoiaini seoV les moniteurs se consultent et répondent au
direcleiir que les coupables doivent savoir ce qu'ils ont à
faire. Alors à ce mot, les deux enfants se jettent dans les bras
l'un de l'autre en pleurant, et un bon baiser de paix vient
sceller la réconciliation et effacer la punition. A ce moment,
vieis eussiez-vous vu toutes ces figures heureuses des colons
s'épunouir, et des applaudissements éclater sur tous le.-:
bancs.
Les enfants, cités pour leur bonne conduite, ont droit à
certaines récompenses que je ne détaillerai pas. La plus éle-
vée et la plus aiiiliiliuiiiiée, mais aussi la plus rare, c'est /«
i-achi't (h' i/iiii-r. Aiiiihiyiiide ce cachet, celui qui en est l'heu-
reux |iOssesseiir peiile\eiiipier unde ses camarades de la puni-
tion qu'il a encourue. N'csI-ce pas une touchante institution, et
n'ai-je pas raison de dire que partout les inslituteurs pour-
raient et devraient l'adopter? Car ici c'est aux plus nobles in-
stincts de l'homme qu'on fait appel. C'est ce principe divin :
Aimez-vous tes uns les autres, qu'on grave dans le cœur de
ces enfants. Aussi ai-je été vivement ému, quand j'ai vu que
tous demandaient le cachet de grâce. Certes c'est là l'indice
que les principes de la morale la plus pure sont inculqués à
ces intéressants enfants; et l'on peutavoir l'espoir fondé que
les ouvriers qui sortiront de Petit-Bourg seront non-seule-
ment de bons travailleurs, mais des cœurs d'élite.
Telles sont, monsieur le directeur, les impressions que j'ai
éprouvées dans ma visite à Petit-Bourg. Je dois ajouter, en
terminant, que la parole facile et pleine d'onction de M. Al-
lier est reçue avec avidité par les jeunes colons, que la mo-
rale qu'il leur enseigne est parfaitement appropriée à leur âge
et ù leur intelligence. C'est une douce récompense pour ce-
lui qui se dévoue à une tâche aussi pénible, que de voir ses
soins porter leurs fruits, et, si nous en croyons les impres-
sions manifestées par cette jeunesse, h la physionomie mo-
bile, M. Allier [leut se dire avec confiance que les enfants
qu'il a reçus seront rendus par lui à la société bons travail-
leurs et surlont hommes moraux et dévoués.
J'ai l'honneur etc.
Souveiiirii ile Toywgesi.
i'esth et bude.
Je viens de passer encore de longs instants sur la terrasse
de la forteresse de Bude. Il y a là un de ces magnillqiies ta-
bleaux de l'industrie humaine et de la nature, que je ne me
.asse pas de contempler. A côté de moi, le château du pala-
tin avec ses larges étages, ses frais jardins, ses allées d'ar-
bres qui descendent le long de la iiionl.inni', sa ( luprlle, ..u,
aux sons de l'orgue, un prêtre donne ;i luisn i,,i\ lulrl,--. mi
bras de .saint lîtienne; autour de ivum, I.i M.illr , ii,. ili. iimi,.
serpentant dans l'éd-oil villape qui Imnli' !,' Ii,imilir. s rlrv.mi
en ainpliillii'Mlie siii- la penh' drs i-,, limes, s, mis 1rs i i.; r:iiix
d'arbres IViiiliers, eiilre les eiieh.s ili' \i'jiirs |iis ,iia l'ni,,, ,■_
valoire de lUaekshern: ici, une vilii' Imili' iiislii|iu. (|ih les-
seinhle îi nue an^jlninéialinn de iiiaisi.ns di' i anipauiie; I,;,
une bourgade île, iiian haiids, de lialeliiTs. de péeheurs, el
derrière le cliàleaii, une aulre ville remplie de .siildals, de
[Unctionnaires, état-major de la place, chancellerie du royau-
me où l'Autriche a implanté sa bureaucratie; en face de moi,
la belle ville de Pestli avec ses grands édifices rangés le long
du lleuve, son vaste réseau carré de cent soixante-dix rues,
au delà desquelles on n'entrevoit qu'une plaine immense; à
mes pieds, le Danube large, puissant, le Danube qui touche
à nos frontières et qui fuit vers l'Orient.
Bude est l'une des plus anciennes cilés de la Ihingrie et
l'une de celles dmil l'Iiisluiie a Ir plus iicrii|ié l'Allemagne.
Là fut cent cimpiaiile ans le sil'mi de la diiiiiiii.ilion turque.
De là, les musulniaiis tenaient sous leur j,i>uA le cours du
Danube, menaçaient l'Antiiche et toute la chrétienlé. Sur-
pris après la bjtaille de Vienne par les troupes victorieuses
du duc de Lorraine, ils se retranchèrent dans la forteresse
et se défendirent avec un courage désespéré. Le siège com-
mença au mois de juin, dura jusqu'au mois de septembre, el
lorsq'n'enfin, dans un derni.-r assaut, les Allemands franchi-
rent les remparts, ouverts déjà de tout côté par les bombes,
il n'y avait plus dans leur enceinte que trois cents hommes
de garni.son. Le reste avait succombé, et le commandant gi-
sait sur des monceaux de morts.
Ce qui plaisait beaucoup aux Turcs dans celte ville hon-
groise, c'étaient les sources d'eau tiède légèrement sulfureu-
se qui descendent de la montagne, et qu'ils faisaient couler
dans de larges bains. Une partie de ces bains existe encore
dans sa construction première. Mais que diraient les Turcs
s'ils voyaient l'usage qu'on en l'ail : à Kaisersbad, un bassin
creusé sous une voûte et rempli par l'eau d'une source qui, à
son origine, a cinquante degrés de chaleur, est abandonné
pour un sou par personne aux gens du peuple, ei ils s'y ren-
dent en masse dans le costume le plus léger; les femmes y
viennent avec les hommes, les mères y apportent leurs en-
fants. A l'autre extrémité de la ville, au Kœnigsbad, il en est
de même. On ne eimenil pas que ces malheureux puissent
rester là, comme cela leur arrive souvent, des heures entières
dans une atmosphère brûlante ; et ce que l'on ne conçoit pas
davantage, c'est que la police tolère de si honteux spectacles ;
quelques planches suffiraient pour séparer les deux sexes el
prévenir des scènes qui révoltent.
Quoique Bude soit la résidence du palatin el des hauts
fonctionnaires du royaume, elle n'a pas, à beaucoup près,
l'importance de Pesth. De jour en jour son commerce s'en va
de l'autre côté du Danube. Les deux cités vivent du reste en
bonne intelligence. Bude est la sœur aînée, grave, austère,
méthodique. Pesth appartient à une ère nouvelle. C'e>t la
ieune capitale des magiars, fière de sa beauté, de sa noblesse
hongroise, peu soucieuse du passé, mais très-contente du pré-
sent et pleine d'espoir pour 1 avenir.
Là est, comme l'a dit un écrivain liongrois, là est le cœur
de la contrée, la plaine de Rakossa, ancien champ de mai
des magiars, là est aujourd'hui le siège de l'industrie, de l'ac-
tivité politique il sociale lie la Hongrie : d'énormes bâlimenls
chargés de niaicliaiiilisrs simt amarrés le long du lleuve, des
bateaux à va|icm rcHiniileiil et descendent son cours, et le
pont qui rejoint les deux villes esl rempli d'une foule de cha-
riots, de gens à pied, à cheval, en voilure qui passent et se
succèdent sans cesse, traversant, sur ses quatre-vingt-deux
pontons, cette voie de communication mobile qui jouit de
ses dernières années d'existence. Pour peu que vous ayez un
habit propre, un chapeau convenable, le gardien du pont
vous laissera circuler librement ; mais voyez ce paysan qui
s'avance avec ses habits éraillés et cet ouvrier qui porle son
lourd fardeau? il est obligé de s'arrêter devant l'employé de
la ferme et de lui remettre son tribut. Hélas! c'est une de
ces tristes images de l'inégalité des conditions qui existent
en Hongrie. Les nobles et les bourgeois sont exempts d'im-
pôts, le peuple supporte toutes les charges de l'Etat. Com-
ment reconnaitie à l'entrée de ce pont les nobles et les bour-
geois? personne n'a son titre inscrit sur sa ligure. Le péa-
giste règle son compte sur le coslume. Ainsi, la femme du
monde, grâce à sa robe llottante et à son chapeau viennois,
se promène à son aise sur le pont, et la pauvre ouvrière mai
vêtue, qui a gagné péniblement à Bude , à Pesth , quelques
kreusers dans sa journée, est obligée d'en payer un quand
elle va d'une ville à l'autre; dernièrement, un homme que
j'employais comme domestique de place, s'en va à Biideavec
une redingote neuve, un chapeau neuf, el on ne lui demande
rien. Le lendemain, il se présente avec son habit de chaque
jour, et il est obligé de payer l'impôt. On dit que l'iialiit ne
t'ait pas le moine; mais ici l'habit fait le péage.
La recette du pont est affermée a icllemnii pour une
somme de 100,000 fr. Le fermier esl Icmi m miire de l'eii-
Irelcnir à ses frais, et c'est à ses hais ipi il l'enlève en hiver
el le replace au printemps. C'est l'unique moyen de commu-
nication qui existe entre les 80,000 habitants de Pestti , les
30,000 de Bude (I). En hiver, pendant six semaines on deux
mois, le Danube est assez fortement gelé pour qu'on puisse
le traverser avec des voilures; lorsqu'il ne porte que des
glaces flottantes, ce n'est pas chose facile d'aller d'une de ces
iMlles à l'autre. H n'y a plus alors sur le liannlie qu'un ser-
vice de barques dont la traversée esl siannil diilicileet quel-
quefois dangereuse. Mais déjà les an lies .In I I en lil de
fer voté par la diète, s'élèvent au milieu des llols. Dans quel-
ques années, les deux villes seront réunies par un lion dura-
ble, et 11 du moins, magnats et paysans, riches et pauvres,
tout le inonde payera. A celle condition, un banquier de
Vienne s'est cliargé de tous les frais de construction, et le
péage qui y est affecté doit lui appartenir exclusivement
|ielelanl ipiali e-\ iii^t-sepl ans.
l'ji alli imI,iiiI i|uc telle grande entreprise soit achevée, le
vieux iHiiii ileluiraiis ciie et tremble sons le poids des lourdes
voitures de liaiisporl el des innombrables piétons qui le
(Il l,e seivicc lies 11 ilcaiix il vapeur, nrsaiiisépar la rnnipa-.
giiic aninri.ic |iniir la ii'.ncr^. c ilii Daniihe, peut èlre.uieoie.
il est m:ii, niiisuiric cniiiiii 1 ven lie eoMiiiiuniealiuii. Mai,
ces lialc.uix ne vmii |h>iiiI .m cciiiiv île nulle, ils aliunleiil au
Kaisersliail cl a l'eMreiiiile île la ville, A plus (l'une lieue de la
huleresse.
traversent du matin au soir. Quel mouvement! quel bruit!
par un heureux hasard, je suis arrivé à Pesth au milieu d'une
de ses quatre grandes foires.
Dans les conlrcss où les communications ne sont ni Irès-
fréqueiiles, ni très-rapides, les foires présentent un spectacle
dont nous ne pouvons que diflicilement en France nous faire
une idée, el celles de Pesth ne sont pas moins curieuses que
celles de Novogorod. Pendant deux ou trois semaines on peut
voir dans cette ville un assemblage complet de toutes les pro-
ductions agricoles, industrielles du pays et un étonnant
éclianlillon de ses diverses peuplades et des peuplades étran-
gères qui l'entourent.
La foire est au milieu de la cité , dans les faubourgs,
partout, et partout sous différentes formes. Ici des trou-
peaux de bœufs gris à longues cornes, de chevaux ap-
privoisés et sauvages, de porcs et de brebis; là des amas de
tonnes de vin, de froment, de maïs et des sacs de laine brute
que deux loris crocbeleurs peuvent à peine mouvoir ; plus
loin des pyramides de melons et de fruits de toutes sortes;
ailleurs, les produits de l'industrie allemande, les éloITes de
Vienne, la bimbeloterie de Nuremberg, que le paysan regarde
avec une naïve admiration. Puis les meubles grossiers Ou
pays, les lits couverts d'une natte de joncs qui remplacent
nos matelas à ressorts, les bahuts barioles de bleu et de rouge,
des pipes en terre, ce cher ustensile du peuple hongrois. Le
fabricant en amène des charretées et les vend par milliers.
Pour quelques francs, on peut en avoir un boisseau. Ici, les
marchands habitent des boutiques en planches, alignées sy-
métriquement ; là ils étalent leurs denrées sous des lentes
dont ils déroulent le soir la toile de chaque coté, et voilà leur
chambre à coucher. Les paysans qui amènent les Iruils de
leur récolte à lu foire ne prennent pas laiil de précautions.
Ils s'arrêtent le soir dans un faubourg, délêlent leurs che-
vaux, leur donnent un peu d'avoine el ne s'en occupent plus;
les chevaux, habitués à ce genre de vie, ne quiticnt pas leur
station, les maîtres dorment avec femme et enfants sur la
terre nue ou sur leur voiture. On peut voir ainsi dans les
mes sablonneuses de Josephstadt des centaines de ces char-
rettes rangées à la suite l'une de l'autre, les chevaux immo-
biles à côte du timon, les hommes achevant de prendre un
maigre ^ouper, puis fumant leur pipe et s'eiidormant tran-
quillement sous la voûte du ciel. On dirait une halle de cara-
vanes dans les sleppes, et cette halte est à quelques centaines
de pas des quartiers les plus animés. Mais Peslli est la ville
des contiasies. Elle me rappelle à chaque iiislanl ce qui m'a
si vivement frappé à Saint- Pétersboiirg et à Moscou. Quel
étrange contraste entre ce paysan qui vient vendre pour une
soinine modique les produits du sol qu'il a péniblement la-
bouré, el les heureux citadins, au milieu desquels il che-
mine ! A sa charrette, il attelle avec de mauvaises cordes qua-
tre chevaux si petits, si maigres, si décharnés, que nos che-
vaux de fiacres pourraient, à côté de ceu.x-ci, passer puni
des coursiers de Chantilly pur-sang. Pour tout vêtement, il
ne porte le plus souvent qu un large pantalon en loile et une
chemise dont il serait diflicile de reconnaître la couleur primi-
tive (t). Point de bas ni de .souliers, un vieux feutre déleini
el râpé lui couvre la tête, el de longs clie\ eux noirs, qu'il gni -
se le matin avec du lard, tombent sur ses joues ainai^i
Quelquefois il se drape dans un manteau en laine on >\
une peau de brebis eraillée, déchiquetée. Callot et Mm
n'ont pas peint nue ligure plus hâve, ni un coslume phi-
liibré. Près de lui passe l'oflicior hongrois avec son uiiile
élincelant de broderies d'or et d'argent, le jeune /éyi.v/e,
jurai avec son pantalon noir orné de lïanges en soie, la :
rette sur la tête, le sabre au côté. Près de la malheui.
voiture courent les landaus des magnais avec leur Lui,
attelage et leurs laquais en grande livrée, el près de la s, |.
échoppe où il s'en va, quand il a fini son marché, savoin 1 1
pour quelques kreuzers un verre d'eau-de-vie, ou dévori i un
melon vert, s'élèvent les riches hôtelleries où l'on étale aux
yeux avides des gastronomes des cartes qui rivaliseraient
avec celles du Palais-Koyal.
A voir cet homme traverser les belles rues de Pesth i\
ces haillons, il ne faudrait cependant pas le croire si ii
rable qu'il le parait. Beaucoup de ces paysans ne soni m
lenient, si paimcinenl \é|iis que par nue sorte de négligi im
sauvage. liiMne,m|i ilr i eii\ ,|iie 1 eh ,ui;;er regarde avec ne
profiiiiile c |:i-smn iies-èdenl ii iiueli|nes lieues de la Mil.
une bonne iiiaisiiii el de bons champs. Grâce aux réfoiiuei
dont la iiobliSM' elle-même a compris la nécessité, la con-
dition despaysansde Hongrie, sans être encore tout ce qu'elle
doit être un jour, nous l'espérons, s'est considérahlenieul
améliorée depuis quelques années; mais retournons à quel-
que aulre point de vue.
Midi sonne à la cathédrale. C'est l'heure où les oisifs re-
viennent de leurs promenades matinales, où les marcbamls
snspendeul leiii s affaires; en un instant toutes les salles a
manger des hôtels sont remplies, ces salles sont vastes, (i . -
jires, bien décorées; on y dîne très-bien et à bon mai
vin, fruits, légumes, poissons du Danube, volaille, pi'
lout se trouve ici en abondance. La Hongrie est l'un des |
les plus nroductifsde l'Europe, et les produclions ne sont | , -
encore élevées au taux des contrées plus peuplées et plus in-
dustrieuses.
A ces tables des hôtels, on peutvoir réunies toutes les di^
ses physionomies que l'on a rencontrées éparses sur la i
Slaves, Alleinands, Vainques, des Arméniens, avec leur
caftan, des Ki.iiuiis ,i\ec leur léger habit parisien, des i
les avec h nis l.uies i^l'eis couverts de boulons en argeu .
jeunes I1iiu::iims, leni lii is d'avoir l'ail un voyage en Fia
eldes femnieseleyanles qui consullentrégulièrcment le ./
tial des .Modes, puis les valets, qui ont comme les ma'
leurs variétés de costumes. Un homme vêtu d'une rediu.
(1) Pour assurer la durée de celte prréieuse chemise et l;i ^a-
laiitir de tonte popul^itioii malfaisanle, ils la trempent dans l.i
«raisse, lenoiivolleni iielenipsàaulrccclleopèralioii,et la \w\-
tenl ainsi pendanl (pialreà cinq ans.
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERShL.
3'J
écarlate avec des brandebourgs en argent, poitant sur la
tète une toque verte ornée d'une plume, vous a salué hum-
blement lorsque vous êtes entré. C'est le concierge. Un autre
s'avance avec uu charmant uniforme de hussard : vaste dol-
man, boites à l'écuyère, pantalon bleu à galons blancs. Vous
vous imaginez peut-être que c'est quelque ordonnance en-
voyée à un oflicier supérieur ; c'est le domestique d'un étu-
diant en médecine. Enfin, pour compléter celte espèce de ka-
léidoscope où passent en un instant tant de couleurs diverses,
voici les soldats de Bnde et de Pestli, les régiments hongrois
et italiens, slaves et allemands ; car l'Autriche, sans sortir des
limites de son empire, peut composer des légions de vingt
peuplades diverses, et elle s'elTorce de réunir autant que pos-
sible les liommes de ses principaux Etats ou d'envoyer en gar-
nison des bataillons d'une contrée dans nue autre, afin que
ses sujets du Nord et du Sud apprennent à se connaître et
à vivre ensemble. C'est là dans la inosaï(pie de son territoire
un de ses moyens de fusion. Si on pouvait lui en indiquer
un plus sûr et pins rapide, on lui rendrait service. A quel-
que nation du reste que ces régiments appartiennent , ils
n'entendent que le commanlement allemand, et bon gré mal-
gré, il faut iju'ils apprennent à le comprendre, la schlaijue
du caporal est 11 ijui, au besoin, ajoute uu énergique com-
mentaire à la parole du lieutenant.
On comprend que dans une population si variée, il y a né-
cessairement une grande variété de langage. Trois idiomes
cependant l'emportent sur les autres : le français, qui est
comme à Slokliolni et à Pétersbuurg, la Urtigue des salons; le
hongrois, loufitemps négligé et qui fait maintenant chai|ue
jour de nouveaux prosélytes, et l'allemand, qui est compris de
toutes les classes ilc la société.
Peslli a été autrefois une ville essentiellement Allemande.
Au Xlll" siècle une chronique la désigne sous ce titre : di-
tissima teMonica villa. Plus tard, par l'elîet des événements
politiques, des guerres, des spéculations commerciales, d'au-
tres colonies sont veimes s'y fixer. A présent on y compte
une dizaine de tribus de ditïérente origine.
Quoique cette villesoil ancienne, elle ne présente plus au-
cun vestige d'antiquité. Les invasions étrangères, les incen-
dies l'ont plus d'une fois ruinée de fond en comble. En 12 iu,
elle est brûlée et dévastée par les Mongols. Bêla IV la re-
construit et y appelle des colons de la Bavière, de la Fran-
conie, de la Saxe, de la Pologne, de l'Italie. Louis I" y li.ve
le siège de la diète. Lu ville a oublié ses désastres, elle s'a-
cranilit, elle prospère. Mais, après la fatale bataille de Mo-
nadz, les farouches soldats de Soliman y entrent le fer et le
feu à la main, la pillent et la saccagent. En lo-il, elle est de
nouveau envahie par les Turcs et reste soixante ans sous leur
domination. Délivrée, en 160:2, de ses maîtres cruels, elle
retombe, deux ans après, une fois encore sous leur joug et
sous le poids de leur venœance. Lorsqu'enlin le duc de Lor-
raine lalTranchit en ItiSH, elle ne présentait que des décom-
bres et SCS habitants étaient dans un profond état de misère.
Léopold i" lui renlit les priviléiies dont elle avait été in-
vestie avant le règne des Turcs. En 1780, elle ne comptait
enci>re que 13,000 habitants. Maintenant elle en a plus de
80,000. En 1780, ce n'élait encore qu'une cité de troisième
ordre, mal bàlie, irrégulière. Maintenant, c'est une capitale
traversée par de larges rues, parsemée de boutiques, de
magasins presque aussi riches que ceux de Vienne, ornée,
dans tous ses quartiers, et surtout aux enviions du Danube,
de très-beaux cdilices.
La ligne de constructions récentes qui borde le quai du
fleuve est d'un aspect vraiment superbe. Là est le thé,itre al-
lemand, construit dans des proportions giL:ante.-;ipies, le Ca-
sino non inoins imposant, l'hiMel de la reine d'Angleterre,
qui ressemble à un palais, plusieurs autres hôtels publics et
particuliers d'une élégante structure. A ipielqiie ili>lance est
le bâtiment de ruidversitc qui mérite aussi d ilre remarqué,
et le Luihvicewn dont l'enceinte déserte' rappelle un des
différends de l'Anlriche et de la lliingrie. Le Ludnviceuin
était destiné à renfermer une écale militaire. La diète avait
voté un million pour la consli uction de cm vaste édilice, où l'on
ne compte pas moins de trois cents chambres. L'impéra-
trice Louise avait all'ectc à la même entreprise une somme
de 1IX),00U francs. Le palatin et les principaux magnais du
royaume avaient tous voulu doter la jeune institution. Mais,
quand le b:Himenl fut achevé, et quand il s'agit de fixer l'or-
ganisation définitive de l'école, le mode d'enseignement qui
y serait adopté, l'Autriche anuonça que les cours y seraient
en allemand. Les magnais proleslèrent contre une telle dis-
position ; ceux qui s'étaient engagés à subvenir de leurs
propres deniers aux frais de c-il établissement, déclarèrent
yu'ils ne s'imposeraient pas un tel sacrifice pécuniaire, pour
laire, des jeunes nobles lionjjrois, des officiers allemands, et
comme l'Autriche persistait dans sa résolution, le Ludovi-
ceuin est resté là, silencieux, inhabité, et la noblesse ina-
gnale aime mieux se priver d un institut militaire que d'en
avoir un où domini'rait renseignement allemand.
Grâce aux pio-ns de Peslli, les belles dames de la Hon-
grie se fi.;urent ai^élnent qu'en habilaul celte ville, elles ne
sont point reléguées dans une obscnii' cité de province, les
négociants se rapproclient de plus en plus de celle ville avec
leurs capitaux, et les poêles l'appellent la porte de l'Orient.
Le commerce a fait ici des miracles dans l'espace d'un
demi-siècle. La population de Pe^lll a été sextuplée, et sans
cesse ses limile> pieiiiièi,.ss','l,ii;;i,sent(l). Iln'y a pas long-
temps, les hiiliilaiit-i il un d.' ses lauli.iiirEs ne nouvaient re-
poser la nuit tant ils élaiiMil imoMiiiKMl/'s par' les cris des
grenouilles. Aii|oiird'liui, ces liiiiv.niK N.,i-lns ont fait place
à une colonie d'ouvuers et de mai chauds. Une preuve frap-
pante delà prospérilé de P.-stli est la promptitude avec la-
quelle elle a réparé l'alTreux désastre (|u'ellc éprouva en 1838
On se sou<.ient encore de celle cllroyable inondation qui me-
(ijR'obcri TovVMSôn. iliii là visita, en irflt, n'en parle nne
comme (l'une ville assez iiisigniliaiileoii l'on ne comnlait cueie
.1.... tn Aiui .-. • t."
j naça d'engloutir la capitale de la Hongrie, de ce cri de dé-
tresse qui retentit dans l'Europe eiilière. Le l.ï mars à mi-
nuit, le llannbe, qui, dans sa plus grande force ne s'était
élevé qu'à 25 pieds de hauteur, s'éleva à 29 pieds 4 ponces,
envahit la ville de ces torrents impétueux auxquels rien ne
résiste, et, en moins de quarante-huit heures ébranla, ren-
versa deux mille maisons. Dans l'espace de sepi ansces maisons
ont été rebilties plus belles, plus solides qu'elles ne l'étaient
auparavant et toutes les traces de cette terrible catastrophe
ont été effacées.
De nombreuses souscriptions ont, il est vrai, été d'un
grand secours aux victimes de l'innondation, mais le com-
merce de Pesth leur a surtout olïert un nouveau moyen de
fortune et une perspective d'avenir: le commerce amène ici,
chaque année, dix mille bateaux de 0 à 8 mille quintaux, et
l'on compte qu'à chaque loire de Pesth il arrive au moins
20,000 chariots à plusieurs chevaux chargés de diverses den-
rées et surtout de produits agricoles. Que l'on donne à cette
ville le chemin de 1er qui doit la iap|iroclier de Vienne, qu'on
achève le pont qui la réunit à BuJe, qu'on ajoute à l'effet de
ces constructions le résullat des proférés toujours croissants
de la navigation du llenve, et, dans quelques années, Pesth
sera, nous osons le dire, l'un des poinis de commerce les
plus considérables de l'Europe.
Les arts et les lettres n'ont point suivi, dans celle ville, le
mouvement progressif de l'industrie ; on ne trouve point ici
ces studieuses habitudes, ces mo'iiis austères de l'Allemagne
du nord. Une ardeur méridionale étincelle dans l'œil noir du
Hongrois, et l'on dirait que le souille voluptueux de l'Orient
agit déjà sur cette contrée. Les cafés, les maisons de jeu entraî-
nent souvent, du malin au soir, unequahtilé déjeunes gens.
Ce n'est point dans cette atmosphère ilnpure que les muses
déploient leurs ailes, que la scietlce implante ses palmes
immortelles.
Il y a cependant ici tout ce qui constitue, tout ce qui an-
nonce la vie scientifique et littéraire, académie, université,
bibliothèque, musée, presse périodique et théâtre.
La fondation de l'académie date de la célèbre diète de i^HS
où l'esprit de nationalité lioiif-'ioise éclata avec une vigueurqiii
étonna l'Autriche. Depuis lon^itemps les Hongrois se plai-
gnaient de l'état de sujétion dans lequel le gouvernement vou-
lait t-nir leur lanaue. A l'usaye du latin avait succédé celui
de l'allemand que l'Autriche s'efforçait d'introduire cl de pro-
pager. Partout les Hongrois réclamaient, dans les affaires
d administration, dans les débats judiciaires, dans les assem-
blées parlementaires, le libre et unique emploi de leur lan-
gue. L'académie fut fondée dans le Imt d'encourager et gui-
der l'élude littéraire de cette langue. Le comte Téleki lui
donna sa bibliollièi|ue, composée de pins de 30,000 volumes.
Le comte SzecKéiiy la dota d'une année de son revenu,
(LW,!)!)!) fr.). D'autres magnats, suivant ce noble exemple,
la gratifièrent de sommes considérables. Aujourd'hui, l'aca-
démie est entièrement constituée. Elle se réunit chaque se-
maine, et, chaque année, publie le recueil de ses disserta-
tions.'Elle emploie une partie de ses fonds à publier les ou-
vrages utiles ; un prix de 200 ducats (13,000 fr.) est réservé
au livre que l'académie juge le mieux écrit. Un autre prix
de 100 ducats est mis au concours. De brillantes espérances
se rattachaient à cette institution, et les Hongrois, avec leur
impatience naturelle, l'accusent de ne les avoir pas réali-
sées. Un tel reproche me semble au moins prématuré; l'aca-
démie hongroise n'a, il est vrai, rien produit encore de très-
saillant, mais elle ne fait en quelque sorte que naiire, et l'i-
dée nationale qui a présidé à sa fondation, et plusieurs des
hommes qui la composent, et l'esprit de progrès qui l'a-
nime, doivent, quelque jour, lui donner une vive et féconde
action.
J'espérais trouver dans un état plus lloris.sant l'université
de Pesth qui date déjà du milieu du dix-septième siècle; qui
de Tirnan fut ramenée en I777à Bude et en 1781 ici, qui,
enfin, est la seule université de la Hongrie. Mais cette uni-
versité, richement dotée et fréquentée par 1,600 élèves, est,
sans aucun doute, l'une des plus pauvres universités d'Eu-
rope. Pas un maître n'y imprime un heureux élan, pas un
homme célèbre n'y apporte l'autorité de son nom et de ses
œuvres; les élèves y suivent inollemenl les cours dont ils ont
besoin pour entrer dans la carrière à laiiuelle ils se desti-
nent, et les examens n'y sont pas difficiles. On m'a cité nu
étudiant qui, après suSi fort lionoiablement ici son dernier
examen, voulut, pour perfectionner son éducation, entrer en-
core dans une aulre université allemande. Là on le soumit
à une épreuve philologique, après laquelle on l'engagea à
vouloir bien d'abord redescendre pour quelque temps aux clas-
ses du gymnase.
Les écrivains ne manquent pointa la presse périodique,
tant s'en faut. 11 yen aici,coiiiiiie i n Allemagne et en France,
des quantités, c'est-à-dire des qu,inlilésdi'|eunes fieiis demi-
savants, demi-lettrés, qui preniii'iit pour une hemense inspi-
ration une réminiscence de lecture et pi no un signe de génie une
ébuUition an cerveau, qui seji'lleiit iiilK'pidenienlàli avers les
domaines de la littérature, anjiuncriiiii avec un roman, de-
main avec un poème épique ou une liaf;édie, et qui, à peine
après avoir mis le point final au bas île leur composition, de-
mandent au ciel un journal ou un libraire pour publier ces
rapides chefs-d'œuvre.
Il parait ici quatre journaux allemands dont les colonnes
sont souvent bien ternes. Le l'cslhrr /rifung se distin^ine
cependant par des articles sérieux cpii lnucheiit aux iiili'MéIs
réels du pays, l-it les jmii n.iuv liiiii;:iHi-; nnl, ihins les iliroiè-
rcs années, souleiin. p:iif,iis a\M- un n'io;iiqii;ilile ImI.iiI, la
polémique soulevée à loul iiislaîit par t:inl de questions qui
s'agitent en Hongrie : (pilotions i\f lepiésenlalion nationale
el de liberté, de privilé^'i's ai isioiiatiquns et d'affranchisse-
ment du pHiiple. Si ces journaux ont encore souvent une
leinte pille et un langage embarrassé, la faute n'en est pas
toujours à ceux qui les dîrigetli, mais à l'impérieuse domina-
tion de la censure.
La censure est ici presque aussi sévère qu'en Autriche.
Tous les livres procrits à Vienne le sont également à Pesth,
elles trois imprimeurs de celle ville ne publient que des li-
vres parfaitement inofi'ensifs. Cependant il est avec les ri-
gueurs mêmes de l'absolutisme des accommodements. Quand
un Hongrois s'est avisé d'éirire un livre que la ccnsuie mu-
tilerait impitoyablement ou repousserait loin d'elle avec ef-
froi, il lefail imprimera Leipzig, d'cù on le renvoie par cen-
taines d'exemplaires en contiçbande à Pesth. Si celte contie-
bande échappe réellement à la vigilance de la police anlii-
chiennc, ou si l'on lerme volontairement les yeux hà-dessus,
je ne sais, le fait est que le livie dangereux poursuit sa route
et arrive à son but.
Le mouvement continu des librairies de Pesth prouverait
du moins que si les Hongrois ile s'accommodent pas des lon-
gues et patientes études, ils aiment au moins la lecture. Il
n'y a pas une de ces librairies où l'on ne trouve un très-bon
assortiment d'ouvrages français, anglais, allemands.
L'établi«sementle plus remarquable de Peslh est son mu-
sée national, fondé en 1803, par le comte François Szcchény,
doté par lui d'une bibliothèque de choix, d'une collerlioii
précieuse de médailles, enrichi par d'autres magnais d'une
quantité d'objets rares et curieux. Bienlot remplacement où
l'on avait rangé ces dons patrioliqnes s'est trouvé trop petit.
Un nouvel édifice s'élève dans le Josephstadt, édifice large
et splendide où l'on travaille à ranger systématiiiuenient
toutes les richesses amassées pendant quarante ans ; d'un coté,
les monuments historiques de l'aiiliqiiilé et du mojeii fige:
vases en terre et en bronze, inscri[ili()iis romaines, uiniures
de chevaliers ; de l'autre, les médailles et les monnaies dont
la collection remonte jusqu'au règne de saint Etienne, le
premier roi chrétien de la Hongrie ; ici les livres et les ni;i-
nuscrits, la plupart relatifs à l'histoire de la contrée ; là, les
rayons et labfi'llesileslini'saux sciences naturelles.
Deux théàlKs allncnl l'alleiilion des amateurs de Pesth :
le théâtre allemand et le lliéàlre lioufiiois. Le premier |Ouis-
sail, il y a quelques années, d'une ^i;iiiil.' \.)_iii'; il est à
présent fort délaissé. Il est cependiinl rclili ,1,, ;; une très-
belle salle, et possède de bons acieiiis. ,M;iis I, s leuvies ori-
ginales lui manquent, el ce qui lui nuit suilont, c'est le voi-
sinage du théâtre hongrois. On joue encore ici un assez grand
nombre de comédies et de vaudevilles traduits du bancals,
mais non moins souvent des pièces originales. La direction,
pour augmenter son répertoire, a établi une espèce de con-
cours qui excite parmi Its écrivains une vive émulation ; elle
donne une prime de cent ducats pour l'œuvre qui est jugée
la meilleure, cinquante pour la seconde, et assure en outre à
l'auteur un tiers des receltes, sa vie durant. Deux jeunes
poètes ont déjà livré à ce théâtre une quarantaine de drames
et de comédies qu'ils ne veulent ni imprimer ni livrer à la
traduction allemande. H faul, pour les connaître, les voir sur
la scène, elle peuple y coiiil ;ivi leinpiessement et applaudit
avec transport à ces pièces cnnii, ..,,>. mhIi-s traditions hon-
groises, écrites dans la lall^llr In ii^ini-c et jouées par des
acteurs hongrois. Ni la diète ni lu cuuioiiiie n'ont coiilribué
à la création de ce théâtre. Le gonvernenieni même, qui
n'aime point toutes ces manifestations d'esprit iialimial, vou-
lait l'empêcher, et malgré les résistances de l'administration,
(fuclques gentilshommes magiars persévérèrent dans leur
idée. Ils commencèrent par former à Bude un modeste éta-
blissement. Le succès de ces premières tentatives les encou-
ragea. En 1834, ils ouvrirent une souscription pour établir,
sur une plus grande échelle, le théâtre hongrois à Peslh, et
tout alla au gré de leurs vœux. J'ai assisté là à la représenta-
tion d'un drame qui date déjà de plusieurs années. C'était
par une de ces chaudes soirées d'été où l'on ne se renferme
pas volontiers dans une salle de spectacle : le thé;Hie est si-
tué àTextrémilé delà ville, et il était rempli. A chaque acte
on rappelait avec des cris d'enthousiasme extiaoïdinaiiv trois
ou quatre acteurs. A la fin de la pièce, on lesiappi-ladenou-
veau, et je crus que l'édifice s'écroulerait sous le tonnerre
des applaudissements (1).
Le voyageur ne quittera pas Pesth sans visiter encore un
établissement qui a été pour celle ville une heureuse iiino-
valion. Je veux parler du ca^ilm fondé en Ls.'O. C'est aujour-
d'hui l'un des principaux poinis de réunion de l.i haute
société hongroise; on y trouve les meilleurs recueils pério-
diques de la France, lie l'Angleterre, de l'Alleinai^ne. l'iie
bibliothèque composée d'ouvrages modernes, peu iiiiiuliii'use
encore, mais qui .s'afjrandil smis cesse. Les éliaii;;ers sont
reçus là avec la plus ri;ii i. n^' inbanité. Il leur suffit d'in-
voquer leur titre d'élr;iii^. i | Iiv admis sans réserve dans
ce club magnifique, iim i tl- >r~. livres, de ses journaux, et
s'asseoir librement à sa table de restaurant comme les fonda-
teurs.
Le casino a été établi à l'instigation el par les soins du
comte Szechény, le fils de celui i|ui a doté de sa bihliolhèque
et de sa collection de médailles le musée hislorique. I.e> si'U-
liments généreux, les grandes iilées palrioliipies sont héré-
ditaires dans cette famille. C'est ce même comte Szechény
qui a contribué à la formation de l'Académie hongroise. Cesi
lui qui a fait décider la consiruclion du nouveau pont (le
Bude. C'est lui enfin qui le premier osa descendre sur un
yacht les cataractes du Danube, pour prouver à ses compa-
triotes la possibilité de le franchir avec un balean à vapeur.
C'est à lui que l'Autriche est redevable du nrl èhm
imprimé par là à son commerce, Peslh de mi inn-piiiii' ,ii-
tnelle, la Hongrie entière de tout ce ipii a . ir lail ilr plus
sage et de plus intelligent pour accroilie son biin-èlii' maté-
l'icl, et constituer ou affermir sa nationalité.
X. MARMIEII.
(1) Lorsque les travaux de construction de ce théâtre fureril
commencés, 011 vil venir un pauvre ouvrier qui ilêelarj que,
n'élanl pas assez riidu' pinu i nuliilniii dr s;i liuiirsi' a r.-iiu
entreprise nalionali*, il il ■ mi i I m i > iia\,ollcr niiiii/,c imirs
graluitemeiil. EntSiO, |i - .i ik,,,,! v.io- mir soiniiic il,- i j:,,ooo
francs pour le soutien il'' ri-i rlililissi'im'iit et niii- simunc de
tiOO,OUU Iraiics pour la consiruclion d'un plus ijraiid iLuilrc.
L'ILLUSTilATION, JOURNAL UNIVERSEL.
lie ITIiiare d'artillepie.
De tons les musées
que renferme Paris,
le plus goûté du
pu blic parisien, c'est
le Musée d'arlil-
lerie. Est-ce à dire
pour <'i',l:i que tous
1|. cnlllKlI-rnl ■' CM
aïKinir r,M(iii. l'ics-
qurliUlsrll nul Ikmij-
coup entendu parler,
et répèlent ce qu'ils
en ont entendu dire;
quant 'd le visiter par
eux-mémos, c'estune
autre afiaire. Ils n'en
ont pas le temps au-
jourd'hui; mais ils le
visiteront la semai-
ne prochaine. Pour
épargner aux curieux
retardataires la peine
de se donner un plai-
sirqu'ilsonltropsous
)a main, je leur ren-
drai le service de leur
dire ce que le Musée
d'artillerie n'est pas;
j'essayerai ensuite
de leur apprendre ce
qu'il est. — Jusqu'en
1850. le Musée d'ar-
tillerie fut pour le
peuple parisien une
SDrle d'arsenal , une
espèce de salle d'ar-
mes où sabres et fu-
sils étaient em-
pilés, prêts à être dé-
gainés ou amorcés
pour servir la cause
du pouvoir. Le 2'.i
juillet, les insurgés
vinrent pour s'ap-
provisionner à cel
inépuisabledépôt, et
ils en sortirent tellc-
mentdésappointéspar
cequ'ils avaient trou-
vé, tellement embar
rassés de ce qu'ils
avaient enlevé, que
de ce jour on peut di-
re que les émotions
populaires ne furent
plus à craindre pour
cette inappréciable
collection. 11 est vrai
que le peuple, en en-
fant colère , brisa
comme un ouragan
qui passe, tout ce qui
lui parut inutile, ou
du moins inutilisable
dans le cas présent,
et qu'il laissa une 1er
rible carte de visite
au musée de Saint
Thomas - d'Aquin ;
mais ajourd'hui le
désastre est réparé ;
presque tout ce qui
L'ILLUSTRATION, JOURNALl UNIVERSEL.
avait été pris par les liommes aux bras
nus est rentri' dans les galeries ; et s'il
manque encore quelque arme précieuse
dont il n'est resté de trace que sur les
anciens catalogues, il faut l'imputer à Va-
utour de quelques anialeurs forcenés des
objets d'art.
Le Musée d'artillerie n'est donc en au-
«■inie façon un magasin d'armes en ser-
vice, une succursale de la salle d'armes
de VinciMiiii'S.
Oii'ejl-il alors'.' une opulente collection
où loulcs le< armes qui, depuis la lin du
quinzième siècle, ont tour à tour été em-
ployées parmi les gens de guerre, sont
représentées par de rares éclianlil-
lons arrachés à la dent rongeuse des
siècles et recueillies à grands Irais par le
(Targc du roi M,ith
(Casque de Henri II.)
corps de l'artillerie. A voir en détail les
riches séries d'armes offensives et défen-
sives qui se trouvent réunies dans les ga-
leries du Musée, on peut aisément se ren-
dre compte de toutes les modifications
que les moyens de destruction si précieux
à l'homme ont incessamment reçues avant
d'arriver à ce degré de perfection qu'ils
ont atteint aujourd'hui, et qui fait que
la solution de ce problème Inmlaniental :
comment twr vite et liien'.' est .\ présent
lapins Siilisfaisaiile pcissilile.
Av;int ilr ilnnniT ,iii lecteur une idée
de l..ti|r-|,', iirlirs^rMlniTsesque renfer-
me !,■ Miis.'c il';!! hlliTir, il est bon, ceme
semble, de lui raconter le plus brièvement
que je le pourrai, comment ce musée s'est
formé*, et comment il s'est développé
(Armure du milieu du qui
le.) [É-fét du coDçétjb;.:
de Fnnec.)
.\rmure Av tournoi au quinziL-me siècle.',
L'ILLLSTIUTIUIN, JOUllJNAL UNIVERSEL.
pour devenir l'un des pins riches, sinon le plus riclie de lEu-
l'upe.
1,1! corps de l'arlilléHe a toujours été trop «ravfe et trop
(li;;iii' pour pi'ini'riic-n'oriiii iiiihh.' dans li> sfui hiil de ch;ir-
,nrv lr^ i.' I\ ilr 1,1 llllll I il llllc. Il llll lall.lil lilirlIV .|ll ■ ri'|:i lii.lll'
cil li.jililii T II l:i:i l.llioil ; ,III^M l.l snili' cl l|!l|(|IC' l,li-n|| i{lli
l'ilil .IrlMIII ,1-1 elle l'I.' 1,1 ccllihillc Ijllc IcVMlIlcn (I uni'
cnlli'clnill I ,11 ur , C'IIIIC- cl licilcllic, ;,l|-si cm (ilclc, IJUU
|l,,^sllilr, ,-,,,|,ill lllir ^,,111, c i,h'lilll-,llll • irill.llllrllnll, Cl par
Miili- llll |nii^,,iiil ;iii\ili,iirc (les civ.iu qui d-vaiciil mériter
au cm |K ili' I m lillerie liMiiçaise l'iiunneur de niaiclior en tôte
des riii|is s|n': luii'i de toutes les armées européennes. Dès
i|iic les c'iiidcs (le l'oflicier d'artillerie furent dirigées de ma-
nicrc il eu l'aire un lioiniue do science et non plus seulement
un liiiiiinii; de métier, la nécessité de fonder un musée où
VI ■miraient se classer les nii) Icles de tontes les bunclies i feu,
dis all'iils, lies viiiluici, lies 111 icliiiie^ciai'inesde tout' espèce,
se litiiii|ierieiiMMii,'iil ,M'!iiii. >Miii> LiMii^ XIV, l'aililltri' p.ir-
viiil à llll i-i lune riiiiirniiiiili'iKiusIiMiics lesconstrucliO'isijui
lui i-i.iiciii rniilie, .,, c| le inaieclial diicd'Humières, qui était
alors ^1,1 llll mil Ire (le I .iiine, ordonna de commencer au maga-
sin un il lie 1,1 II ishlle uni' collection de modèles et d'armes
aiicieiiiics, qu'il lui liiujniiis facile decmisulter lorsque les be-
soins du service le II 'cc,>iici,iicui. Eu I09i, le dnc du Maine
succéda au duc d llumi res ilms la cliaige de grand niaitre,
et niallienreuseineiil les ii.ivaux de construction des modèles
fuient ahaiiiliiiiiiés. Viiil apics lui le comte d'Eu, qui ne prit
pasiioii plus !;iauil iiilérètaii.\ modèles du magasin royal. En
I7.'i,'i, la cliai^'c ilciiiMiiil uiiilie ayant été supprimée, M. de
Vallicrc lui ne pr r inspecteur général de l'artillerie,
et il s"ein|ness m|,' I III,' ii .lus.uiier ù Paris des armes extrai-
tes des arscuan\ lie 1,1 pnn inec ciqiii m inquaient à la collec-
tion de la B,istille. Un iiiveniauc iic i e pieniier musée, daté
delTbO, existe encore, cl ,iii(^i' l,i panvicic des résultats
obtenus jusqu'à cette épinpic. \,imciii(nil li'iuiiiislre Clioiseul
prescrivit à MM. de Vallieie et de Grilie iii\,il, pai une Idlte
du mois de janvier de 1769, de presser le il.'\c!n|i|ieiueiil tU-
la collection de modèles déposés h la Bastille, des diùicullés
d'exécnlion cnlravèrent la bonne volonté du ministre, et le
di'prit de luiiilcles etd'armes continua d'être ce i|u'il avaitété
simsl.iuiis XIV.
En 178S, le projet de former un vaste dépôt de modèles
pour servir à l'instruction des officiers d'artillerie fut repris
avec ardeur; nuis les événements de l'année suivante non-
seulement en retardèrent l'exécution, mais amenèrent la des-
truction presque complète delà collection déjà formée. Leli
juillet ns'j. II! peuple enleva de vive force la Bastille, qui fut
rasée; l'arsenal d'artillerie fut dévasté ; toutes les armes qu'il
contenait, anciennes ou modernes, bonnes ou inutiles, furent
enlevées ; les modèles furent brisés on dispersés. Ainsi périt
à son berceau le premier musée de la Bastille. Mais l'artillerie
ne se découragea pas; elle s'empressa de réclamer sur-le-
champ la réorganisation d'un semblable dépôt, et longtemps
elle le réclama vainemenl. De 1791 à 1794, les manufactures
d'armes françaises ne piiniil siiltire à alimenter les nombreux
corps d'aniii'e mis eu i ampauuc sur toutes les frontières; on
eut recours aii\ ir'pusilinns, e| celles-ci amenèrent dans les
arsenaux de l'arlilleiic une ijcindc quantité d'armes ancien-
nes et modernes, neaniniip d'ciihc elles furent mises aux
ferrailles de rebul d vcu lues a vil pri\; d'autres furent re-
cueillies avec imlilïéreiice et attendirent que des arsenaux
provinciaux on les fit al'lluer sur le dépôt central de l'artil-
lerie. Le sieur Re;;uier, attaché à la commission chargée de
l'examen et du clii-'^eunnii des armes obtenues par ce moyen,
eut l'iieureuse iili'c d,' iiMinir rians un local séparé toutes les
armes qui iiii pin\,iieiil s'iililiser à l'armée; ce ramassis
devint le iiavan du iiinsee actuel. Le ministre de la guerre
Petii't fui li.cipi' de l'iMiportance que devait nécessairement
acquérir en s ' dciclnppant une collection de ce genre, et il
iinioiina que les allumes, armes et antres objets rassemblés
pai- lle^iiiicr. Iiisseul mis en ordre et rangés dans une des sal-
les de j'aiieieu cniiveiit (les Feuillants.
Le '.I llici inidiir an iii, le comité de Salut public institua
le ilé|ii'il leulial de. I artillerie, et nu article de son arrêté or-
ilomi,i de liMiispiii Icc la colleçlion d'armes et de modèles ap-
parleuaut à l'aiiiM Tie il,iiis le local on devaicnl se lenir les
séances llll CiuiiilivCel. ad ic ic lui e\cciiir' qu'en ran iv 1796).
Rollaiiil, ancien secidnic de (irdicnual, cl iil icii' dcpiisi-
taire des débrisde Ciiieicmu; ,.,,llcc||,„i r.inica. a l,i liaslillc;
le comité lui exprima li désir de vmrce qn'd avnii cniisciM'
réuni à ce que le corps de l'arlil'ci le ,ivaii ims^ciuIIc pai h'..
soins de Régnier. Il lit tout ce qu il él.iil pussildc de lanc
|iour éviter d'ob?ir, et ce ne fut que sur une lettre expresse
du ministre qu'il se décida à obtempérer à un ordre qu'il ne
lui étaii plus permis d'éluder. Dès ce moment, Rolland fut
niiiiinir' iliieclenr et Régnier conservateur du dépôt central.
I.e cmuiii' s'empressa d'exiger des directeurs de province
reuv,u iiiin -liât sur Paris de tout ce (|ne les arsenaux con-
Icn, lient irannes Imiiues senleineiit à li-urer dans nu lunsi'c
Mais l'espèce de iiv,ilil.' qui evisie lnii| s eiiliv le, clil.liv-
seinenls proviuciaiiv c| ,cu\ de 1,, capilalc cnliava lcii:;l aups
l'csécillinii dccci m, h, du ciiimlic 1,-s arsciciiiv il' Slras-
liniii- cl des ,1,111, le, plus liclicscn ainiim- aini.a s, se
mniilicrciil les pin, i l'calcili aiiN cl lie i v| liiciil an\ in-
pinclmiis iValinccs que par des eiivnis insi-iiiliaiiK. il fallut
un ordre l.iinud du l'rcmiiu'Cniisnl < IMli , puin- que Li ;;alerie
de .Sedan lïil versée enllii au di-pol cru-ial de r,ii;-. S'aiaorit
1799 (9 frnciiilor an vu), le iiiiiii-lic lui de iHiuviaii prié
par le cuuiité d'evi^^er rcnviii des ai, ne; cl ai iiiures conser-
vées à Slrasliiinre, llclà iiinivelle inpiiHaKui qui dcnnnira en-
core sans clïcl. |.ail797, le c lie cmicliii son dcpi'il eeniral
d'une sciic de Ici, 'S laali's ladi; an i,,i LiMiis \V1 par le
ijiauaal S,ind Vnhan, cl qui repi ndiusail 1,'s v,,ilni,'s d'ailil-
ieric du svshaïc ,1,' \ ,illi,n,', V. \r lui mimisli,!!,' ni Iraiis-
portée à Paris du p,ilais de Vcis,iillcs, Il,' idail ic.slèe.
En 1797, Remii,., pinp,,,,i an cnnle de cli,ni-ci la déno-
mination de dépiil de r.iinllcnc cniilic icdlc de Musiuini de
l'artillerie, et cette proposition fut rejetée, atleudu que la
première dénomiiialiim élait consacrée par plusieurs arrêtés
tant du comité de S dut public quï du Directoire exécutif.
Toutefois le public, qui Unit toujours par avoir raison, vox
piiindi, eux Oei, s'obstina à nommer Musée d'arlillerie le dé-
pnl d .u mes et de modèles formé auprès du comité de l'arme.
cl ce niiin a lini par prévaloir et par être ofliciellement adopté
eu ISKi.
Les ^'!<. rien, es laiiqiagnes de la Ilépnbliqne et de l'Empire
ne coiiliili e leiii i' I- peu à enrichir le dépôt central, et beau-
coup des iili|ci, prccieii,\qui s'v trouvent classés aujourd'hui
ne sont que des liopliiies de nos victoires. Ainsi l'arsenal de
Strasbourg avait reçu tout ce que l'artillerie avait recueilli
en Alleinaf^uc après la bataille d'Austerlitz, et en 18U8 tous
ces objets l'mcul auieiiés à Paris.
En ISim, rcmpeieureut la malencontreuse idée de faire
transpnrlci an .duM'c des Arts les armures qui se trouvaient
au dépôt central de l'artillerie. A celle nouvelle, le comité
s'émut; il adressa de vives représentations au ministre de la
guerre, qui parvint à faire revenir l'empereur de la décisiim
qu'il avait prise, et le projet de transport des armures au Mu-
sée des Arts fut immédiatement abandonné.
De 1SU7 à 1814, les dures nécessités de la guerre empê-
chèrent les généraux, membres du comité de l'artillerie, de
donner leurs soins à l'accroissement des collections d'armes
et de modèles. Toutefois, en 1808, l'occupation de Madrid
par les Iroupes françaises fournit au prince Murât l'occasion
de repiciidie à la Armeria Keal l'épée de François 1" qui,
ilepnis I; illieiireuse bataille de Pavie, était complaisam-
iiienl él.iK'c pour llatter la vanité castillane. L'infant don An-
tonio refusa d'abord delà restituer; mais Murât le prévint
qu'il la ferait re|irendre de force, si elle ne lui était sur-le-
champ rendue de bonne grâce. L'infant s'empressa d'obéir,
et l'épée du roi-chevalier fut remise en grande pompe au gé-
néral en chef de l'armée d'Espagne. Cette épée, envoyée im-
médiatement à l'empereur, lut donnée par lui au prince de
Nenfcliàlel qui, en 1814, l'olTrit à Louis XVIII, dans le seul
but de lui faire sa cour. Cette épée fut déposée dans une même
ai iiioii e avec celles d'Henri H et d'Henri IV. Le 20 mars 1815,
Napoléon rentrant aux Tuileries, trouva les épées de Fran-
çois I"et d'Henri II sur une table; il les remit alors au général
Gourgaud, en le chargeant de les faire porter au dépôt cen-
tral de l'artillerie. Quant à l'épée d'Henri IV, elle resta aux
Tuileries, fut enlevée par un homme du peuple le 29 juil-
let 1830, puis restituée au roi, qui en a fait don au Musée.
En 1814, la paix ayant ramené à Paris les généraux de l'ar-
me faisant partie du comité, ils s'occupèrent avec empres-
sement des soins à donner à la riche collection déjà formée.
C'est à cette époque que le premier étage du local actuel fut
assigné, tel qu'il est, au classement des séries d'armes et
d'armures. Pour procéder à ce classement, une commission
fut instituée avec les instructions les plus propres à amener
de bons résultais de son travail. Les événements de 1815
vinrent malheureusement arrêter l'exécution des excellents
projets que le comité avait conçus. Les armées étrangères
avaicni i cspcclé le Musée de l'Artillerie en 1814; après le
di'saslic de Waterloo, les o(((cs se promirent bien de se dé-
dommager de ce qu'ils appelaient leur modération passée.
Ils arrivaient à Paris avec l'inlenlion bien arrêtée de confis-
quer à leur prolit le muséi! de .Saint Tlioinas-d'Aquin. Mais leur
dessein futueviné, et anssilôl déjoue que deviné. Les Prussiens
tonchaieiit presque aux barrières de la capitale; en quelques
heures, on con'strnisit cent dix caisses, dans lesquelles on ren-
ferma, tant bien que mal, tous les objets les plus précieux,
jusqu'au moment même où il fallut ordonner le départ du
convoi, sous peine de le voir tomber entre les mains de l'en-
nemi. Cent cinq caisses suivirent l'armée au delà de la Loire,
et furent ensuite renvoyées à La Rochelle, où elles restèrent
en magasin jusqu'en 1820. Les cinq autres caisses, pour les-
quelles les moyens de transport manquèrent, lurent reçues
et cachées chez un coutelier de la rue du Bac, nommé Leri-
clie, qui eut le courage et l'honneur de conserver à l'Etat ce
précieux dépôt. Tout ce qui n'avait pu êlre encaissé fut ca-
ché par les soins de M. Régnier; mais, soit hasard, soit indis-
crétion, les Prussiens eurent vent de la cachette dans laquelle
on avait déposé une magnitique série d'armes d'hasi, el huit
fut enlevé! Ileureiiseiiienl,les/Biiiles de ce coup làchoux porlé
aux collccliniis du dépôt central purent être en iiartie effa-
cées ; à la iiiiiil du ^iniéral Eblé, l'arlillerie acheta la collec-
liim d'aunes qu il s'était formée avec soin et zèle, et bcau-
cnup des |ierlcs que l'on avait subies furent ainsi réparées.
Oiiaiid l'i nuciiil eut évacué le sol de la France, on songea à
liiic revciiii de La Rochelle les cent cinq caisses qui y avaient
éternises à refuge; mais avant d'en ordonner le retour, on
senlit qu'il importait de proliler de l'occasion pour préparer
au Musée un local digne de sa richesse ; de 1816 à 1820,
les travaux, qui ont mis les salles du Musée dans l'état où el-
les se trouvent aujourd'hui, furent exécutés, et les cent cinq
caisses furent ramenées à Paris.
C'esl 11 celle époque qu'une somme annuelle fut assignée sur
le laiil:;, I pai lieu 1 ici de l'artillerie pour renlielienel l'.iccinisse-
inciil des caillicliiuis d'armes et de modèles, .lusqiic-l.t l'ixis-
lonce de ce nnis,'c avait élé presque ignorée du public : il l'ut
admis à i ci inns puiis dans les galeries, el la juste renommée
du Mnsc'c de I Ai lillci le de Paris s'élendit bientôt même à l'é-
tranger.
En 18Ô0, je l'ai déjà dit, le peuple pilla le Musée d'Artil-
lerie. Les deux (ireiniers jours, le conservateur, M. dt! Car-
pegna, parvint à sauver lé précieux dépôt qui lui était ciuilié,
mais le 29, les galeries furent envahies par nue l'iinlc consi-
dérable, et l'on put croire que c'en était fait du Miisce. Tout
ce qui éliiil pr',|iic à r,\llaqiu' ou à la défense avail cti' enlevé;
liuil le ce le av,iil ,1é liirl luallrailiv Le .niisciv,dciir cul as-
sez de lacl cl ,\,' pi,',cm ed'espril pnnrpieiclrc Imilcs les me-
sures (aiiuciKililc-, alin d'.illéniicr les cmis.apiciiccs d'un
.seinblalilcdis,, |,,,,ci de lail, à p,iirudii Icudeinain, TiO jnillel,
les objels enlevés ( aininii m ciciit à rcnircr. Ualoiis-iious de
dire que presque I, mies les pertes snppiirtOes par le Musée ont
élédeiHiis ré|iarées: quatre cents armesau pins ont été perdues.
Dejiuis Ilirs, le Musée n'a cessé le prospérer el de s'accroître
par les ai ijnisilinns ipii se font annnellemeni en son nom.
En 18i."), nue nouvelle salle, deainée à recevoir les modè-
les de l'arlillerie proprement dite, a élé Ouverte au rez-de-
chaussée ; et, en 184.^, il a été admis en piincipe que dans les
galeries des armures serait placée la séile des (ortiails des
grands maîtres de l'arme. Celle heuieuse inno»alionne peut
manquer d'ajouter un grand atlrait de plus à ce musée déjà
si intéressant et si aime du public.
Voici maintenant la description sommaire du Musée de
l'Artillerie.
On y pénètre par un grand vestibule orné de bnuches à feu
appartenaiilà toutes les nations el à toutes les époques, parmi
lesquelles seremarquentdes piècesenlevées à Alger el à Saint-
Jean-d'Ulloa, et desbombardeg abandonnées par les Anglais,
en 1422, devant la place de MeaUx; la chaîne à l'aide de la-
quelle les Turcs , fai.sant le Siège de Vienne, avaient assuré
le ponlde bateaux qui leur facilil.iit les communications d'une
rive à l'autre du Danube,' décore les frises de ce vestibule
diinmenses festons de bon goût. Un arrive à un palier dé-
coré de même de canons anciens formant pilastres et qui
donne entrée dans la salle d'Artillerie proprement dite ; la
sont classés les modèles des divers systèmes d'artillerie qui
ont élé tour à tour adoptés pour le service des armées fran-
çaises, les modèles des artilleries étrangères, les innombrables
projets proposés dans tous les temps el presque toujours re-
jelés comme inutiles ou vicieux, et enfin une précieuse col-
lection de toutes les armes portatives enservice en IS45 dans
les armées européennes.
Une série de sept petites bouches à feu sur affnis anglais,
el enlevées à TIemcen, constitue l'artillerie que l'émir Abd-
el-Kader avtiil créée pour soutenir la guerre contre la France.
Elle est disijbsée sur le terre-plein du palier lui-même. Ou
monte ensuite jusqu'au premier étage, où se trouve la poile
du Musée ijj-oprement dite, ornée à droite el à gauche de
quatre armilres de retires. Celle porte débouche dans la
grande salle dite des Armures, où l'on admire plus de cent
harnais de guerre, tant de cheval que d'homme, et la plupart
d'une conservation parfaite; quelques-unes de ces armures cnl
une origine authentique qui les rend dignes de toute l'at-
tention des curieux; d'autres, par l'élégance du travail, ne
méritent pas moins d'être admirées.
Là se trouve l'armure que François I" portail à la désas-
treuse bataille de Pavie, celles d'Henri II, de Charles IX.
d'Henri III ; un casque d'Henri H, un casque et des brassards
d'Henri IV; l'armure du duc de Guise (le Balafré), celle du
duc de Mayenne, celle du duc d'Epernon, une armure don-
née à Louis XIV par la république de Venise, l'armure du
bâtard .\ntoine de Bourgogne, le casque du connétable Anne
de Montmorency, la tirge du roi de Hongrie Malhias Corvi-
nus el mille autres objels du plus grand prix, répartis parmi
les nombreux trophées qui tapissent les murailles.
Une galerie, adossée à la galerie des Armures, contient là
série dés armes blanches et des armes d'hasi. On y remarque
l'épée de François l", celle d'Henri II, celle d'Henri IV, et
celle qui servit d'insigne à un connétable de France au qua-
torzième siècle. Trois galeries semblables contiennent les
armes à l'eu portatives et ofl'rent en ce genre la plus riche
collection connue, depuis le mousquel à mèche jusqu'au fu-
sil à percussion. Les collections de haches et de niasses d'ar-
mes, d'arbalètes, de pistolets, d'armes blanches orientales,
d'instruments de vérilicalion des bouches à feu, de néces-
saires des contrôleurs d'armes, de modèles de machines, ré-
pondent par leur richesse à l'imporlance du musée qui les
contient. Il serait beaucoup trop long d'énuniérer ici tout ce
que ces galeries renferment d'objets précieux. Un seul chiffre
en dira plus que toutes les descriptions possibles. L'invenlaire
du musée porte plus de 6,000 armes ou modèles dillérenls,
et il m'était permis, ce me semble, d'affirmer qu'un semblable
musée é ait, pour les officiers de l'arlillerie, comme pour les
officiers de toutes les armes, une source inépuisable u'in-
struction.
Je lerininerai par deux simples questions, pour la solution
desquelles je fais appel au bon sens public. Il existe auLonvre
cl à la liibliullicqiie Royale des armures et des armes tout
élonnécs de se trouver ainsi dépaysées ; pourquoi le couverne-
ment n'ordonne-til pas une bonne fois la lianslation de ces
objels au musée spécialement destiné à renfermer tout ce qui
concerne la science des armes"? N'est-il pas vrai, d'ailleurs,
qu'unmusée riuelconques'eniichit toutes les fois (pi'oii le dé-
barrasse des objets qui sont totalement étrangers à sa destina-
lion première, et qui n'y peuvent paraiire, en définitive, que
comme des superfélations inutiles'? Je laisse au lecteur le soin
de répondre.
F. DE Sailcï,
Consertalcurdu Muiéc d'artiHtiu-.
1
li'Eiifant volé.
I.
l'eu de temps après la révolution de Juillet, on a confié la
surveillance des pal.iis et des jardins royaux à d'anciens sous-
ofliciers de l'armée impériale, éloignés du service par les dé-
fiances de la restauration, et c'était cettainemenl une idée
heureuse de donner une retraite honoi-able à ces anciens
braves, comme pour montrer que les services rendus à la
patrie ne sont pas toujours payés jiar ringraliliide el l'oubli.
Aussi prenait-on plaisir à les voir dans l'exercice de leur
charge. Avec leur habit bleu de ciel, l'épée au côté, la croix
sur la poitrine, lorsque, sans rien perdre de leur airg^ave cl
toujours martial, ils réprimandaient doucement les vieilles
femmes qui ne lenaienl pas leurs chiens en laisse, les ga-
mins qui escaladaient les enceintes ou tous autres infracicurs
du réglenicnl.
\eis la lin de l'année I8jO, l'un de ces estimables fonc-
lionnaiies, e\-dragon de la sarde impériale et alors snrveil-
L'ILLUSTIIATIOX, JOURNAL UNIVERSEL.
43
laat au Luxembourg, rentrait un soir, le service terminé,
dans son moJesIe logis, et il rentrait avec une joie inaccou-
tumée. Depuis quelques jours, le brigadier Roblot, c'était
son nom, avait retrouvé piès de ses camarades, son ancienne
gaieté du régiment, leur conlanl, à en perdre baleine, de
niiirveilleuses bistoires de conscrits mysliliiis, de b.isses- cours
[uises il l'eu et à sang, de femmes subjuguées dans tous les
Elils de l'Europe, depuis les noues éplorées des couvents
d'Ë>pagne, jusqu'à ces bûmes et rieuses Allemandes qui s'é-
taient lait une babitude de l'invasion. Hublot fumait des pipes
deux l'ois plus qu'à l'ordinaire, et à peine s'il grondait sa
femme, lorsqu'à son retour, la soupe n'était pas sur la table,
exlialant sa vapeur légère et son odem' de clioux.
Or, voici la cause de cette bonne bumeur de Koblot. Il
avait une lille, restée veuve et mère d'un enfant de cinq ans.
Elle s'était vue obligée de l'aire un voyage d'une quinzaine
de jours, et la veille de son départ, elle avait amené son petit
garçon chez ses père et mère, sacbaiil bien qu'il ne pouvait
être en de meilleures mains... Avec cet enfant, la joie était
entrée dans la maison. Uaa dit que les petlls enfants élaient la
couronne des vieillards; aussi n'y avait-il rois et reines plus
heureux que l'étaient alors Roblot et sa femme. Le soin d'un
jeune enfant pour une bonne grand' mère, c'est le passé qui
revient; c'est un retour aux premiers temps du mariage qui
ont laissé de si doux souvenirs quand le ménage est resté
uni; quant à Koblot, il employait ses loisirs du malin et du
soir à l'aire daiiseï le marmulsur ses genoux; il admirait
alors ses cheveux blonils et bouclés, ses yeux noirs, son pe-
tit nez qui deviendrait un jour aijniiin, et il soulcnail à sa
lenime que sans le < iin|i de sabre <|u'il avait reçu à travers
le visage à la Moskowa, son pelit-liis lui ressemblerait beau-
coup. D'autres fois il s'occu|iait de son éducation, lui appre-
nait il lire, à jurer, à battre le tambour, à manier son petit
fusil de bois, et il voulait parier qu'au retour de sa mère, ii
saurait faire la charge en douze temps.
Cesoir-lii. donc, Koblot rentrait, convoitant ces joies de
(irand-pèrc dont il s'élait lait une douce liabilmle. A peine
dans la maison, il jela les regards autour de lui, et dit aus-
sitôt :
« Où est donc le petit ?
— Il était là tout à l'heure, répondit madame Roblot ; mais
la marchande de gàlijaux est venue le chercher. »
Roblot se dirigea lentement en sifflant un air et jouant avec
sa canne, vers la grille qui ouvre sur la rue d'Enfer : là, il
t'jurna à gauche et dit à la marchande :
« Bonjour, mère Gllion, voulez-vous me rendre notre mio-
che, car je ne l'ai pas vu depuis ce matin, et j'en ai la pépie!
— Il est chez vous, répondit celle-ci; je viens de le recon-
duire jnsqii à Il grille. »
llobhit retourna chez lui plus précipitamment qu'il n'élait
venu, puis il dit en rentrant à sa femme :
Il Pourquoi donc ne nic dis-tu pas que le petit est rentré?
— Vraiment, non; il n'est pas ici, dit madame Roblot d'un
ail" déjà elfaré.
— Pas ici '. c'est impossible ! il est caché quelque part...»
Et le mari et la femme se mirent à appeler à l'envi : « Eu-
gène!... Eugène? Puis ils cherchèrent dans leur p'itite
chambre, sous le lit, dans un cabinet, dans les armoires;
partout enlin, là inème où l'enfant ne pouvait évidemment se
trouver, tant leur tète se troublait, Koldot accompaHiiant ses
perquisitions de jiireineuls à l'aire Irembler, et d'injures à sa
feininc, celle-ci poiis'^anl des gémissements qui bientôt de-
vinrent des cris... Koblot retourna vers la marchande :
« Ah çà! voulez-vous me rendre mon enfant, lui dit-il, je
n'aime pas ces plaisanleriis-là. »
Et sur les protestations sérieuses de la mère Giliou qu'elle
n'avait pasl'enfint, il bouleversa la bouiique et lit un allreux
carnage de carafons, de jiiileaux et de paiiis-d'épice... Il cou-
rut ensuite chez le restaurateur qui fait le coin de la rue
Sainl-Doininiqiie, puis chez tons les voisins; enlin il revint
chez lui, battit sa femme qui pleurait et s'arrachait les che-
veux... Ayant aperçu un de ses camarades qui se dirigeait
vers la grille, il counil à lui :
« Dubois, lui dit-il d'ilné Wîx altérée et haletante. Mon
aniil... à mon secours!... je suis un homme mort!... J'ai
perdu mon enfant... il e^l prdu... Va-t'en à la grille de
l'Observatoire, à celle de l'Odéou, partout... Préviens nos
camarades... préviens la sentinelle... cherche dans les bas-
sins... Oli! mon Dieu!... mon enfant, il est pcut-êlrenoyé...
Moi, je vais... je vais... «
Et il sauta dans un cabriolet qui passait me d'Enfer...
Minuit venait de sonner au palais du
Luxembourg... La pauvre femme du brisadier veill;iil dans
-a cabine. Denx voisines qui étaient auprès d'^'llc faisaient
de; eiïorls pour la consoli'r; mais elle pleurait toii|iiurs...
elle avait enlendii cl compté les sons lointains de l'horloge.
.1 Voilà ininnil, dit-elle, mon mari ne revient pas... »
Au même instant elle entendit un bruit de pas dans le jar-
din... Elle s'élançait vei-s la porle, lorsque Robot entra.
0 Notre enfant!... noire enfant!... » s'écria-t-elle.
Le brigadier, à peine dans la chambre , jeta son chapeau,
essuya son front trempé de sueur.
« Rien, dit-il d'un air sombre; rien... j'ai fait le tour de
Paris: j'ai donné le si;;iialeinent à toutes les barrières... à la
police, dans les journaux... Nous verrons... Ah! dit-il après
une pause, et comme po ir se donner un espoir qu'il n'avait
pas. Cet enfant ne peut pas être perdu... » Il aperçut une
lettre sur la table : elle était de si lille, et elle lui disait qu'elle
serait à Paris dans quatre jours, cl qu'elle était bien impa-
tiente d'embrasser son petit Eui.'èue. «Pauvre mère, dit-il
.ivec désespoir et fondant en larmes. Oh! si elle ne retrouve
pas son enfant... elle ne i'ctronvera pas son père non plus...»
Denx jours se pissèrent... point ne nou-
velles... Le nntin d.i troisième jour, Roblot commença sa
tournée oi"dinaJre à toutes le.s issues de Paris. Arrivé dès le
malin à la barrière d'KnIer, il chercha celui des commis de
l'octroi qui avait paru, les jours précédents, compalir da-
vantage à sa peine, et l'ayant aperçu comme il visitait la voi-
lure d'une lailière, il s'approcha de lui avec un air triste et
désespéré.
« Eli bien! lui dit-il.
— Ah! c'est vous, mon brave homme, dit l'employé. Hé-
las! je n'ai rien de bon à vous annoncer... Tenez, dit-il à la
laitière; voilà un pauvre grand-père qui est bien malheureux,
on lui a volé son enfant.
— Volé! s'écria la lailière.
— Oui, quelque méchante créature qui aura pris cet en-
fant pour le faire mendier, car, sans cela on le retrouverait.
— Ah! seigneur Dieu, dit la laitière, quel malheur! Si on
me volait mon enfant .. j'aimerais cent fois mieux le voir
mort. Pauvres petits anges, au moins on est sur qu'ils ne
sonirrent pas... Et y a-t-il longtemps de cela?
— Deux jours.
— Est-ce qu'on l'aurait amené par ici?
— Dame ! on ne sait pas. Mais c'est possible... l'enfant a
été pris au Luxembourg.
— Deux jours ! répéla la laitière, en paraissant interroger
ses souvenirs. Attendez donc... quel âge a-t-il, l'enlant?
— Cinq ans, dit vivement Roblot.
— Un joli enfant?
— Oh! joli, connue nn amour.
— Des clif\on\ hloinls... bouclés...
^ — Des cloneiix blonds et bouclés, réjiéla Uidjlot, pour qui
s'ouvrait une lueur d'espérance.
— Des yeux bruns?
— Des yeux bruns et fendus comme des amandes... Eh
bien !
— C'est que... reprit la laitière, voici ce qui m'est arrivé.
Quel jour donc?... Ah! avant-hier matin. Je m'étais enre-
tournée de bonne heure, parce que j'avais tout vendu... à la
inonlagne d'Anlony... Il était dix heures à peu près, je vis
sur la route... une femme... jeune... assez mal vêtue, qui
portail un enfant endormi dans ses bras... elle paraissait ha-
rassée de fatigue et niarcbail avec peine... Quand je passai à
(olé d'elle, elle regarda ma voiture d'un air si triste et si en-
vieux, comme pour dire : « Oh ! que je serais heureuse dans
cite voiture-là ! » que, ma foi ! la pitié me prit, et je ne pus
m'empècher de lui parler : iAn bonne femme, que je lui dis,
vous paraissez bien fatiguée, et voilà un enfant qui est lourd
à porter en moulant et par le grand soleil...
— Oh ! oui, me répondit-elle, je suis bien lasse; mais que
voulez-vous? il faut aller, car nous avons du chemin à faire,
el je ne veux pas laisser marcher ce pauvre petit.
— El où allez-vous donc comme cela?
— A Arpajon.
— A Arpa|on, je lui dis; mais vous n'arriverez jamais...
Allons! montez dans ma voiture; je vous mènerai toujours
jusqu'au-dessus de Longjumeau.
— Ah ! madame, que Dieu vous récompense de votre cha-
rité! 11 me dit-elle. Aussitôt je l'aidai à monter. Je pris le
petit dans mes bras et je le couchai sur la paille. Quand elle
tilt dans la voiture, il semblait qu'elle fût dans le paradis.
Elle me remercia tant de roi.< el de si lion cœur... Elle pril
un sac de toile que j'avais pics de iiidi, en lit une espèce d'o-
reiller qu'elle mit sous la tète de l'enfant; elle délit le mou-
choir de son col et l'arrangea en manière de tenle pour ga-
rantir le petit du soleil, puis elle le regardait dormir et me
dit : « Voyez comme il est joli. »
— C'est lui, s'écria Roblot qui ne pouvait plus se conte-
nir... c'est lui.
— Attendez donc, reprit la laitière, l'enfant se réveilla...
alors, elle le |irit sur ses genoux, l'embrassa mille et mille
fois... elle tira de sa poche, d'abord un morceau de pain
noir qu'elle mit de coté ; c'élait pour elle, apparemment,
pu.s un gâteau (ju'elle donna à l'enfant ; ensiiile elle le lit
Imire dans une petite bouteille où il paraissait y avoir de
l'ean sucrée... Quand l'enfant eut fini son repas, il se mil à
babiller.... Je me rappelle qu'il parla de sa maman...
— Ah ! ah! ht Koblot en ouvrant de grands yeux.
— Alors la femme, il me semble que je la vois encore, de-
vint tonte rouge, et me jeta nnregard décote.... «L'aimes-
lii bien ta maman?» lui dit-elle, el elle l'embrassa. L'enfant
ne répondit pas. Mais quelques insi mis après il dit • « Tu vas
me mener chez bon papa... » A ces mots, Koblot lit un bond
et ne put en entendre davantage.... «Voyez-vous! sécria-
t-il, sans rélléchir (|ne cet enfant pouvailavoirnn grand-père
aulre que lui... Merci, ma brave femme, «dit-il à la lailière,
et il allait la quilter; maisil se rappela qu'il n'avait qu'une
iiidicalion 1res- vague; il ajoutai aussitôt: «Et où l'avez-vons
laissée cette voleuse ?... celle...
— Sur la grand'roule d'Orléans, dit la laitière; quand je
fus devant le chemin qui mène chez nous, elle descendit, me
remercia encore, et continua sa roule, tenant l'enfant par la
iiiiin.
— C'est tout re qu'il faut, dit le brigadier, nous la tenons.
— Mais mon pauvre homme, reprit la laitière, prenez bien
garde de vous faire une fausse joie... Si vous alliez vous
tromper... Celle femme avait tant de soin de l'enfant, qu'elle
pourrait bien être sa mère...
— Je vous dis que c'est lui , » répondit-il. Il ne voulut
plus rien écouler, il pria la lailière de prévenir en passant
sa femme qu'il allait à Arpajon, à Elampcs, à Bordeaux, s'il
le fallait; et, cela dit, il monta dans un coucou qui vint à
passer...
Il arriva à Arpajon, non sans avoir conté an cocher et aux
voyageurs son histoire qui intéressait les liotnmes, fai.sait
I b-iirer les femmes et valait des coups de fouet aux pauvres
I !ievanx.
Là il recommença son enqnêle ; mais elle n'çnt aucun ré-
sultat. La grande rue, qui foriii'' à elle seule toute la ville
(III boiira d'Arpajon, est lellt ni fréquentée, puisque c'est
la prand'route dé Paris à Bordeaux, ipi'une l'enime et un en-
fant avaient bien pu y passer sans qu'on le remarquai. Dans
les auberges, à la mairie, on ne savait rien. Roblot, au dé-
sespoir, songeait à faire une visite domiciliaire dans chaque
maison, lorsqu'il vit la diligence d'Etampes, arrêtée devant
un hôtel. Il s'adressa au conducteur et lui demanda si ces
jours derniers il n'av;iit pas mené une femme et un enfant
dont il donnait le sigiialeiueiit.
«Non, répondit celui-ci; mais hier à Etampes, en allant
porter un paquet à l'hospice, j'y ai vu entrer, tenant un en-
tant dans ses bras, une jeune femme qui paraissait bien fa-
tiguée et bien mi^érable... C'est peut-être votre all'aire. »
_ Koblot parlil jiour Elampes, et, arrivé là, il l'ut bientôt à
l'hospice. 11 rencontra dans la cour une sœur de chaiilé :
«Madame, lui dit.il, ne serait-il pas entré ici, dans la
journée d'hier, une femme avec un jeune enfant?
■— Hier, oui, monsieur, répondit la sœur ; c'est moi-même
qui l'ai reçue.
— Ah! ma bonne sœur, vous me sauvez la vie, s'écria
Roblot, en se jelanl au col de la pauvre religieuse, qui parut
inlerdile et toute confuse de ce témoignage énergique de
reconnaissance... Où est-il? où est-il, mou petit garçon?
— Votre petit garçon! répéla la sœur. Comment? pour-
riez-TOUS m'expliquer?
— Ail ! c'est juste, dit Roblot qui comprit à la fin qu'on
pouvait le prendre pour nn fou, c'est mon nelil-lils quim'aélé
volé, volé par celle femme, el que je cherche depuis trois
jours... Vous comprenez, n'est-ce pas ?... Allons tout de
suite... »
El il entraînait la sœur.
Quand ils lurent à l'entrée du dortoir...
«Attendez, dit la religieuse à Roblot, car cette femme est
malade.
— Je nié soucie bien qu'elle soit malade, la gueuse; don-
nez-moi mon eiifaht.
— Mon liicu ! monsieur, ayez donc un peu de patience ; il
ne faut pas la tuer, non plus... Voyez-vous, elle dort et l'en-
fant est là qui joue sur son lit.... Elle n'a pas voulu s'en sé-
parer, et comme sa maladie n'a rien de contagieux, c'est
une fièvre de lait, on ne s'y est pas opposé... ■>
La bonne sœur s'approi lia doucement de la jeune femme
endorn ie ; elle prit l'enfant dans ses bras et l'apporla à Ro-
blot, qu'il appela aiissilôt : « lion pa|>a. «
Ici il l'aiil iciioiiccr à peindre la joie du pauvre grand-
père... Depuis le jour où l'empereur lui avait donné la croix
sur le cbam|) de balaille, il n'avait pas joui d'un pareil bon-
heur... Il emporta son petit garçon avec tant de précipita-
tion, qu'il avait, à son tour, l'air d'un voleur.
« Mais, monsieur, lui cria la sœur, j'ai besoin de savoir...
— Laissez donc, lépondil-il en se sauvant. Sa mère arrive
aujourd'hui, il faul qu'elle le retrouve... Roblot, gardien-
brigadier au jardin du Luxembourg. »
H.
Le vol d'un enfant, crime heureusement très-rare, a élé
sagement prévu et puni par nos lois.
Louise Séchard, sur la pl.iinte de Holiint, comparut donc
devant la cuiir d'assisrs de Versailles, le 17 août l.S.'l ; elle
avait déjà pris plaie au banc des accusés. Les yeux des spec-
tateursseportaicii! alhi iialiv.iio'iil sm ellr cl Mir Koblot, qui
était assis au nomlur ilr. ii'inmii,, ,naiii -nn |ii'iii-|iis sur ses
genoux. Il avait l.i ^i \f h mi, ,1,- l.i i-a,li.i, Ihabil bleu-
clair tout neuf, les rnaiil.'iirs riiii;j(s Imcii loiiniies, la poi-
trine bombée comme une cuirasse el où brillait sa croi.x
d'honneur. On ne saurait dire quelles avaient été ses joies,
el quelle importance il s'était donnée lorsque, avant l'au-
dience, les jurés qui n'étaient pas dans l'affaire et les habi-
tués bavards de la cour d'assises s'étaient approchés de lui
en disant : «C'est là l'enfant, n'est-ce pas, monsieur? — Oh!
le joli petit garçon! — Vmisêtts le grand-père? — C'est vous
ijui l'avez retnuivé à Elanipes? — Vousavezdûbieii souffrir?»
A toutes ces demandes, Roblot répondait en frisant sa
mousiache, en relevant sa cravate avec une fatuilé de grand-
père qui aiifall fait rire si sa vue n'avait rappelé en même
temps une de ces grandes douleurs que tout le monde com-
prend.
Avant dé retrouver son enfant, il s'était toujours repré-
senlé la voleuse comme une abominable mendiante dont la
vue devait Olire liorreur. Même à son retour d'Elanipes, en-
core loill entier à son indignalion, il était aie demamler jus-
lice, en disant qu'il n'y avait pas d'assez grands supplices
pour de pareilles créaliii es ; mais à la cour d'assises, ses hor-
ribles ci.iinlcs sélaieiil évanouies; si's lonniienls paternels
avaiciii cc-si', el au lieu deloiit cela, il sentait au cœur cette
joie indicible de jHisséder son eiilaiil, de le leiiir sur .ses
genoux... Il pouvait donc voirl'accnsi'i' telle qu'elle était, et
il n'éprouvait à sa vue d'autre senliiiii'iit que la compassion.
uSavez-vous, dit-il à son voisin, que c'est une belle lille?»
En effet, Louise était belle : ses traits un peu forts, mais
arrondis , manquaient sans doute de distinction, mais ils
avaient une expression bien marquée de douceur, et, chose
sini-'iilièie, dn leslie, ce qui arrive parfois, quelles qu'aient
éli' 1rs ■■niiillnics (lu corps, quand le cœurn'esl pas corrompu.
Sa mis.' cl.iii rxeiiiple de recherche, mais non de soin. Elle
avait une atlilude humble et triste qu'on aurait pu d'abord
allribuer à son repentir ; loulefois, en la voyant jeter sans
cesse des regards lurlifsel tendres sur ce bel enfant dont elle
s'était faite un instant la mère, il semblait qu'elle efti peine
à cmnprendii' sim ciinie et surtout à s'en repentir, tant elle
y avait trouve de Imnlieiir.
Aux premières questions du président, elle répondit qu'elle
avait vingt ans el qu'elle élait née au village de Vouneuil,
près Poitiers.
Quand on lui demanda quelle était sa profession, elle rou-
git et gardail h' silence. Sur l'iusislance du président:
«Hélas! nes-icurs, dil-elle, je ne suis qu'une pauvre fille
d'amour, ayez pitié d-' moi.» Et elle se mit à pleurer.
Elle ne liia [loiiit le f.iil (ju'oii lui reprochait.
B. P.
(La fin à un prochain numéro.)
4-4
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
lies BoiMSonH.
^^'^ Bon C IDRE J^''^'^'^' -'
L'ILLUSTUATION, JOURNAL UNIVERSEL.
45
lies Boieaoïis,
LEAL'-DE-VIE,
iiMà
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
\
Bulictla biblSiOKraythlfiuM.
Statistique générale méthodique et complète de la France,
comparée aux autres grandes puissances de l'Europe; par
M. y H. SciiNiT7,i.i!H. i vol. in-8. — Paris. ISli;. //. Lp-
l>run, rue du Hasard-llicliclicu.
Vr,l
rajîc est, selon son :iiil(Mir, li- ilowlopipe-
"imI(. 1;, v|:,lisli.|iM-:,|.|.liM""':i 1^' l'i.iiice;
,..s ,„,r,T/.w/„.,.,,v ,/„,»■ /"7'"'"""" "'■y""'"'-
If li.l.l.Mu loiiii.lc'l (ju |.;iiu.'l H,s,'lrlin:nls
r,,iil la !,]■(. -i»-i'ilc, la ri.irc, la ^raiiilcii]' il'mir nalicin. " La
llr (I.Mil
ilil
M.
M cxiio^aiil liii-iiicMne le
son laihc nu*' jnlinite de
a|i|.nrli'nl lonli-s aj'ttal,
, à sa force el à
iHlUl.^s.Ml liavail, |..'iil a.lni.MH.
maliercs, mais a conililion <\» rW
qu'elles conlribuenl plus im njciin^ a sa i k In'sm', a sa lorce el:
sa uloire. Ce qui esl coniplnenirni , nan^cf a l'iiial, la staiisU
que n'a rien à y voir. C'esl de la ,|nrllr a ii.c son nom, forme
(le l'allemand, st,n,l. ou, si I'.m. in.i, ,lrs is .lalusri-ipuUicœ,
siah,srcg„i, souv.'ul plar,-, r„ 1,1,. ,l,i i.tiT ,|,.s |"-l.lrs repu-
hliuues, eUllionsdi;i/(iir I .■ .1, in,i .lu ui,>l ,,/,.(««, pris abso-
lument el synonjnu' .l'.l siiualion, c'esl aller a l'encoiUre
des inlenlions du tondaleur de la science, on monlrer que I on
esl dans une complèle ignorance de l'origine de celle der-
nif^re. » , . • ^ • ,
Après avoir délini la slatislique el l'avoir jusliliee, dans sa
préface, de cerlaines attaques injustes, M. .Schnil/.ler se de-
mande ce qui constitue son caracinr srii-iililique, passe en re-
vue et juge ses avantages et ses lucuiiveiiieiits , el termine
celle introduction en sollicitanl ainsi l'indulgence du ses lec-
teurs : ...
'_« Mieux que personne, nous sentons combien notre ouvrage
est imparfait. Nous avons os,' embrasser la s,ioiii-e dans son eu-
semble, non-seuleiiiciil pai' lapporl a imiIiv pav^, I un ilos mieiiv
connus, mais aussi par rapp.iii aii\ pnii.ip:"i^ I la'.s.lr rhni-opc,
dont nousavons voulu lui iii,- l.-..iiiiaii,Mis Ju, i~,mii i, ;;ard des
situations analogurs d,'. la l'iaii,,'. i: ,'iaii, immu I,- sa\oiis, accu-
muler les dillicuU.s; , ar il a I illii i.iiiiir, ol.i.lor, , li.Hiiue dans
leur langue, les slalislii|iies (,lli,i,/lli's ,li- I' Vii^h |, rii\ de l'Au-
triche, de la liiissir rt de la l'nisse, quand, ndaiiviiuiuit a la
France, inHisavinus .liqa à opérer sur des iiioiioeaux de puhlica-
lions olliih'llrs \(|iiidles nous nous alla, pilons l'un des pre-
miers , pivsqii,/ i,jMi,s ayant été eoinmeucss feiileiiieiil a la
suite de l'Impulsion donnée par M le eouil,' Dueliàlel, dans ses
DacumenU statistiques, t\u] appaili iil a l'auiiie tsr.i, impul-
sion qui s'est coniinnniipi,,- me an ,l,'li,us. Nos riMlierelies,
nous le disons sans craiiu,' d'en,' ilemeiili, mil Puijoui's l'ii'
consciencieuses; mais, avouons-le avec la même Irancliise, nous
avons allaehe encore plus de prix à Iracer le plan de l'edilice, à
arrêter le programme de la science, qu'à porter du premier jet
dans lous les détails une exactitude minutieuse. »
Examinons donc rapidement, sans nous préoccuper des détails,
l'ensemble « de ce tableau des éléments qui font la prospérité,
la f irce et la grandeur de la France »
L'ouvrage de M. Schnilzler se divise en deux parlies d'é-
gale grandeur. La première, qui vient de paraiiie, a pour
litre : Territaire et populnlion ; intérêts suciuu.c ; la seconde, ill-
litlllée Intérêts prives et matériels; prodiictiun et circulalum,
avait été publiée il y a trois ans; mais l'auteur l'a modiliée,
complétée el corrigée, par la réimpression d'une douzaine de
feuilles.
L'iiilr,)iliu'tion géograptiiqiie plaiée en ti''le du premier vo-
liiiii,' , pri'iiil (piall,- .■liapiires. Après un < auip il'ieil général
||.|,.-.iir|'l-;Nro|H..»l. Seliiiil/lerappieeie la place ipie ial'ranceoc-
cup,',laiisiadl,. parli,',lii iiHiiiihe 11 si- diMiiaiide .pudies s,mt ses
lilinle. i,alnrell,.s: il , s apprei i„dl,-. s.iil .,■, iiiilil,-, a,-
llh^lles. les d,.s,|inel, ,le|„. ,||. s, H. e U'ild ne i.JT.I.SI, l,ll,M;,
carri's, plus une liaeli,Mi;, l','l,'ii,lue de ses |i,.sM-sions ir.til.niai
liilom. carres), sou diamètre (lOO.j.Tl kilom. ,1e long), .sa cir-
conférence (4,696 kilom., doiil 2,240 kilom. de Ironlleres terres-
tres el 2,456 kilom. décotes), son climat, ses lignes isolbermes,
la quantité de ses eaux pluviales. .
Un aperçu chorograpliique (chaîne de montagnes, M.liaiis, , ii-
Tiosités de la nature, formations diverses, plai,aii\ ,1 planes
rivages de la mer, dunes, falaises, Ilols, louics , i < leuniis ,lr
fer) et un tableau hydrographique (mers, lacs, lleines et livi,-
les, bassins, cauaiiv), l'orimuil les chapitres 11 et Ili du Terri-
inre. Le idiapiire IV el diouier esl consacre il l'élal du sol et a
Ba pro liiclivil,' naliirelle. M. Schnil/.ler examine les diversiles
que pri'seiiie la lériilité de la France; il publie un tableau des
d,'parleiii,Mils l'iivisagés sous le rapport de leur étendue et de la
naliire ;4,'iiiTale de leur soi; puis il passe en revue leurs riches-
ses naturelles, leurs productions minérales, végétales, animales,
eu les comparant à celles d'autres pays.
Ainsi arrivé à l'examen de la populalion française, M. Schnilz-
ler consacre un premier chapitre a sou état physique el moral ;
il r,Mli,'i-, he ses ,d,Mii,iits constilulifs, il eludie sa langue, sa
11,1 m,' |ili\si I I s, m caractère; puis il aborde , '11110 Ion les h s
^ia\,s el ml, cessa m, s questions que presciiltnl le cliillie ,1
iniis 1,'s ra|.|.,,ris loniieriiiues de la populalion; — deiioiiibri'-
ment n,'ii,aal ,1 r,'pailih,in par ,l,'|!aii,ni,'iils; — mouvement
de la 1 opidahiii, i.N . / ^ ■■•-'■ NI ri^t, i,nr.-,n.. : ^ ,<l. < rs, j/iariages); —
faits iiiii„,'ii,|ie-- ■ iii la |>..|,ui,:i .lAcué'rale et son
nt(Ulveui,'iil [fifj'i'ihn,, „e., </(','./ sfi, •. , j.r.jHirtinn des ûges,
diirre „t„i/r„i,e rt Jurre jir.ilHiljle ili- In riv,, — re|iarlilion de
1.1 popiil.iiioii sur la , aiiipagiie el sur les vilh^s, et sur les liahi-
talions en gi'iieral (™,«;;,H«,',s-, li,ih,i„ii,.ns): — division de la
populalion par class,' (/"V"'/"'"'*, nnule , pnpiilatien itrbaine]\
— condili,,!! ,1,' l.i p,.pulali,Mi a,L;glouieiee.
D'après le i,;i, II-, '1,1, 'Ml il,' Isil ri'clilie, la population de la
France elail ,1e 7,1 leillioiis, un s, pi lime d,- ,',dl,' ,!,■ rKnropi!
l'illiiu-e, ,|Ul poiirlalll vA |iIm . cl, cl !,■ ,li\-l,inl 1,,,- ,1 demie.
Kuc,miparanl,soils,a.rapp,u'l,laF,aii,a-ai,a le le-e., ,,,al,.s piii-
.sancesiha'liurope, ahslraid I.iu,- ,!,■ le,,,. |.,,ss.sst,,iis siluecs
au delà ili's mers ou hors d'Iùirope, M. schnilzler i-onslale que
irois puissauies senlemenl dépassent la France en population
ab iiliiic Ainsi
La monarchie russe eu lùiropi'a près de 56 millions d'habitants;
La ci)iii,',lerai,,i,i e, ic, 7,11 millions el demi ;
L'ciii|,ir,' ,1" Mil, e 11, , , ■uiiii,,iis et demi.
'l'ouUs |,s a, II,, - s s,int dans un état d'infèriorilè.
Lerovaiii,,,- le L, I,, :,,,!, -i:ivl;,.;n,' ,d ,',- l'Irlande ollre mu:
cil II,'
,1e la p,iplllali,,ii ,1,' l.i I ni,, e; la I i,e;ii{,' ,ri':iii'iip,
e lii'l's, el l'I'si-:,'.' ,' i,,e,, l'a-., 1 , ,-s -lall.li iiienl
r,' pr,,porli,.ii. M ii,,„s |,ivi,,,i,s lliali,' ,laiis liiii' :.,,
<l,' l:i popuhdion ,1,' l:i l'i
, i:i:.
■11,'
llble
cil.'
pour mois renlenucr d:,us notre Mcille Liirope, a vingt six lois
la population du grand-duclié de liade, a plus de quinze l'ois
celle de la Suisse, onze fois celle des Pays-ltas el du rorliigal,
près de hiiil f,)is celle des Etats sardes el des deux grands royau-
mes K'aii,liuav,'s ri'uiiis, huit fois au moins celle de la Kelgique,
plus de ipialre fois elle du royaume des Denx-Sicilcs.
En divisant le lolal dû au recensemenl de IS41, :^4,2r,0.1"8
habilanls, par les chllfres de la siipeHicie, ',27,686 kilom. carres,
on trouve la moyenne de la populalion relative de la France, ipii
,1 de pré • • ■ ■ ■
l:i i;i
-llr,
Jl|s,|ll'
:ll ,|a
elili.
lili'd,'
,'ll.' ,1,' 1 , I
la lin:..,u ,M,u,„p...
une, 5 r,|4. Mais la
1 l'établit avec des
i âmes par kilomètre
26; dans la 1 urquie d'Europe, 20
10 1|4; dans la monarchie suèdo-n
comparaison est moins favorable I
Etais .secondaires. Ainsi la Belgique (
carré.
Dans l'Europe loul entière la proportion esl de 25 îinies, dans
le monde, de 6 ilmes par kilomètre carré. L'e.space n'est donc
pas encore près de manquer.
L'accroi.ssement annuel dépasse, en France, 150,000. Il est
donc d'un demi pour cent (0,45S) de la populalion acluelle.
Les naissances sont à la populalion comme \ esl à oi-oV>, (On
eouiple environ i uai-sniices par niaria^ie, el 1 entani iialurel
coiiim,' 1 esl a l'jr,-12."). L'cxcedanl des femmes sur les hom-
mes est de r.:, par i,000.
La populalion des villes est à celle des campagnes comme
O.ôO est à 1 . En d'autres termes, la populalion frai|çaise se com-
pose de 26 millions iriiahil'inls de la campagne el d'environ
8 millions il'liahilMils ,1,'; ;ill,.s
Leshabiiii |:iiii, iiliics s'élèvent an nombre de C mil-
lions !i(in,oiio, l.ll, s , aiiivrai.'iil, en tsrij, une surface de près de
212,(1011 liedan's Eu KSëO, la proporlion des habilanls aux mai-
sons variai! de -{ à 7, el ollrail l:i moyenne de 5, quand on u'ex-
cliiail |,as le depio'lemeiil de la Seine.
Le livre qui suit a pour lilret : Z>cs r„„snmmiiii,.ns nlimm-
taires. M. Schnitzier a divisé cette malie n , iii,| ,'iiapiii,'s :
I" de la quantité el de la valeur des snliMsianns n, , , ssaiies;
2" les substances farineuses; S» viandes ,1,' I",m, 1,,'ri,'; i" l,,,is-
sons;5° le sel. Il résume ain.si la part indispensable, chaque an-
née, à chaque individu pour assurer son existence et celle de ses
animaux domestiques :
Ql'AMITKS. VALEDIl.
bec t.
Céréales
Fouîmes de terre. . . .
Châtaignes
'Viandes de boucherie. .
Boissons fermentees. . .
Spiritueux
Sel
hcc
60 fr, 00 c.
2!)
hecl. 0 0!l
kilog. 24 000
hecl. 1 ir>
hecl. 0 02
kilog. - ô.-.ri
0
00
103 fr. 58 c.
C'esl moins que le calcul de M. I^ulliii de Chàteauvieux. Mais
en applii|iiaul ce coniple à une famille qui se composerait du
père, de la mère et ,1e trois enfants, ce serait toujours environ
tils francs qu'elle aurait à dépenser uniquement pour l'alimen-
lation.
M. Schnitzier a consacré environ cent pages de son premier
volume à un tableau de Paris et à la stalistiqne des autres
grandes villes de France. Nous avons souvent parlé dans ce
journal de la consommalion de Paris, nous n'y reviendrons pas
ici.
Nous passerons rapidement aussi sur le tome second, inliiulé
Des iniéièts sociaux (politiques, moraux et inlellecluels). Les
.lu, rs.'s ,,,i,'sii,,iis ,pie M. Schnilzler traite dans ce volume,
, ,ii : 1' l ! i;ii ,!:,!, s son ensemble et dans ses résultais (nom,
11, ,111, s ,1 ,li\i-ioiis ,1e l'F.tal); 2° la constitution politique de
l'Elal (le roi, 1,'s ,leii\ chambres, riislindions sociales), ri° la
constiiulion religiiiis,' ,,ii ,, , l,'si:,sii,|iii' (rapporls des cultes
avec l'Élalel leur ,liv,'isii,'. ,'iill'' ,'ail,i,li,pie romain, cultes pro-
teslaulsl; 4" ,iii k,,iiv,m ii,'n,,'iil ,1 ,les aulorilés centrales (les
iiiiiiisii'i'es ,1 I,' I,, IIS, il d'lhat);5" de l'adminislralion locale
i.,,liiiiiiisii;ii!,i,, pcpremeiit dite, administration de la justice,
aiiln-s ;Mliiiii,isi,'aii,,iis réunies). ■
!,,■ siip'i ilii 1,1111,' ir isième esl la production on de l'industrie
eu H -rai. Pi ,ipri,ii' l,,ii,'i,'r,'. ,',',M,oiiii,' rurale, exploilalion des
mines et des l'aii a,',,-, iieliislii,' pi ,,|,i eiiieiil di le, telles s,ml les
tilri's de ses ipiali,' i^raiides divisions. Nous leur empruntons
seulement (pielqiies chillres.
Le revenu de la France est , si les calculs de M. Schnitzier
sont justes, de 6 à 7 milliards.
La propriété immobilière représente une valeur de 43 mil-
liards.
L'indusliip agricole produit, chaque année , un revenu brut
dé 5,l05,lir.n,()iiO francs.
L'expluilaliop des mines el carrières donne 100,0(10,000 de
francs.
El l'induslrie crée pour plus de " milliards de valeur.
II Qu'on juge après cela, dit-il, s'il e^f vrai ou non d'allirmer
que la France est avant tout une puissance agricole, el que,
pour elle, la première source de richesses, c'est son sol, fécondé
par le travail.»
, ipiisM'. dans le lome III, le tableau des forces
I s iu,liisii'i,'ll,'s<ie la France, M. Schnilzler
: ■ IV (,1,' la cii','iil:iliou) , son commerce
1-, : ,r:ibi,i,l. eu ;;,'iiei:il, ilaiis sa nature et son
Apr,-
p:,ih
sullals un
pi. -s ,r,'iis(i
lil.'
' 1
'Il 1 1
li,'ldie|'. 1
ar rap-
|ioi'l aux 11
al'.'li
,i,lis,'s iiiip,,
1,','
1. ,'N
aux p;ns
,1,' |,rn-
1,'his nos 1
iris,
coloniaux oi
I..1,,
','.','„',i
Ïà'iïis^'
., d.'siri
>ut ,M li;
dioii ,1e
liirelle-
meiil Iroi
deriii.'r,'
paifail','
liiik
,lac,' s.uis t
, ilit H. Schi
,ls,'SS,'llli,'|s
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:,!,', ,'11
l'illiporl:,,
esl r:igl'i,
le comme
A l'éganl
celui qui
,,' ,1
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s,'s,'vpi„ila
', pcill.'ipal,'
si i,,'aliiii,,,iis
OUI,'!',',' ,'\l,'
1 :,u si'ili 11,
ll,,lll
II, lus
■ ,1e
,'1|,'
II'" p.'
IrN'Ucs
1,11,'SS,
'1 1'' 1
-1 la
,r;'ii„l',''li
Fiai.,',',
el.iiil ,i,l,e eux ,'
id fail, <''esl i|ue
nombreux l'étais, on voisins
h.iulains
delOOmillioiisd'alTaires
avances, iii' soni pas I,'
, el que les moins puissants ou les moii s
|ibis a di'ilaigner sous ce rapport. Les
uns loiiuiissiiii p. s iiialieres premiei,-s ncces.'aires à nos labii-
ques ,1 ,. 1,, Il ,i,,ii:i( turcs; les autres sonl pour miusd'indis-
peiisai ' le.i:, 1 , ,,,1 nous plaçons le surplus de nos produii^
natui, I "11 1,1 II,,:. , inrés, et d'où rellnent sur la Fraio-e des \. -
leurs , pu ,,i, 1,1,1, Oui el soutiennent les grandes exploilalioi,.
I :, |i:,i\ a\, ,' l'iiv. leur aniilie même, esl donc pour nous un ii -
1,1,1 i,'l ,1 puissanl. Mais aussi nousavons reioniiu. el i:'e i
1'- Il ,,isi, I,,,' laii, ipie notre |>a>s u'esl pas encore arrive au poii I
I . I i' ', , ,lmii.e iralleindre. r|iiedesrivalilesdeluute nalu ■•
I ■ :,i l.-s pl„s grands elloils. h-s.piels, d'une [larl, dii-
■ Il : , :iii p,-lf,'.lio ii.ei.l lie la fahi iialioii el a relabli^-
.scin, lii il, iiiyinella.s el plus piumples voies de comiiiunicalioi .
de l'ai, lie, a doiim-r un nouvel essor il la uavigaiiuii. La mère ,
le champ de bataille pacili,|ue des plus grands inlerèls niodei -
nés. L Europe elouUè, assiire-l-on, dans ses limites acluclle> .
rhomiiie esieiiiaucipe; mil i,e resle plus aliaché a la globe. Poi i
salisfaire les lii's,,iiis loiij,,urs ,'i',,issaiii- d'une socièle qui s'agii '
à la recliirclie ilu bi, ii-,'lie, d'un,' d, '111111 lalie ardenle qui vei 1
meure s,,n aisaïu'e au ni\eau de sa ci\ilisalion, il faut que 1,-
monde enlier devienne Iribulaire de nos arls, de noire iiidi;-
strie, de nus idées. L'Amérique méridionale, sans parler d-
celle du Nord, esl déjà englobée dans la sphère dfs inléréi
européens; iiiainleiiaiil W vieil (nient nous appell,-; de gie ,
lr,,iilieres
1,'llie li,-ii(
iil la roule
m fr
ehi.'s
lOll II
i,l(CS.
la Pli
doul environ sept on huit font avec elle annuellcinenl pour plus
dence s'accomplissent de jour en jour; l'humanile
sera plus qu'une famille. La France est-elle eu mesure de 1,
vendiipier sa part à ce grand mouvemenl'? Sa science comno 1 -
ciale, sa marine marchande, ses lemlaiices il expiinsion sonl-elli
à la hauteur ,1e celle nii-sion, qu'.'ll,' n'aurait i;ar,le de se l.,i--
sereiileverri'Jlles I,- s, ■roui ,1e plus .'i, plus, non, eu av,.ns p„ii,
garants sa pas.-ioii ,les;;i'aii,li'S ,'lio-es, si,n amour de l' mil iaiiv,'.
sa géuéi'i'Use aiiibilioii il'èire toujours en lèle du prof;res. l'I
c'esl dans l'esperauc,' di- couliihuer, de notre humble pari, a
préparer un Ici resiillal, que nous a\ons ébauché ce livre, mal
heu,eu^eniei4 .sius assi z conspllcr nos forces, et en écoulai, 1
Irop peut-ètrp npjre afilt;|i( (Jésir d'être «(ile. >>
Des lois agraire^ clmz les Bomains, par M. Amonix Maci .
I vol. in-8. — Paris, chez Jouberl, rue des Grès, H.
Ou s'est bien soiivenl préoccupé de celte grande question d,
lois agraires ipii douiiiie presiiie loule l'Iiisioire de la républi,]i
romaine, el ipii olire un iiiP'ièl égal à l'hi-loiieii, a l'ecouono
et au puliluisie. liieii. eu ellet, mieux cpie l'i-lnde de ces i-
agraires si fi',',|ii,'ii,iii,'iit pi'up,'S,'es par les Irihuiis du penp.
ne peut nous l'claii.'r sur l'Insloire iuli'rieiire de K,,nie, soi
consliliilioii, sur la siliialion où se Irouvaieul l'iine vis-a-vis .
l'autre les diverses classes de la république, sur les causes 1
ces luttes incessamment engagées entre les pairiciens el 1
plébéiens, el surloul sur la misérable comlilion de ces demi,',
Malgré le grand nombre de savants travaux entrepris sur les 1,
agraires, bien des piéjuges, bien des idées faussis siil- il:,,, m
encore sur le vi'rilaliie caraclère de ces lois. Ile\ii, . ,s,\i-ii,,
Nlebuhr, Holliuaiin, avaiiul sans (fîuile sin^oli, 11 1, , ei , ,1, m
ce point obscur de la coii-liliilioii romaine. ,M.iis il leip 1 laii ,'
populariser les résullai- auxiimls ,'iai,'i,i :,iii\,'s , ,'s ^,aiii:s , -
prits; il fallait, de plus, ,',,iii|,l,'i,.r l.'ins ir.ivanx, I, s r,'iiii' r
sur plusieurs poinis, dissip, r [^'^ iliiii, - .jni 1, siaieiii ,'!i,','r,'. ,1
rendre dorénavant loule objecliou iiupossihle, loule conleslalioii
superflue. Le livre de M. .Mace reui|dil, ou peut le dire, loules
ces conditions. Écril avec simplicité cl n, uele. il nous donne
sur les lois agraires tous les éclaircisseiueuls que nous pouvions
désirer. M. Macé ne dissimule point ce qu'il doit a ses ilevaii-
ciers : il rend loyalement à chacuirce qui lui appailient; la pail
qui hii resle dans ce beau travail est assez grande pour qu'il s'en
puisse contenter.
Après avoir lombaliu les opinions fausses émises sur les 1. i
agraires, el delruit les hypothèses erronées enirepriscs pour :
expliquer, M. aiacè iléteimine le vérilable caraclère de ces 1, ■
Elles n'avaieul il'aulre but que de parlager enlre les . iiex
pauvres ces li'rres cumpiises devenues duniaiiies ,1, Il : 1
injnstemenl usurpées par 1,'s grands. Jamais elles ne - .il ,
rent aux propri,'l,'s p;irliculières; loin d'êlre revolulioiioa:
elles u'avai,'iii leii ipie de legilime et devaient avoir pou,
repiibliipe 1,'s , ,,ns,',|iiences les plus avanlageiises. Au lien d',
cuser 1,'S li'iliiiiis ,|iii les proposèrent, il faut accuser l'arisloi 1 1-
lie, ipii, plus soiicieus,' de ses inlérêls que de ceux de l'tlal.
s'obstina pi','s,pie conslammenl à en ,'uipécher rexeciuion. La
couduile ,les palriciens de Rome élail ,raulanl plus blàmabh',
qu'en faisan! rejeter les lois agraires, ils ne poiivaitiil cepen-
daulen mecouujitre la parfaite lègilimilé. L'Eial, en illél. con-
tre qui la loi romaine n'ailmellait point de prescriplien. avail
toujours le droit de ripremlre ses lerres, dont il n'avail coure, I
que là possession, et dunl les giands voulaient s'alU ibuer la 7.
paillé.
U'exéculion des lois agraires, comme le montre tiès-bi,
M S|acé, eût assuré des moyens d'existence à la classe iudigen:
débarrassé Rome , l'une populace im|uiêle et turbulente, la\'
risé les progrès île la cullure par le morcellemenl de la t, 1
empêche ursiibsliliiliiui dans les campagnes de la populah'
servile à la populalion libre, et donne à la répu|)liqiie des .,1
mées vraiuieiil roiiuiiues, des soldais robusli's cl courageux,
I.'arisioi'ralie ruicaiue, en refusanl Ions ci-s bienfails, fut cau-e
de la ruine de l:i république et de sa propre ruine.
Ilidlmauu avait seul esave une enumeialion de louics les 1
agraires prop-sies a limile. l\l. Mace l'a , ,.iu,.lel, e, el, de pi.
il l'a accompagnée de s:,ges el ingenieusis appiecialious. Clia,|
loi esl ccnimculèe a son tour, el disciilce a l'aide îles auci,
textes. M. Mace nous dit les circonslauccs qui l,i lirenl puq os,
el les cmiseijuences qu'elle devait av,ir pour l'Elal l'Iiisu 1
lois même nous sonl | reseulees sous un jour (oui nouveau. 1
louaiiciis il,' Licinius Stolon sonl mieux cxpliiiucis quelles ne
l'a'v.ii, ni cl,' jusqu'ici; |a loi de Sei^vilius Riilius, si niallrailéc
par Ciccnui, esl, pour la première fois, rétablie daus'son vérî-
l:ible espiil.
Celle hisloire critique des lois a^niresesl pieccdee d'une lon-
gue disserlaiion sur II' dom; lue piblicde llonu'. qui eu l'àcitjle
l'iulelligenceel in ai.h.nil d'avance b s dilliculles.
L'ouvrage se lermiue par deux autres disserlalioDS iniporlai)-
les, qui nous f,uil voir sous louusses faces la queslien des lois
agraires ; la pu mière de ces deux disMUlaliens Italie des colc-
iiies remailles ; la s,, ,,ii,l,'. des dislribnlions de Urres faiUs aux
s,,l,l,'is ,1: 1 s 1, s ,1, 1 1 s années de la rcpublique.
II II 1, I ' 1 1 : il son ouvrage. M. Macé niontre la
Cl i.M' M.: 1:1 i!,' , : ::;: > ,1 de Savoir. Son livre esl un de cpn
ouM.igcs iiùU.s 1 1 Miiiswciicienx qui reslelpnl. Il esl indispen-
sable a quiconque désire connaître l'hisloire de la réi'.iibliqiio
romaine el celle des civilisations passées. a.
L'ILLLSTRAÏION, JOURNAL UNIVERSEL.
47
FRMCS
PAR AN
POUR r\;{is.
M^A PRESSE
48 FRAMS
PAR AN
poiR m depai!Ti:)ii;ms.
LE SEUL JOIHWL lOiUIAT DOUBLE M ŒHl m SIÈCLE
Ail iti'ijr fie -iO fr. /tous- l*ai-ia et (le SS ff. ttotti' les tléttarleÊiieiilg.
RUE MONTMARTRE, N. 131, DERRIÈRE LA BOURSE, EN FACE DU MARCHE SAINT- JOSEPH.
Fondée le 1*' juillet 1856, la Presse, journal des principes jnonarcliiques et des intérêts
populaires, occupe, parmi les journaux français, le rang qu'gccupe le Time» parmi les
lonniaux britanniques ; elle assiste le gouvernement sans être dans la dépendance d'un ea-
• binel ; elle dlslin^ue entre les principes ipii l'ont la force et lu durée du pouvoir, et les actes
3ui, trop souvent, en font la laililcsse et l'iiislabilité. Comemr et maintenir, telle est la
onble limite de son concours et de son opposition.
Conséquente avec ses doctrines économiques en matière d'impôt, lesquelles consistent à
prétendre que, plus les taxes prélevées sur le contribuable sont luudéréi's, et plus elles sont
productives, la Presse, sans se laisser arrêter par les attaques des journaux radicaux, a
montré que ce qui, pour elle, était, en tliéoric, article de fui, n'était pas, dans l'application,
objet de doute ! Elle faisait des bénéfices considérables; elle n'a pas hésité à en consacrer la
plus forte part à l'agrandissement de son format.
En 1831), lorsque la Presse vint prendre place dans le journalisme à 80 francs, désinté-
rêts blessés se récrièrent violemment et nièrent qu'elle pût marcher sans augmenter, tùt ou
tard, son piix d'abonnement! C'est en marchant qu'elle a répondu à ses négalcurs.
Non-seulement elle a triomphé de toutes les hostilités, de toutes les incrédulités, non-
seulement elle les a contraintes à marcher plus ou nu)ins timidement, plus ou moins tardi-
vement à sa suite, non-seulement elle s'est maintenue sur ses bases, mais encore elle a
DOinLË son format sans augmenteb son prix ; elle l'a même rédi:it pour Paris de (8 à iO fr.,
consacrant ainsi la première révolution parce qu'elle avait été faite par une seconde non
moins radicale, non moins décisive.
Doubler IViendue de son format sans augmenter son prix d'abonnement,
par le fait, n'était-ce pas encore réduire celui-ci de moitié'/
Grâce à cette augmentation de son format, qui lui a permis de compléter le cadre de sa
rédaction, la Presse publie :
Tous les jours, un Boman-I'euilleton de cinq cents lignes, signé des noms les plus cé-
lèbres de la littérature ;
Un Feuillfion i-<>iiiiii<-r<-i:il donnant le cours de tous les effets publics, actions de che-
mins de fer, acHllrl^ iii\i'iM< cmIiv^s au parquet et hors parquet et njarchandises; les décla-
rations de faillucs cl liiiilr> 1rs nmivelles de quelque importance intéressant l'agriculture, le
commerce et les expédilicms iiiarilimes;
l'n Bulletin du monde judieiaire. OÙ il est rendu compte de huis les procès de quelque
intérêt.
Toules les semaines :
Le lundi, un Uulletin du monde ihéàlral . par M. Tni':OB>lliLE f^.trTillER:
Le mardi, un Rulletln du monde lilloraire. ou ciiuipte rendu de tous les ouvrages
importants, par M. el'GÈ^ml: PiCLl.i-"i'.4.\:
Le mercredi, un Bulletin du monde agronomique. OU Compte rendu de tout ce qui
intéresse le progrès et la prospérité de l'agriculture, par M. PA1'l-;i\. meiiibre de l'inslilul,
secrétaire ]>prpéluel de la suciélé royale et cenirah d'ayriculture ; Mttl.L, professeur d'agri-
culture au Conservatoire des arts et métiers, et ÊLl'SKE LEFEBVRE;
Le jeudi, un Bulletin flu monde scieniàfif|ue, OU compte rendu (Ics travaux de l'A-
cadémie des sciences, de l'Acadéniie de médecine, de la Société d'encouragement, etc., etc.
par M. DOI'ÈKE, professeur à l'Kcole centrale des arts et manufactures ;
Le vendredi, lui Bulletin de rarm«-e. lettres écrites de la caserne;
Le samedi, un Bulletin du monde, le 4'<iurrierdi- Paris. pLir M. le vicomte l'BAR-
LES »E I.AIXAI :
Le dimanilie. un Bulielin du monde religieux:
Divers articles Variétés par les criticiues les [iliis exercés.
FEUILLETONS :
fEit voura île ttttbtiettfioit tlegittis te :tO mai, Ul'MT vnttitàie» nul tléjts pat-it.)
MÉMOIRES D'UN MÉDECIIV
PAR ALEXANDRE DUMAS.
Ton«i le» al>4»nnéK ii
meut U**» IIIIT volume
• rasr |ial|>il»nl irinf*:'
ii%raux recevront £ra(ui(r-
«|iii ont cl«'-j:i paru do rot 4»u-
1*1. i|ui ombraHHc «ouïr la fin
rlii (lix-huiti(-nip KÎtVio ol «oiitc la promit^ro parii*'
du (lix-nrii«it^nip- 4l-'iivrr de prrdilc^etion «le l'aiiloiir
df la rkixf: :vi \r(;ot. di-^ tkois :noi s^KiAiurs
«•I de Mw\'rK-< RiHio. irN iir:fioiRK:*«» n*r\ .nicnc-
l'l\ fiont appelés À reproduire le succ^.s ni éclatant
et Ni populaire de ses devanciers.
LES PAYSANS
PAR n. IIE BALXAt'.
VALCKEIISE
PAR M. JULES SANDHAU.
LE VEAU D'OR
l'Ai! 51. FlîHDÉRIf, SOILIÉ.
E.:t
|>ai
«en
fleiMiiw leniaria;:e de Murie-Autoinelto jusqu'à l'an-
néi- JÎWti.
l.:i set'oinle partie eouiprendra les six îiniiées tl,:
I •}%:* i, i ?»4. e-e-«t-:i-dire depuis la prise de la Kas-
lill«> JBis(|u*:\ la dernière eharrelte.
l*iiis liemlront tour à tour le DireetoSre, l'Empire,
la Restauration; tous les «''téuemeulseontempoB'ïiîus
repasseront ainsi «levant nos ^eux.
iiu traité aul
[Mit l'enreuislr
eoùfé rt..?»!» fr.
dans la Presse
is ne peut pu
et le < uiislilii
En nvril tii>*V>
CONFIDENCES
BX. ALPHONSE DE I.AIŒARTINE
:e( ouvrage, appi'lé à vivre éternellement et à prendre, dans
les bibliothèques , le rang des Confessions de J. j.
Rousseau, a été acheté et payé «luaranle mille francs
par les propriétaires de la Presse à M. de Lamartine. Ce
sont les Mémoires de sa jeunesse.
.4 l'<^|>o<iue ■•«•Sfpvt^e |iar rnaitrur:
MÉMOIRES dOUTRE-TOMBE
U. PAU LE Wmm DE (JIATEAUBRIAIVD
Le droit de publier ces importants Mémoires, écrits pour la
postérilé, a été acquis par les propriélaires de ta Presse
moyennant une somme qui dépasse cent mille rrant».
GLACES, SORBETS,
r.liam|.;i;;lli-rr;i|.r"- |.:ir l.'S \<\o-^ :,T:oi.lrs , l,;,l..i]i;:, I' ,i,l,. ,1e l'in-
(■ènictix pciit Ap|.;iri.-ll <\e-. fmltieiéfeH iinriaiennea,
i%, Oaiilevartl f*»isaon»tièi-t^, ei» ffiee tie
In rtie ilit Senlieê'. Les Rappnrls de l,i Sncii'ii' il'en-
coura^enii'Ml. ili's llnp{|un\ iiiililiiircs. le c (nnpte rendu ric l'illvs-
trulion, lu^ niiijihriMsi's li'lln'> iW fcliiiimiori c'nvoj'èesaux Iiiveii-
tsurs, Icnioi^ncnl île \:\ I !•• 'Ii' ii'- AiipiÉivils ipii proserivpiit les
aeiiles ilangi- \. i-l fomlinioii'nl ;i l'ji.l.- iriiii Sel hreielé, aussi
imiOciisirque le Si I de ciiisinis — Prix de ces .\ppareils : 18, SS-
CI S5 fr.
S 'rhelières indispensables pour les soirées d'hiver à la campa-
gne. Prix : 25, 38 et 55 fr. — La brocliurc explicative et un tarif des accessoires tels que Sels,
rr.ppe-carafe, inesoro, elc., seront envoyés «ralis à tomes les personnes qui en l'eronl la de-
mande ifiaiico] au Depot, boulevard Poissunniére, 12, en face de la rue du Sentier.— Expériences
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.Saint-Thonias, au coiii de la rne Iliclielieii. Nos ahoiiiiés nous
sauront gre de leur f.i ce couiuilre le cliangenieul de domicile
dl:^ maga-iiisde C.henn^es l.evillayer, dans lesquels si! trouvent
réunis le bno, le beau, le bien fait et le bon marche. Les étran-
gers ^onl enniigev a visiter ce vaste elahlissenienl, où ou leur
ili^irihiei-a un |iri\-eoiiranl.
AItTICLES SPKCIALX DL L\ MAISON
DEMARSON ET CHARDIN,
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SAVOX m tili'.s««E au l'ait damande If. :;0
EAl iii: Tttll.ET'I'E de la Duchesse 2 i>
POritREet i:ir dentifrice du Docteur Oiïmanii. I T.'i
ÏI.WKillE >li' TOILETTE supérieur 1 m
BOITFS et SACIIET.S à gauls pour étrennes. (Nouveautés).
I î? PniXCM ÏT irt'IIIt'D comme tout produit avan-
Lb LnUllULAl UlLlIILlli tageiisement connu, a ex-
cite la cnpidilé des contrefacteurs. Sa lorme particulière et ses
enveloppes ont été co|iiées, et les médailles dont i! est revèiii
ont été remplacées par des dessins aiixiiuels on s'est cITorce [le
donner la inéine apparence. Les anialenis de cet excellent pro-
duit voudront bien exiger que le nom Hémei soit sur les éti-
quettes et sur les tablettes.
Dépit, passage Choiseul, 21 , et chez un grand nombre de phar-
maciens et d'épiciers de Paris et de toute la France.
ENVELOPPES POSTALES ^^^V^n^^"âfl
.pes.qoi ,.|,l ivell
'apM..
>:ili<.M ,lv M. !•■ IHiiliTIL
M:M UAL 1)K
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MiMSTllE l)
S Finances, pour e
-,.,■ l'eniplni avee no „;
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en de trois, exij^es
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nurl, s de luiineol
dinaire Ve
Ile en gros et en d
•lail, a
la PAPETXBIE MA
Riou, 1 ;
cilc> Bergère.
1/ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
Chnpelle des Hantes du Saint - ^nerenient,
CONSTBIITE EN 1845 ET 1S46 A AnRAS.
La conerégation des dames du Saiiit-Sacremenl vipiit de
doter la ville d'Arras d'un (édifice religieux fort remarquable
au point de vue de l'art, en construisant 'à ses Irais, dans le
style Bothique, une chapelle qui fait le plus grand lionneiir
à M. Grigny, jeune arcliitecle dont le talent vient de se révé-
ler ainsi à sa |ini\iiici'. ,.111.
Établie sur un snulKis^einent en grès, celte chapelle est
édifiée en cahaiir ihii diipays; sa forme est celle d'une croix
latine à une seule nef; ses proportions sont : 42 mètres de
longueur dans «ruvie sur 9 mètres de largeur; 25 mètres
d'une extrémité ù l'autre du transsept; 20 mètres de hauleur
sous clef de voûte; la llèchc a KS mètres; enfin la hauteur
totale de l'édifice du pavé au faite est de 28 mètres.
L'intérieur se divise en un narlhex, une nef de cinq tra-
vées; deux clinpelles (le congrégation s'allongeant le long du
flanc occideiilal(leç|i;ii|ue croisillon, un transsepl, une abside
pentagonaie et un pouilour. Au-dessusdii narlhex o^;ival abou-
tissant aux cloîtres de lacommuniiuh' sijii\reiil Ikhn ;ireiides
lancéolées qui vont joindre les voiiles ei 1 vIll|,ll^^e||| idule la
largeur des deux tiers supérieurs du Idinl ; le-- iieiMins qui
les forment se croisent en réseaux élégants à leur amortisse-
ment; les trumeaux qui séparent les ogives portent, sur un
écusson, soutenu par deux ang<>s, le monogramme de la Vierge
Marie; un hullet d'orgues, dont M. de Caumont a signalé, au
congrès aiehi'iiIngiqiK' de Lille, la composition comme Irés-
remarquahle, iciupliiii ces arcades et répondra au style de la
chapelle par la sculpture de ses bçiseries.
La nudité des parois de la nef et des transsepts se trouve
déguisée par des arcatures flamboyantes trilobées ; de hautes
fenêtres à oeux meneaux, dont les flammes au.tympan dessinent
des cœurs, ne laissent presque aucun plein Ji la niiiraille ; des
faisceaux de nervures, partant de la base, sépareiil les fenê-
tres et s'élancent d'un seul jet sur les vnùles, .ni ils se nnil-
tiplient en arceaux croisés ; chaque clef diiitiisii Ihhi esl un
bouquet de feuillage environnant le monogr.iijiiiie de la \ ier-
ge; les cinq clefs do la croisée ont reçu l'agneau pascal et
les symboles évanséliques ; la clef absidale représente, sous
l'emblème du pélican entouré de ses petits, l'Église distri-
buant à ses enfants le pain de la vie.
Le fond du bras de croix méridional est occupé par des ni-
ches surmontées de dais et pinacles, dans lesquelles sera pla-
cée une Adoration de la Vierge par des anges vêtus de lon-
gues robes llottantes. A l'exlrémité opposée, un porche scul-
pté donne entrée dans la chapelle; autour de l'abside règne
une clôture en pierre déeoMpée à jour, qui laisse apercevoir,
dans le fond du niiiil-|ioiiil, six rosaces à conqiarlimenis
flamboyants; eiilre chacune de ces rosaces viennent hulersur
des consoles de h'uiilage les iiei viik s îles vnùles ramifiées
du pourtour; le fond de riiiiMile. nu ikIi,' |:;ii qnalie hautes
fenêtres, montre, enlnuri'e de ileii\ ,iii;:rs ihi 1 iel et de deux
religieuses de la terre, la liguic du Christ leii:iiit d'une main
un e;ilice et de l'autre l'hostie sainte.
A l'exiérieiir, l'édifice ne se présente pas moins bien; cette
suite de l'tnétres archivoltées, (|ui rendent la muraille trans-
parente, les légers frontons à jour qui surmontent chacune
d'elles, les contre-forts qui les séparent, les clochetons em-
bellis de maintes crosses végétales, la galerie trilobée qui
couronne le mur, les arcs-boulants an-dessus du pourtour
du chieur, oITrent un aspect imposant et gracieux tout à la
lois. Le transsept nord est précédé d'un porche que décorent
des archivollcs, des festons et des niches; un pilier symboli-
que, élevant sur une colonne torse pointée la statue de la
Vierge, sépare ce porche en deux entrées; plusieurs légers
contre-forts flanquent ses angles, et sa grande ogive en acco-
lade est encadrée dans 1111 ri'sejii di'eoiipé, à travers lequel
apparaissent les oniemenis du |iiguiiii et ses rampes; le bou-
quet re|irésenle un aiiLie nlli^nit j l;i ville le saint sacrement;
eiilii Ilêelie lusée sue un nrln-mie au-dessus du portail
oeeiil, iihil i'.|r\e l'i .'Is nieller ,l,lll^ les ;iiis 1:1 e|-oi\ qui ta ter-
mine; celle lleetie, eiiliri eineiil (I,m-,.ii jiée eu dentelle, ne
sendilc reposer (|UB sur quelques eiiliiiiiielti s.
Les vingt-quatre fenêtres qui éelaiient cette chapelle sont
décorées de vitraux en
]iersoiui;ii;es et syudiole
Mlr;in\
vailles iittiautaux tympans diven
relii.'ieiix ; les roses seul«s sont or-
ient ' ■ ■■
L'aille
eut
ie|,reseiilera, sniis s
■;'iiiies, elmnétahle
l'uni l'iii liêviuieiit (Ici cite 1
•iiliun de l,ii|nelle M. Cii'.'nv
•t /l'téileM. Iliuii.ehiii-é ,1e
rAniieiiv,,li,ii-e,lelaM-nl|>lu
uiruiit Mifli. et tes (li')ieiiM s i
yahtenient iuudii|iie de
imine el dans l;i même ville
inc
a table, une châsse fi trois nefs
uecuperale liuul dusanctuaiie,
eiivre reniai i|n;ihle, dans l'exé-
;i le^ii le rulHuiiis intelligent
1,1 sl.iliiaiie, el de M. Dutliuit
le (lei iiKitive, deux ans il peine
iiiiiinnl |ias dépassé le ciiilhe
i,"iU,ti(ill l'r. Pour cette niêuio
des monuments religieux d
bité écartée, il devient impossible de nier désormais que l'on
ne puisse construire des édifices d'architecture gothique à un
prix égal ou inférieur à celui que réclameraient les édifices de
style sans nom des lauréats aiadémiques.
Ainsi demeure prouvée, par le concours imprévu dune
communauté de pieuses filles et le talent improvisé d'un
jeune arli.ste de province, inconnu naguère et simple entre-
preneur de maçonnerie dans sa ville natale, celte vérité long-
temps repoussée comme un paradoxe ; que le style gothique
se recommande non-seulement par la grandeur, la hardiesse,
l'appropriation aux besoins du culte et la puissance du senti-
ment religieux qu'il inspire, mais aussi et surtout par une
économie relative.
Aussi le congrès archéologique de Lille n'a-t-il pas hésité
à décerner à cette construction la médaille d'honneur, comme
à l'un des plus remarquables monuments modernes du style
ogival.
même ini|iuil;inee, mais de style moderne, offrent une indi-
gence iirnciiiiiitale, comparative telle que, la question de pro-
EXPlICATIOIf DD DBRltlES REBCS,
e surmonte la force, un,; personoe adroite doit comp'ei
qu'elle se tirera souvent du danger.
On s'abonhk chez les Directeurs de postes et des messageries,
chez tous les Libraires, et en particulier chez tous les Corretpm-
dants du Comptoir central de la Librairie,
A Londres, chez Joseph Thomas, I, Fiuch-Lane-CornhiU.
A Saint-Peiersbocrg, chez J. Issakoffi libraire-éditeur
commissionnaire olBciel de toutes les bibliothèques des régi-
ments de la Garde-Impériale; Goslinoi-Dvor, 22. — F. Belli-
ZARD el C», éditeurs de la Berne étrangère, au pont de Police,
maison de l'egUse hollandaise.
A Alger, chez Bastide el chez Dcbos, libraires.
Chez T. Hébert, à la NouvELif-OitLÉAiis (£uis-Dnis].
A New- York, au bureau du Courrier des Étais- Unit, el chei
tous les agents de ce journal.
A Madrid, chez Casimir Momer, Casa Fontana de Oro,
Les frères Dimolard, à Miian.
Jacoces DUBOCHET.
Tiré à la presse mécanique de Lacramfe cl C, rue Damiette, J.
L'ILLUSTRATION,
Hllll"'
wtIrtLW bbal LELO R
Ab. pour Pirii. 3 moii, 8 fr. — 6 mois, 46 fr.— Dn tn, 30 fr.
f rix de chique N° 7S e. — La collection meoiuelle, br., S fr. 7S.
N» 187. Vol. VIIL— SAMEDI 26 SEPTEMBRE 1846.
Bareani, rue BIcbellea (0.
Ab. pour lei dép. — S moii, 9 tt.
Ab. pour l'Élranger. — 40
- 6 moli, 47 fr. — Un an, si fr.
— ao — 40.
SOMMAIBE.
HUloIre de l« semaine. Ouverture des CoTtès d'Espagne. — Cbro*
nique maslcale. — Courrier de Parla. Poriraiis de la reme
d'Espagne^ de Vinjanle dona Maria-Luisa-Ferdinanda; de l'injaitt
don François d'Assises et de Monseigneur te duc de Hontpensier. —
La F*le de la Xallvlie à Rouie. Arc de triomphe élevé en l'hmt-
«eurrfupnp»- — L'Eufaol vol*. Nouvelle. (Suite et fin.) — lie de
Jemey. Carte de l'ile de Jersey; Château Mont-Orgueils Port de
Saint-Hélier; Forts de Pear-Head's et d'Elisabeth. — le Cllaeselas
de FODtalDebleao. Vue des es-
paliers de Thomery; Mode employé
pour la recolle et le transport du
chasselas; le Mail, marché spécial
pour la vente du chasselas, à Paris.
-.Blancbe. Nouvellerusse.— Va-
rlailous aimo»ph«rlques. Si.i
Gravures, par GiaudviUe. — Bul-
letin bibliographique. — An-
BODCra. — Mode», t "« Gra-
vure. — Rebn>.
frontière, puisque tout le monde s'accorde à dire qu'il n'est
pas rentré lundi au palais de l'arclievêclié. Seulement on
n'est pas d'accord sur l'heure de celte disparition, et les
moyens mis en œuvre pour en assurer le succès sont l'objet
d'une foule de commentaires. Les uns prétendent que lundi,
dans le courant de la journée, le prince, sous prétexte de
faire sa promenade liabituelle, est monté en voiture accom-
pagné de deux personnes de sa maison et suivi d'un domes-
tique chargé de conduire le cheval dont son maître se servait
ordinairement.
« Suivant une autre version, et c'est celle qui est la plus
généralement accréditée et la plus vraisemblable, celte sub-
stilutiou aurait eu lieu au château de M. le marquis de B...,
à 10 kilomètres de Bourges, à qui le prince serait allé faire
une visite lundi dernier, et d'où sa voiture, contenant le
même nombre de personnes, serait revenue à Bourges, es-
cortée par les gendarmes.
« Quoi qu'il en soit, M. le préfet, prévenu mercredi ma-
tin que le prince n'avait pas fait sa promenade habituelle la
veille, que les fenêtres ae son appartement étaient restées
Hifftoira»
de la !>einniiie.
Nos conseils généraux vien-
nent détenir leur session, et, en
ïérité, public et journaux n'y
ont guère prêté attention. Tous
les regards sont tournés vers
Madrid pour voir ce qui s'y fait,
toulesles oreilles vers Londres,
pour entendre ce qui s'y dit.
Nos assemblées départernenta-
les doivent donc prendre leur
fiarti, et se consoler d'avoir
onctionné au milieu de l'inat-
tention générale. L'on n'a pen-
sé à elles qu'après leur départ.
Mais comments'en blesseraient-
elles? car, après tout, on n'a
pas agi autrement avec une Al-
tesse royale, M. le comte de
Montemolin.
Le télégraphe et ensuite le
Journal du Cher sont venus
nous apprendre la nouvelle,
puis nous donner les détails de
l'évasion du prétendant espa-
gnol Nous avions fait connaî-
tre, il y a seize mois, en don-
nant la déclaration d'abdical ion
de don Carlos, et le manife.-ite
el le portrait de .son fils (tome
V, p. 22.')), que ce dernier prin-
ce proclamait qu'un mariage
pouvait réconcilier non-seule-
mont la famille royale, mais les
différents partis de la grande
famille espagnole. Il ne disait
pas s'il continuerai!, dans ce
cas, à exiger la couronne pour
son propre compte ou s'il consentirait à être le mari de la
reine. Depuis cette époque, le lils de don Carlos avait gardé
le silence, attendant que la question du mariage se tranchât;
mais ses dispcsitions paraissent avoir dû être bien prises d'a-
vance, pour le cas où la solution ne le satisferait pas. 'S'oici
ce qu'a imprimé, sur sa fuite, le Journal du Cher, organe de
la préfecture abusée :
«La fuite de M. le comte de Montemolin, dit-il, est un lait
désormais bien certain. On ne l'a apprise que mercredi (16)
au soir, c'est-à-dire alors que le prince pouvait avoir passé la
(ijuverture des Cortés d'i^Ispagne, le 14 septembre 1846.)
« A quelques kilomètres de Bourges, le prince serait des-
cendu de voiture, et monté sur le cheval qu il avait fait ame-
ner, il aurait sauté les haies et les fossés, disparu de temps en
temps pour revenir à chaque instant. Les gendarmes chargés
de le surveiller et accoutumés à ce genre d'exercices se se-
raient contentés (Je suivre la voiture à une certaine dislance;
et il sept heures du soir, au moment de revenir à Bourges,
ils auraient vu descendre de cheval et prendre place dans la
voiture une personne qu'ils auraient prise pour le prince et
suivie jusqu'au palais sans concevoir le moindre soupçon.
fermées i^ que personne ne l'avait vu parailre, s est présente
inmiéilialciiiiMit à l'hùtel pour le voir. Un cliainbellan de ser-
vice lui II ilil que le prince élail maladr depuis plusieurs
jours, qu'il reposait et ne pouvait recevoir. M. le piéfet s'est
immédiatement retiré, annonçant qu'il reviendrait à quatre
heures du soir. Au moment où il .-e disposait à renouveler sa
visite, M. Garcia Martin est venu lui apprendre que le prince
avait quitté Bourges depuis deux jours, et que sa démarche
serait inutile.
« On sait que, prclexlant un voyage de Paris, Cabrera est
L'ILLUSTIUTION, JOURNAL UNIVERSEL.
uiisso à IJonrgt'S il y a une qui|)ïaine de jours, pi mi'il a eu
(le nombreuses c(jnférences avec M. le comte de Jfontemo-
liii. Toul purlc il cioiro que le plan d'évasion a été concerte
à celle époque, car il élait déjîi question du mariage de la
reine d'Espagne el de l'infante sa sœur. » ,
Un nianiteste lilliograpliié et daté du 12 a élé distribue
après son départ. Par ce document le prince appelle tous les
Espagnols à la réconciiialion, prèclie l'oubli el promet en-
lin ce qu'oui promis toujours tous les prétendants.
Héolveuture uu conorès espacnol.— Le sénat et les cor-
tèsont nqiris session le 1 i. M. Isluritz, président du conseil
des n}iii sirrs, rvi allé liie>uccessivement aux deux cliambres
un iiH'ssi^r {icHii l.iir iiiiniinccr les deux mariages. Aux cortès
la IccliHv lie (T (hiriiincul a été suivie, a dit la correspon-
dance ministérielle, do légers murmures qui onlparu partir
de la tribune publique. Celte démonstration timide, ajoulail-
elle, a passé presque inaperçue.
M. le ministre des finances a demandé ensuite l'autonsa-
lionde percevoir les contributions. — Puis M. Orense s'est
levé, et a demandé si le mariage de l'infanle avec M. le duc
de Montpensior aurait lieu inunédialeini:nt, ou s'il serait
ajourné jusqu'à ce que la reiiK^ eût doinié des successeurs
directs à la couronne. M. Islurilz a répondu que les deux ma-
riages seraient célébrés en même temps. — Des commis-
sions ont été nommées, dans l'une el dans l'autre clianibre,
pour rédiger les adresses à la reine en réponse à cette com-
munication. Dès le la, le sénat a présenté la sienne à la jeune
Majolé. Ce n'est que le 18 que les corlès ont adopté la leur.
Les félicitations relatives au mariage d'Isabelle y ont été volées
à l'unanimité par les -179 membres présents ; au vote sur le
passage relatif à l'union de l'infante, 19 membres se sont ab-
stenus, 1 a voté contre, etlHO ont déclaré l'adopter.
Madrid s'e^t ému en apprenant qu'une forte escadre an-
glaise était entrée dans le port de Cadix. Mais la présence de
ces forces ne se raltacbe en rien aux événements de cour qui
sont annoncés à Madrid, elle n'est que momentannée, n'a
. pas dû se prolonger au deh'i de quarante-huil heures, et avait
été annoncée aux autorités du port bien avant que les pro-
jets de mariage fussent connus.
Une protestation, moins redoutable immédialement à coup
sûr que ne l'eût élé celle de huit vaisseaux de ligne, mais
qui néanmoins a causé é(;alement quelque émotion à Madrid,
est celle do don Hcnrique, frère du liancé de la reine. Ce
jeune prince, le seul populaire en Espagne et auquel l'aflec-
tion du public et au^si, dit-on, celle de la jeune reine ont
valu, de la part de la Camarilla, un ordre d'exil, prolesle non
pas, 'malgré les justes prélentions que son cœur a pu nourrir,
contre le choix dicté à Isabelle, « mais, dit-il, contre tout
droit éventuel au troue d'Espagne qui pourrait être accordé
^ux enfants du duc de Moutpensier, s'il venait à s'unir avec
l'infante. » . ,
L'intervention de don Henrique n est pas sans gravite,
parce qu'elle peut fournir au dépit de l'Angleterre une arme
mpins rouillée et moins compromettante à manier que celle
de la légitimité. Toutefois les corbeilles se préparent, les
énilhalaines s'improvisent, on fait la sourde oreille aux mur-
mures delà diplomatie, bien sûr qu'elle se bornera à mau-
gréer et sauf à racheter plus tard ses bonnes grilces.
La PiiESSE EN Algérie. — On dirait que le dtspotisme
musulman, chassé de Conslantinople, se réfugie en Algé-
rie. M. Lanjuinais, à l'occasion de la dernière discussion
sur les crédits supplémentaires, appela la sérieuse attention
de la chambre sur le système de bon plaisir quiasservissail
la presse dans nos possessions d'Afrique, et rendait impos-
sible ou illusoire le contrôle de l'opinion publique sur les ac-
tes de radministralion.
Pendant que des journaux français s'impriment, même en
Turquie, en face du vieux sérail devenu débonnaire, voici ce
qui se passe à Alger :
^ On lit dans le Courrier d'Afrique du G courant:
« Depuis (pielqHe temps, nous avions lieu de croire que la
censure était pliilnt une formalité qu'une mesure de rigueur.
Nous avons duni' l'I'' iHi mués de recevoir hier o courant, à dix
bevU'es du matin, la b-tlrc suivante :
« Le commissaire chef de service de la police invite M. Bas-
tide à passer !i son cabinet aujourd'hui H du courant, à une
heure de l'après-midi, où il lui sera fait une communication
émanant de la direction de l'intérieur. »
K Cependant nous nous sommes rendus à la police îl l'heure
indiquée, et lîi nous avons été prévenus que M. le directeur
de 1 intérieur nous attendrait tous les soirs à huit heures les
veilles de publication pour prendre connaissance du numéro
du lendemain.
« Nous promimes de nous conformer à ces instructions.
« A huit heures, nous n'étions pas prêts : l'incident de la
journée avait rendu fort difficile la lAche de la rédaction. La
police intervint de nouveau, el après explication donnée de
notre position à M. le directeur lui-même, l'examen de lu
censure fut renvoyé à ce matin.
(( A cinq heures donc l'examen eut lieu, et les cinq princi-
paux articles furent hilTés. N(]us étions très-embarrassés.
Parailre en blanc, nous ne le pcjuvions pas; rédiger de nou-
veaux articles, c'était nous exposer de nouveau à |a cen-
sure.
« La position n'est plus tenable, nom aimons mieux cesser
lie parailre, et nous prévenons aujourd'hui nos lecteurs et
uns abonnés que iiou< attendrons, pour recommencer notre
piihliciilion, que l'onlonnance sur la presse, promise depuis
si longtemps, soit ciilin imhliée. »
PROCliS m r!ii ssi: i \ I'ranck. — Une leuille mensuelle,
publiée sou^ le lili' ili' ''' Colnnne, est poursuivie pour un ar-
ticle sur le s.Tiniil iiirré dans son numéro de septembre.
La Gazelle de France, qui avait reproduit cette discussion de
la Colonne six jours après, el lorsqu'elle pouvait croire que
le parquet n'y avait rien vu de contraire îi la loi. se trouve
comprise d.uis la poursuite. La Colonne, ainsi que la Gazelle,
est accusée du délit d'oll'ense ù la personne du roi et d'attaque
contre le serment. Les souvenirs de la révolution de juillet
défendront les deux journaux accusés. Qui e?|.-cequi n'a pas
en France, ii l'heure qu'il est, prêté plusieurs serments à
■plusieurs gouvcniemeiils?
Mexkjle et Etats-Unis. — Une nouvelle révolution est
survenue au S)e\iiiue. IJenqis quelques mois, un pronuricia-
mènto avait en lieu dans le déparleinent de Jalisco |iour le
rappel'de Santa-Anna à la place de Paredès. Le c l< i^é était
mécontent de ce qu'on voulait lui faire suiipoi ter les hais de
la guerre, la masse de la nation, peu satisfaite de ce qu'on
avait été baltu sons Matamoras. L'insurrection a fait des pro-
grès, el la garnison de Mexico maintenant s'est déclarée pour
Santa-Anna. Celui-ci est ou était îi la Havane, d'où il diri-
geait l'intrigue, et on ignore ce qu'il fera, s'il répondra aux
ouvertures du cabinet de Washington, ou s'il tentera de pro-
lonRcr la lutle. La première hypothèse est cepenilaut la plus
probable. C'est déjà pour lui line ;:raiiili' ililliinllé i|ue ili^ se
rendre delà Havane au Mexique, les pmls locxiraios du golfe
étant bloqués, et il y a lieu de croire, s'il s'e&t mis eu roule
comme on le dit, qu'il s'est pourvu d'un faul-conduit amé-
ricain. Mais, quoi qu'il arrive, les Etats-Unis parviendront à
leurs lins. Le Mexique est en pleine dissolution el devra cé-
der à ses voisins.
Peu de nations ont présenté au monde un aussi trisie spec-
tacle que la nation mexicaine. Après trois tentatives inutiles
pour conquérir son indépendance, le Mexique, délivré enfin
du joug de l'Espagne, se constitue en nation libre, proclame
empereur, en 1821, son libérateur Iturbide, qu'il condamne
à l'esil linéiques mois après et fait fusiller en 1824. Hépnbli-
que à partir de celte même année, le nouvel Etat ne cesse
d'être déchiré par les plus sanjjlanles réactions. Le général
Victoria est élu président en 1824 ; aussitôt le général Bravo
se révolte. Pedraza remplace Victoria en 1828, età peine a-l-il
étouffé la rébellion de Santa-Anna, qu'il est lui-même ren-
versé en 1829. Guerrero, qui ensuite occupe le pouvoir, est
mis à mort en 1831. Bustamente, nommé président, est
chassé en 1853 par Santa-Anna et fait place à Pedraza. Santa-
Anna arrive enfin à la présidence en 1854. Fail prisonnier
par lesTexiens, il a pour successeur Busiamente, que le gé-
néral Urréa dépose en 1840 au profil de Gomez Parias. Bus-
tamente ressaisit le pouvoir au bout de quelques mois et est
obligé rie le céder, en 1841, à Santa-Anna, qui, dépossédé
en 18.14 par Paredès, puis banni du Mexique, vient d'être
rappelé par ses concitoyens.
NoRWÉGE. — On écrit de Christiana, le 8 septeml e :
« Lorsque, dans le mois de mars dernier, l'époque du sa-
cre et du couronnement du roi Oscar l"' el de la reine Eu-
génie, comme roi et reine de Norwége, fut fixée an 13 octo-
bre procliain, l'évêque de Drontbeim, où celte cérémonie de-
vait avoir lieu, M. le docleur Riddervold, écrivit Hir-le-
cliamp au ministre de rintérieur, qui a dans ses attributions
le département des cultes, une lettre dans lai^uelle ce prélat
déclarait que, attendu que la constitution dit seulement que
le roi doit être sacré el couron'né, il sérail contraire au sens
de cette auguste cérémonie d'y faire participer la reine, d'au-
tant plus que, aux ternies des lois, aucune femme ne pourrait
jamais exercer l'autorité royale en Norwége, ni même y pren-
dre aucune part quelconque , et que, par ces motifs, il ne
croyait pas pouvoir procéder au sacre et au couronnement
de S. M. la reine Eugénie.
«Le ministre de l'intérieur nomma une commission char-
gée d'examiner la question, et celle commission émit un
avis contraire à celui de l'évêque de Drontbeim, en rappe-
lant à l'appui de son avis que, en 1852, ce même prélat, qui
alors était député au Storlhing, parla dans cette assemblée
en faveur de la proposition faite au Storlhing, de présen-
ter à la reine douairière, qui avait d^jà élé couronnée en
Suède, une adresse pour supplier S. M. de se faire sacrer et
couronner aussi en Norwége, adresse qui fut transmise à
S. M., qui cependant ne jugea pas à propos de se rendre à
l'invitation qu'elle confenait.
a Le ministre de linlérieur soumit au roi toutes les pièces
de l'affaire, el S. M., par un rescrit, chargea le ministre de
demander à M. Riddervold, évêque de Drontheim, si son re-
fus de sacrer et de couronner la reine était fondé sur des
scrupules purement religieux ou sur des opinions politiques.
«Celte question vient d'être soumise à M. Riddervold,
qui a répondu purement cl simplement qu'il ne pouvait sa-
crer el couronner aucune reine de Norwége, et (|ue si, en
1852, il a émis dans le Storlhing une opinion différente,
c'est qu'à celte époque il n'avait pas approfondi la matière
comme il l'a fait depuis, lorsqu'il a été appelé à remplir lui-
même celle cérémonie religieuse.
«L'affaire en est là. On a tout le temps d'aviser aux dilli-
cullésqu'elli' iiréseiile,car il s'exécute en ce moment, à la
calbi'diale ilc Uinnllu'iiii, des travaux de réparation et même
de ri/uin>lni(liou (pii ne se termineront guère que \ers la
fin de 1847, on mèine dans le commencement de l'année
suivante. »
Une NOUVELLE Ninive. — D'après une correspondance
adressée de Constantlnople au Journal des Débals, à la date
du 2 de ce mois, après avoir si longtemps cherché vaine-
ment l'ancienne Niuive, les archéologues n'auraient plus
aujourd'hui i|ue rembarras du choix :
« Les découvertes archéologiques de M. Botta, dans les
environs de Mossoul, soûl certainement les plus importantes
savant ait en à se p'oiilii'r depuis louLliUips.
ni l'i aucais l'a pci si' ;ihisi. couniie il l'a prouvé
^rlliTrlhr iliilll il a illiir isé M. Botla dc SCS
ii'C'iiuprii'é Miii /.ilr, l.a si'niuie d'environ
.jJ),llOI)lV. votéi^ piU' les Chambres ne sera |ias sans doute
regardée comme exmbilante, si l'on considère les {grandes
dillicullés qu'il a fallu suiiiuuiter pour assurer les débris en-
sevelis d'un aueien empire aux musées de Krance.
«Les dénaueites de M. Itolta ont bayé la roule à d'autres
plus récentes ; les unes et les autres ne 'seront pas sans |irofil
pour l'histoire de la religion et pour la science ; elles servi-
ront à jeler i|uclque lumière sur nue des époques les plus
obscures de l'hisloire, à mieux éclaircir quelques passages
dont le
L<
!'•
dép.
des prophètes, eli| se jif nt mirne qu'el'r s rons fciuni'' i i
quelques nouveaux matériaux iclalils à l'IiiMoiie du |n:| ,.
de Dieu. C'est M. Layaid qui a succédé à M. l'oila dans les
recherches archéologiques en Assjrie, el il a tontincé laii-
vre de son prédécesseur avec un zèle et une persévérance
dignes des plus glands éloges. Le terrain d'exploration de
M. Botta élait à Khorsabad ; celui de M. Lavaid est dans un
lieu voisin appelé Nimroud. Il y a bientôt un an que M. Lavard
commencé ses fouilles : sous un tertre qu'ilfait creuser daiis ce
moment-ci, il a découvert un temple magnifique qui, con me
celui de Khorsabad, parait avoir élé la proie des flam-
mes.
« A la date des dernières nouvelles il élait déjà parvenu à
découvrir quinze chambres el à en tirer deux cent cinquante
bas-reliefs. Pour se rendre compte de la po.'ilioii topofira-
pliique de ces mines on n'a qu'a consulter Xéno|ihon. Cet
auteur dit qu'après avoir franchi le Zab, les Grecs de l'ex-
pédition ont trouvé, à peu de dislance des bords de ce
lleiiye, des ruines d une ville sur les bords du Tijire. Dans
cette ville, appelée Larissa, autrefois habitée par les Mèdes,
il y avait une grande pyramide. Celle desci iplion répond
parfaitement à la position des ruines de .\imroud; le style
pyramidal, quoique aujourd'hui enseveli sous Icrre. se laisse
découvrir partout. Les dimensions données par Xénophon,
conespondent également à celles des ruines, et la dislance
de Zab dont il parle est à peu près la même, seulement le
Tigre, qui autrefois passait sous les murs de U ville, a quitté
son ancien lil ; actuellemenl il est à un mille et demi des
ruines. On a cherché à prouver que la ville nommée Larissa
chez Xénophon n'était autre que Resen, ville plus ancienne
encore, et même l'une des plus anciennes du monde post-
diluvien. Et le seul argument allégué en faveur de cette hy-
pothèse, était que le mot Resen est rendu dans la version sa-
maritaine par le nom Lachi.ssa.
« M. Rawlinson, consul britannique à Bagdad, el d'an-
tres autorités très-compétentes en la matière rejettent celle
hypothèse et regardent Nimroud comme l'ancienne .\inive,
capitale du premier empire assyrien qui a fini avec Sarda-
napale. De bonnes raisons militent en faveur de celte opi-
nion. Les traditions en Orient ne sonl pas sans un grand poids,
surtout lorsqu'il s'agit de la position géographique des lieux.
Presque tous les points de quelque importance dans celte
partie du monde ont été déterminés d après l'autorité des
traditions: les erreurs sont forl rares à cet égard. Or, toutes
les traditions du pays s'accordent à regarder Nimroud
comme une ville primitive d'Assyrie et comme capitale de ce
pays, pendant que les ruines qui se trouvent vis-à-vis de
Mossoul et que l'on appelle yineieh passent pour avoir ap-
partenu à uue ville plus récente; sous le rapport d'antiquités,
tous les restes et monuments du pays ne peuvent pas être
comparés ave ceux de Nimroud.
« Le major Rawlinson s'occupe dans ce moment-ci du dé-
chiffrement des inscriptions découvertes par M. Layard ; elles
sont toutes en caractères cunéiformes.
« Un bas-relief découvert récemment offre l'hisloire com-
plète de l'art militaire chez les Assyriens, et prouve qu'ils se
sont servis de machines de guerre dont l'invention a été at-
tribuée aux Grecs el aux Romains, comme le bélier, la tour
à roues, la catapulte et autres. Le bas-relief en question
occupe la muraille d'une salle longue de 130 moires d large
de 30, et fait partie de tableaux de batailles, de sièges, de
chasses aux lions.
« La plupart de ces précieux restes sont dans un élat par-
fait de conservation el exécutés avec un art infini. La grande
salle ofi're plusieurs issues, toutes fermées par des lions ailés
ou des taureaux ailés. Toutes les issues communiquent aux
chambres, qui, à leur tour, conduisent à d'autres chambres
dans une succession infinie. Lescbambres sonl construites en
longues plaques couvertes d'ipscri|ilions. El, à propos d'in-
scriptions, on sait déjà que le niajur Rawlinson a le premier
fait copier et a déchiffré rinscriplum trilingue du tombeau
de Darius à Persépolis, qui conlieut les noms de tous les
pays alors tributaires de la Perse, n
Désastres. — Un incendie considérable a éclaté le 24
août au soir, à Andrinople, environ trois heures après le cou-
cher du soleil, au centre du populeux quartier des juils. Le
feu a pris dans une taverne fiirtement approvisionnée de
spiritueux, au moment où l'on était occupé à transvaser de
l'eau-de-vie, et les flammes acquirent une telle intensité,
que la taverne et la maison qui la surmontait furent embra-
sées en un clin d'œil. Le feu se communiqua avec uue sur-
prenante rapidité dans les r\ies attenantes, el les nombreux
secours apportés sans retard échouèrent devant la fureur des
flammes, dont le foyer s'était déjà étendu dans des propor-
tions efi'rayantes. On évalue les pertes causées par ce désa;-
Ire à la somme de 18 millions el demi de piastres.
— Une aflieuse catastrophe vient d'affliger également le
grand village de Tavannes, dans la partie suisse du Jura.
Le 13 au soir, trente-deux personnes claienl logées à l'hô-
tel de la Couronne, la plupart appartenant à des familles
étrangères. Un souper pris en commun avait réuni la pres-
que totalité de ces touristes ; à minuit, la maison tout en-
tière paraissait plongée dans un profimd sommeil, quand une
vive lueur se lil apercevoir dans une di's cliambres du pre-
mier étage. Comme le bon au de pusie se liiiu\ait dans I hô-
tel, et que la voiture transportant les ilcpeches de Bille à
Berne devait passer entre niinuil cl une heme, le maître d'hô-
tel, qui se levait pour ce service, bit le premier qui donna
l'alarme; mais l'incendie avait déjà ga^né Irois ou quatre
apparlenients, el il avait atleiiil les corridors el les f scaliei-s,
construits malheureusement Ions en bois.
Sept personnes ont péri. Quatre autres étaient encore dans
le plus grand danger.
On a trouvé dans les décombres beaucoup d'or et d'argent
fondus.
Nécrologie. — M. le comte Siméon. ancien directeur de la
librairie et des beaux-avis, pair de France, vient de mou-
L'ILLUSÏIUTION, JOURNAL LlMVEllSEL.
51
Ciironiqiie niusieale.
Opéra-Comiql'E. — Sultana, opéra-comique en un acte,
paroles de AI. Defohge, muskiueileM.M.iiRiCE Bourgk
C'est une petite pièce bien conçue, spirituellement con-
duite, écrite avec finesse et avec grâce, en un mot agréable à
voir, et qui a le mérite assez rare d'amuser le spectateur. Et
puis, connne si cela ne sullisait pas, il se trouve que cette
petite pièce est escortée d'une petite partition pleine de mo-
tifs cliarmants, relevés par une harmonie habile et par une
inslruinentation brillante... — unpeu trop brillante peut-être ;
mais ce trop d'éclat ne vous parait-il pas d'mi bon augure
chez un jeune couifiositeur qui en est à son premier début ?
Attendez seulement qu'il vieillisse : quand d aura soixante
ans, je vous promets qu'il s'amortira.
Qu'est-ce que Sullana.' Est-ce une Circassienne, une
Arabesque ou une Grecque ? Iiabite-t-elle le dire, ou Bagdad,
ou Constantinople'? Est-ce la favorite de quelque pacha su-
perbe'? a-l-elle fait tourner la tête au commandeur des
croyants'? Elle n'est pas si ambitieuse. Sa taille linc et élan-
cée et SOS vives couleurs ont inspiré une passion profonde;
mais celui qui pense à elle sans cesse, qui la couve de ses re-
gards, et qui ne la voit jamais sans émotion, n'est qu'un vieil
oflicier néerlandais, appelé liergliem. i>ullana est née en
Hollande, et non en Orient. Et puisqu'il faut tout vous dire,
Sultana n'est pas une femme, mais une lleur. Sultana est la
plus belle des tuliii.:s. Les ililetiaiili dont la Hollande abonde
la payeraient au poids de l'or, et c'est pour i-ela que liergliein,
qui 1 a plantée, qui l'a vue iiailie et se développer dans son
jardin, en l'ail tant de cas. L'épouss du prince Frédéric est
dilfllanle iiu premier cliel. Quand Bergliem lui fera hommage
de Sultana, elle n'aura rieu à refusera Dergheui, qui rocuii-
vrera. par sa protection toute- puissanle, s.i pension, dont il
a été injustement dépouillé, ses biens qu'on a mis sous le sé-
questre. Jqgez de la douleur de ce pauvre homme quand il
s aperçoit uu beau matin qu'on lui a volé Sultana !
Hélas! il n'est que trop vrai. Sullana n'est plus sur sa
lige : elle est au centre d'un bouquet que le prince Frédé-
ric, époux iulidéle îles princes le sont tous), envoie à cer-
taine comtesse duiU il esl épris. Heureusement le page por-
teur du bouquet a le défaut, délaut bien pardonnable à uu
page, de s'amuser en cliemiii quand il fait des comiuissions.
OQ vient-il s'amuser'? Chez Uerghem. Or, Berghem a une liUo,
une jolie lille, mademoiselle Claire, laquelle épouserait bien
volontiers un autre page qui est son cousin et qui s'appelle
LéopohI, si Bergb.'iii y consentail, et Berghem a promis d'y
con>e!ilir aiissili.t i|ue Sultana l'aurait fail rentrer en posses-
sion de sa lorluue. Du premier coup d'œil Claire reconnaît
l'incomparable Sultana dans la main du page Gilbert. —
Comment la lui reprendre? Cela n'est pas bien diflicile : une
lille bien élevée el pas trop laide a toujours à sa disposilion
des moyens infaillibles de faire faire à un page tout ce qu'ijlle
veut. Donc, en moins de cinq minutes, le Unir est fail. Sul-
tana passe (les mains du pane dans les mains de Claire ; il
n'en a coûté à celle-ci nue quelques œillades bien exécutées,
quelques réticences habilement placées, quelques-uns de ces
sourires traîtreusement féminins qui ne disent rien et qui
semblent tout dire. Eu un mot, au bout de cinq minutes
Claire a Sultana, et le page n'a rien Uu tout. u. Victoire ! »
s'écrie Berghem au comble de U joie ; el, de peur de nou-
vel acciJent, il porte sur-le-champ la prt^euse lleur à la
princesse. Or, le prince Frédéric, grand amateur des vaude-
villes de M. Scribe, y avait appris depuis longtemps qu'un
bouquet est un véhicule tres-commode pour un billet doux ;
il avait donc placé dans le bri lanl calice de Sultana une
lettre fort leiidre, où il demandait à la comtesse un rendez-
vous galant. Et c'est la piiiuesse qui reçoit le poulet! Jugez
de la confusion et de la colère du prince, et de toutes lesnié-
.saveuiures qui pleuvent bientôt sur Gilbert el dont l'ami Léo-
pold ne tarde pas à recevoir les éclaboussuies. Enlin, quand
tout le monde s'est assez démené, et que le public a sullisam-
menlri, la princesse, qui a del'espiil, va au rendeï-voiis de-
mandé à sa rivale, pardonne à son inlidèle, fait rendre ù Ber-
ghem tout ce que Berghem regrette, fait nommer Léopold
lieutenant el arrange son marm^e. Vovtz iwurlant comme
le calice d'une lleur est quelquefois gros d événéun'iils!
M. Maurice Bourge s'était déjà fait remarquer dans la presse
musicale par beaucoup d'esprit et d- verve et p.ir un slvie
brillant et chaleureux. On reconnaît dans sa musique les
mêmes qualités qui distinguent sa littérature. Jl y a dans .sa
parlilion des morceaux fort agréables, parmi lesquels nous
devons particulièrement citer le duo où Claire séduit ce
malencontreux Gilbert, les couplets de Berghem, un air de
Gilbert et un quatuor assez imnorlant, où l'auteur a prouvé
qu'il savait unir l'intelligence dramalique à toutes les quali-
tés qui font le musicien. Cola n'a rien d'étonnant, puisque
M. Bourge, qui vient de se révéler comme musicien, s'élail
déji fait coimaitre, et d-puis longtemps, comme écrivain
spirituel et élégant, et même commeaJroit veisilicateur.
Clwlivritpv d7> IPftrta.
Que de bruit et quelle agitation ! et cependant il y a huit
jours à peine, nous avions laissé la grande ville dans un calme
parfail, et nous en étions à courir les champs et les guerets.
Qui saif. disions-nous, la campagne nous fournira peut-être
ce nue l'aris nous refuse. L'optique de la province nous em-
bellira peut-être Pans el lui donnera une sorte d'animation
relalive, mais là-bas, l'air était si pur, le ciel si vaste si
verte encore était la verdure et les aibres si bien chargés
d ombre et de feuillage, les horizons nous semblaient si im-
posants, et les briiils d en haut si majesUieux qu'en véiilé la
Bibylone était oubliée. Du reste, notre idvllc était peu digne
dun chroniqueur : Courir dans les hautes lifrbcs, grimper
dans les vieux donjons, s'arrêter dans les villages, boire à
toutes les sources, parler tous les patois.
Tels étaient nos plaisirs. Quel changement, ô dieux!
comme dit le poète.— Pendant ce temps, Paris se réveillait, le
réveil du lion! Mille rumeurs emplissaient la ville, d'où vient
cet émoi imprévu'? Et pourquoi cette grande agitation"? S'a-
git-il d'une création nouvelle, quel asire inattendu s'est levé
à l'horizon; un génie incompris se serait-il révélé au monde!
la rente baisse, parle-t-on d'une conversion, d'une dissolu-
tion on d'une intervention'? Vous l'avez deviné, il s'agit d'un
mariage, et même de deux. La reine Isabelle d'Espagne
épouse son cousin don Francisco, et M. le duc de Moulpeii-
sierva s'unir à la jeune infaute doua Luisa, quatre portraits
donti'//(ustra(('on enrichit son médaillier. Vous savez aussi
bien que nous tout ce qu'on se plait h répéter de llatleur
louchant la reine Isabelle et son illustre prétendu : la reine,
jeune et charmante, connaissant à fond toutes les langues
chantées de l'Europe, et son fiancé, pourvu de toutes les qua-
lités de l'emploi, et homme de bonne volonté, bona; volunla-
(w, comme dit l'Ëcrilure. Mais entre ce bonheur royal et nous
il y a les Pyrénées, ciiconslance qui refroidit un peu rcnthou-
siasme. Quant ù l'infante dona Luisa, la liancée de M. de
Montpensier et qui, par la même occasion, devient la fiancée
de la France, nous pouvons nous montrer un peu moins la-
conique, el, grâce aux renseignements d'un jeune Français,
liabiliié du Prado et de la place Mayor, encadrer plus con-
venablement le portrait que l'Illustration vous en envoie. Ja-
mais lleur plus délicate, et plus belle, nous dit-il, ne s'épa-
nouit dans celte royale famille. Sa taille est svelte et mince,
ses joues ont la blancheur d'une couche déneige Iraichement
tombée avec celte teinte rose si rare dans la péninsule, comme
SI le soleil eût jeté sur cette neige son rellet pourpre. Ses
yeux ressembleotàdeux pierres précieuses, étincelantes sous
1 arc léger de ses sourcils.
Notre correspondant poursuit et insiste assez longuement
sur te ton dithyrambique et n'a garde d'oublier aucune des
perfections de dona Luisa. Bref, il dit en terminant : L'air de
dignité et le maintien noble et fier de la princesse sont d'une
Espagnole, mais elle est Française etParisienne par la grâce,
la vivacilé et l'esprit.
Des princes se marient, d'autres princes s'évadent, et ou-
vrent, en s'échappant, la boite de Pandore. Celte noble Es-
pagne qui nous envoie une noble fiancée va peut-êlie s'em-
braser encore une l'ois des fureurs de la guerre civile. Le
comte de Montemoliu ne reverra pas seul la Navarre et la
Biscaye, eU'on sait maintenant qu'il va jeter dans la balance
des événements la pesante épée de Cabrera, de ce pauvre pe-
tit moine, decet échappé d'université qui tint si longtemps en
échec les armées d'Espartero et vint camper, en 183(J, sous
les murs de Madrid. Les faits et gestes de Raraon Cabrera
tiennent du merveilleux ; ils rappellent les temps héroïque-
ment sanglants du moyen âge, et avec le récit de ses coups
d'épée et de ses coups de main, on ferait un assez long poème
ii la manière de l'Arioste. Aussi l'apparition de cet Orlando,
dans les gorges de Roncevaux, pourrait bien faire relluer le
Ilot parisien des baigneurs de Baréges et de Luçon.
Paulo majora cona»»«s, c'est-à-dire que nous allons chauler
de moins hautes destinées, bien qu'il s'agisse de la création
d'un immortel, enfanlement toujours pénible et laborieux, et
qui, cette fois, lésera bien davantage, s'ilest vrai qu'une dou-
zaine de candidats se soient mis sur les rangs. Qui est-ce qui
,se serait douté que le fauteuil académique de ce bon M. de
Jouy fut menacé d'une telle invasion, et que lant de candi-
dats viendraient se faire tuer sous lui"? On ne compte plus ces
messieurs, il faut en foire le dénombrement, el les classer
par professions et calégories. On cite donc : M. Leclerc
M. Boniour, M. Ponsard, M. Janin, M. AiméMarlin, M. Ma-^
gnm, M. Chasies, M. Empis, M. d'Angleniont, M. Emile Des-
cliamps, M. Vatout... Quand aura-t-il toutcilé? sécricrail Pe-
tit-Jean, la liste est nombreuse en ellèt, et lémoigiie de l'espi il
d invention qui distingue les lournaux dès qu'il s'agit d'jmpro-
viserdes candidatures; ilsévcillentpar lii toutes sortes d'ambi-
tions littéraires, et donnent des idées à plus d'un aspirant qui
en manque. Il est assez singulier d'avoir à dire que de tous ces
candidats, les plus sérieux jusqu'à présent, sont précisément
ceux que vous jugeriez l'être le moins. « Mais vous ne vous
presenlez donc pas, disait-on dernièrement à M. Dumas. —
Je veux, répondit-il, leur laisser rembarras du choix. »
Point de nouveautés dramatiques; le théâtre a chômé
cette seinaine, et si l'on a joué la comédie quelque part,
c'est à Saint-Gennain-en-LaYe. La muse hospitalière de
M. Alexandre Dumas lèlait Sliakesiieare et llamlet dans ce
château que l'auteur de Monte-Cristo a ouvert à toutes les
gloires diainali(|ues du monde, et où il olVie une hospilalité
lastueuse à ses amis. M. Dumas, qui pratique tout en grand,
el l'amitié comme le reste, avait réuni six cents amis pour
celle soirée dramatique, qui s'est terminée par un festin. Ce
badigeonnage de la plus belle fresque épique de Shakespeare
a été fort goûté, et depuis quelques jours les feuilletons de la
littérature bydrophobe en rugissent d'admiration. C'était
1 occasion ou jamais de mor lie ce pauvre Ducis qui n'en
peut mais. M. Dumas, en .se faisant proclamer comme l'undes
autres traducliiiis d llamlet, a reconnu un collaborateur et
s est paré de la plume de M. Paul Memico.
Cependant l.s Variétés nous donnaient un vaudeville en
quatre coinpailimeiils el sous ce litre : Paris l'été. S'il faut
en çrmre les ailleurs, MM. Gabriel et Dupruly, tout l'élé de
Paris et des Parisiens se passerait à l'école de nalalion, au
Chàteau-Rouge et devant les cafés chantants des Champs-
Elysées. Pour eux il n'y aurait de belle .saison qu'an siiu de
ce triple séjour, et hors de là le Parisien deviendrait invisi-
ble et impossible. Il est vrai que les quelques personnes qui
se partagent le privilège d'être oisils impunément ont disparu
de la capitale au mois de juin, el n'y rentrent guère qu'en
novembre. Alors tout ce beau monde s'en va de compagnie,
qui aux eaux, qui dans ses terres, les antres à l'étranger, et
si vous leur demandez le molif de cette émigration périodique,
ils vont vous répondre : « Que fcrions-noiis à Paris? il n'y a
plus personne pour nous regarder. » Mais à lu place de tontes
ces vanités qui lui échappent, combien d'ingé uités nouvelles
Paris n'acquiert-il pas? Paris d'ailleurs, quoi qu on en dise,
ne perd jamais ses premiers rôles; ce sont les comparses qui
le quiltent. On a trop abusé, et le Courrier de l'IUusiralion
tout le premier, de la métaphore suivante : Rome u'est otus
dans Hume, alors qu'une pjigoéc de Itomains seulement va
se faire une Capoue ailleurs. Ne laissons pas échapper celte
occasion de proclamer que la capitale n'est jamais plus peu-
plée que dans la belle saison, par celle excellente raison : la
belle saison ! Toutes ses portes s'ouvrent à tous, et il lui ar-
rive des Parisiens de tous les coins du inonde. Ces beaux in-
fidèles, ces élégants et ces volages même qui l'ont aluuub^ii.é
par fatigue, l'ennui les rend bienlot à noire Paris. Nous on
altestons les mille et mille villas éparpillées autour ilc son en-
ceinte, et dont elle est cernée à vingt lieues à la ronde. Idée
originale! voir l'été do Paris et le Paris de l'été aux Champs-
Elysées et au Chàleau-Rouge, comme si Paris n'était pas assis
dans un plus vaste jardin, et couché dans des champs "do
verdure et sous les plus riants ombrages. La vallée de Mont-
morency, le bois de Verrières, le narc du Raincy, les forêts
de Senartet de Saint Germain, tels sont les jardins de plai-
sance du Parisien, et c'est là qu'on le rencontrcà ses heures
de loisir; seulement le vrai P.uisien n'abuse pas de la vie
champêtre, il en connaît l'éciicil et les dangers, il sait mesu-
rer l'étroite limite quise|iaic l'agréable de linsipide, elabré-
ger ses jouissances biiniliques dans l'intérêt de ses plaisirs
Comment vouliez- vous donc que le Parisien se fût lecoinui
l'autre soir aux 'Variétés dans ces petits bourgeois mesquins
ladres, sans passion, sans gaieté el sans esprit, sousprélexiè
de Paris V été nwahU lendemain, quel dédoinmagenieni ' fi
a revu Veriiet; Veniol est renlré a l'iioprovisli', en niêiue
temps que son camarade Odiv, madame P^xliol' lelroiiviit
madame Gibou, Malhias l'invalide donnail le bras à Bilbo-
quet, autre invalide. Mais ils ont eu beau vieillir tous les
deux, leur talent n'a pas dérides. Aulour de nous, on s'en-
quérait de leur âge, comme si les bons comédiens avaient
un autre âge que celui de leurs rôles. Voilà cinq ou six l'ois
déjàqu'Odry et Vernel rentrent de compagnie et Imijours
avec les mêmes applaudissements, dans les mêmes emplois
Tous deux semblent dire aux spectateurs : «Voyez tout ce
que vous avez perdu, » et aux auteurs : « Voyez tout ce
que vous auriez gagné en nous employant. » Car, et c'est le
plus grand éloge qu'on puisse faire de ces excellents comé-
diens, ils se sont arrêtés, comme le voyageur de Laponie on
le sol a manqué, ubi defuit orbis; l'art n'a pu tailler tou.s' les
vêtements qu'ils eussent si bien porlés, ni utiliser tout leur
talent. Vernet, l'idéal du naturel, Odry, le grotesque monté
jusqu'au snbUme, les voilà donc partis, et, cette fois, pour
ne plus revenir! 0 Iry bat défiiiitivenienl en retraite devant
soixante-treize printemps ; Vernet se retire, la béquille en
main, vaincu par la goutte.
«Est-ce là, nous direzvous peut-être, toute l'agitation ot
tout l'extraordinaire de celle semaine? » Nous vous répli-
quons : «N'est-ce donc rien que deux mariages qu'un bruit
de guerre accompagne, rien qu'une apparilion de guerre ci-
vile à nos portos, rien qu'une baisse assez considéralile à la
Bourse ? Et celte course au fauteuil académique, et cet Hamiot
ressuscité à Sainl-6ormain-en-Lave? l'aul-il oiirin aiouler
à la mention de luus ces événcinonls niémor.ibles une' autre
nouvelle désastreuse : la glace manque dans la capitale c'est
le résultat d'une tempéralure exagérée et de celle saison in-
cendiaire. Un déficit de glace en plein été, jugez de la dé-
solation des limonadiers. Torloni a été frappé de terreur
Foy fondait en larmes, Fra.scati a ouvert l'avis d'une expé-
dition vers les Alpes ; mais le Monl-Hlane est trop liant
et la Jung-Frau trop loin. On s'est donc rejeté vers le Nord
dans l'espérance d'y trouver une mer... de g'iaco. En effet oiî
a dépouillé les pôles, el le Groenland a livré ses magasins'- on
annonce l'arrivée au Havre d'un océan cristallisé; el, comme
la température se calme extrêmement, il est permis d'espérer
que la provision tiendra bon "et ne s'en in pas en eau claire
Le mois de septembre est un temps de repos pour Mes-
sitiirs de Première Instance. Chicaneuu se tient coi et la
Thémisdemur mitoyen fait relâche; mais la cormiitm'nelle ne
connaît point ces loisirs, et les assises ne se lèvent jamais
Aimez-vous l.'s d'Jlils'? on en comiiiol parloul. H »'> a point
de journal qm n ait sou petit compte rendu do hrouleries
Tous les malins le crime vous arrive timbré ot sous bande'
C'est bien celui-là qu'il faudrait inventer, s'il n'existait pas'
pour l'agrément deslecleuis, tant il est vrai qu'un vol facé-
tieux dissipe la bile, fail passer les plus gros morceaux il
facilile la digestion. Voici, par exeui|ile, un Konianzolf dont
les exploits sont assez bien tournés pour exercer celle iu-
nuence salnlaiic. H y a du roman et du romanesque dans -n
vie comme dans son nom. Il faut rendre à Romaiizoll celle
justice en attendant celle qu'on lui fera plus lard, l'ost
que nul filou n'eut, à un aussi haut degré, les qualités de
sou emploi, ni le génie de sa vocation. Citez-moi un voleur
qui an obicrvé plus consciencieusement jusqu'au houl les
rèj;los do la mi.so m scène. Nous le vovons d abord, docile
aux inslruclion» des plus grands mailre's, marcher de péri-
pélies en péripéties, el reculer de toutes ses forces lo déiioû-
meut. La police met à ses trousses se» plus fins limiers, on le
poursuit, on le chasse, on le traque en Pru.sse, tn Italie, en
Anglolerre, en Franco, RoiiianzolV s'esquive, disparail, couil
s'escamolect l'ail défaut. Telle est sa faute précisémeiit; Ro-
manzolT fail des faux. Il a du faible pour les billets de ban-
que; il vent eiiavoii toujours sous la inainol dans ses poches, et
ne pouvant garder les originaux qu'il oonvoile, il en tire ime
infinité de copies. Ce croqueur de billels de caisse, et qui
connaît toules les banques, y compris la banque de France
a élé appréhendé avec un détail bizarre. Son signalemi ni cl
son polirait .ivaient élé adressés par la police à lf,us lis inlé-
ressés ; ce Ronianzoff. croqué à son tour, ornait tn effigie ii.us
les comptoirs de l'Europe, lorsqu'il présenta naguère ihiz un
changeur une hank-nole de cent livres. Le dangnu a des
doutes, il regarde notre lionmie, qui se trouble, » I iucimI |,'i
fuite en laissant le billet, un billet véritable et nùllomentlal-
îiS
L'ILLUSTKATION, JOURNAL UNIVERSEL.
.j^ji^S^Fi^w^
(Don François d'Assises, infant d'Espagne.)
(Isabelle II, reine d'Espagne.)
(Dona Maria-Luisa-Eerdioaoda, iofanle d'Kspagiie.)
(S. A. R. Mgr le duc de Montpeuiier.)'
etenparodiantlantd'autrcsj^riindscsiH'ils, «encore centmillu I sous silence et las escamoter, d'autant plus que nous sommes j roclionnelle, vous l'ics scuivenl exposés à ne plumer quun
irancs, et je me faisais lumncte liuiiiiiic ! » loin déjuger leurs tours pendables, sans compter qu'en vicuxcaïKird, Laprosso quotjdienneaune etpraliqneboaucoup
Grâce a ce lilou émérite, nous pouvons passer les autres | croyant saisir et mettre è nu quelqu'un de ces aigles de Cor- 1 ces sortes de tours, mais ce n est pas le nôtre. Cliacuu son tour.
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL,
53
Le Sémaphore de Marseille a publié une lettre de Rome,
liu 8 septembre, doiinant sur cette lète, et l'ûvation dont le
pape a été l'objet des détails intéressants :
« Triomphe île Pie IX : Les Romains appellent ainsi la fête
qu'ils donnent aujourd'hui au saint-père. Et, vraiment, ja-
mais fête populaire n'a été plus magnilique, plus touchante :
il serait aussi impossible de rendre l'impression qu'elle a
causée, que d'expliquer les mille incidents qui la composent.
u La fête du 8 septembre est célébrée à l'église appelée
Madonna del Popolo, située sur la place de ce nom. Le saint-
pêre s'y rend, ce jour-là, avec toute la pompe pontilicale, et
traverse le Corso presque dans toute sa longueur. On sait
que le Corso est cette magniUque rue, de plus d'un raille de
longueur, qui pourrait être appelée le diamètre de la circon-
férence de Home. Le passage de Sa Sainteté dans un tel lieu,
à l'occasion de la fête d'une madone si populaire, ollrait aux
Romains la circonstance la plus favorable pour célébrer la
fête qu'ils voulaient appeler le triomphe de Pie IX. Aussi,
dès le jour de l'amnistie, avait-il été annoncé que le grand
témoignage de la joie du peuple aurait lieu le S septembre.
u Depuis lors on a travaillé à cette fête. Une souscription
nationale a été ouverte, pour ériger à Pie IX un monument
destiné à éterniser sa clémence ; un simulacre en bois, de ce
grandiose édilice, uni ne sera rien [moins qu'un desj plus
lia fête de la Nativité à Rome.
beaux arcs de triomphe, dont l'anliqnilé et les temps mo-
dernes puissent offrir de? modèles, a été improvisé sur la
place du Peuple. Le sommet, comme la base, est entouré de
statues, symboles de la religion, et des vertus dont Pie IX
est le modèle. Des inscriptions, aussi convenables que tou-
chantes, ornent les colonnes. Sous la voûte de l'arc un tapis
brodé en lleurs naturelles, représente les armes du saint-
père, entourées de plusieurs devises; les alentours du monu-
ment et la voie que doit fouler le char pontifical sont cou-
verts de lleurs jusqu'au (Juirinal, à l'heure où le cortège doit
en sortir.
« Qui pourrait rendre en cet instant l'aspect du Corso !
Dès la veille, il était rempli d'une foule enthousiaste, parmi
laquelle on remarquait plus de vingt mille âmes, venues des
provinces pour assister a cette fête. Les jours précédents les
petits bateaux à vapeur du Tibre, apportaient chacun régu-
lièrement quatre ou cinq cents provinciaux, entassés, on peut
le dire, sur le pont et dans les entre-ponts. A mesure que
ces pyroscaphes entraient dans les eaux de Rome, tous leurs
passagers a:;itant leurs mouchoirs et chapeaux, faisaient re-
tentir, avec délire, le cri de l'ivo Pio nmio.' et la population
accourue sur la rive, répondait à leur témoignage d ardente
sympalhic par des cris non moins expressifs. Ces jours-ci,
c'était une fête d'aller à Repetta (grand port sur le Tibre),
voir arriver les vapeurs ; c'était là qu'on pouvait se faire une
idée des provinces.
« Mais revenons au Corso. Le 7, au soir, toute la ville et
le Corso avaient été richement illuminés, on prélude ainsi à
Rome aux grandes solennités. Mais dire comment cette ma-
gnilique rue était décorée le 8, serait impossible, à moins
d'écrire un gros volume. Chaque palais, chaque maison ex-
primait les sentiments de ses habitants par mille tentures
emblématiques, mille devises, mille bannières, mille guirlan-
des de fleurs ; parmi les innombrables devises exposées, nous
avons retenu les deux suivantes : « Que la modération ac-
compagne toujours la manifestation enthousiaste de notre
amour!
« Heureux le peuple qui, comme nous, peut obéir en ché-
rissant ! 11
« Le saint-père approche!... un silence profond règne dans
le Corso et permet d'entendre les acclamations lointaines qui
saluent le passage de Pie IX. Voici le cortège : cinq gendar-
mes, marchant au pas. de front, ouvrent une issue à travers la
foule. Cinq cents jeunes gens en habit noir agitent des bran-
ches de lauriers dans leurs mains, les bras ornés des cou-
leurs pontificales, marchant sur six de front en criant : Vive
Pie IX! gloire au sainl-jière! dévouement à la clémence!
Ils sont suivis par la famille du pape (ses serviteurs) en habit
(Arc de
nphe élev.
i place du Peuple, le 8 septembre 1816, enj'honoeur du pape Pie IX, par le peuple
cramoisi. Le char pontiOcal vient ensuite; voilà Sa Sainteté!
Les yeux baignés de larmes, en proie à la plus douce émo-
tion. Pie IX donne à tous sa bénédiclinn. sous une nuée de
lleurs et de sonnets, au milieu d'acclain:ilioiis iiiiiiMt-'inalilfs.
« Telle est la faible idée qu'il nous est piissiblc df dniiniT
de celte fête incomparable, composée di' mille épisodes, tous
plus touchants les uns que les autres. »
On écrivait de Livourne le 10 :
« Le paquebot français l'Eurotas vient d'arriver de Naples
et de Civila-Vecchia. Les lettres qu'il nous apporte sont rem-
plies de détails sur la fête qui a eu lieu le 8, de la Madonna
ai Pie dt'Grofto à Naples, et de la Madonnadel Popolo il Rome.
La première a été pour ainsi dire militaire, car le roi a passé
une grande revue de 3rj,000 hommes de toute arme, réunis
en cette occasion dans la capitale. La présence du prince de
Joinville et des navires de l'escadre française dans le port
ajoutait encore à l'éclat de la fête. »
Enfin, on écrivait de Gènes le 15 :
Il L'ouverture du huitième congrès scientifique italien a eu
lieu hier. Le prince de Canino (fils de Lucien Bonaparte) a pris
la parole pour annoncer qu'avant de nuitter Rome, il avait eu
une audience de Pie IX, qui l'avait chargé de faire savoir au
congrès combien il appréciait cette institution, et qu'il avait
par conséquent très-volontiers permis aux savants des Etats-
Romains d'y assister; que son intention était d'adopter tout
ce qui pouvait contribuer au bien matériel et intellectuel des
populations ; il pensait rétablir la fameuse académie scienti-
fique (/ciLinm.
« Ces sentiments du nouveau pape ont été accueillis par de
vifs et unanimes applaudissements. »
Roblot ayant été appelé pour déposer, il s'avança tenant
son petit garçon par la main ; il l'assit sur une chaise à coté
de lui, et, se tournant du côté des jurés, après avoir retrouvé
une de ses poses de la garde impériale, il parla en ces ter-
mes :
(1 Messieurs, il faut vous dire que ma fille tient un petit
commerce de mercerie rue de La llarpe,22; elle avaitépousé
un maréchal-des-logis au 12' dragons, un brave garçon, eslimé
de ses chefs, et qui la rendait três-lieureuse; mail il est mort
il y a dix-huit mois. C'est un malheur. Donc, ma fille éUint
seule, et obligée de faire un voyage pour une succession dans
la famille de son mari, soi-disant, qu'il ne lui reviendra peut-
*tre rien, mais c'est égal, elle m a laissé son petit garçon
Ii'Knfant voir*
(Fin. — Voir tome VIll, p«pe IJ.:
pour que j'en aie soin. Ça ne pouvait pas lui manquer, parce
que, ce n'est pas pour dire, vous me croirez si vous voulez,
mais un vieux soldat, il n'y a pas de meilleure bonne d'en-
fant. Cet enfant, c'est tout naturel, vous savez ce que c'est
qu'un grand-père; moi, je l'aime comme mes yeux... Je
commence à être vieux... J'ai bien ma femme... mais une
femme, ce n'est pas toujours amusant... au lieu que cet en-
fant, il va'', il vient, il babille, ;il fait les cent coups... ça
égayé la maison... Pour lors, voilà que l'enfant m'est volé
le I') de juin au soir. ..Une bêtise de mu femme, voyez-vous...
elle l'aime pourtant bien, sapristi... mais une bêtise, parce
qu'un enfant, c'est comme un poste, il ne faut pas quitter
ça un instant. ..La pauvre femme! elle en a pâti tout comme
moi, sans compter les taloches que j'ai pu lui donner, quoi-
que pas méchant... Mais vous comprenez, messieurs... la
colère. .. enfin suffit, ça n'empêchait pas l'enfant d'être perdu. . .
Vous sentez qu'étant militaire, et dans le temps où il y
avait de la besogne, j'en ai vu de cruelles dans ma vie...
A la Moskowa, qui m'a rapporté le coup de sabre que vous
pouvez voir, j'ai passé deux jours, blesse, sans boire ni man-
ger, dans le ventre d'un cheval mort; c'est une drôle d'am-
bulance... Au pont de la Bérésina, je suis tombé dans l'eau,
qui n'était pas tiède, et en sortant delà, pour me réchaufler,
j ai été pris par des Cosaques qui ne m'ont laissé, au respect
que je vous dois, que ma chemise... A Lutzen, j'ai eu mon
frère tué dans mes bras... Eh ! bien, tout ça ce n'était rien
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
aiiui'ùs de ce que j'ai soulîert quand cet entant m'a manqué...
Daine! pour le retrouver, voyez-vous, j'aurais donné ma croi.x
d'honneur, j'aurais donné mes deux bras et mes deux jambes,
el ma vie, bien entendu, et celle de ma femme par-dessus
le inarclié (ii-i la «énérosilé de Roblot excita le rire de l'as-
semblée); mais ce n'était pas ça... il fallait se remuer. J'ai
couru dans Paris pendant deux jours, connue un onmibus;
j'ai été à la police, oii J'ai trouvé des messieurs tré.^-honnètes,
mais qui ne m'ont servi à rien... Enlin, par le moyen d'une
bilièreetd'un conducteur de diligence, j'ai eu des nouvelles,
et j'ai retrouvé mon enfanta l'iiospice d'Elampes, avec ma-
demoiselle... , ,. ,
— On n'avait fait aucun mal à votre enfant, dit le prési-
dent.
— Du tout, monsieur, répondit lioblot.
— Du mal it cet enfant ! s'écria Louise aussitôt. Ah ! mon-
sieur... cher petit ange... au contraire, j'en ai eu bien soin,
— C'est vrai ! c'est vrai? ma pauvre lille, dit Roblot. Mon
Ùieu ! je no vous en veux pas : vous m'avez bien fait souffrir.
Mais à présent, c'est passé... j'ai rriOn petit garçon, n'en par-
lons plus. » , , . / ,
On entendit un chirurgien de l'hospice de la Maternité. Il
déclara que la lille Sécbard, entrée depuis quelques jours
dans la maison, le 15 juin au soir, l'avant-veille du vol, éiait
accouchée d'un enfant mort. « Je fis même, ajouta-t-il, îiue
remarque en la délivrant... Mais, il est inutile de la dire,
parce qu'elle ne peut servir à la cause, et... il ne faut afili-
ger personne sans nécessité... — il continua. — Messieurs,
je ne saurais vous dépeindre le désespoir de celte bile, quand
on lui dit que son enfant éiait mort... Je n'ai jamais rien vu
de semblable... D'abord, elle ne voulut pas le croire... iMais
non, disait-elle, ce n'est pas vrai... Mon enfant n'est pas
mort; je l'entends crier... Je veux le voir... Donnez-le-moi.
Il me faut mon enfant... Vous êtes des monstres de m'enlever
mon enfant. » Elle vit qu'on l'emportait... elle s'élança de
son lit, toute san'.^lante qu'elle était, arracha le cadavre des
mains de la sncur, et l'approcha aussitôt de son sein, en di-
sant : « Tiens, cher enfant, tiens, pauvre petil, voilà le sein
de ta mère...» Il fallut bien le lui enlever... Alors, elle poussa
des cris déchirants .. elle se frappait la tête contre la muraille.
On eut toutes les p>incs du monde pour l'empêcher d'alten-
ler à ses jours... Je rt.commandai, en m'en allant, qu'on la
surveilli\t avec beaucoup de soin; mais le surlendemain,
j'appris qu'elle avait disparu.
— Monsieur, dit le président au témoin, pensez-vous que
l'accouchement de cette lille et la perte de son enfant aient
pu être pour quelque chose dans l'action qui lui est repro-
chée?
— Je n'en doute pas, monsieur le président, elle a dii être
pendant plusieurs jours dans un état de douleur exaltée qui
a pu allm- jusqu'à l'égarement. »
Le chirurgien alla s'asseoir auprès de Roblot, qui lui dit
tout bas :
« Quelle est donc la remarque que vous avez faite pendant
raccuuchem.ent, et dont vous n'avez pas voulu parler?
— C'est que cette pauvre lille, chez laquelle l'instinct de la
ina'ornilé est si développé et si ardent, n'aura jamais la joie
d'être mère. Les enfants qu'elle pourrait avoir perdront la vie
en naissant-
— En effet, dit Uoblot, vous avez bien fait de ne pas lui
dire ça !> celte malheureuse... Vous êtes un brave homme! »
Pendant le récit du chirurgien, l'accusée n'avait cessé de
pleurer. Dès que son émotion fut calmée, le président lui
adressa la paro!c :
« Kille Sécbard, lui dit-il, faites-nous connaître ce que
vous avez fait à votre sorlie de l'hospice, et comment vous
avezcommii le ci ime dont on vous accuse?»
ssiivi veb yeu\, elle se leva et parla ainsi :
m s ( (iiuiiH ]e vous I ai dit, je ne suis qu'une pau-
I ilui 1 1 I ^ ils bien que je mérite voire mépris;
iiis \( il»/ bien m'entendre, peut-être pourriez-
u vous intéresser a moi...
z, pailez, 1) lui dit le président.
Iinui
1 1 est bien misérable, mais il aurait pu être meil-
n'est le suis dune bonne famille, messieurs,
lie, mais d'une taraille d'honnêtes gens. Mon père
r d école dans notre pays, à Voiineuil, un gros vil-
au\ enviHuis de Foitieis. Il m'a élevée le mieux qu'il a
pu il im donne de bous principes et de la religion... Mal-
h'iiii usi ment, ]e I u peidu liop tôt. J'avais quinze ans : ma
nii'ie élut miiili depuis longtemps; je suis donc restée or-
phelin ' avei une soein beaucoup plus jeune que moi. C'était
,1 moi il ' Tel ,1 r j ai mis à cela tous mes soins... Mon tra-
vail siillis ut poui nous deux |e tachais de lui apprendre le
pi u que ]e sivus luette entant était délicale... elle me don-
mit bien de 1 1 peine, etj ai pissé plus d'une nuit à la veiller,
malade, dans le petit lit que nous avions pour nous deux;
mais je ne me plaignais pas de cela, car j'ai toujours aimé
les enfants, el coniiiient n'aurais-je pas aimé ma sœur, pau-
vre petite créature qui n'avait que moi poursoutien... Quand
j'élais obligée de la quitter pOur aller travailler en ville, je la
laissais à une bonne voisine en qui j'avais toute confiance...
Le dimanche, j'allais la promener dans les champs pour lâ-
cher de lui donner de la force... Dans le village, quand on
me voyait passer, tenant ma sœur par la main, ou ni'apinlait
la pelile maman... Mais, voyez, messieurs, combien j'ai eu
do malheur... Au bout d'une année lie peines, l'enfant est
morte dans mes bras... Alors, je me suis trouvée seule, loule
seule au monde, sans parenis, sans appui... Quand j'ai eu
dix-sept ans... ji; voyais marier des jeunes tilles autour de
moi, et je me disais : N'y aiira-l-il pas nu homme bon et
1 1 iji- ;rii ;:ii veuille bien épouser uue pauvre hlle comme
111' 1. . 1 ' I I l'harilé qu'il lerait; mais je le récompense-
rais 1 h, Il •■! !'i luant... il s'est trouvé un homme, mais pour
me lioiii|iiT... jiiiii pour m'épouser; pour faire de mni ce
que j'aurais laiit voulu être, une honnête femme el une luuiue
mère de famille. Commentaurais-je pu me défendre? savais-je,
moi, qu'on ne cberchequ'à troni|ier une jeune hlle... avais-je
la un père ou une mère pour m'apprendra cela el pour me
protéger... Dès (pie la faute fut commise, on le sut partout...
j'ignore comment... mais peut-être ce méchant homme l'a-
t-il dit... Alors on me montrait au doigt dans le village; on
me refusait de l'ouvrage dans toutes les maisons... Alors, j'ai
été obligée de quitter le pays. Une première faute m'a con-
duite à la misère , et la misère... à la dégradation. Si vous
saviez, messieurs, ce que c'est... élie toujours seule, sans pro-
tections, sans personne pour vous donner de bons conseils...
Si vous saviez aussi comme la vie est diflicile pour une pau-
vre femme; comme elle gagni! peu tout en travaillant, el
comme il est facile de se perdre, quand on manque de pain.
Cette vie, dans laquelle je suis tombée, sans doute elle est
bien méprisable, mais elle porte sa peine avec elle, je vous
assure... Oh! que j'ai souffert!
« Quand j'ai été enceinte, je me suis crue sauvée... il m'a
semblé que Dieu me tendait la main, et m'envoyait, dans mon
enfant, un ange en signe de pardon... je me sentais au cœur
une si grande joie d'avoir un enfant, et cette joie-là était si
pure... j'étais heureuse d'éjirouver enfin un sentiment dont
je n'aie pas à rougir... je me disais : Quand une femme de-
vient mère, si abjecte que soit sa condition, c'est toujours
une mère... on ne peut pas lui ôter cela... Enfin, que vous
dirai-je, messieurs? j'étais si folle... je me promenais dans
les rues exprès pour montrer ma grossesse... pour entendre
dire : Vola une tenime qui est près d'accoucher... Je me met-
lais un peu dans la foule, pour que quelqu'un dit : Faitcs-
donc attention, ne voyez-vous pas que cette femme est en-
ceinte... des enfantillages... comme on ne me connaissait
pas, rien que parce que j'étais grosse, j'inspirais de l'intérêt
et du respect, et quel bien cela me faisait, moi, pauvre hlle
si habituée au mépris... Pendant ma grossesse, je menais
une vie si retirée, qu'on se moquait de moi; mais cela m'é-
tait égal... je n'avais plus besoin de spectacles, ni de bal, ni
de tous ces plaisirs que nous recherchons, nous autres, pour
nous étourdir et oublier nos misères... Tout mon plaisir,
c'était de songer à mon enfant... Pour lui, je sentais bien
que j'aurais le courage de travailler... je l'aurais bien élevé,
soyez-en sûrs... et il n'aurait jamais su ce qu'avait été sa
mère... Mais voyez donc, messieurs, se faire une joie d'avoir
un enfant, mettre son bonheur là. et compter là-Ucssus pour
sortir d'une vie honteuse, le porter pendant neuf mois; le
sentir remuer et vivre en soi; tant souffrir pour le mettre au
monde ;... et puis, ie perdre tout de suite; ne pas en jouir
un seul joiir... ne pas le voir un instant suspendu à son sein,
ne pas sentir un instant sa petite bouche sucer du lait... Oh!
quand on m'a dit que mon enfant était mort... je suis deve-
nue folle... oui, lorsque je me suis sauvée de l'hospice, j'é-
tais folle... j'ai couru sans savoir oii j'allais... je ne pourrais
vous dire ce que j'ai fait... Je sais seulement qu'en passant
devant une grille du Luxembourg, j'ai vu ce joli enfant...
(elle montrait le petit Eugène), j'en suis devenue amoureuse.
Ob! mais d'un amour qui me tenait à la fois au conir et aux
entrailles... Je le regardais... Il m'a tendu sa petite main en
souriant... et je l'ai emmené... Le croiriez-vous, messieurs,
je n'ai pas songé àsa mère?... non, je n'y aijjas songé, preuve
que t'étaij folle... et puis, on ne pense qu'à soi , quand on
souffre, et je souffrais tant... Voilà comment j'ai fait le crime,
puisque c'est un crime que j'ai commis... Dieu sait pourtant
que je n'ai jamais fait de mal ni de tort à personne... Ayez
pitié de moi, messieurs...»
Et elle se rassit en pleurant.
(i Parbleu! dit Roblot, ému comme tous les auditeurs, et
essuyant une larme qui coulait de ses yeux, je ne me serais
jamais attendu à cela... Voilà un bon cœur de fille... »
Louise Sécbard fut acquittée.
Après l'arrêt de la cour, elle remercia le président et les
jurés. En descendant du banc des accusés, elle passa auprès
de Roblot qui tenait son petit garçon par la main.
« Eh bien! ma pauvre hlle, lui dit celui-ci, vous voilà libre.
Tant mieux!
— Monsieur, pardonnez-moi le mal que je vous ai fait.
— Ah ! je n'y pense plus. »
Puis, comme il la voyait regarder encore l'enfant d'un œil
de convoitise...
«Je le vois, vous auriez bien envie de... »
Elle sourit.
0 Allons ! embrassez-le.
— Merci, monsieur, » dit-elle enjoignant les mainscouiine
si on lui avait fait la charité; puis, elle se jeta sur l'enfam, le
prit dans ses bras et le baisâ tendrement.
III.
En 1852, le choléra ayant éclaté à Paris, la fille du briga-
dier Uoblot fut l'une des premières victimes. Sa femme fut
atteinte qii.ljucs |oiiis ii|iios cl sm-ioiiitu.— I.o ]iauvie vieux
soldat suppiirta cour.ifiinisniii'iil les pi-rlrs ipi il venait d é-
prouver. Il voulait vivre, non pour lui dont la vie était ache-
vée, mais pour I enfant qui n'avait plus de mère et que sa
mort laisserait orphelin... Le chagrin fut plus fort que lui :
il liiiulia malade, et comme il arrive chez ces soldats de
l'empire qui ont laissé sur les champs de bataille la luoitiéde
leur sang, et, après avoir dépensé tant de forces à la guerre,
n'en ontiilus contre le mal, l'atl'ection prit, dès I abord, un
caractère grave; il fut bientôt en danger, et il le sentit...
Alors, cette pensée le tourmentait sans cesse : que son petit-
lils allait perdre son dernier appui... Que deviendra ce pauvre
enfant, disait-il ? Qui aura soin de lui 'F Qui relèvera!... Il
écrivit à un de ses frères, liuissieren province, qu il appelait
son frère le richard, pour lui exjwser sa situation, et le prier
de SI' charger de renfanl dans le cas où, lui, viendrait à
manquer : mais son frère répondit qu'il avait déjà une fa-
mille nomliieuse, et que ses moyens ne lui permettaient pas
d'augmenter les dépenses de sa maison. Il donna au diable
l'égnïsme de son frère, et il songea alors à uni' su'iir de sa
femme qui habitait Soissons, où elle passait pour une per-
sonne bonne et charitable. Il écrivit; mais il reçut pour ré-
ponse que sa belle-sœur était morte depuis quelques jours... '
Alors, le pauvre homme tomba dans le désespoir Pour-
quoi, se disail-il, n'ai-je pas eu le temps de me remarier...
et encore, qui est-ce que j'aurais pu épouser? une vieille
femme qui aurait eu le cœur sec comme l'aniadnu de mon
briquet, et qui, après ma mort, aurait peut-êlre rendu cet
enfant malheureux... Oh mon Dieu! mon Dieu!... et il le-
gardait d'un œil de compassion ce pauvre enfant qu il allait ,
bientôt quitter, car le mal laisait chaque jour des progrès...
Un matin, l'un de ses camarades, gardien au Luxembourg,
entra chez lui pour savoir de ses nouvelles.
u Bh bien ! mon vieux, dit-il en s'approchant du lit, com-
ment va la santé... la nuit a-t-elle été bonne?...
— Très- bonne, répondit Roblot, ce n'est pas que j'aie bien
dormi, mais j'di réfléchi... beaucoup... ni plus, ni moins, en l
vérité que l'empereur la veille dune grande bataille... Quant
à la sanlé, je me porte bien... » ',
Et son teint jauni, ses joues creusées, ses lèvres que rou- \
gissait une Uèvre ardente, donnaient un démenti à ses pa- ■
rôles. ■ i
n Et je me porte si bien, mcn cher Dubois, je me sens si
rajeuni et si gaillard... que je vais me marier.
— Te marier, dit l'autre, qui pensa que Roblot avait le
délire, bah !
— Oui, et comme il y a un proverbe qui dit : A vieux ;
maquignon, jeune cheval, j'épouse une jeune lille... ^
— Une jeune fille! <
— Et une belle fille, ma foi.
— Ah! ah! ali! et... probablement, elle t'aime comme une
folle.
— Non pas moi, non... mais elle aime quelqu'un de ma
connaissance, c'est tout ce qu'il faut.
— Ah! tu te contentes de cela ; lu n'es pas difficile... al-
lons! et à quand la noce?
— Bientôt, j'espère, parce que... je suis pressé... Voyons,
mardi, à midi; cela te va-t-il?... Toi et Bunel vous serez
mes témoins.
— Mardi, soit.
— Maintenant, je te prierai de me rendre un service, l 'i-l
de porter à leur adresse les trois lettres que voici : li
la mairie de notre arrondissement, l'autre à M. le cun
paroisse; et l'autre à mademoiselle LouiîC Sécbard, rui- -
Victor numéro 65... et à l'instant même si tu peux...
Dubois prit les lettres d un air étonné, se demaii
tout cela était sérieux. Toutefois, pour obliger son viei^
maradc et au risque de se faire moquer de lui, il crut divMi
remplir sa commission.
Il vint en rendre compte quelques heures après.
«Eh bien, lui dit Roblot!
— Eh bien ! à la mairie et à l'église, on m'a dit que ça suf-
fisait.
— lîon!
— Quant à la demoiselle... je l'ai trouvée travaillant dans
sa petite chambre... je crois, en vérité, que c'est au S"p-
tième au-dessus de l'rntre-sol... Sais-tu qu'elle a manque se
trouver mal en lisant ta lettre...
— De joie ?
— Ma foi, je ne sais pas trop... elle avait l'air d'être joyeuse
et triste en même temps... Mon Dieu ! disait-elle, est-ce bien
possible?... il s'est souvenu de moi?... pauvre homme! el il
est malade... je vais y aller, j'y vais tout de suite... et elle a
mis son cbàle... tu vas la voir arriver... Ah çà! dis-moi
donc, est-ce que c'est ta future?
— Peut être bien!
■ — Tu avais raison, un beau brin de fille, ma foi!... mais
mon vieux, prends-y garde au moins... c'est chanceux, une
jeunesse comme ça.
— Je suis bien tranquille, va... je te remercie, mon cher
Dubois... maintenant, je te prierai de me laisser, puisqu'elle
va venir... 'lu penses que nous avons bien des petites choses
à nousdife... Je compte donc sur toi el sur Bunel... mardi, à
midi. »
Dubois sortit au moment où Louise Sécbard entrait.
Au jour indiqué jiar Uoblot, sa chambre avait un aspect
singulier : elle brillait de cette priqirelé minutieuse qui e.st
le luxe de la pauvreté. La clieminée était couverte de lleurs
sans parfum, mais fraiches et éclalanles de vives couleurs.
Sur une table se trouvaient placés l'habit d'uniforme du bri-
gadier avec la croix d'honneur, son chapeau et son épt-e...
lui-niènie avait f.iit une espère de toilette. S<in bonret de ina-
liiJe avait disparu et laissait viùr ses cheveux blancs, rassem-
blés avec un peu de coquetterie. Le petit Eujiène jouait sur
son lit... on aurait donc pu le croire à ces jours de convales-
cence où le malade semble fêter la vie, comme on fête, après
une longue absence, le retour d'un ami qu'on n'es| irait
plus... Mais son visage disait la vérité : c'était relui d uD
mourant... (tailleurs, qui Iquesornemenis d'église épars ç et
là, des ciergis allumés, cette étoffe de soie que l'on susjn nd
sur la tête lies époux ; un vase d'or contenant les sainles
huiles, indiquait la célébration récente du mariage des (l:'r-,
tiiersmamenis, celle triste cérémonie, où l'Eglise consacre iilt
lien que la mort va bientôt briser...
Louise Sécbard vêtue comme une mariée était agenouillée
auprès du lit.
Après que le curé eut donné la bénédiction aux époux, Rn-
blot se tourna péniblement vers Louise, dont il tenait encorei
la main.
« Louise, lui dit-il d'une voix éteinte, j'ai pensé à vous
quand je me suis vumourir, parce que je croisipie vous ('
une bonne lille, el que je vous ai jugée .seule ciipaMe de _ _
lemp'acer auprès de niun enl.int... vous le \o\ez bien, je ii'aii
gai-dé du jiassé que le souvenir de votre bon ciinir... voUSi
êtes maintenant la femme, et vous allez être la veuve d'iiDi
soldat dont la vie a été sans tache... ne l'oubliez pas... \oU8
êtes aussi la mère de cet enfant... Avec la pension de tei^
croix, el quehpies rentes que je vous laisse... vous serez.
II
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
travaillant à l'abri du besoin. .. vous vivrez en bonnèle femme,
n'est-ce pas?... pour lionorer ma mémoire et donner un bon
e.vemple à votre enfant... vous me le prometiez... ,
— Oli! oui, monsieur, je vous le jure, répondit Louise en
pleurant.
— Adieu!... maintenant... je puis mourir... «
Peu d'instants après, Louise ferma les yeux du vieillard...
Quand ce devoir fut rempli, elle prit l'enfant dans ses bras,
et le couvrit de baisers el de larmes... triste du spectacle
qu'elle avait devant les yeux, et de la perle de cet homme
qui venait de l'élever jusqu'à lui... mais heureuse au fond
du cœur, et entrevoyant des joies dans l'avenir, car elle était
mère. b. P-
ll*> de •Sfrsfy.
VILLE DE SAIM lltLltli. — KORT-Rf.r.ENT. — CDATEAl ELl-
S.MIETH. — r.lIATEAL M0M-(1R(,1 EIL. — TOIR OF. LA
nOli;LK-BIF..
La reine Victoria consacre, depuis plusieurs aimées, à des
excursions maritimes ou à des voyages sur le continent, les
rares el courts loisirs que lui font les soins impérieux de son
vaste empire et les exigences non moins impérieuses de sa
maternité si façon le. Ce mois-ci, elle a visité la plus belle
de» lies de la Maiiclic, Jersey, véritable perle de la couronne
britannique. L'arrivée de la jeune souveraine avait été an-
noncée quelques jours à l'avance, et anssilôt de nombreux
comités, sans en excepter un comité de ladies, s étiient lor-
més pour présider aux préparatifs delà récCiition royale. Des
estrades, destinées il contenir environ six mille personnes,
furent construites à la bàle dans toute l'étendue de la pio-
itienade (lu nouveau port, et l'on convertit en |ia\illûns élé-
{sanls, oti Sa Majesté reçut les députalioiis et les adresses, de
vastes llan«ars bàlis dans le voisinage du môle et du débar-
cadère. En même temps, dans toutes les paroisses, comme
sur la roule que devait parcourir le cortège, s'élevèrent des
arcs de Irioiuphe clurgés de devises et de couronnes de lleuis,
ornés de bannières cl de drapeaux, et surmontés des armes
d'Aniilelerre.
Le mercredi 2 septembre, à six lieuies et demie du soir,
le yacht royal, ri'c/orioonrf.4/(ipr(, jeta l'ancre en vue de Jer-
sey, avec lés antres bSlimènls de la lloltllle, l'Aigie noir, la
Fi-e el la Guirtaiule. La soirée el la matinée du li-udemain ïe
passèrent en récepllnlls oflicielles il bord. Le jeudi ô, il onze
liénres, la reine, le priiice Albert et leur suite débarquèrent,
elaprès une promenade dans la ville de Saint-Hélier, tra-
versèrent une partie de lile, pour .se rendre ail château de
Mont-Orgueil, dmit les clefs birciit présentées à S,i Majesté
avec le (".^rémonial habi'uel La visite, qui dura seulement
vinul minutes, fut sisiialée par deux incidents que les cour-
tisans ont été tentés 'le dépiflier comme des nialheurs. En
apercevant, du haut de la lurleicsse, les côtes de l'rance. ii
une dislance d'envirtin vinfil-denx Kilom., la reine a témoigné
sa surprise et exprimé le désir de voir, s'il était possible, la
caillé. Irale de Coulinces. Un télescope fut apporté; mais il
n'était pas assez bon pour permettre de découvrir la cathé-
drale française. Ensuite la reine demanda à insc ire son nom
sur le livre des visiteurs; mais le livre ne se trouva passons
la main, et pendant qu'on était à sa recherche, le corlége se
remettait en roule cl traversait de nouveau Saint-Hélier pour
se rembarquer immédiatement. L'escadrille lesta à l'ancre
jusqu'au lendemain vendredi 4, qu'elle appareilla ;"i huit heu-
res du malin.
La reine Victoria, à la vue fh's lieaiités pill(iri":rpips de
Jersey, a manifesté, ù plusiem- ii'|iii-r-,, m,ii . i irim ni r\
son admiration. Nous ciui, l'aiiii-.- d. mirir. .immi- .iii"1 Ii;i-
bité cet agréable séjcur, nous nmi.s ,i.-miliiiiis cumplelenKiil
aux éloues que lui accordent uiianiinemiiil ses nombreux
visiteurs. L'atlUieiu c de ceux-ci (jcndanl l'été est très-consi-
dérable : on en évalue le nombre il huit mille. Chaque se-
maine, huit ou dix bateaux il vapeur, remplis de passagers,
arrivent de divers points de la Fianie el de l'Aiigielerie, et
la traversée de Sainl-Malo ou de Granville se fait en quatre
ou cinq heures.
Sentinelle avancée de la Grande-Hrelagne sur les cotes de
France, au milieu du groupe des iles anglaises on de la Man-
che, entre les caps Johourgel Frehel, l'Ile de Jersey est la plus
importante par son étendue et sa population. Sa longueur,
du nord-ouest au sud-ouest, est de viiigl-qiialre kilomètres,
sa largeur, de quinze, elelle compte environ cinquante mille
habitants; la<apitale, Saint-Hélier, en renferme ii peu près
la moitié. Les côtes «iganlesques de la Normandie s'él''nilent
à l'est; au midi et à rMii.>t >r iindrnl W< li^.s i\,' la liiela-
gne, auxquelles lile sfinlilc i.iiiiir |),ir iiii.' rliiiinr- iTrcueils;
Guerncsey, Aurigny, !:• is, >"iii iMi-rn,i . v \i is \i- irml. Lile
présente au sud un plan incliné et une mimeiiscei bilh' baie.
La partie est, di pois le château de Monl-Oigueil, el loiife la
côte du noitl ollient une succession continuelle île fal li-es à
pic d'une hauteur de soixante ;i soixante-dix mètres. De
nombreux rochers, cpii colourcnt l'ile et rendent la naviga-
tinii jiérilleuse, en fii-alent |ii(ili;dilemeiit aiitielios partie.
S'il faut en croire la tradition. Jersey était jadis tellement
conliguè il la France, qu'on y pas-aii sur une planche, en
payant une légère taxe à l'abhave de IJontances.
Le voyageur qui arrive de Krance jouit d'un spectacle qu'il
ne peut iiuMier. A peine a-l-il dépassé Ips Minquiers, grands
écueils témoins cl causes de tant de naufrages, que l'Ile lui
apparaît dans le lointain comme un nuage grisMre : bientôt
ce nuage se dissipe, el l'oeil distingue les promontoires et les
baies qui se découpent et s'arrondissent. .\ gauche, la Cor-
bière dresse sa lèle dentelée comme une scie; à droite, s'al-
loii-e l.i masse noire et anguleuse du Mont-Orgueil. Le Fort-
Uéiii-iit, son mit de siiinuux el ses bastions gigantesques se
nioiitreiit ensuite ; Noirinont. couvert dé ses beaux cliàlai-
gneis, s'avance ii l'autre extrémité. Les clochers surgissent
au-dessus des vallées, des voiles blanches se reflètent sur les
eaux calmes, le sable d'or de h grève s'étend tout à renlonr
comme une vaste ceinture, el cet ensemble enchanteur pré-
i-ente eiilin à l'œil extasié la baie magniliqiie de Sainl-Aubiu.
Dans cet hémicycle qui se déploie avez tant de ricliessse, le
regjid embrasse encoreles rochers de l'Ermitage, le château
Elisuhelh, enfin S;iint-Hélier lançant au ciel ses nuages de
fumée qui seuls en font deviner l'étendue.
Le port de Sainl-Ilélier, placé au sud-ouest du Fort-lié-
gent i|ui le domine, a la forme d'un carré long, et est garni
de bons quais ; il assèche à mer basse. La marée monte de
près de quinze mètres entre les tètes des jetées qui sont fort
rapprochées. Un vaste quai part de l'exliémitéde la chaussée
vers la vill^ et s'avance en droite ligne, le long du rivage,
vers le mont l'alihulaire. Quoique sur el assez vaste, puis-
qu'il peut contenir trois à quatre cenls bâtiments, le port est
devenu trop étroit en raison de l'accroissement du commerce
et de l'aflluence des navires. Aussi, en construit-on, au midi
de l'ancien, un nouveau, où les navires seront coiistainmenl
à thit.
La ville de Saint-Hélier est aussi remarquable par la pro-
preté coquette des maisons, que par la parfaite tenue des
rue.^ el des places. Son air riant et gracieux offre un étrange
contraste avec l';ispect sombre et sale de Granville el de
Saint-Malo, ilistiinls à peine de quelques myriamèlies, A
S linl-Hélicr sont réunis à un degré rare de perfection le goût,
le pittoresque, la salubrité. Coiiiment voir, sans les admirer^
toutes ces délicieuses habitations qui semblent achevées de
la veille, tous ces portiques riches el élégants qui en précè-
dent le seuil, tous ces magasins qui, pour le lu.ve et le gran-
diose pourraient soutenir avantageusement la comparaison
avec nos magasins de Paris, et dans lesquels les formes de la
plus exquise polile;se sont employées si l'égard des vi-ileurs'/
La reine Victoria en a paru elle-même tout émerveillée, et
le prince Albert, en passant devant Halkelt-House, a demandé
si c'était là le palais du gouvernement. Or, ce que le prince
prenait pour un palais était simplement la maison occupée par
le magnifique magasin, et par la charmante famille d'un des
premiers négocianlsde la ville, notre compatriote, M. Uamié-
Lebrocq, originaire de Lyon.
La ville n'a guère pris que depuis vingt-cinq ans une phy-
sionomie anglaise. Les faubourgs, qui se forment alentour sur
une très-grande étendue, sont incontestablement anglais,
comme l' attestent les petits carrés-parterres, défendus d'une
grille ornant la façade des habitations, les demi-lunes, les
terrasses, les squares avec leurs pelouses coupées de sen-
tiers couverlsde gravier blanc. Les roules qui circulent autour
de cesvillas, el qui mettent les diverses paroissesen communi-
cation entre elles et avec la capitale, sont larges etunies. Les
promeneurs y trouvent un troltoir presque partout ombra"é
par les arbres qui pendenl au-dessus des murs et des grilles;
les femmes de la meilleure société les parcourent seules, iî
pied, en grande toilette, comme les rues d'une ville ; enfin,
de nombreux et brillîiits équipages les sillonnent dans tous
les sens. Ces routes sont en grande partie l'œuvre d'un an-
cien gouverneur, le général Don, qui eut à soutenir une lutte
longue el difficile contre les propriétaires riverains, et auquel
la reconnaissance publique a érigé, après sa mort, une statue
sur la Parade, une des plus vastes places de la ville.
De fréquentes communications sont établies entre Saint-
Ilélier et Saint-Aubin, la seconde ville de l'ile, au moyen
d'omnibus, auxquels la petite distance qu'ils ont à parcourir
permel de faire le trajet plusieurs fois par jour.
Oulre sesfaulioiirt;^ Saint-Hélier présente plusieurs points
remarquables. 11 ilkell- Place esl une rue spacieuse el fori
belle : une li^iie de maisons symétriques, avec de riches
magasins au rez-de-chaussée, est terminée par des mar-
chés couverts pour les bestiaux , le beurre, les fruits et
le poisson: ce dernier est décoré de, tables di^ lieuu marbre
blanc. Un marché spécial est établi pour les étrangers; les
marchandes sont, jionr la plupart, des femmes de Grand-
ville el de Saint-Malo. Au milieu de la place (Hoyal-Squa-
rc), pavée de larges dalles de granit, et entourée des bou-
tiques des principaux libraires, s'élève une statue de Geor-
ges H en costume militaire romain. Sur une des faces de la
place est le bâtiment où siègent les états de Jersey et la cour
royale. L'hôpital général, situé dans G loucester- Street, peut
contenir plus décent cinquante personnes; les dortoirs,
vastes et bien aérés, sont garnis de lits en fer. La prison est
un édifice considérable, près de la place de la Parade. La bi-
bliothèque publique, à l'extrémilé de liioad-Strcet, possède
plusieurs mille volumes. Le théâtre est siirtoiU remarquable
par la superbe terrasse en forme de croissaiil, an centre de
laquelle il est établi. Les autres élahllssemeiits publics de
Jersey sont : un musée, un institut mùcinique, un péniten-
tiaire de femmes, une chambre de cummerce, une société de
bienfaisance pour la marine marchande, une société de se-
cours mutuels, une banque d'épargnes, une société de tem-
pérance, une société d'agriculture el d'horliculliire, une so-
ciété démulalion. Cette dernière décerne, chaque année, des
prix sur des sujets donnés par son comité. Le sujet, pour la
première année : » Jersey telle qu'elle est,» lut traité par
plusieurs concurrents, elle prix décerné, le 11) mai 184ô, à
un Français, M. F. Kobiou de la Tréliininuis. Nous devons
[lins d'un rensei^nemenl utile à l'Essai de cet auteur sur
Ihisloire, la topographie, la constitution, les mœurs et le
langage de lile de Jersey.
S linl-Hélier renferme un grand nombre de temples de di- 1
verses sectes de la religion réfornoSe. L'i'glise paroissiale,
bien conservée, esl d'anliileclure not mande; un prétend (|iiè
sa fondation date de iriil. L'intérieur esl remarqiiaide par
plusieurs moiiiimeuls de marbre, et, entre autres, pur celui
élevé à la mémoire ilii major Pier.soii, tué sur la place Uoyali^
en combattant pour ladéfnse de l'ile en 1781. De nombreu-
ses chapelles ont été lécemmenl construites par les Métho-
distes, les Baplisles , les ludéppiidaiits, elc , el même une
synagogue pour les juils. La ville |iossède aussi deux cha-
pelles catholiques, l'une française, l'autre irlandaise. Un an-
cien manuscrit, appelé le Livre noir, de Coutances , donne
les dédicace, situation et assise des temples des douze pa-
roisses de Jersey. Le plus ancien, consacré à saint Brélade,
en souvenir d'un gentilhomme du pays, aurait élé achevé le
^iTjnilleiIlll.
Le cliiiTre du numéraire en circulation à Jersey peut être
évalué de deux millions à deux millions cinq cent mille
francs. Les monnaies de France et d'Angleterre y ont égale-
ment cours. On y trouve aussi une monnaie de cuivre frap-
pée spécialement pour l'île; ce sont des sous et des demi-
sous.
Le peuple jersiais est vit, actif et laborieux; une extrême
sobriété distingue surtout les habitants des campagnes. La
langue du pays est une espèce de patois pittoresque et expres-
sif qui se parle aujourd'hui comme il se parlait il y a des
siècles. Le français est la langue du barreau, de la chaire,
des actes publics, el généralement aussi celle des habi-
tants. L'anglais cependant y est aujourd'hui beaucoup plus
répandu qu'aulrefols.
L'intérieur de I ile offre l'image d'un immense parc an-
glais : ICI de beaux bois et des vergers; là des champs bien
cultives, couverts de la plus luxuriante végétation, enlrecou-
|ies de ruisseaux el de roules bordés d'arbres qui forment
un berceau de verdure sur la tète du voyageur; plus loin,
des termes construites en granit et couvertes en tuiles ; par-
tout d'élégantes et conforiables habitations, vrais coUaqes
baptisés, pour la plupart, de noms français, tels que Belvé-
dère, Petu-Ménage, Sans-Souci, lieau-Désert, Plaisance, Ba-
gatelle, Beaulieu, Pelilséjour, Beauséjour, Bocage, Bellevue
Elysée. '
La ville de Saint-Hélier est protégée par le fort Ué"ent
magnifique forteresse au sommet du Mont-de-la-Ville(To\vn-
Hill), qui s'élève à plus de cinquante mètres au-dessus du
niveau de la mer. Elle est bjtie en granil; ses casernes sont
casemalées, à l'épreuve de la bombe, et elle peut recevoir
cinq mille hommes de garnison. Les magasins d'appiuvision-
nemenl sont creusés dans le roc. Le puits qui ti.miiil leau a
soixanle-quinze mètres de profondeur, dont soixante forés
dans le roc vif. On évalue à plus de vingt-cinq millions les
sommes dépensées pour la construction de celte citadelle
qui a élé achevée en 1813. Un mat de signaux, communi-^
quant avec d'autres établis sur divers points de l'île, annonce
tous les bâtiments qui arrivent du large. Lorsqu'on dé-
blaya la pliite-forme du Monl-de-la-Ville, pour y construire
le fort Régent, on découvrit un temple druidique d'une con-
servation parfaite. Les états en lirent présent au maréchal
Conway, alors gouverneur de 1 île, qui le lit transporter à
son château de Park-Place dans le Beikshire.
Le chàleau Elisabelb est placé au centre de la baie de Saint-
Aubin, sur un rocher isolé d'un niyriamèlre de circuit; sa
vieille tour surmontée d'un drapeau, ses remparts grisà'lres
el les roches énormes qui forment sa base el s'élèvent à t'en-
tour, comme pour le défendre, lui donnent une apparence
lormidable. Entempsde guerre, ce fort, qui défend l'entrée du
portdeSaint-Héliir, avait loujiurs une bonne garni>on. Au-
jourd'hui elle esl réduiie à qutl^jues soldats d'artillerie- ses
vastes casernes sont inoccupées, ses canons démontés rfle
gazon a envahi ses cours, où il fiem il parmi les bombes et les
boulets. Une abbaye sous l'invocntion de .-aiiil IjèJier existait
autrefois où s'élève maintenant la forteresse fondée sur les
ruines de celle abbaye en l.'i.'ll, sous le règne d'Edouard VI
On conserve dans le château une paire de bottes que l'oii
montre aux visiteurs comme ayant appartenu au roi Cbar-
es H. La largeur du bout du pied est de dix centimètres, el
la hauteur du talon de six centimètres.
Le chàleau de Mont-Orgueil, plus connu dans l'île sous le
nom de Vieux-Cbftteau, esl élevé sur une roche conique de
couleur olive et rougeàtre, qui forme la pointe de la haie de
Grouville. Placé dans la partie de l'ile la plus rapprochée de
la France, sa construction réunit Imil ce qui constituait une
place imprenable dans le temps où il fut bàli. Défendu du
côte de lamerpar des rochers inaccessibles , il était proté-é
du côte de la terre, par de fcnl.'s miuailles se dressaiii <ui-
le roc, avec lequel elles senibleiil se ediilniidir. |.;, il;,!,. ,|j. |.,
construction primitive de l'e clialeaii n'est pas exaetenient
connue; on la fait remonter à Kuhiii, tils aiio' de (inijlaome
le Conqiiéranl. Au-dessus de la p^rle (ioiiiiant eiiliée dans
l'intérieur, on remarque les .irines d'Eduiiaid \ 1, et je ,\n-
gon rouge, avec le millesiine l.'i.'.-.") ,iii-des^oiis. .'^dils la voùl'e
piès de l'entrée du clialean, régnent, de cliai)iie cité de.s'
sièges de pierre. D'après la tradilidh, c'était là (/n'im jnèeai't
les i-iimiiiels. Vis-:(-vis de ce tribunal, est une elioKecellide
qui servait de prison au condamné et aux voûtes de laquelle
était accroché le gibet qui terminait ses jours. Un petit iii-
parlement, assez bien censcrvé, a, dit-on, été habile pur
Charles H, lorsqu'il séjourna quelques mois dans l'île après
la mort de son père. On voit encore l'escalier par où' il s'é
chappa pour se rendre en Angleterre, sur l'inviiallon de ses
partisans. Sons cet appait-ii t, esl le cachot où (inilbume
Prynne, ce poète si coiiiiii dans l'histoire de Charles l'' inr
le mordante àprel,; de ses poésies, fui longtemps renfermé et
subit pour la seconde fois le supplice, quilui fut deux fois iii-
Ihee, (lavoir les oreilles coiipi'es!
A peu de dislancedeMonl-Oigueil, on rencontre la lloiigue-
Bie, tourelle balii' sur un monlicule artificiel, entourée de
beaux arbres et toiile couverte de lierre depuis sa base jus-
qu'à son sommet : elle porte aussi le nom de l'iuir du Pf iiice
parce qii elle a été la propriété du duc de Bouillon, amiral de
la marine an...|a,-e. Du sommet, on aperçoit presque tonle
I Ile; cesl nue des plus belles vues qu'on puisse admirer. La
coiistrurlion de cette tour remonte à rahli(|iiilé di s léeendi s •
celle que l'on racootp à son sujel esl fort connue. Le""niarais
de haint-Li.ureiit était infesté d un serpent ou dragon, d'une
taille .jl d'une force prodigieuses, qui, dévorant tous les habi-
tants, répandait la leirenr et la désolalion dans l'ile. La le-
nomniée de ce ni,)U>tre pirviiilaux oreilles d'un seigneur de
Hainbie, gentilhomme normand, qui résolut de b^ délruire
Venu dans ce dessein à Jersey avec un seul serviteur il réusl
56
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
I
sit à vaincre son formidable ennemi et à lui couper la tête. 1 lui-même mis à mort par son écuyer félon, poussé à ce crime | miin de sa veuve. A cet eflet, l'écuyer, de retour en Norman -
Mais à la suite de ce combat, et pendant son sommeil, il fut ' par le désir de posséder les biens de son maître et d'obtenir la 1 die, raconta à sa maîtresse qu'il avait tué le serpent, après que
G „„. //
(Carte de rîle de Jersey.)
(Jersey. — Château Mont-Orgueil.)
celui-ci eut tué
de Hambie, et
que ce dernier,
près de mourir,
avait témoigné
le désir qu'elle
épousât son ven.
geur. La veuve
se détermina,
selon la chroni-
que,par l'amour
qu'elleportaità
son délunt sei-
gneur; à donner
à son serviteur
sa fortune et sa
main. La con-
science du
meurtrier ne le
laissa pas jouir
du succès de sa
trame crimi-
nelle. Tralii par
ses remords et
par des paroles
prononcées pen-
dant son som-
meil, onluiar-
raclia l'aveu de
son crime. Il fut
livré à la justice
et subit ie clià-
timent qu
vait mérité. La
veuve litensuite
élever , sur le
dépendante du comié de Southamplon, elle appartient à l'An- 1 ont été opérées ù plusieurs époques pour la faire rentrer sous 1 couronnées de succès. Les dernières dalent de ITTSt et de
gleterre depuis le règne de Hinri I"'. Dii fréquentes descentes [ la domination française ; mais ces entreprises n'ont jamais été M781.
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
65
lie Chasselas de Fontainebleau.
(Vue des espaliers de Thomery.)
Depuis que le bon patriarche
qui planta la vigne a donné
au monde le raisin et le vin,
dont, ù ce qu'il parait, il but
lui-même plus que de raisim,
on dirait que les écrivains et
surtout les poètes ont fait com-
me le père Noé, et qu'ils ne
voient dans la vigne que le vin
qu'elle produit.
Célébrons le jus de la treille !
l'écrient-ils tons en chœur,
comme si la treille produisait
directement le jus ; comme s'il
n'y avait pas un fort agréable
intermédiaire, le raisin, qui ne
se boit pas à la vérité, mais
qui se mange fort bien. Il sem-
ble qu'ils ne songent tous qu'à
boire. C'est au point que pour
nommer le raism, je ne sais
quel auteur l'appelle, par une
assez singulière métaphore :
du vin en pilules.
vAiu-c ujipiuyé i>ûui la rccoi.ti eL le ifaub^.uri du cli.1,1
C est à nos yeux une véritable
ingratitude. Si la vigne donne
une boisson, elle donne avant
tout un fruit que les buveurs
d'eau eux-mêmes, accablés
de tant d'analhèmes depuis
le déluge, apprécient tout
autant pour le moins que
les ivrognes. Le raisin reçoit
donc un hommage général,
et il est singulier que cet hom-
mage ait laissé .si peu de
traces, même dans l'horticul-
ture.
Il semble en effet que la
Qulture de la vigne, en qualité
d'arbreà fruit, soit une culture
toute récente; et même que
parmi tous les pays vignobles,
la France soit la seule qui cul-
tive en grand et avec succès la
vigne, pour son fruit et non
pour le vin. Nous ne mettons
pas en ligne de compte les ser-
res d'Angleterre et de Hollan-
de où l'on fait venir du raisin à
98
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
titre ik curiosité, coniiiie des anuiuis : ce sont des piissc-
temps exotiques sans importance. Nous croyons donc, sauf
erreur et pi'ouve du contraire, que la culture du raisin,
comme fruit, est une culture éminemment française. Partout
ailleurs on mange du raisin qui n mûri pour faire du vin;
en Krance. on mange du raisin qui a mûri pour être mangé.
Notable difl'érenc! qu'un véritable amateur doit apprécier, et
que nos gastronomes écrivains n'ont peut-êlre pas assez mise
en relief. Ce l'ruil <lélieieux, mais qui ferait un vin détestable,
c'est le cbasselas, que l'on appelle de Fontainebleau en lui
donnant le nom delà ville près de laquelle on le cultive prin-
cipalemenl.
Ncis miiilres en tout, ou au moins en bien des cboses, les
Atliéniens et les l{lllrl;lill^ r lissaient ils la vigne à fruit?
le cbasselas de Foiilaiii iilcm sii,iii-il renouvelé des Gi'ecs?
C'est uiiei|ueslion graM-, d'.'i ii.lilnm classique, quenousnons
.siunmes posée, enire di'ux giappes, sans pouvoir précisé-
ment la résoudre. Il y a certainement une variété de raisin
impropre à faire le vin qu'ils connaissaient bien; son nom
seul l'indique: c'est le raisin de Corintiie. Maisen francs bu-
veurs, ils le méprisaient siinverninemcnt; et leurs auteurs
agronomes parlentavi-e Mié|iris île ce raisin si petit qu'il ne
valait pas la peine d'être cueilli. Ou'en diraient les ménagè-
res anglaises, et les amateurs de pluni pudding? Les anciens
semblent toujours s'être préoccupés en parlant de la vijne et
des soins à loi donner, de la quantité et de la qualité du vin
qu'elle ileviiil piii liiiic. Les rs|ines de plant étaient aussi
très-iiniiliri'ii^i'^ ; l'Ii ■!. CnliiHM'Ile en indiquent environ
une ciiii|uanl.iiiii' : mus iiuriine ne nous rappelle le cbasse-
las. Nous remarquons bien la vigne ajtienne, qui nous parait
être le muscat, et ia vigne amincenn'; qui, par la douceur et
la grosseur de son fruit nous rappellerait peut-être le notre.
Mais rérudit Pline et le sévère Caton n'en parlent que |iour
exalter l'excellence du vin qu'elle donnait, et ce caractère est
bien difl'érent. En somme, parmi les peuples anciens, nous
n'en connaissons guère qu'un seul qui ait apprécié la beauté
du fruit en lui-même: c'est le descendant de Sem, le lilsainé
du patriarcbe, c'est l'Hébreu que la grappe deCbanaan stu-
pélia d'adiniraliiiii. Il l'-^l à présumer, et tout bon cultivateur
deTliooiiMy |i;ir:;r-ei ,i i elle npinion, que le raisin de la terre
promise n'ciait qiir le inrinier plant de Fontainebleau.
La culture en grand du cbasselas a pour centres princi-
paux deux jolis bourgs situés à 7 kilomètres de cette ville, le
bourg de Tliomery et celui de Cbampagne, nom d'benreux
augure d'ailleurs pour la vigne en général. Toutefois la pro-
duction de Tbomery est plus importante que celle delà com-
mune rivale; la qualité en est peut-être aussi supérieure.
(Juelqucs villages dans les environs s'occupent également de
cette culture ; mais ils sont loin d'atteindre les deux privilé-
giés.
Les vignerons de Tbomery attribuent eux-mêmes la supé-
riorité de leurs produits à trois causes principales: 1» la qua-
lité du sol; 2° la nature du plant; 5° les procédés de culture.
Le sol est léger, friable, sablonneux, facile à s'imprégner
d'bumidité-, tout en retenant la obaleur du soleil. Tbomery
est en outre abrité des vents dangereux du nord et du cou-
cbant par de hautes collines qui dominent ses espaliers.
Quant au plant, il a m lintenanl acquis une célébrité univer-
selle, et Tbomery a le privilège d'en fournir à toute l'Europe.
Les cultivateurs expéjient, au loin, des rejetons produits dans
des p mi is |i;ii dr^ pinri' lès particuliers et qui prennent le
nom ili' rlii-rl,;-s ni ji-ni'fr. Mises en terre, et soignées sui-
vant des m llhiile- s|iirMlrs, elles rapportent du fruit au bout
de trois uu quatre ans.
Ces plants sont étalés en espalier le long de murs con-
struits à cet eff :t et crépis avec un soin particulier. La hau-
teur de ces murs, la saillie des chaperons, et surtout l'exposi-
tion, en sontsavammeiit calculées et rigoureusement établies
suivant des règles lixes. On choisit de préférence l'exposition
au midi, inclinée au levant, de manière que le soleil frappe
sur le mur en plein le malin et glisse obliquement dans le
milieu de la journée lorsque la trop grande chaleur brûlerait
le fruit. C'est l'absence, de ces coaibinaisons, dont on ne trouve
aucune trace dans les agronomes anciens, qui ferait princi-
pilemeiit croire que la culture du chasselas, comme fruit, leur
élait inconnue.
Il n'est nulle part mention d'espaliers. Ils plantaient la vigne
uniform^.ment en quincoilces espacés suflisamment pour la-
bourer dins les intervalles. Ils l'alticli lieiit sur des éclialas
de sept pieds deliaul, et Caton et Pli ei'imii ilml ei.M-
lement de la faire monter le plus liaiil p'issililr il;iii< 1rs ;ii-
bres. Il est vrai que ce n'élait pas la oielliHle ^'lee |iii-, ;i en
juger par cette pLiisaiilerie de Cynéas, l'anibassadeur de Pyr-
rhus, qui, p -Il ililli' ;i le qu'il parait, par les vins italiens,
s'écria ; «Je ne ■ireliuiii ' p is qu'on ait ici de si méchant vin,
puisqu'on y peml ;iu gili ■] la vi-ii ■ qui le piodiiil. »
Il y a loin de eeli ellinl,., ri ,\,- i rs r msiils lie Pline et
de Caton, aux preriuiiiims piisis pir 1rs vi-;i] ■ims de Tbo-
mery, qui reiloiileiil su ri uni l'eMiliriiiiirr ri lasiipn lliiili' i|r la
vigne, niulliplieiil les laill's el les rdiiiiir-eioKii m miK, nr ..rii-
leutavnir que deux lii^rs à elni|iie sniirhe, ri nr hi'.s.: ni |a-
m;iis aux deux liras du eep ipie le niliel ri l'ieil. lirilr ;iiii.
caution technique rsl, disml-ils, dr la ileriiirrr iii!|iiii I nue.
Nous n'avons pas la pi-élentioii de faii'e ici iin cours r -
plet de la culture du chasselas, ipir les aioaleiirs d'Iinrlii iil-
ture peuvent trouver au reste dans u:i excellent manuel spi'-
cial publié récemment par un des prineipatix proilin-ieurs de
Tliomery. Ils y verront le ili'iail vi;iiiiieiit rMniinanl des suins
minutieux qu'exige rni ■ nilline dr lii\r. Xiiiis aiilies Pari-
siens, nous nous rniiiriiiiiii, dr iiiaiigri' néglii^eiiuiirut i"! notre
dessert la grappe dnii' ■ qu'un iiiins nllVe, sans smiger h huit
ce qu'elle a coûté de peines, de Iravaiix, de vrilles, pnur ar-
river il ce point de perfeetiou. D'alionl cinq anin'-es inipro-
ductivesde labours, tailles, fumures, élniiirgeonnemenls, bi-
nages, etc., ensuite de recheiclirs iii-r-saiites pour la des-
truction d'insectes, presque ioMMlilr^ snnvrnl, qui la mena-
cent il chaque instant : le ver blanr qui altaïue les racines
mêmes, l'urbé, rarpenlenr, qui dévorent le boulon, la che-
nille du sphinx qui di'tiiiil la ^.'lappe en fleur, le colimaçon
qui rouge le fruit, etnirni Irsnis ix vendangeurs qui le ra-
vagent. Mills pourcriis ri i|ii ■ ipi rs i;i)ups de fusil tirés ii pro-
pos le matin en débana-M ni le \i;;neriin qui a au moins la
compensalion de les manger en brochette. Tout n'est pas
perdu.
Enlin, le fruit, si bien protégé, est venu à bien. On tourne
et on retourne la grappe pour la présenler adroitement au so-
leil, on la couvre et on la découvre a'ternalivement de ses
feuilles pour que ses rayons la dorent sans la brûler ; on en-
lève avec des ciseaux, fabriqués exprès, les grains qui refu-
sent de mûrir ou que la pluie a tachés. Tout est prêt. On
cueille enfin cette grappe surveillée depuis si longtemps; on
lui fait subir nu nniivel examen, et on l'emballe avec un soin
minutieux dans des paniers île deux kilogrammes, dont la
forme et reiiloniaiie en lungni' sont assez connus: cette fou-
gère, dont celle iiidiisliie a depuis longtemps dépeuplé les
environs, est nieillie luaiiitenant à plus de 23 lieues de Fon-
taiiielileiiii. Lnliii mi eiiipiolc la récolte dans ces hottes spé-
ciales dont noire dessin donne la curieuse représentation, et
on rex|iédie à Paris.
Pour ce trajet, les cultivateurs s'associent au nombre de
huit ou dix. Cette société qui s'appelle dans le pays une
courbe, loue un bateau et y ein|iile aver art de l.'ilMI .-i 2,000
paniers ; puis quatre d'entre mx iln i.:riji |r haleaii qui part
du port de 5 à 6 heures du snii, el aiiivr au purt du .Miiil de
7 à S heures du matin après avoir employé la nuit à faire 80
kilomètres. Le cbasselas débarqué sur le quai est acheté en
gros, revendu en détail... et Paris le consomme.
Or Paris est uu voluptueux Gargantua qui pour son des-
sert, après avoir grapillé plus de 2liO,(M10 kilog. de raisin de
vigne, dévore en outre <i lui seul 'ifSO,000 k. environ de chas-
selas, dont la plus grande partie renfermée dans plus de
500,000 paniers venant de Fontainebleau s'accumule chaque
année sur le quai du Mail.
Eu somme, la vigne des environs de Paris met sur notre
table, année commune. 2,000,000 de livres de fruit, mangées
grain à grain. C'est énorme, n'est-ce pas? Eh bien, à peine
en moyenne, chaque habitant en mange-t-ildeux livres dans
toute son année. — C'est bien peu !
NOUVELLE RUSSE.
Je revenais de Tillis avec des chevaux de louage. Mon
chariot n'était chargé qUe d'un petit portè-rnanteau à moitié
rempli de notes que j'avais pri.ses pendant mon voyage en
Géorgie. Par bonheur pour vous, j'en ai perdu la rnoilié; par
bonheur pour moi, j'en ai sauvé quelques-unes, ainsi que
mes elTets.
Le soleil commençait à se cacher derrière de hauts som-
mets couverts de neige, lorsque nous atteignîmes la vallée de
Ko'icbaour. Mon cocher, qui était Ossèle, chaulait à gorge dé-
ployée, et fouettait infatigablement ses chevanx afin d'ar-
river avant la nuit sur la montagne. La vallée est superbe.
De tous côlés des montagnes inaccessibles, des rochers brû-
lés par le soleil et couronnés de mousse verte, des ravins pro-
fonds; sur tous les sommets des bordures de neige argentée;
au fond d'une gorge pleine d'obscurité coule l'Aragra; il se
confond avec une aulre rivière, et brille au loin comme un
serpent écailleux ou comme un lil d'argent.
Nousfimes halte au pied de la montagne de Koïchaour.
Autour de la maison de poste étaient rassemblés une ving-
taine de Géorgiens et de montagnards qui s'y étaient arrêtés
pour y passer la nuit et qui faisaient grand bruit. Comme
l'automne approchait, qu'il y avait du vriglaset (jue la mon-
tagne a bien deux verstes de longueur, |e limai six bœufs et
quelques Ossètes; l'un d'entre eux portail mon porte-manteau,
les autres accompagnaient les bœufs de leurs cris.
Derrière moi venait un autre chariot qui paraissait très-
chargé et que quatre bœufs traînaient cependant avec une
facilité qui me surprit ; son propriétaire le suivait en fumant
une pelile pipe de Kabardinien garnie en argent. Il portait
une rodingole d'officier sans épauletles et un booiiel de Cir-
cassien. Il paraissait avnir riinpianle ans; snn vi-;ii,'r h.isané
prouvait qu'il avait depuis liingleiiijis la il i nnnai-sainr ,urr |e
soleil du Caucase. Ses iiiousfarlies bl un lies np I nrnl mal
il sa démarche ferme et à son ;iir assuré. Je m'approchai de
lui et le saluai: il répondit en silence à mon salut; il me
lança un énorme lourbilloii de fumée.
(I Nous sommes compagnons de route, à ce qu'il me
semble, n
Il salua de nouveau.
» Vous allez sans doute à Stravrnpal?
— Oui, monsieur... avec des effets du trésor.
— Dites-moi, je vous prie, comment il se fait que quatre
biKufs mèiieiit avec lanl de facilité votre pesant chariot, tan-
dis que six, .lidrf i!r I es I Issètes, parviennent à peine à luire
bouger le mien iini e>l Mile? »
Il sourit et me regarda d'un air .significatif.
Il Vous n'êtes sûrement pas deiiuis longtemps dans le Cau-
case ?
— Depuis un an, n répondis-je.
Il siiuril de niinveau.
«Une dils-vons?
— Que ces Asiati lues Sont de mauvaises hèles. Vous
croyez qu'ils vous aident parce qu'ils crient? Et qui diable
comprend ce qu'ils disent .' Ce sont d'infernaux fripons... Et
qu'y l'aire?... lis rançonnent les voyageurs... Ils sont gillés,
les coquins. Vous verrez qu'il vous demaiiderool encore un
pour boire. Je les eoniiais, et ils n'auniiit i ieii de inoi.
— Vous servez depuis loiigleiiips dans ce pays?
^^ J'ai servi sous Alexis Pétrovilcli Ermalaf, répondit-il en
se redressant. J'étais sons-lieutenant lorsqu'il prit le com-
mandement de la ligue, et c'est avec lui 'que j'ai avancé de
lieux rangs pour des alVairesavee les montagnards.
— Et vous êtes maintenant?...
— Maintenant je fais partie du Z' bataillon de ligne... Et
vous ? si j]ose vous le demander, n
Je le lui dis et nous continuâmes notre route en marchant
en silence l'un près de l'autre. Au sommet de la nionlagne,
nous triiuvimes de la neige. Bientôt le soleil se coucha el la
nuit tomba sans crépuscule, cmnmc cela arrive dans le Midi ; '
grâce à la réfraction de la neige, nous pouvions facilement
distinguer notre chemin qui continuait à suivre la montagne.
Je lis mettre mon porle-manteau sur le chariot, je remplaçai
les biculs par des chevaux, et je jetai un dernier coup d'iril
sur la vallée; mais un brouillard épais, qui sortait par ondes
de toutes les gorges, la couvrait complètement; aucun bruit
ne parvenait lu-qu'à nous. liientnl les Ossètes m'entourèrent
en deinanilaiit pnur huile ; mais le capitaine éleva une voix
SI nieiiaranle, qu'ils prirent aussilot la hiite.
" tjuel peuiile ! dit le ca|iilaine, ils ne savent pas dire du
painen russe; mais ils ont appris à dire : « lion oflicier,
donnez-moi pour boire. » A mon avis, les Talares valent mieux,
car ils ne boivent pas. »
Il nous restait à faire une lieue pour atteindre la prochaine
maison de poste. Auhiurdenous tout élait .si tranquille qu'on
aurait pu suivre un moucheron au seul murmure de son Vol.
Une gorge profonde s'étendait vers la gauche, en avant et en
arrière, des monlagnesd'un bleu-foncé, prolimdémeiit déchi-
quetées et couvertes de neige, se dessinaient sur un ciel pâle
qui conservait encore les dernières lueurs du couclianL Les
étoiles commençaient à briller dans le ciel, et elles me pa-
raissaient plus élevées sur l'horizon que dans le Nord ; des
doux côtés du chemin, des rochers noirs et dépouillés, çà et
là quelques buissons à moitié couverts de neige ; dans l'air,
pas un souille. Au milieu de ce silence de mort de la nature
on n'entendait que la respiralion liàlée de mes trois che-
vaux et les tintements inégaux de la clochette russe.
« Nous aurons un bien beau temps demain. »
Le capitaine ne répondit pas, mais me montra du doigt iinr
haute montagne qui s'élevait précisément en face de nmi-
II Qu'est-ce? demandai- je.
— C'est la montagne de Goût.
— Eh bien ! ■
— Voyez comme elle fume, fi •
En elTet, la montagne que le capitaine m'avait ttioUUië
fumait, de légers nuages glissaient sur ses flancs, et sur son
sommet reposait une nuée si noire, qu'elle semblait line laclie
dans robsriirilé du ciel.
Nous dislin-iii.iiis ilrja la maison de poste et les toits descd-
banesquil'enliiiienl; ilejà brillaienticsieux bospilalier.s, lors-
qu'un vent buniide et Iruid commença à soufller.II tombait une
pluie line et pénétrante, et à peiile in'étai.s-je enveloppé de
mon manteau qu'elle se changea en neige. Je regardai le capi-
taine avec respect.
iiNous passerons la nuit ici, dit-il d'un ton de dépit ; uu
ne passe pas la montagne par un temps semblable. »
Et, s'adressant au cocher ;
« \ a-t-il des avalanches sur la montagne de la Croix?
— Non, monsieur, répondit le cocher; mais elles nitna-
ceiit fort. 11
Comme il n'y avait pas dans la maison de poste où nous
nous trouvions, de chambre pour les vovageurs, on nous ar-
rangea , tant bien que mal, une cabane enfumée. J'invitai
mon compagnon à prendre un verre de thé : j'avais avec moi
une théière de fer, ma seule consolation dans mes voyages
au Caucase.
D'un c6lé notre cabane étiit appuyée au rocher; irois mar-
ches liûriiides et glissantes conduisaient à la porte. J'entrai à
tatous, et je me heurtai contre un rocher. Ces montagnards
font de leur écurie leur antichambre. Je ne savais où aller :
ici bêlaient des brebis, là grognait uu chien ; par bonheur
j'aperçus un petit feu qui m'aida à découvrir une ouverture
qui pouvait passer poui une porte ; j'entrai et un spectacle
original frappa ma vue. La cabane élait assez grande et rem-
plie de monde; au milieu, par terre, un feu autour duquel
étaient assis deux vieilles l'emmes, une multitude d'enfants
en guenilles et un maigre Géorgien. La fumée, que le vent
repoussait dans l'intérieur, obscurcissait celle scène et em-
pêchait qu'on n'en distingiiiU dès l'abord tous les détails
Nous nous approch.^mes du feu, nous allumâmes nos pipr-,
et bienlot la tliéière lit enlendicses joyeux bouillnnneiiieni-
« Pauvres gens, dis-je au caiiilaiiie, en lui montrant n-
bûtes crasseux qui nous regardaient en silence et d'un aii
hebélé.
— Sottes gens, répondit-il ; croiriez-vous qu'i's ne savent
rien et qu'ils sont inea|iahlcs de rieii apprendre! Nos Kabar-
diniens, nos Tchetcbrrniens, qui ne sont que des brigands,
et qui vivent tout nus, se battent au moins comniedes eui.i-^
gés; mais ceux-ci n'ont pas même le moindre goût poiii
armes! Vous n'en verrez pas un seul avoir un p'oignard |
sable. Ce sont de véritables ossètes! (Osset, en ru^se, s:..-
lie àne).
— Avez-vous été longtemps sur laTcheihna?
— Oui, j'ai été pendant dix ans, avec ma compagnie, 1 1,
garni-on à la forteresse du Passa;;e-de-Pierre. Le connaissez-
vous?
— J'en ai entendu parler.
— Ah! ces saliiems imiis nul dialilenienteniiuvés. Aujinii
d'hui ils seul, uiarr a hieii, lin peu plus II anijuiUrs ; n
alors, si on ^'ilri-nnl a iriil |ias du rmipail. il v avail in
que démon an\ lun-s ilieveiix en seiilinrlle, elsl l'on bain ,,
un peu, ou uu aixan ,1) nu cou ou nue balle à la tète. A
ce sont des gaillahls I
— El vous avez eu .«ans doute de nombreuses avcntur.-
lui dis-je, excité par la curiosité.
— Mais, oui. 11
Alors il commença îi frisW Sa moustache gauche, pciulia
la tête et devint pensif .te désirais beaucoup tirer de lui quel-
I que histoire, désir commun aux gens qui voyagent et il ceux
I (!) l.'arcan esl une liini;iieel forle (iiriie.-ivee un invuil eoulanl.
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
S9
^(li écrivent. Le llié était prêt ; je pris dans mon porte-man- ,
leau deux verres de vuyafje ; je les remplis et j'en plaçai un
devant mon compagnon. Il goûta et dit à voix basse : « Oui,
autrefois. » Cette exclamation me donna de grandes espé-
rances. Je sais que les vieux soldais du Caucase aiment à ra-
conter ; ils en ont si rarement l'occasion ! Tel d'entre eux reste
Cinq ans sans avoir à qui parler, au milieu d'une nation sau-
vage, exposé chaque jour à de nouveaux dangers et à des ha-
sards tellement extraordinaires, que vraiment nous avons
lieu de regretter qu on écrive si peu chez nous.
« N'ajouterez-vous pas un peu de rluim, dis-jc à mon con-
vive ; j'ai du rhum blanc de Tillis, et il fait froid ce soir.
— Je vous remei cie ; je n'eu prendrai point.
— Pourquoi donc '!
— Parce que... c'est un vœu. Lorsque j'étais encore sous-
lieulenant je lis un soir, avec mes camarades, une débauche;
dans la nuit on sonna l'alarme ; nous parûmes à moitié ivres
dans les rangs. .41exis Pélrovitch l'apprit, et c est beaucoup
qu'il ne nous ait pas mis eu jugement; et il avait raison , la
Solitude et l'eau-de-vie, c'est assez pour perdre un homme.»
En l'entendant, je pe'rdis presque toute e.spérance; mais il
reprit :
«Lorsque les Circassiens se sont enivrés à une' noce ou i>
un enterrement, ils linissi-nt presque toujours par se battre.
Une fois, c'est à grandi- peine ipie je m'en suis tiré, et ce-
pendant j'étais en visite chez un prince de nos amis.
— Counnent cela arriva-t-if »
Le capitaine chargea sa pipe, l'alluma, en tira quelques
boullées coup sur coup, et commença ainsi :
«J'étais avec ma compa;;nie dans un fort au delà de Ferck.
Il y a bientôt cinq ans décela. Un jour d'automne arrive un
cOliVol de provisions, et avec le convoi un jeune oflider
tl'environ vingt-cinq ans, eu grand uniforme, qui m'anuom-.e
qu'il a l'ordre de rester avec moi dans le fort. Sa taille élait
Si élégante et son teint si blanc, son uniforme élait si neuf,
tjuc j'eus hienlfit dcvilii ([u'il n étjit pas depuis longtemps
ilnns le Caucase.
« — Ou vous a sans doute envoyé de Russie dans ce pays '?
— Précisément, monsieur le capitaine,» me répondit-il.
Je le pris par la main, en lui disant :
«Je suis chariui', enchanté; vous vous cnnuyerez un peu,
mais nous vivrons en bons camarades. Faites-moi le plaisir
de m'appeler tout simplement Maxime Maxiinilcli, et de ne
pas vous mettre en grand uniforme pour venir riiez moi. »
Il On lui doima un logement et il s'établit dans le fort.
— Etcomment l'appelail-on? demandai jeà Maxime Maxi-
mitcli.
— Grégoire Alexandrovith Petcliorin. C'était un charmant
garçon, je vous assure; mais très-original. Quelquefois, par
exemple, par la pjuie et par le froid, il restait à la chasse du
Bialin au soir, sins éprouver la moindre fatigue. Le lendc-
Inaill il s'enfermait dans sa chambre, un petit vent soufllait
et il assurait avoir prisiroid. Je l'ai vu vingt fui.s attaquer un
sanglier; mais je l'ai vu aussi tressaillir et pâlir au bruit
dim contrevent qui frappait. Tanlôt silencieux, tanlftl gai à
nous faire mourir de riie... un original, eulin; il devait èlre
riche, car il avait une quantité de petits obiets précieux.
— A-l-il demeuré lun..;temps avec vous'? demandai-je de
nouveau.
— A peu près une année... que je n'oublierai jamais;
combien de smicis ne m'a-t-il pas causés?... Il y a certaine-
ment des gens qui sont destinés dés leur naissance à avoir
(les aventures extraordinaires.
— Extraordinaires! m'écriai-je en remplissant son verre
et avec un air de curiosité.
— Ecoutez. A six verstes du fort vivait un prince, notre
allié. Son lils, jeune homme de quinze ans, venait tons les
jours chez nous, lanl'it pour une raison, lanlAt pourunc aolre.
C'était uu garçon dét.iniiné et nous le galions. Il n'avait
qu'un seul défaut, c'était d'être horriblement avide d'argent.
One fols, Grégoire Alexandiovilch lui promit en plaisantant de
lui donneruuducat s'il pouvait enlever la meilleure chèvre du
troupeau de son père; eh 1 bien, la nuit suivante il l'amena
par les cornes. Nous nous amusions quelquefois à le menacer;
ses yeux se remplissaient de sang et il saisissait son poi-
gnard. « Elil Azainat, lui disais-je, tune porteras pas longtemps
la lèle ; ton perd en répondra. »
« Un jour le prince vint lui-même pour nous inviter à une
noce; il mariait sa lille ainée, et puisque nous étions ses
amis, quoiqu'il fùlTatare, nous ne pouvions refuser. A notre
arrivée dans le village, une multitude de chiens nous reçut
avec de grands aboiements; les fenmics se cachèrent : celles
dont nous pûmes voir le visage étaient loin d'êtie belles.
« — J'avais meilleure opinion des Circassiennes, me dit
(iiégoire Alexandrovilch.
» — Attendez, » répondis-je. J'avais un projet en tête.
a La foule était grande chez le prince, car vous savez que
les Asiatiques ont coutume d inviter à leurs noces Ions ceux
qu'ils reiicoulrenl. On nous reçut avec les pus grands hon-
neurs, et on nous conduisit dans la grande salle. Je n'oubliai
C'ipendaiit pas de remarquer, par excès de pruJence, où on
mettait nos chevaux.
— Comment célèbre-t-on les noces dans ces montagnes?
demandai-je au capitaine.
— Mais rien de bien extraordinaire. D'abord le moullah
lit un passade du Coran ; ensuile on fait des présents aux
époux et aux parents ; nn mange, on boit, puis les jeux coni-
meucrnt : qu'-lque malheureux esiropié, bitn sale, bien gras,
monté sur un loéchant cheval, fait le paillasse et réjouit
riinnorable société. A la nuit tombante le bal commence
dans la grande salle. Je me souviens qu'un pauvre vieillard
jouait d'une guitare à trois cordes, dont j'ai oublié le nom,
Inais qui ressemble à notre balalaïka. Leslilles et les garçons
se mettent sur deux rangs, frappent des mains et chanleiil.
Deux d'entre eux s'avancent et s'adressent des vers qu ils
improvisent sur le premier sujet venu. Les autres répondent
c 1 chœur. J'étais avec Petcliorin à la place d'honneur ; la
lille cadette du prince s'approcha et lui chanta une espèce de
compliment.
— Vous le rappelez-vous?
— Il me semble que c'est quelque chose comme ceci ;
«Nos jeunes gens sont bien fails; ils portent des habits bro-
dés eu argent ; mais le j-une oflicier est plus beau et mieux
fuit qu'eux, et il porte des galons en or. Il est comme un
peuplier au milieu d eux, mais il ne croîtra pas; il ne Heurira
pas dans notre jardin. » Petcliorin se leva, la salua, mit sa
main sur son Iront et sur son cœur, et me pria de répondre
pour lui ; je sais fort bien le circassien, et je traduisis sa ré-
ponse.
i< (Juand elle se fut éloignée, je dis à Grégoire Alexandro-
vilch :
« — Eli bien ! qu'en dites-vous?
11 — Ch'armanlc, répoudil-il.
«— Savez-vous son nom?
« — On l'appelle lilanche, » reparlis-je.
«C'est qu elle élait fort belle en effet. Elle avait seize ans,
une taille élevée et bien laite, des yeux noirs de gazelle, qui
vous pénétraient )usqu';"i l'àme. Petcliorin élait pensif et ne
la quittait pas des yeux ; elle-même le regardait souvent
aussi à la dérobée. Je m'aperçus bienlôl que mon ami n était
pas seul il admirer la belle princesse : deux antres yeux,
deux yeux de feu, la suivaient avidement du coin de la salle.
Je reconnus mon ancienne connaissance Kasbilch II n'était
ni allié, ni ennemi; mais, qiioiqu il ne se fut mêlé d'aucune
affaire, on avait de forts soupçons contre lui. Il nous amenait
quelquefois des moulons qu'il vemlail bon iiiarché, mais sans
laisser jamais marchander. On disait qu'il aliit souvent au
delà de Koiiban, lever des ronlribulioiis, et il avait vraiment
tonte la iiiiue d un brigatld. Il élait pelit et large d'épaules,
mais agile comme un dëmon. Ses habits étaient toujours en
lanibt'anx, mais ses armes étaient garnies en argent. Son che-
val élait célèbre dans toute la Kabarde, et l'on ne saurait en
effet rien imaginer de plus beau. On avait tenté plusieurs
fois de le voler, et Ions les cavaliers portaient envie à Kas-
bilch. Il me semble que je vois encore ce cheval : il avait le
poil noir toiiiiiie de la poix, des jambes lines comme des ro-
seaux et des yeux comme ceux de Blanche. lit comme il était
fort et bien dressé... il aurait fait cinquante versles en
courant; il suivait son maître comme uu chien; il recon-
naissait même sa voix. Quel cheval !
«Ce soir-là Kasbitch était plus sérieux encore que de cou-
tume, et je reinaïqiiai qu'il avait mis une colle de mailles
sous son habit. 11 n'a pas mis cette cotte de mailles pour
rien, pensais-je; il faut qu'il ait quelque dessein.
« La chaleur élait étouffante, et je sortis pour prendre
l'air un moment. La nuit était obscure, et le brouillard com-
mençait à s'étendre dans les vallées. Je pensai à faire un tour
du côté de l'écurie où on avait mis nos chevaux, pour voir
.s'ils avaient à manger. Et puis la prudence ne gale rien...
J'avais un excellent cheval que plus d'un Kabardinien avait
remarqué d'un œil d'envie.
«Je rri'avance le long de la cloison, et tout à coup j'en-
tends des voix; l'une, que je reconnus tout de suite, était
celle d'Azamat, le lils du prince; l'autre, plus basse, ne .se
laisail entendre qu'à de rares intervalles. De quoi parlaienl-
ils? pensai-je. N'est-ce pas de mon cheval? ,1e m'approchai
de la cloison et j'écoutai. Quelquefois le bruit de la musique
et des chants, qui venait de l'haliilation , me faisait perdre
le lil d'une conversation qui m'inléressailau plus haut point.
« Tu as un fameux cheval, disait Azamat; si j étais mai-
lle de la maison, et que j'eusse trois cents cavales dans mon
troupeau, j'en donnerais la moitié pour Ion bon coureur, Kas-
bilch.
« Ali ! Kasbitch, » me dis-je, et je me rappelai la colle
de mailles.
« Oui, reprit kasbilch, on ne trouverait pas son pareil dans
toute la Kabafde. Une fois, au delà rfn Térek. nous fûmes
dispersés par les Russes, dont nous cherchions à enlever les
troupeaux., (Uiaeuii se sauva comme il put. J'étais poursuivi
par quali3B'C<i«aq(ies; j'entendais déjà leurs cris, j'avais de-
vant nicii un bois .épais. Je nie çoucliais sur la selle, je me
ciiiiliai à Allali,'et pour la première fois-doma vie, j'offensai
mon cheval d'un coup de l'oueU- Il se précipjOi comme un
oiseau entre les brandies. Les épines aiguës tlécliiraieol mon
vétenieni ; j'aurais niienïfait de me laisser couler à terre et
de me cacher dans les buissons ; mais je ne pus me décider
à quitter moi» cheval, et le proplièle m'en récompensa. Les
Cosaques me serraient de très-près; leurs balles silllaienl au-
tour de moi... J'arrive au bord d'un piolond raOn. Mon che-
val semble réfléchir un inslant : il s élance, ses pieds de
derrière déchirent le bord opposé, il reste suspendu par ceux
de devant; je jetai les rênes et tombai dans le ravin, mon
cheval déchargé lil un cITort. et fui sauvé. Les Cosaques
virent lopt cela, mais ils crurent que je m'étais tué, et ne
s'occupèrent plus de moi; je les entendis s'élancer à la pour-
suite de mou cheval. Mon cœur saignait; je descendis le ra-
vin sur une herbe épaisse, et je regardai. Je vis quelques
Cosaques courant dans une immense juaine, et mon Kara-
queuse bondissant devant eux. L'un des Cosaques passa près
de lui, lui jeta deux fuis son arcan et faillit ie 'prendre; je
tremblais, je fermais les yeux, cl je me mis à prier. Un in-
slant après, je regarde, et je vois mon infaligable coursier,
qui vole, la queue droite, libre comme l'air, el les giaonrs
qui se traînent honteusement sur leurs chevaux épuisés. Par
Allah! je dis la vérité, la |iure vérité. Je restai datis mon ra-
vin jusqu'au milieu delà nuit. Tout à coup j'enlcnds dans
l'obscurité lin cheval qui court sur le bord du ravin, qui
soufde, qui hennit, ipii liappe la terre du pied. Je reconnais
mon Karaqiieuse; c'elait lui, c'était nnui compagnon. Depuis
ce jour, nous ne nous sommes pas quittés. »
«Et j'entendis qu'il caressait de la main le cou poli de son
cheval, en lui iloniiaiil mille iiunis d'aniilié.
« — Si j'avais un troupeau ili' mille cavales, dit Azamat,
jeté le donnerais tout entier contre Ion Karaqiieuse.
(I — Je ne voudrais pas, « répondit tranquillement Kasbilch.
« Azimat reprit en le llatlant.
n— Ecoulé-moi, Kasbilch, lu es un homme courageux et uli
intrépide cavalier; mon père craint les Russes et ne tne laisse
pas aller sur la montagne. Donne-moi ton cheval, et je ferai
ce que tu voudras; je volerai à mon père sa meilleure cara-
bine et son sabre, — sou .sabre île damas, — qui perce un
homme sans qu'un ait besoin d'appuyer, et si tu veux eiicbre
son carquois qui est aussi beau que le tien. »
«Kasbilch gardait le silence.
«—La première fois que je vis ton cheval, continua Azamat,
il se cabrait sous toi, il bondissait en ohm aiit ses naseaux,
ses pieds faisaient voler les pierres en éclat; il se passa dilns
mon àmequel|ue chosed'inconipiéhensible; tout me devint
indifférent; je regardais avec mépris les meilleurs chevaux
de mon père, j'avais honte de les monlér; l'ennui s'empara
de moi. Je leslais des jours entiers assis sur un rocher; à
chaque itistant, je croyais voir ton cheval noir avec sa dé-
marche hère, son cou luisant et droit comme une llèclie; il
me regardait avec ses yeux (lerçants, comme s'il eût voulu
médire quelque chose. Je mourrai, Kasbitch, si lu ne me le
vends pas, » dit Azainat d'une voix tiemblanle.
{La suite à un prochain numéro.^
l'nriaiions «tnioi<|iliéri<iueei.
Puisque nous avons un moment de loisir, parlons un peu
de la pluie et du beau temps. Voici quelques dessins d'un
aili^lc aimé du public qui nous en fournissent l'occasion.
I) ailleurs, c'est un sujet de droit commun, un sujet com-
mode, qui Ctltte pour un appoint assez considérable dans la
somme des niaise li^^ . niisiiinanl. m cli-lmi s des chiffres, des
affaires et des niiMli^.nM r^, \r \.,n,i d, s i niiM-r-alKins hu-
maines. C'est une ni.iin ;r i.h ilr li dili.T l'ii liaison avec une
personne à qui un i.i' >.iil (|uimIiii-, mii, parie que, la voyant
pour la preiiuère luis, un ii ii pas ciicuie jaugé sa capacité in-
tellectuelle, suit, parue que, ne viiulaiil pas .^'engager, on se ren-
ferme dans cet innocent lieii-coniiiiuii de peur de .se compro-
mettre. Or, comme il fait toujours ou beau ou mauvais temps^
c'est un sujet qu'on a toujours à portée; avec lui, on ne ris-
que pas de rester court. C'est sans doule ainsi que celle ex-
pression : Parler de la pluie et du beau lein(is, esl devenue
l'équivalent de parler de lulililés. Evidenmienl, c'est une lo-
cution proverbiale mal choisie, car, parler de la pluie et du
beau teiii|is, c'est palier des plus sérieux inléiêls de la pau-
vre humanité ici-bas. 11 y a là dessous des questions d'a-
bondance et de famine, et je comprends bien que ceux qui
culliventla terre, testà-dire les trois quarts des homnies,
commentent, d'un bout de l'année à laulie, ce llième aussi
intéressant que monotone. Aussi, ce ne sont pas eux qu'il
faut accuser du mauvais sens qu'on a donné à celle expres-
sion, mais bien les sotsqui abuseni de tout, sans prendre in-
térêt à rien. Cependant, coiimie ils sont, dil-on, en majo-
rité en ce monde, el que toute majorité esl respeclable, je
chercherai à faire valoir quelques circonstances allénuanles
en leur faveur, d'autaiit pois volontiers, qu'en ce moment
je parle comme eux delà piuie el du beau temps. Je recon-
nais el j'avoue que lorsque la politique, avec ses avorlemenls;
la polémique des journaux, avec ses aménités; la clironiqne
du jour, avec ses scaiida'rs ; 1rs l'hi'i.iiiis de fer, avec leurs
accidents; la cole (!'• la H -; ,.r,ir s s émotions; la mode,
avec ses cxtravaii^.iiM i ^ ; Ir^ -. hu. i>, l.'s beaux-aris, la lil-
térature, c'est-à-dm' 1 iiilrlli;.^iiioe, !,• seiiliment el l'esprit
d'un millier de grands hoiiiiiies, nioils ou vivants, fouruis-
sent incessamment des niolifs variés el inépuisables à ce
charmant bavardage qui est un des apanagesdel homme ci-
vilisé, c'est, en vérité, une impertinente chose que d'ouvrir
la bouche pour dire à des gens qui le savent aussi bien que
Vous : » Il lait bien beau aujourd'hui, » ou bien : «Wijlà huit
jours (|U'ils ne cesse de pli'inoir. » Jlals il liol un minailre
au^si que Ifibon Dieu a l'ail depuis queli|iir> ■ irv un u>age
si inusité de la pluieetdubeaulemps, qu'ils sniil iluveiiiis des
événenienis, des nouveaulésel des surprises, el que les gens
d'e-prit, à plus forte raison les sots, ont été lorl excusables
de prendre souvent pour thème de conversation ce mauvais
règlement des saisons qui bouleversait leurs juincipes oti
leur routine. L'homme qui applique à tout son esprit inves-
tigateur, linil, à force de labeurs, de temps et de patience,
par voir un peu clair dans la mulliludedes fails qui le frap-
pent de Imites parts, el, pour s'y reconnaître, il tftcliri de
inetite de l'ordre dans ses observations; il classe, divise,
snhdivise, elii|uèle tout avec le plus grand soin. C'est ainsi
qu'il iii I si M'iiii à délerminer le cours des astres, la révo-
luliuii pènuilique des années; el cela, àriieiircetà la minute.
Par exemple, voulez-vous savoir quand commenceront l'aii-
bimiie et l'hiver qui s'avancent, vous n'avez qu'à ouvrir l'an-
nuaire du bureau des longitudes ou le premier Mathieu
Laènsberg venu, el vous verrez cpie ce sera, pour l'aulomiie,
Ie2ô septembre, à 10 heures 41 niiniiles du malin; et, pour
l'hiver, le 22 décembre, à i heures 22 minutes du Uialin
également, ni plus ni moins. Pourquoi celle heure- là plu-
tôt qu'une aulrc? Tout le monde le sait aujourd'hui. C'est
parce que le soleil , dans sa marche apparenle à travers le
Zodiaque, entrera justement à celte heure là dans lesiynedu
Capricorne. Quand je dis qu'il y entrera, il y aura déjà un
mois qu'il en sira sorti. Maisil y entrait il y a quelque deux
mille ans, et comme après s'en èlie successivemcnl éloigné,
il y revient de nouveau à pareille époque tous les vingt cinq
mille huit cent 8oi\ante-huit ans, un a jugé que ce n'était
pas la peine, pour une pareille bagatelle, de déianger les bê-
les du Zodiaque, el on a laissé les choses telles que les avaient
réglées lesMalhieii Laêiislieig du temps. Quoi (|u'il en soil,
nuis iiuviiiis tous, sur la fui des asiroiii.mes, des poêles, des
jardinier. s et des nuiiinics, ipie iiuiis avons chaque aïo ée
quatre saisons, el qui' li' pi iiilniips. Trié, raiitonino et l'hi-
ver sont des périodes ilisliiiiles enire lesquelles le chaud et
le froid, le beau el h' \ilaiii temps se dislribiunl d'une ma-
GO
nière assez régulière. Aussi la évolution de '.)'>, dans ses
réformes qui se sont étendues jusqu'au calendrier (elle eût
mis certainement le soleil et
le Zodiaque au pas, si elle en
avait eu le loisir), avait-elle en-
régimenté la neige, la pluie et
le vent lui-même et en avait-
elle fait dans l'année trois dé-
partements particuliers, sous
les noms plus ou moins poé-
tiques de nivôse, pluviôse et
ventôse. Je ne pense pas qu'ils
se soumirent à ce quus ego...
Ces limites administratives
étaient un peu étroites ; mais
ce qui est certain, c'est que de
nos jours tous ces phénomènes
naturels sont dans une véri-
table anarchie. C'est à n'y plus
rien reconnaître, et, à 1 ex-
ception de celte année, il y a
longtemps que nous n'avions
eu un été avec continuité de
beaux jours. Nous ne connais-
sons plus que l'automne em-
piétant sur l'hiver et l'hiver em-
piétant sur le printemps. Le
mois de mai, le joli mois de mai
oui apporte des feuilles et des
fleurs n'est plus qu'une fic-
tion chantée par les poêles.
Aussi lesvieilles gensdisent que
la terre se refroidit et que la
fin du monde approche. Quand
on est jeune, on ne s'inquiète
pas du vilain temps; quand on
vieillit.oncomp-
te les vilains
jours , parce
qu'ils amènent
la tristesse et les
catarrhes. Je ne
suis plus jeune,
hélas! car il me
semble aussi
qu'il y a bien
plusdemauvais
jours que de
bons. Il faut
bien le recon-
naître : dans
l'atmosphère où
nous sommes
placés et où il
nous faut vivre,
nous sommes
loin d'être com-
me le poisson
dansl'eau.Rien
de plus instable,
de plus chan-
geant, de plus
tourmenté et de
plus tourmen-
tant. Il brûle, il
gèle, il est cal-
me, il tourbil-
lonne, il se fond
en eau,il se soli-
difie en grêle, il
éclate en fou-
dre, il est étin-
celantde lumiè-
re ou noir com-
me dans un four.
Conservez donc
votre assiette et votre égalité
d'humeur à travers tous ces
accidents de tous les jours, de
toutes les heures.
Parmi toutes les variations
atmosphéiiques, il y a un phé-
nomène malencontreux, parti-
culièrement propre à notre cli-
mat, et qui est bien la plus
maussade invention qui se puis-
se imaginer. Je veux parler de
la pluie. Nousavonsdesmoisoù
il pleut vingt-neuf jours sur
trente. Dans ceux-là au moins
on sait à quoi s'en tenir, et, si
l'on n'est pas content, on a quel-
que raison pour être philoso-
phe. Mais combien de lois elle
vient noussurprendre traîtreu-
sement quand, sur la foi d'un
beau ciel pur, nous nous som-
mes mis en route sans manteau
et sans parapluie ! Que de par-
ties de campagne elle dérange
ou termine d'une manière lâ-
cheuse! C'est alors qu'il faut
voir la déroule des pauvres ci-
tadins pris à l'improviste, etde
leurs lemmes dont les pieds
mignons, chaussés d'un léger
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
chapeaux qui déteignent sur les chfiles ; les robes aux tissus
diaphanes souillées; toute celte toilette si élégante, si gra-
bj-û"dequin, glissent sur la fioue et pétrissent la fange; les I cieuse il voir loiil ii l'heure, nuiiiilenanl sordide, hideuse... !
ombrelles, les marquises qui déteignent sur les cliipeiiux. les | Les anges pleurei aient à les voir passer. Nous autres, bon-
nes créatures, nous prenons notre mal en patience et nous
nous mettons à rire. Contre cet insupportable météore, nous
avons inventé le parapluie, le
paraverse, l'axifuge. Les gens
prudents sortent toujours ar-
més de leur parapluie comme
d'une éternelle protestation
contre la Providence. Mais en
France on se moque de tout,
du mal comme du remède ; on
„I_ a donné à cet instrument, assez
ennuyeux du reste à porter,
le nom vulgaire et mal .son-^
nant de riflard. C'est à en dé-
goûter un honnête homme. Le
parapluie ou le rillard, d'ail-
leurs, n'est pas à la portée de
tout le monde. Le paysan qui
laboure, le voyageur qui che-
mine, le soldat en marche, le
garde national qui se rend le
malin à son posle, ignorent ou
ne peuvent se permetire les
douceurs du rillard et n'ont
d'autre ressource que celle de
s'envelopper dans leur philo-
sophie etde tendre le dos. C'est
déjà assez triste sur le pavé
des villes; mais c'est dans la
campagne qu'il faut voir la
pluie pour bien apprécier l'a-
grément qu'elle répand sur no-
tre séjour ! Le ciel gris, le sol
détrempé et changé en boue
liquide, les ruisseaux changés
en torrents, les rivières débor-
dées et cban-
géesenlacs...!!
faut un grand
fond de gaieté
pour ne pas se
laisser gagner
par le spleen et
aller se jeter
dans celle eau la
tête la premiè-
re. On se con-
sole pourtant;
bien plus, on se
réjouit. Cette
pluie fait le bon-
heur des marai-
chersquandelle
vient à temps.
S'il n'en tombe
pas assez, adieu
les petits pois;
d'un autre côté,
s'il en tombe
trop, adieu lu
vendange et la
moisson. Or, il
ne manque ja-
mais d'en tom-
ber ou trop ou
pas assez. Ce-
pendant les sa-
vants, qui tien-
nentécriturede
tout, nous assu-
rent qu'en som-
me il n'y a pas
à cet é^rd de
différence sen-
sible entre
une année et
une autre, et que, lorsque
nous avons manqué en été de la
pluie dont nous avions besoin,
en revanche , nous sommes
inondés pendant l'hiver de la
pluie dont nous n'avons que
faire. Au total, nous avons no-
tre eoiuple. Clie consolazione !
Sous quelque forme qu'ils
se maiiileslent, les niéléores
aqueux de l'atmosphère nous
sont incommodes au plus haut
ili'^ré. Pluie , brouillard ou
«iiyi', ils jeltent un voile funè-
bre sur la nature. Siiestristes
plii'iioiiièncs n'élaieiil passi fré-
quents, l'Iiomiue, en se voyant
assailli , enveloppé par eux ,
serait saisi d'une sorte d'ef-
froi. Cependant, une foisquela
iK'ige est touillée, elle étend
.Mir le sol un l;ipi>à lafois moel-
leux et résistant (lui. si le temps
est un peu froid, permet de
prendre le plaisir d'une course
r.iplile en traîneau ; mais aussi,
g:ii'e le dégel ! La transforma-
lion d'eau en neige et en glace
est 1111 mode d'eiiiiuagasinage
assez bien imaginé par la na-
ture. Comme elle en fait une grande consommaiion (nous
ne le savons que trop), il lui faut faire ses provisions à l'avance;
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
6\
mais l'eau «t une denrée qui fient de la place et qui tend à
descendre et à se mettre de niveau sur le sol. En la métamor-
phosant en neige, la nature
peut l'empiler sur les cimes des
montagnes comme sur des
rayons élevés de sa boutique, et
la tenir là en réserve pour ré-
couler petit à petit et suivant le
besoin à la venue du printemps.
Cela est ingénieux, et ces lois
providentielles sont amusantes
à étudier dans les livres, l'hiver,
au coin d'un bon feu et dans
une robe de chambre bien oua-
tée.
L'eau et la neige , quelque
désagréables qu'elles soient ,
ont leur côté utile, et l'hom-
me, qui a la manie d'expliquer
toutes choses et de les expU-
quer au point de vue de son
bien-être, les accepte comme
des dons dus à la bienveillance
de la nature. Il ne peut pas en
être de même à l'égard de la
grfle (encore une autre forme
sous laquelle l'eau se présente
dans l'atmosphère). En toute
saison qu'elle survienne, c'est
toujours une calamité, et une
calamité d'autant plus redouta-
ble que son irruption est subite
et imprévue. Les animaux se
cachent quand ils la pressen-
•ent. Mais le roi des animaux a
l'humiliation, à
cet é^ard com-
me à beaucoup
d'autres, d'être
plus bête que le
plus humble de
ses sujets; il ne
sait ui la pré-
voir, ni s'en ga-
rantir. Pour a-
voir l'air pour-
tant de faire
quelque chose à
ce sujet, il a in-
venté le para-
grêle, ce qui ne
l'empêche pas
de voir en tou-
tes saisons la
grêle hacher ses
moissons et ses
fleurs, cribler
ses fruits, jon-
cher ses parcs,
briser ses clo-
ches à melon, et
les vitres de ses
serres et de ses
châssis, quel-
quefois même
enfoncer ses toi-
tures et tuer se.-;
bestiaux. La
grêle est donc
jusqu'ici une pe- '"
tite anomalie à
la bénignité de
la nature pour
l'homme; encore est-elle une
véritable loi providentielle
pour les couvreurs et les vi-
triers.
Les phénomènes dont nous
venons de parler ne sont que
le petit ordinaire des variations
atmosphériques. Mais il y a
aussi de temps à autre les re-
présentations extraordinaires
et à grand spectacle. Alors on
a les éclairs, le tonnerre, la
foudre, le vent, /'oragf, l'oura-
gan, la tempête, la trombe, tout
le tremblement enfin. Cela est
désastreux au premier chef par-
tout oii cela passe, mais cela
I ne peut manquer d'avoir son
I utilité, cachée pour nous. Cela
1 rétablit brusquement l'équili-
bre dans l'atmosphère, et cela
renouvelle les couches de l'air.
De manière à ce que les mê-
mes poitrines ne respirent pas
toujours le même oxygène elle
même azote. A la vérité , ce
renouvellement de l'air a pour
conséquences que parfois la
peste passe des bords du Nil
a ceux du Khône, ou le clm-
lera^murbus de ceux du Gan-
ge à ceux de la Seine. On
ne peut pas avoir les bénéfices sans avoir
humeur dans cette bonne créature qu'on appelle l'homme.
Quand le soleil resplendissant dans un ciel bleu vient rani-
(L orage. — Dessin par Graodvilk,)
(Le besu temps. — Dessin par GraoUvilie.)
1rs charges. 1 mer la nature, oh ! alors ce sont ses jours heureux, et la terre
Après l'a pluie vient le beau temps! excellente parole qui devient pour lui un petit Edtn. Il est bien un peu aveugle
prouvecombienilyaderésignaUon, de paUence et de joyeuse \ par la lumière qui lui cause des ophUialmies, un peu brûle
le soleil qui lui cause des érysipêles, un peu mangé par
cousins et les moustiques; mais il a la ressource de por-
ter des lunettes bleues, des om-
brelles ou des parasols et de
dormir dans des moustiquaires.
S'il s'habitue à braver la chaleur
et le soleil, au lieu de cette
carnation rosée si charmante à
voir que lui a donnée la natu-
re, sa peau devient couleur d'a-
cajou foncé. Il n'est peut-être
pas plus heureux, mais il est
certainement beaucoup plus
laid. Evidemment toutes ces
petites misères qui assaillent
l'homme, même dans ses meil-
leurs moments, prouvent qu'il
n'est pas ici-bas pour ses me-
nus plaisirs et qu'il doit y faire
pénitence. Pourtant, au moyen
de l'oubU et de l'espérance,
il se tire encore assez bien
d'affaire. Il a le bon esprit de
prendre les choses par leurs
bons côtés. L'orage passé, il
fait sécher ses habits, et s'il
aperçoit l'arc-en-ciel il se ré-
jouit en pensant que Dieu ne
le fera plus périr par un délu-
ge. C'est toujours une chance
de moins. Du reste, il ne pou-
vait pas attacher cette espérance
à un plus beau météore. Toutes
les fois qu'on le voit, on ne
peut s'empêcher de l'admi-
rer et on estons
duvifdésird'en
connaître la
cause. Me trou-
vant un jour à
la campagne en
compagnie d'un
savant, je vou-
lus profiter de la
bonne fortune,
et en avoir une
fols le cœur net.
Je m'adressai
à lui, et il ac-
cueillit ma de-
mande de la ma-
nière la plus
aimable. —
« Vous savez,
me dit-il, que
l'arc coloré que
vous avez sous
les yeux en ce
moment, est le
produit des
rayons solaires
réfractés dans
des gouttes
d'eau suspen-
dues en l'air et
réfléchis jus-
qu'à vous. Il fait
partie de la base
d'un cône dont
le sommet est
i dans votre œil,
etdontl'axe pro-
longé derrière
vous va passer précisément par
le centre du soleil. » Je ne lais-
sai pas que d'être très-flatté
de ces rapports intimes de géo •
métrie établis entre mon chétif
individu d'une part, etl'arc-en-
ciel et le soleil de l'autre. Ma
curiosité n'en fut que plus ex-
citée. «Sait-on, et seriez- vous
assez complai.sant, monsieur,
pour vouloir bien m'expliquer
commentse produit ce merveil-
leux phénomène? — Uien n'est
plus facile. Concevez un rayon
qui sorte après avoir éprouvé
une réflection intérieure en 6
(et il me dessina la Dgure). Sa
direction d'émergence ec fera
avec sa direction d'incidence
« a un angle s t e, que nous
nommerons rf. Si l'on désigne
par i l'angle d'incidence s a n
et son égal o a t, par r l'angle
de réfraction o o 6 et son é-
gal o 6 o, on aura évidem-
ment :
0 b a := b a t -|- b l a,
ou r = i — r + ï
d'où d = i r — 2 i.
Or, l'on (lénuintre avec la plus grande simplicité que... »
einè vis forcé de lui demander grâce, et je n'ai jaujais été
jjIus loin dans l'explication de l'arc-en-ciel.
L'ILLlSTilATION, JOURNAL UNIVERSEL.
Pe la Démocratie enS^issç, par M. A. E. C)ii:iiiiti.ii!Z, jiro-
fcssBiii- flfi iliciit public tt ù'écoiioriiie politiquo 4 l'Acailé-
mie de Gcnovu. 2 vol. in-8. — Paris et Genève.
Ce livre ((eslierésiillat (les travaux entrepris depuis longtemps,
qui ont l'ourni il M. Cherbulieï le sujet de plusieurs cours pu-
blics donnés à l'Académie <le (ieiiéviMi Si nous n':i|iprouviiiis jws
eotièrenient.sonespril, nmis ,i,\niiv Jn iin.ifis Iduir s;ihsré-.i.;rvi:
les nombreuses qualilr^i|i I h .1 ihuI. (m ^(•Ml, m lViuili:iiii
■ ■ ■ 'I"''l ^'"1
i\. iùiliii,
qu'il est
e Iruit (
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ii-aiiiins liaii
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suliiri
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inénie. il
il le dil,
lieurleiit
iiMii
dr l'i
iirlU-s. ■fuilIcl'iMS, iM. Cher-
„,.|,iis « pour la haine ,1e
■. ill|ul.■^ (piiilidieniiesde
il a h. Il, M-loii nous, d'i'ui-
poliUiiues, des expressions
ils ne rouyissaieiit pas de
idiil dr reproduire, dans ur Irailo
is, nous rendons nu juste
Iniil ceilaiiis l'irivaiiis Iniil,
lui' M. CliiTliiiiir/. •iHilH-iiiiii
l'arislii' raiir, liin.' a lui; qu'il alla. pie les parlisatis 'k' la deiiiu-
cralie, qiMl c^^aj,: .le inoiilrer (pie les dnelriiic.s radicules sont
suliversives de tout ordre, de toute liberté, de tout progrès,
c'est son droit; mais, de lionne loi, est-ce raisonner, est-ce de-
meurer dans les limilcs d'une sage discussion, rpie d'accuser
en masse Ums m's a ivnsaiivs" d'avoir iiiiii|iii'iiii'iil p"iir iniildUs
(les lieMilll, luilividilrls il,. lirriiiT. d'aglialliill ri d.- lloilDIialioli,
qui ne 'aiiraieiil elir salivlails par aiiiiille or^aliisaliull dlira-
liai, l'Iiiiiiiiiie pnlilHine qui ne vuil
a j.arl qiielipiev enlIiiiiKiaMes (le
ble? " list-il l'eell'
dans le parti iippii
bonne foi, que d.
envieuses, des pa.
des auioiirs-iniqir
talions siilllilees,
gèes(d, ile-eMsle
M. ClH'rllllIil/.e
« .l'esli pie U',
jours des jierleiili
que, liasse une re
el lu
ses. desxaiiiles 1,1,11 salislailes,
•s anihiiions ridoiilees, des repu-
équivoques, des fortunes dèran-
ihius quel sens il esl arislocrale ;
a (liMlineralTe ne seniiil pas leii-
fin que si les Ion
à concilier le de
Kraude liin
ele.
lllelllue
.■public:.
diinl elled
s M, m parlii
iil ^1
1,1 le p.
la (h
; .1 e-linie eii-
•iiienl propres
I avec la plus
iiiveii , c'esi a
liiiin de la
ell -.lii
ell.. lie
çpndiliiiii ipi'elii'
vie sociale, iiiiii a la vu!., nie
linmaiiie cullivee par l'elii
condilion iprelles fasse,, i
non les insliucls sur les id
lez, nie dira l-on. Oiii.ei I
cites, quoi qu'on fasse, airivei.l leniiiuis au -jinivi riieiiieiiL IHui-
ma a un |.euple la enusliliilinii la plus ..eliUieiali.pi.-, .leehpies
années paisibles .sidliioiit pour y faire siiina^er l'iiil, lligeiire. ..
Lu Dyntuciaiie en S'fu\s'j comprend une Inlroducliuu, quatre
Livres et deux Appendices.
Dans i'IutnUiictv'ii liisinriqiie, M. Cherbuliez expose succinc-
tement rorigine et les développements successifs (ies gouverne-
ments aeliels de la Si,,s.|' Dans sou opinion, les h piilili,pies de
la Slliss,. Ile siiiil ,|ii. .le, ii,i.liiei|.aliles alVi aiielii.s de loi, le de-
peudallia'. réveilles île, al 1 1 il, 1,1s de la si.ineiaill, 'le, épanouies
enliu eu l-lals si,ii\eiai„s. C'esl dans la'l epalinuissrliie,,l (|u'il
cherche l'explicaiion de ce qui car leleiis.' les Imiuis île gouver-
nement, la vie politiiiue, l'espril de, lusiiiiiinius de la Suisse.
Aliu de le faire comprendre, il li s siiil dans se, phases dueises,
et remonte jusqu'au temps de la eeiii|iiel
epulilu
riniil 1
■laeliarpi
Il illliaiilu
Ile, le la
il , leiul i
e,. Dans
■ loiileiuil
lie lail. h;
commeiil h
nière période, loul
de l'aneiell ori;aiiis,
nouveau , la d,,,,,.,
développer. le |.,i
progrès, il iv,i,o,,i,
gnée de iiailiiious a
eu parliesiii' les ,i,iei,i,. eu paihe sur | iii,.m;,|,. ,i, ,,,|,i,|,o,i il,.
la rielie ,e, une liiei . la lue ei el.siasl ,i|i„. l.iil,,,,,.,,! .ousliluee,
puis rilillu,-llia- iiievilalile des liisl lli, lions ipi, soiil en viijueiir
dans le reste de lliiirope, et .lusqu'aux polies de la Suisse. »
L'étude de cette lutte, tel est donc le. sujet de/n XJemocra^ie eu
Saisie.
M. Cherbnilez a résumé Ini-nième. dans sa préface, le plan
qu'il a suivi. « Je nùie,
principes dirigeants ipii
vr.iie porlèe des inslilulu
sacrés |iliis on moins i"
nOUVidIes, seul i.viilellllu
ilel
■il, de
,11 la
l'Elat, e','
dont il se
commune
l-a-,l,r
-. «adle
,i
unes el d.
Dans le 1,
1
dans
Ces foiaiu
,1
grenage :
l'Etal sou
J'expose,
démncrat
'rïiïi'pli
dans le
e sur 1';
q
11
consacré
leur plact
quelqi
d;ins le
s'
e 1.1 I .....as. qui n'ont pu Irquver
M.'t;iierl.nliez iléda
verain. le du p..ii|,le ,-
«Malheur au p.ivs ,„i
delà s,„i.,,.r. le illl peuple), lu
empire sur les passions et sur les pn'jnges de la ninlliliide! „
IHous livrons sans commentaire cette exclaniation et ces rellexiouj
au jugement de nos lecteurs; mais nous nu pouvons uous euipè
Ole (eelle
cher de protester contre « les aveux pénibles que M. Cherbuliez
a le courage S'énoncer en public, et i|uc beaucoup d'hommes,
selon lui, s,- fout a en.x-mémcs en secret , à savoir que le mal
proiluil par rinsIriKlioii primaire, dans l'état actuel des choses,
doit l'eniiinrier sur le bien. ,> Dans l'opinioii de M. t;herbuliez,
il n'y a eiilie, nu pi-iiple qui sait lire et un peuple loin a l'ail
ignorai, 1, .|,riiue Mille didèreuce, c'est que le premier puise
l'erreiii ■ il. s luri es plus nonibrcnses, plus variées et plus lé-
C Il" 'pie 1.' lel.
Kii 1, lueuaiil ni ouvrage nnWe la démocratie, M. Cherbuliez
posi- les Unis ,|iieslions suivantes :
l,a diinoiralie organisée ,'sl-tlle compatible avec un ordre so-
ldai regiiliir en niènie temps i|ue progressif?
l'M-elle lavorable au développement de toutes les facultés
Ksi-, Ile apte enlin à remplir le but pour lequel les hommes
se leiiuisseiil en société'?
Ce, ipiesiious, M. Cherbuliez ne prétend pasies avoir résolue;!
il s'i si lioi lie, dil-il, à ajouler quelques observations il celle»
ipie il'aiilies avaient di'jà recueillies. Mais bien qu'il paraisse
,-roiie que les expérieines failes lii Anieriiiiie el eu Suisse
soient insiiflisanlcs pour asseoir un jugiMiieiil iufiillilile sur l'iii-
llii, 'uce des formes deiiioeralii|ii,'s, nous pens,,,,^ i|,n' si ei.uvi,-
tioii est arrêtée, car il l'ail un elo^e si po u\ ,1,. rari,loeiMii,.
anglaise, qu'il llesue evul..,,, ,,,,■, il v,,!,- s'elihlir ,i,| se eouselMlri'
en Suisseel pa,ioiii laiie Im 1.. ■^••uu-r e,il, .. la plu- . a-
pable, d'après lui, lie les, sliT a l'aili Ils-olvaule d.'s idées
déninrraliqiiesel des lies s ir,..,ali le licence, qui sont
laillol la ree, lalilôl r,.|lel de ,es id.a'S. .,
Les deux appeiidiees reul'iruii ni ; des noies diverses; la loi du
caiiliiii ,1e l.iiceine sur la libre iiianifeslalion des opinions ; les
articles ,1e Baden ; les conslituiions du canton de Berne, de Lu-
cerne, de Schwilz, de Saint-Gall, du Valais, de Genève, et le
pacle fédéral de 1815.
« Ouelque aeciieil que mon livre puisse recevoir à l'élrangur,
disail M. Chelliulie/, dans sa |iielaee. il s,Ta, ,.„ Suisse, l'objet
de eliliipii'S ail), lesel il': mes vu.'e s Je, lois m'y alhinlre,
el plus le blâme sera uni vi'i sel, plus vrai m'en réjouir; car
il faudrait que l'ouvrage lût mauvais pour obtenir l'approbation
sans réserve d'un parti quelconque. Un blâme général, tel est
le seul genre de succès auquel puisse aspirer l'auteur qui décrit
et qui juge avec impartialité les institutions de ton pays, u
Souvenirs de Chasses en Europe, par M. Louis ViAitDor.
i vol. in-32. — Paris, 18-40. Paulin, l fr.
Un jour, daqs sa jeunesse, M. Louis Viardot rencontra, cbez
un de ses amis, l'illustre docleur Gall. 11 pria l'inventeur de
la phrénologie d'essayer sur sa léle la merveilleuse puis-
sance qu'une lonpue habitude d'idiservalion lui avait don-
née, pour découvrir les penchants et les l.ienlli's nalurels. Entre
autres bosses, le docteur Gall lui trouva, au dessus des oreil-
les, celledu ?iic"i7rc, et au-dessus lin finui, , elle du sens moral,
de la l.irnri'Uliiiirc. que nul animal ne parlage avec l'homme,
el ,|iii eoiiiL;,. dans l'Iiniuiue l.s insiiiiiis animaux. Aussitôt,
eiunliinaul i es iliuix puissaïues iniiees, ,|iii devaient agir toutes
ih ux, mais ,-n sens ,',iiilr.,iie, de I. i;oii que l'une conibatlll l'au-
tre el la lit diMer, il devina le n^siillat de Cette lutte, n Je suis
sOr, lui ilil-il, ipie vous èi,.s,lias-eur. «
Celle explication simple el ingeniense d'un goût naturel, que
les mis ,ipin llii,i II 1111 ,-, laniiis que d'autres le proclament in-
iiiH'enl, iinble il i^eiu iiu\, n inlii, in quelque sorte, à M. 'Viar-
ilol, le r,.pos de la, lui.si ieiie,.. J usipi'alors, malgré tous les sages
raisonueminis qu'il s'elail faits a l'et égard, il lui restait tou-
jours des doutes sur la parfaite iiiiioeeiiee ,lii goût de la cliass,',
,1 ,1e, leinords des meurtres auxquels il enlralne. Eu lui expli-
■ liiaul ipie ce i;o\H n'étail chez lui , ,1 piobableiiieul chez Ions
lis il.asseius, iiu'uii lioililile pellehalit transi, inlie par la liliis
belle îles ,pialit,.s I i es, el par eolis, ni nu vice , ,h ri;;,',
un n'Ioiir du mal an bi-ii, une vieloii e ,1e l'àme sur la béte, Gall
conimen,;a à lui oter les remords qui lioublaicnt sou plaisir;
Bulfon acheva de l'éclairer, et lui ùla jusqu'au doute.
Dès lors, M. Louis 'Viardot se livra, sans peur el saiis reproche,
à sa passion, qui semble augmenter avec les années. Si i,.us les
chasseurs étaient dévorés de In même ardeur, el avaient la main
aussi heureuse, le gibier aurait bieuioi ilispaiii eonipleteuuul
de loute la surlace de la terre. La , basse ouvert,', iM Louis
Viardot, n'importe dans quel pays il .se liviive, prend suï armes
et se met eu campagne. Malheur aux imprudents animaux qui
s'aventurent à la ponce de son fusil ou de sa carabine, ils payent
cher un moment d'oubli. Après avoir vu M. Louis Viardot reve-
nant de la eliaçse, si on n'Ilérhil, loiiiiiie ,lil lîiill'on, „ sur celle
l',',-,,ii,lile sans b.uiies iloum'e a quelipiesespeees, sur la prninple
par milliers rav.igi-r les ,am|iagn,'s el il,.s,il,r la ten,', on n'est
plus étonné qu'ils n'envahissent pas la nature, on ne craint plus
qu ils ne l'oppriment par le nombre, et qu'après avoir dévore sa
substance, ils ne périssent eux-mêmes avec elle. »
S'il lui fallait remonter jusqu'à ses premiers souvenirs de
chasseur, M. Louis Viardot devrait remonter jusqu'aux plus an-
ciens souvenirs de sa vie. Mais il n'a pas voulu raconter ses
prouesses d'enfant; il n'a mêmeracontc, arrivé il l'âge, l'Iioui-
ine. aueuiie des chasses purement françaises. «Ne sortaulpasde
France, ipie poiinais-je apprendre au'iecleur, dit-il, qu'il ne
sftldeja, el loiiiment l'intéresser en lui raconlant ce qu'il lait
tous les jours'; D'ailleurs, garde-t-on le souvenir clair et détaillé
'de ces promenades -quotidiennes, ii heures lixes et à heures
comptées, où l'on prend un fusil an lieu de canne, et un chien
au lieu de livre'? Je m'y amuse fort, tant qu'elles ilureni ; mais,
iiuaiid i'ai fait, par ilessiis, un hou souper ,'t nu bon somme, je
il l'a
lièvri's dans nos taillis,
voyage que fit Slernu le sentimental ei
de celui, plus court encore, que lit Xa\
sa chambre. Mais ces voyages ne soi
oll'l
esl aux chi
ilii
de l'i
Cou
ils de ehas
leur, ces drames seront le pins soiivcnl hirl siiiipU's el l'on iinli-
iiaircs an hiiul. Mais du moins ils se pass, roui sur nu aulrc
the.'itie ipie notre pays, au iiiilii u de |.rr.(.niia;;es aiiircnieut
babilles que nus conq.aliiot, s, cl, avec l'aide d'une nature va-
riée il decriie, de mu'iirs originales il eludicr, ne pent-ou pas
divur.'irier jusqu'au bruit luoiiotoiie ilii coup de lusil'? »
Cependant, les ,<;,.,„•,,„',,, de Chn.^srs en /•,■«,■. ;,c , h' M. Louis
lie , lu
>">'"''\'^''l bl-'l l.,liCl,l„'sal'epoip
e ,1,' h'ur piibli-
l'iblli.il,e.pie"(:,'./'i",','ieur as'si'iiv 'l'i'l'i 'lioi'i'veau s,',','
si'ulenii'nt parc qu'ils coiilienneiit les n l 'hmi
génieuses d'avenliires personnelles ,,. , -:.,
parce qu'ils oU'ruiH une peinture lidil. de , ..,,i.
ès, , ,' n'.M pas
■es Cl ne i.iii'iirs
étrangères peu connues ou rarement observées avec un coup
d'oeil aussi sftr, rarement décrites avec une sobriété aussi sage,
une virile aussi happante. On reconnaît aisémeol que M. Louis
Viariloi a bi, n vu et bien étudié tous les pays où il a chassé. En
visitant ave, lui I Espagne eu 1823, ISS», 1812, l'Angleterre en
IKii, la lloie^ne .11 LSiô, la Knssiei'u 1»44, 1845, la Prusse en
ISid, eu [luii .11 Il ,111 .r .hii.'iiiire beaucoup de choses ipi'oQ
ignoiaii. i.iuaui ,.,! , . - .1 1 ' e ilien'hent el ne voient que
Icgibi. r,i|iii 111 m I 1 , .li'sl'alteursetdesihieus,
ou le» , i.up.s de lll-il. ils lioin.ioul ilalis les S.urenirs dr Oias-
ses en Eu'ope de 'luoi satisfaire amplemeiit letirs yeux el leurs
oreilles. Somme loiile, peisonne ne re^nipja d'avoir consacré
deux ou trois heures ii la lecture de ce petit volume, qui mêle
agréablement \'uli/e duhi.
Fables nouvelles, par M. Pierbe Lacuajibeaiwj;. — Paris,
1841). Perrotin. l fr. .'iU c.
M. Pierre Lachambeaudie parlago la lémérilé de M. Viennel.
La gloire et l'épiihète de l'iniuiilable La Fontaine ne l'ont |ias
fait reculer contre la f.blc. Du reste, il n'a pas eu lieu de s, i
pelilir ,1e cel excès d'an. la. e, pas plus qu.- l'illiislic avadenii^
le succès a c plcti-iiient jiislili,' s.s .'II.. ils Kn luoiiis de ..
lie ami, '.s, il a dit publier quatre cillions de son premiii '.
,11, Il .!,■ lalil.s, ,|ue lA,-a,leniic a coi.ioiinc deux fois. « Dans m,
-l^l,■ ur^ ,,\ et pur, l'anlcnr des laides nouvelles, ilisaii
M \ illeiiiaiii dans son rapport sur les conconis ,1e IMr., M- l.a-
elian.l.eiii le a luis l'u action d'excellentes uiaxinies el reliai.'
qui'lipi. s piipi s pcinlurcs de mœurs. Une inédaille de -Mu "
fraiir, i-i ,!,■, , iiu'i' a cet ouvrage. » Trois ans avant, Eérau-, i
av.iil ei Ml a M.l.ailiamheaudie : «Vos deux labiés sont ,l,ai-
nianl. s, si,.,,,, ,.i je suis her ipie l'une d'i-lles iiu' soit ,1.-
ili,',', si av.ntnree .pn- s,, il la , oiiiparaison .lue vous v..iil.-/. bien
faire du liis-igliol au vi.'UX iliaiisonnier. Je ne lue suis jainaisi i ii
qu'un pauvre ois,-'uu, et ne sais in.p eu, me d,- ipielle espèce Au
moins siiis-je de ceux qui aiiueut a sain, i les belles voix et le»
doux chants. Voilà pourquoi J n i lieniie .les échos pour les en-
gager à répéter le bien que je p.u-ais il., vos fables, el je suis
heureux qu'un d'eux vous ail redit mes paroles. »
L'opinion pnlili.|ue a rsliliè les éloges de Beranger et le jii-
geuieiil .le l'A, ail, lui,'. A une époque où la véritable lilléraluit;
est si iii.li^iii'iiuiil sai 1 liée aux inlerèts matériels el a des leii-
vres de pac.lill.'. m, | i..le du peu|ile a pu vivre pendant plu-
sieursannecs, , I. si, ,,i,.iii il esl vrai, du produit de ses fables.
Les faibles benelie, s i{i, il a réalises sur la vente de six mille
exemplaires, ont permis à M. Lachambeaudie de composer un
nouveau recueil, les FnUes novrelles, qu'il vient de publier.
Toiitef. is, M. Lachambeaudie est peut-être tro|i passionné
pour la fable. 11 donne ce titre à certaines pièces de vers, «pii,
quel que soit ,raillciirs leur meiite ,iilniis|.,|ue. n'en sont r,'el-
lenii'iil |,as ,ligii,'s. Eu luitr,-, il ,'si vrainu'nl Irop scl'i, ux et
trop '^lonileiir pour nu fabiilist,' ijuil soiin,' plus souv, ni, qu'il
s'en pi, 'lin,' pliis eiieoie aux travers parlielllurs qu'aux vu i s
^cii,'ia,i\, iiu ,1 -ul, -Utile v;i el la ,1,'s traits d'une ironie lin ,
uior.l. 1,,,', eiij e, a lies relit xi,, ii, Irop pro-aiqllenieul jii-i ,
etlii-i,s, ,1 il VI lia ccrlainemeiil s'an.L;meiiler la re(.uiaM. n
qu'il a dcja acpiise, et ipii doit être une des espérances de s. m
talent.
Tour tout éloge, nous citerons en entier deux des Fables w u-
rellesda M. Lachambeaudie.
LE DÉJEUNESl A L'ÉCOLE.
Un ussge bien doux rpsnait dans mon )
eu ne àsc ■
Tous les jours, les enfams, munis de leu
bagage,
Se rendaient à l'école, tt, huivant U ss:s
D,
Sur une longue table, lU versaient à fois
OQ
FigiiÊF, raisins, garenux, ffçito«se,
Pain de mais, de seigle, ue froment.
Chacun, telon son goût, s'en Joun.'U libr
ment.
Les 1 lus iiches, pour tOll^, puisaient dau
s leur corbeille
Les débris de icais du !-ûuptr de la ^eil;
E:, si IVnfa.t uo ■ pauvre, a la commun
auté
N'ava-t rien appotté.
On choiiiS'S.'U jiour lui, sunsblesstr sa m
isère,
Le.s morceaux Us p'us savcureux.
Comme nous nous aimions] .jut nous èii
ODS heureui !
Non pjs po'.r «es Itç-.ns ..
Ataib po .r le doux l'c^tiu t
nali,
Depuis, lorsque je vr.if
L'iïomine cliez soi vivant, drs tiommes sépare,
Le re|,as somptueux pour ceux-ci prétjaré,
De leurs travaux, qu'un pain mat assuré;
D'autres, pâles de laim... Cet aspeci me désole!
Aux cluimps de l'avenir, mon ûme ei.lîu s'envole.
Et se plail à rêver pour loate nation
Les biinqu,"ts Ir iterneis, sain'e communion,
Qu'eurants nous faisiois à l'école.
LE MARTEAU.
D'une barre de fer, un fragment relire.
Et îot.t rouge sortant de la fournaise ardtnte.
Sur l'eucliinie à grands coups est battu, torturé.
En vain, le malheureux gémit et se lamente ;
" Quand de ce dur marteau serai-je del.vrét „
Dil-îl. Mais. v1 prodige ! aux lourmcnts il échappa;
En marteau se transfigurant,
L'esclave, qui se fait tyran,
Aujourd'hui sur l'eDclume à coups redoublés frappe.
Ce valet qui, lassé d'un joug injurieux,
A son tour devuiit maitie, et maître impérieux ;
L'iiidomptal le iribun, faiou.he patriote.
Qui saisit le pouvoir el commande en despote;
La viciime d'nier iraosformée en bourreau ;
No sont-ils pas ce fer qu'on façonne en marteau t
Nous pourrions citer encore beaucou|> d'autres fables aiissj
remarquables; mais ce serait faire Ion 4 M. Lachainbean.li.',
dont le nouveau recueil sera bienlùl, nous n'en douions pa-,
entre les mains d'un grand iiombit; de uns abouues.
L'Alflérie en l8tG, par M. A. DESJonKBT, il^pulé de la Seiue-
Inférieure. — l'aiis, 1S-46. lîuitlaumin. I fr. 50 c.
lin IMd, comme eu IS,".';, comme en Isr.s, lomme eu 1844,
M. Pcsjobirt r,'|,i'te le même refrain. Nous , s|!,i,,iis i|n'il ne
sera pas plus l'eoiil,' nite année que les aiii,, a s iiriiiiieiiles;
mais nous r, , ,.uii.,aii,l,.iis sa brochure même a eux qu'il a), pt Ile
les al-, -i,.! I.il,s I a I,, lui,' n'en esl pas longue. Un qualre-vii 4;ts
paiiis. M. Il, M.l . ,1 , \. ii.ine <t juge toute laqueslion : l'ain .'e,
la •i,i,in,ssi,,i, .1, s Vial.i's. I, s linames. la colonisation, le gcui-
vcriieineut ,1, s imii;;eiii s, el le goiivcriienieni de rAlj.eric Sa
coiicliision est ti,i|i eoiiuiie pour iiii'il si. il llcce^^ail■e de la nicii-
tioniur. Il la Ici mine ainsi : ,. Si on pi'rsiitc ilans la wie ac-
liielle . MU, i la M, II, lieu inévitable <:e la question ■ lliranl la
paix en Lnrepe. nous perdrons, par an, en Aliii|tie, (i.lHHi liom-
uii's II I'.':. millions, el au jour d'une guerre maritime, nous
[lerdrous l'Alrique, et nous pourrons perdre lGO,t,uO konimes. »
L'ILLUSTRATION, JOURNAL IMVERSEL.
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Ct Vin.iiBrc, d'un osJsc ricminu hlin 5up.jiii-ur au» caui de
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•ujourd'bul le coimttiqtie le plus distingué ci le plus recliercht
pour In v>ins diiliuu de U loiletU' des dîmes, il nfralthil cl
«vjuplii la pMu i laquelle il rend son «lasliciK ; Il enltie lec lou-
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SOUVENIRS DE CHASSES M EUROPE
PAR LOUIS VIARDOT.
SOMMAIRE: PRÉFACE. - EN ESPAGNE, 1825-i8i2. — EN ANT.LETEUHE, I8il. - LN IlOMiKIE, 1S43. -
EN RUSSIE, tSU-ISlô. — EN PRUSSE, ISiii.
ITtî joîi volgisne iii-S§-Caxiii. — S'rix : i d'Ubti:
GLACES, SOBBETS,
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UU UUUllULAl fllIiniLIli tageusemeiit connu, a ex-
cite la cupidité des coiilrefacleurs. Sa forme particulière «jl ses
enveloppes ont été copiées, et les médailles dont il est revêtu
iiil éle remplacées par des dessins auxquels on s'est efforcé de
donner la même apparence. Les amateurs de cet excellent pro-
duit voudront bien exiger que le nom Mêmes soit sur les éti-
quettes et sur les tablettes.
DépiM, passage Clioiseul,2t, et chez un grand nombre de phar-
maciens et d'épiciers de Paris et de toute la France.
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I POl'DRE <-i KAIJ (lenlifriccdu Dml. Oiïmaiin. 1
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ches et saines, prévenir les douleurs et M carie, donner à l'ha-
leine l'odeur la plus agréable, telles sont les qualités de cette
Eau, dont le succès remonic à plus de 30 ans. Nous prions les
cimsomnialeurs de notre Eau de se tenir en garde contre les
fraudes incessaiiles auxquelles elle est en butte, et nous obtien-
drons justice.
lia seu\e fabrique et Punique dépôt srnt chez Ii. SES-
FCRGES. cx-Cbirurgien-Dentiste de feu S.A. R. le duc de
Bcrry.RDE DES FOSEÉS MONTMARTBE 27, dniis la paite-
cocbère, au douxtème.
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FaciU', u'^iilh'r, inoiiore, avec VAPIKR cf C:ompreK.M*N
d'albespi:yr£s,
Faub. St-Denis, 84, et dans les pharm. de province et de l'étranger
64
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
SIodeM.
Nous avions pensé que rimagination de nos couturières, de
nos modistes et de toute la classe occupée à varier l'attirail de la
toilette féminine, se reposait et reprenait des forces pour la sai-
son d'hiver; nous sommes obligé de reconnaître notre erreur:
le génie de la mode ne se repose jamais, et nous met par con-
séquent dans l'obligation de décrire les charmantes nouveautés
que les ateliers et les magasins qu'il anime de son souille créa-
teur ne cessent d'envoyer à la campagne.
Nous citerons d'abord une délicieuse robe fournie à la du-
chesse de L •., par les dames Saint-Laurent et Sain ; cette robe
de demi-toilette, puisqu'elle forme le peignoir, était en batiste
blanche, avec une broderie d'un riche dessin tournant autour
d'une jupe très-ample ; les arabesques de ce dessin, après avoir
remonté en gracieux tablier jusqu'à la ceinture, pour se perdre
ensuite sous de larges basquines entièrement brodées, venaient
former sur le devant du corsage un plastron de broderie, se
continuaient par derrière à l'échancrure du cou, et étaient rap-
pelées sur les revers à la mousquetaire, des manches un peu
justes; un taffetas d'Italie de couleur soufrée servait de des-
sous à ce peignoir, tout ù fait distingué.
Cet envoi était accompagné de deux toilettes, que nous avons
cru devoir taire dessiner à cause de leur originalité. La première,
pour la promenade, se compose d'un chapeau chevrière eu paille
de riz avec couronne de roses et choux de rubans roses; d'une
robe à corsage décolleté, à manches courtes fendues sur le bras;
d'un fichu écharpe et de manches en dentelles. La seconde toi-
lette, réservée pour le dîner, consiste en une coiffure de barbes
en dentelle posées à la Fanchon et lixées sur la tète par des
choux de rubans orange; d'une redingote en batiste de fd fond
blanc à carreaux bleus, dont la berthe double se compose de
deux parties superposées, celle de dessus moins large que celle
de dessous; cette double berthe et les manches courtes sont
garnies d'un feston orange, ainsi que le tour et le devant de la
jupe, ouverte et rattachée sur un dessous blanc par des nœuds
en ruban aussi de couleur orange.
Il y aurait injustice à ne pas mentionner, comme toilettes de
soirée , sortant des mêmes ateliers, une robe à trois jupes de
tulle rose, découpées toutes les trois à larges dents, et ruchées
de double rang de tulle sur un dessous de taffetas d'Italie blanc;
une seconde robe à quatre jupes de tulle bleu de ciel découpées
carrément à la grecque et bordées de rouleaux de taffetas bleu
sur un dessous de tatlétas blanc; et enfin, une troisième robe à
deux jupes de gaze aérophane, d'une blancheur éclatante sur
un dessous de taffetas vert chou.
Les fleurs continuent toujours à exclure les plumes de la gar-
niture des chapeaux, et au train dont vont les fleuristes toute la
flore française y passera; nous venons, en effet, de voir éclore
sous les doigts habiles de Mertens une création nouvelle, à la-
quelle nous prédisons un succès d'automne: c'est une branche
de néflier, dont les fleurs blanches violetées, entremêlées de
nèfles parvenues à leur maturité et de petites nèfles encore ver-
doyantes, vont en s'amoindrissant jusqu'à l'extrémité, où elles
ne forment plus que des boutons.
La vivacité et l'humidité de l'air sont, en général, peu favora-
bles à la frisure des cheveux; aussi la remplace-t-on, à la cam-
pagne par les bandeaux renflés ; les femmes dont la ligure dé-
crit un ovale parfait, sont revenues à l'antique bandeau à la
vierge; mais celles dont les tempes sont légèrement creusées
adoptent les bandeaux tombant sur le front avec des nattes ra-
massées l'une sur l'autre au-dessus de l'oreille.
Depuis que le propriétaire d'un magasin de dentelles, récem-
ment ouvert au coin du boulevard et de la rue Neuve-Vivienne, a
eu riugénieuse idée de rassembler des ouvrières spéciales dans
un atelier dépendant du même local et ouvert à sa clientèle, la
facilité que trouvent les dames à choisir et à combiner des des-
sins qui peuvent être exécutés sous leurs yeux, a propagé le
goût, déjà si répandu, de la dentelle, qui garnit a flots aujour-
d'hui les visites, les nianlelets et tous ces vêtements de fantaisie
qui ne sont cepi-ndani p:is |>:iivciiii< à f^iire ahaiiuoiiiirr li>s nia-
gniflquescli:'>ICM:H-iv^ri,i."Uil.l,. i:ii;iiililly nii ,rMr,i,..ii, iiil,'s
écharpes.'M |."iMl d'Anulrlm dr l\l:il.n,s. ,N,ms .Irvuiis, n<
passant, con^talcr que les deiilL-llcs lihimhes m. ni yrinTLilenn'iil
préférées aux dentelles noires.
Toutes ces fantaisies charmantes, mais trop diaphanes, doi-
vent, vers le soir, céder le pas au cachemire, cette base solid(!
de toute garde-robe fémiume; seulement le cachcMniic a eu h:
bon esprit de prendre, pour l'été, la forme légère ilc ICiliarpi',
.et de choisir le bleu de ciel, le vert anglais, le jaune lun-, vl
autres nuances tendres pour ses fonds, soit pleins, soit sruirs
de bouquets ou d'arabesques, mais toujours eucadies de bordu-
res à palmes orientales.
Enfin, s'il est prudent de garantir les épaules, il est aussi
d'une bonne hygiène de préserver la tête, et nous imposons aux
promenades du soir l'usage indispensable des petits bonnets,
dont tous les magasins distingués de Paris offrent un choix aussi
gracieux que varié.
Jacqtiemin Gringonneur, ou l'invention des caries à jouer;
par M. Paul Eugène Bâche. — Blidali, 1846. Tiré à cent
exemplaires.
Ce petit livre, il n'a que cent trente-sept pages, se compose
de deux études bien différentes sur le même sujet : l'invention
des cartes à jouer. La première est un roman historique, comme
on en faisait il y a quinze ans, comme on n'en fait plus aujour-
d'hui, et, ajoutons-le, comme on a raison de n'en plus faire. Ces
|)astiches du moyen âge sont heureusement passés de mode.
Restons désormais de notre époque, et si nous voulons imiter
les écrivains des temps passés, étudions Pascal et Bossuet plutôt
que Froissart et Monstrelet. Quant à moi, je préfèrede beau-
coup à Jacqvemin Griiijonneur la Lettre à Véditevr, c'est-à-dire
la seconde partie de cet ouvrage à la première. Dans cette in-
téressante dissertation , M. Paul Eugène Bâche a essayé de
prouver :
Que les cartes sont d'origine italienne et inventées dans le
quatorzième siècle;
Que les cartes lunes (jeux instructifs) sont celles inventées
d'abord, et qu'on en trouve des traces à la lin du quatorzième
siècle;
Que l'exemple le pins ancien qui existe est le jeu peint par
Gringonneur pour le roi Charles VI, en 1392;
Que dès 1441, on trouve la preuve de cartes imprimées et
peintes à Venise et dans d'autres parlies de l'Europe;
Qu'on ignore si ces caries vénitiennes étaient larocsou numé-
rales ;
Que le jeu le plus ancien des cartes numérales , qui ne sont
que des nombres exprimés par dillérents signes plus ou moins
répétés, est tiré de planches en bois, gravées et coloriées au
patron ;
Que ce jeu a été fabriqué en France vers USO, ce qui donne
;i pciiM'r (pie c'est en France qu'ont été inventées les cartes nu-
Que li'xistcnce des ca
l'iisagi' lies rctrtcs tarocs
pèi-e, qui dciil avoir èlé
M. lia. lie n'a pas la pr
coiilrairc, il csiière que
iiiiparlaili's ipi'i'lh'S soii
l„l,p,Mm'i.l.l',liulcsphis
■tes numcrales n'a pas l'ait abandonner
puisqu'on Irouvit un ji'U de cetlc es-
• ravi' viTS t STO, cl icccipie <'ii Hs:,.
UnIioM d'avoir cimisc I,. siij,'l. llini au
■hr.,logi.|M«, .pudque
Ht d'aill.'
ap|ii
.{Ml plT
m. I
matière.
I que des
de leur:
tisics ri a Ions les amateurs du jeu de larl
mains, elles pouvaient revenir chargées de rectifications oij
d'additions, elles seraient accueillies par nous avec reconnais-
sance. 1)
mVlTTOm^MS. à.OiTVS. V«,-ftVO\ ivilOM.T'UO.V. ^ "p^.
S\vATii.ssiT aux L^VitulKtis A.0iH4tW(\\w j|.ii'(-"
wVVe, , aux ûxticUv-ts. te VosVis t\ 4«4 ^îo.,
TtissoL^mis , — ou iuvo>jiT franco ii^^
UT^ Vio'ft suv îans, à Votixi it
*. DUBOCHET,
^î^
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De Krosrn»ierD. Porimii. — Hlilolre de la semaine. — Coor-
rler île Parla. — Les forera dea acieara dans les ibétlrea
de Parlu. Premier article, r^yer du Païais-RoyaL — Expoalllon
d'un ïllrall dans reglUe de Saint-Roch.par M. Galimard. T'ne
Grarart. — Cabrera. PnTtrait. — Le pon de Toolon. Quairième
el dernier irticle. Vue géniale du pori de Tfulon. — Tr»\aa\ pa-
kllcs. — Blanche. Nouvelle russe. (Suite ) — EIndea plirenolo-
Klqaes, phyHioKDOniODlques el anlrea. SoixanlC'ciii'j Gravu-
r't, par Chara. — Bnllrlln blbllOKrapbique. — Principales
publlcailon« de la »«emalne. —Annoncer. -^ Modea. Voilure
decftns.^'. —Correspondance. — Rebue.
ne Hrusenstern.
Le 21 août dernier, est mort à Revel, dans l'Estlionie,
Adam-Jean de Krusenstern, le célèbre navigateur russe, dont
tous publions aujourd'liui le portrait, d'après la médaille frap-
pée, en IS.")!), en l'Iionneurdu cinquantième anniversaire de
;on iMilrée au .service. Né le 8 novembre 1770, sur sa terre
ic llapyud, de Krusenstern fit toutes ses études dans celte
lille, (111 il est venu passer les dernières annéesde sa vieillesse.
\ dix-iicuf ans, il avait embrassé par goût la profession de
nariii. Dans la guerre de 17it3, il servit sur la flotte anglaise.
Oes Indes il alla en Cbine; il passa deux années à Cantoii,
lù il acquit la conviction que les colonies russes de l'Ainéri-
|ue septentrionale trouveraient en Chine un marché avanta-
;eux pour la vente de leurs pelleteries. A son retour à Saint-
'élersbourg, il soumit à son gouvernement un mémoire dont
m ne tint aucun compte jusqu'au règne d'Alexandre. Il était
ilors capitaine.
Enfin en 1805,1a cour de Russie résolut d'envoyer une am-
lassade au Japon. M. Resarofl futnommé ambassadeur. Ude-
'aild'abord, d'après ses instructions, se rendreau Japon avec
leux bâtiments équipés tout exprès pour celte expédition,
■uis, ce premier but atteint, entreprendre un voyage de dé-
ouvertes. Les capitaines Kniscnstern et Lisianskoy furent
hargés du commandcmentde ces deuxbàtiments la .\<ulejnla
i' Espérance) et la Sém. Krusenstern, qui avait eu le bonheur
le faire approuver son ancien projet par Alexandre, obtint je
ommandcment en chef de l'expédition. Le 5 octobre 18(r>,
es deux vai.sseaux russes quittèrent Falmoulh, où ils étaient
enus s'approvisionner d'instruments, de caries, de livres,
le provisions et d'une foule d'autres objets nécessaires durant
e cours d'un long voyage. Le âfi novembre, ils traversèrent
équaleur, et après avoir tiré une salve de onze coups de
usil, les deux équipages portèrent un toast à la santé de
empereur Alexandre, «sous le règne glorieux duquel le pa-
illon russe flottait, pour la première fois dans l'hémisphère
iiéridional. n
Il ne nous appartient pas de résumer ici les principaux ré-
ullatsde cette expédition, qui ouvrit une ère nouvelle dans
histoire de la marine russe. Personne n'ignore qu'après plu-
I leurs mois d'attente, l'ambassadeur, M. Resanoll, reçut enfin
lu plénipotentiaire japonais un ultimatum qui fui loin de le
lalisfaire. L'empereur relusa absolument de le recevoir et
I l'accepter .ses présents. «Non-seulement, dit Krusenstern,
|ious ne relirilmes aucun avantage nouveau de celle ambas-
[sade, mais nous perdîmes même ceux que nous possédions
auparavant, à savoir la permis>iiin écrite que Laxman avait
ibtenue pour un navire de faire chaque année un voyage à
Nangasaky. »
L'expédition s'éloigna donc des îles du Japon, coloyales
rives orientales de Tarakai, el se dirigea vers le Kamlscbalka,
! où l'ambassadeur, M. ResanolT, déLarqua poirse rendre en
Europe par terre. Reprenant aloi s la roule qu'il venait de par-
courir, Krusenstern doubla la pointe septentrionale de Tarakai,
reconnut que sa cote nord-ouest était une ligne ininterrom-
pue de dunes de sable, et découvrit la cote opposée de la
Tartarie. Malheureusement des courants violents, causés,
d'après ses conjectures, par le fleuve Amour ou celui de Ta-
rakai, l'empêchèrent de s'avancer au sud aussi loinqu'ill'eûl
désiré, et il se vit, à son grand regret, contraint de songer
sérieusement au retour. Le 19 août ISOfi, il renira avec la
Xatlejeda dans le poil deCronstadt, après une navigation de
trois ans, et sans avoir perdu un seul homme. Il a été publié
trois relations principales de
ce voyage : deux en allemand
el une en russe. « Ce voyage,
dit Desborough-Cooley dans
^ son Histoire ties découvertes
maritime et conlinentatex (tra-
duite en français par MM. Ad.
Joanne el Old-Nick), eut pour
résultat d'enrichir de plusieurs
découvertes importantes , et
surtout de rendre beaucoup
plus sûre et plus parfaite la
géographie du golfe de Tarta-
rie, de l'archipel des Kouriles,
el des côtes du Japon el de
Jesso. Les travaux de Krusen-
stern, réunis à ceux de Hrougli-
ton el de La Pérouse, sullisent
aujourd'hui pour nous donner ,
une connaissance assez exacte
el presque complète des côtes
orientales de l'ancien monde. »
Krusenstern indi:iua sui tout de
la manière la plus précise la
position de Nangasaki el celle
du déiroil de Sangaar.
Neuf ans après son retour,
en 1813, Krusenstern fut en-
core choisi pour commander
une nouvelle expédition char-
gée d'explorer le détroit de Be-
ring, el de chercher un pas-
sage qui conduisit directement
d'Amérique à Anhangcl par
lenord-ouest. Pniiiiii, en ISllI,
au grade de coniunidorc ; en
182G, 5 celui dccontreauiiral,
il obtint, quelques années plus
tard, ceux de vice-amiral cl
d'amiral. Enfin il iein|ilit pen-
dant plusieurs années les fonc-
tions de dirccleiir du curps des
cadets de la marine. Admis à la retraite, il fixa son domicile
dans la ville de Revel, où il est mort, à l'âge de soixante-
seize ans, le 24 août dernier.
Histoire de In Seiiiaine.
La polémique des journaux, les échanges de noies aigres- |
douces des aniha.ssades se poursuivent en même temps que
les préparatifs des mariages espagnols. M. le duc de Mont-
pensier est parti lundi dernier de Paris, avec son frère, M. le
duc d'Aumale, pour se rendre à Madrid. Rientôt nous arrive-
ront les récils des réceptions, des entrevues, des cérémo-
nies. Nos mesures sont prises pour pouvoir raconter cl pein-
dre ces solennités, el l'Illustration pourra dire, elle aussi :
« Il n'y a plus de Pyrénées. »
En attendant que les événements viennent démentir ou
confirmer les prédictions des journaux del'opiiosition qui pré-
tendent que la France n'a aucun fruit à recueillir et a espé-
rer de l'alliance qui se prépare, nous devons en constater
un premier rét-ultat qui a été accueilli avec enlhousiasnie
parla très-jeune génération Irançai^e et avec ass-ez de ré-
signation par les pères de riiniille. le Miviliur a publié un
arrêté de M. le ministre de l'insliui limi publique du 22
septembre, portant la disposition suivante :
«Vu la lettre de S. A. R. Monseigneur le duc de Mont-
pensier, en date de ce jour, ainsi conçue :
«Je viens, monsieur le ministre, vous prier de vouloir
bien, en considération de mon prochain mariage, accorder
un congé de huit jours aux élèves des divers collèges de
l'Université. Il me serait doux de pouvoir ainsi leur rappe-
ler, dans une occasion si intéressante pour moi, que j'ai clé,
sur les mêmes bancs, le condisciple de leurs devanciers. Mes
frères, par le mènie sentiment, avaient, en pareille circon-
stance, sollicité cl obtenu la même faveur de vos prédéces-
seurs el de vous. »
« Avons arrêté el arrêtons ce qui suit :
« Les vacances sont prolongées de huit jours dans tous les
établissements publics et particuliers du loyaiime.
«Les inscriplions dans les facultésde toul ordre pourront
être prises, conformément à la règle anlérituie, jusqu'au 15
novembre. La séance solennelle de rentrée aiiia lieu le lundi
Ki novembre. »
CoLOMKS AomroiES nF. FBA>r,E. — Le gouvernement a
annexé, depuis peu, à plusieurs maistms centrales, et parti-
culièrement à Fontevrault el Gaillon , des terres qui sont
destinées à être cultivées par les jeunes détenus. —Le Cour-
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
lier de Loir-et-Cher nous apprend que ce déparlement es-
père la prochaine fondalion d'une colonie agricole pour les
enfants abandonnés.
Voici le tableau, aussi complet que possible, des colonies
.ij^ricoles etétablissements analogues en France.
I . — Colonies préventives.
1° ïNFANT.s. — Enfants pauvres.
Petit- Bourg (Seinc-et- Oise.) flîrecfcur : M. Allier.
Pauvres et orpheUns.
St-Antoine (Charente-Infé.) Directeur : M. l'abbé Fournier.
bunneval(KiM-e-et-Loir). M. Cliiisles.
De Caen /auprès de Caen). M.l'ab. Le Veneur.
Mansigne (Sarihe). M. Vie.
Bnssind'Arcaclion. M. Cazeaux.
Oulliins (maison de refuge près Lyon).
Enfants trouvés.
M<*snil-St-Firmin (Oise). Directeur : M. Bazin.
ll(jntbellet{Sa6ne-et Loire). M. Minaugouin.
Muntmorilloii (Vienne). M. l'ab. Fleuriinon.
Pous.scry (Nièvre). (Adrninistr. départ.)
Boussaroque (Canlal). M. Martel.
2" ADULTES. — Mendiants et vagabumls.
Ostwald (Bas-Rhin.) M. Scbutzembergcr.
II. — Colonies correctionnelles.
1" ENFANTS.
Mettra j(Indr.-et-L.)Dîrec/curs: MM. DemetzeldeBretignères.
Petit-Mettray, près d'Amiens. Comte de Reyneville.
'Quévilly, près Rouen (S.-Infér.). M. Locointe.
Saint liens (Morbihan) M. Duclezieu.x.
Saint-Pierre, près de Marseille. M. l'abbé Fissiaux.
Algérie. — On se souvient de la lettre, si touchante dans
sa simplicité, par laquelle M. le commandant Courby de Co-
gnoi'd nous a instruits de la négligence de l'ailminislration à
délivrer onze de nos compatriotes, prisonniers à la deïra
d'Abd-el-Kader. Les négociations relatives à un échange ont
été activées. Le résultat désiré ne semble plus douteux au-
jourd'hui. Une lettre de Toulon du 21 annonce que nos mal-
heureux compatriotes, retenus prisonniers à la deïra d'Abd-
el Kader seront sous peu, à moins d'incidents qu'il est im-
possible de prévoir, rendus à leurs familles et au pays. L'é-
change est résolu, et les difficultés élevées par l'e.x-émir,
sont aplanies.
Afrique occidentale. — On a appris de Corée, que deux
bâtiments français de la station occidentale d'Afrique avaient,
en poursuivant l'équipage d'un négrier, tait une reconnais-
sance jusque dans les environs de VVbydab ; celte ville, la
plus importante de la côte, est située à trois kilomètres de
la mer, elle est le foyer principal de la traite et le lieu du
séjoin- des nombreux traitants brésiliens, portugais et espa-
gnols, qui y possèdent des richesses considérables de tous
genres, et d'immenses factoreries ; elle dépend du royaume
de IXihomey. Le commerce considérable d'esclaves qui s'y
fait rend la partie de la côte, vers laquelle se trouve Why-
dah, l'objet d'une surveillance continuelle de la part de l'es-
cadre.
Irlande. — Si la cherté des grains préoccupe pour l'hi-
ver prochain l'administration en France, elle parait inspirer
au gouvernement anglais les plus vives craintes sur l'Irlande.
Des troupes de renfort y ont été expédiées ; néanmoins,
ces mesui es n'ont pas conjuré le mal, et déjà l'on annonce
que le Inmli 21 a éclaté à Kilkenny une émeute d'un carac-
tère loni ùfiil ioc|uiélant. Un'rassemblement, au nombre d'en-
viron 21)0 hiimmcs, commença par entourer la demeure du
maire, en demandant du travail ou du pain, puis il se mit à
parcourir la ville. En arrivant à la boulangerie de M. Michel
Magratte, un homme de la bande a Irisé un des carreaux de
la devanture de la boutique, et M. Magratte, pour prévenir
d'autres violences, s'est empressé de leur jeter une très-
grande quantité de pains, dont ils mangèrent une partie avec
avidité, et promenèrent le reste au bout de grandes perches.
De là le rassemblement s'est porté chez un autre boulanger
nommé Dumphy; il a brisé les portes et les fenêtres et s'est
emparé de tout le pain qu'il a pu trouver. Cette scène s'est
répétée chez tons les boulangers de Nigh-street et de Coal-
Market. Une partie des révoltés s'est mise ensuite à tra-
verser le pont, et elle se disposait à attaquer encore une
boutique de boulanger, quand le chef cunstable, se plaçant
devant la porte, a tiré son épée. Cette démonstration a im-
posé à la foule qui s'est retirée.
Un instant après cet acte de vigueur accoururent tous les
cnnstables renforcés d'une compagnie du 6.i' régiment, que
le colonel de ce corps avait mise à la disposition du maire
sur sa réquisition. Le maire, ainsi soutenu, s'adressa aux mu-
lins et engagea les habitants de Kilkenny, qui se trouvaient
parmi eux, à rentrer paisiblement dans leurs demeures, leur
pi'omeltanlde Iimm- prociiier du travail en assemblant sur-le-
cbamp le rc/iV/ mnnniihT (la commission de soulagement).
Cette cominisMiin sr i il en effet, et lit bieulôt placarder
une proclamation annonçant qu'elli^ allait pnicurer du travail
à tous les ouvriers sans iinviiiye; mais (pic tmis ci'ux qui se-
raient reconnus coupables lie (pielcpii^ .itie ilr viiilciu'e, iiu
convaincus de s'étic eniMrs, M'iai. ni e\(C|Mis ili' n llr' lé-
Çarlilion. — Des smirs analm^urs sr ...inl pav^ci's li' inanli à
oughal : plusieurs Iiuii|ii|ii.'mIc limilaiif^ris <:iil i|,. |iillc(>s,
elles magislials se snnl mis iihll^;i's de demander des trou-
pes aux coiiniiaii'Iants iiiililaires pour maintenir l'ordre.
Haïti. — Par la vuii' des Etiils-Unis, on a des nouvelles
de cette île, du iiiilieii d'août. La Iranqiiihilé y régnait. Le
gouvernement fiançais était en bons termes aveu celui dllaiti,
et il ne devait pas recniiuailie la ltépiililii|iie Doiiiiuieaiiie.
La loi qui eiiipècliait ks navires étrangers de déliarqner
une partie, de leur cargaison dans un port, et de décharger
le reste dans un autre devait être révoquée, et celte mesure
mise à exécution vers le 2f> août.
Etats-Unis et Mexique. — On a reçu des nouvelles des
Ktats-Unis du 1°' septembre. Une dépêche lélégrapliiquo pu-
bliée en post-scriiitiim par le New-York Herald de ce jour,
contenait ce qui suit :
« Santa-Aiina est arrivé à Vera-Crnz, et .s'est mis à la léte
du mouvement. Paredès a été fait prisonnier. Avant de quit-
ter la Havane, Santa-Anna a déclaré qu'en retournant au
Mexique il était décidé à conclure la paix, à moins que la na-
tion n'y fut coTnpIétemenl o|iposée.
« Des nouvelles reçues à Mexico annoncent que le port de
Monterey, dans la mer Pacifique, a été pris par l'escadre des
Etals-Unis, et que la Californie a déclaré formellement son
annexion à l'Union américaine.
« Le consul anglais a immédiatement expédié par exprès
des dépêches en Angleterre et à la Nouvelle-Orléans. »
Ou pense que tout cela mènera à une solution de l'affaire
mexicaine.
Cote d'Arabie. — Nous avons déjà parlé d'une attaque
que les Anglais avaient eu à repousser dernièrement dans
leur comptoir d'Aden. Depuis celle affaire, Scbeick-lsmaël,
malgré le peu de succès de sa première tentative, avait con-
tinué à recevoir des renforts de différentes tribus. Sa troupe,
pendant près d'un mois, s'est élevée à près de 8,G0U bom-
mes dont 5 à 6 mille en étal de combattre. Il campait à une
lieue et demie des fortifications, et pendant tout ce temps la
garnison a été réduite à rester jour et nuit sous les armes.
Mais le 1'' septembre, tous ces Arabes se sont dispersés, à
la suite d'une querelle qui a entraîné entre eux quelques col-
lisions partielles. Le scheick Isniaël ne les avait allacbés à sa
fortune que par l'espoir du butin, et en leur promettant le
pillage d Aden; le voyant incapable de remplir son engage-
ment, ils l'ont abandonné, et il se trouve aujourd'hui, avec
vingt de ses partisans, prisonnier du chel de la tribu de Fou-
thlet, qui est favorable aux Anglais.
Indes orientales. — Le paquebot d'Orient l'Egyptus a
apporté des nouvelles deCalcutta en date du 7 août. Le bruit
courait alors en celle ville que les Anglais se disposaient à
évacuer enfin l'île deCbusan.
Rien de nouveau dans le Scinde, si ce n'est la continuation
du.choléra. On se rappelle sans doute que l'un des derniers
courriers de l'Inde avait annoncé l'arrivée à Caboul d'un am-
bassadeur persan chargé de négocier avec l'émir Dost-Mo-
hammed un traité d'alliance offensive conire l'Inde anglaise.
D'après la Gazette de Delhi, celambassadeur aurait é:é ren-
voyé de Caboul avec une lettre exprimant le regret de cette
cour de ne pouvoir, malgré son bon vouloir, rien entrepren-
dre, à moins qu'elle ne lût attaquée. Elle aurait néanmoins
promis promis l'appui des Afigbans dans le cas où le roi de
Perse ferait une invasion dans l'Inde britannique et consen-
tirait à payer les frais de la guerre, deux conditions égale-
ment impossibles à remplir par le shah.
Archipel indien. — Bornéo, 2"; juillet. — La (lotte an-
glaise, sous les ordres du contre-amiral Cochrane, comman-
dant la station des mers de la Chine, a cherché à renouer
les négociations avec le sultan de celte grande île; mais ce
prince n'ayant pas voulu autoriser les bâtiments à pénétrer
dans ses rivières, l'escadre a commencé lesopérations contre
son territoire.
Les bâtiments, remorqués par les steamers, sont venus
s'embosser devant la côte, et assaillis par le feu de plusieurs
batteries, les onl bientôt éteintes. Leurs canots sont alors en-
trés dans la rivière, et ont forcé l'ennemi à évacuer la ville de
Bruni. Le sultan, ainsi que ses soldats, se sont retirés dans
l'intérieur, poursuivis par un détachement de troupes, qui n'a
pu les atteindre, et s'est contenté d'incendier ou de ravager
tout le pays sur son passage.
Ces détails ont été apportés à Singapore par le steamer le
Spit/ield ; lors de son départ, l'escadre était mouillée à La-
boan, et se préparait à continuer ses opéralions sur la côte,
contre tous les alliés du sullan.
Indes hollandaises. — Des nouvelles de Batavia du 11
juillet annoncent que l'expédition militaire dirigée contre
Borneo-Prope, a eu un résullal brillant. Le 28 juin, les trou-
pes ont pris terre au Beleling, sous la protection du feu des
navires de guerre. Dans le combat qui s'en est suivi, et qui
a été acharné des deux côtés, les troupes hollandaises ont
été complètement victorieuses. Le lendemain, elles se sont
dirigées sur Linga-Radja, séjour du Radja, qu'elles onl in-
cendié.
Le chef de ces hordes à demi sauvages s'est enfui avec une
parlie des siens vers les montagnes. La perle de l'ennemi a
été d'environ quatre cents hommes, toute son artillerie, dont
quarante canons en cuivre, etc. , se trouve au pouvoir des
Hollandais; les pertes de ces derniers consistent en dix-huit
morts et quarante blessés.
Chine. — Des lettres de Canton, du 6 juin, apprennent
que Lin, le célèbre commissaire, est rentré en grâce auprès
de l'empereur, et a été nommé gouverneur de la province de
Sliezsi. — Keying avait présenté un mémoire à l'empereur,
pour lui proposer d'autoriser légalement l'imporlatioii de l'o-
pium. Cette proposition a été rejetée, et Keying a été réjui-
inandé. — Les affaires sont peu animées à (ianton. Les mar-
chands chinois se plaignent de la rareté du numéraire.
Statues et projets de statues.— Cette saison est celle
où la recrudescence de grands hommes se fait sentir. La
session des conseils généraux y aide beaucoup. Celui de la
Marne vient de voler l'érection, dans la ville de Vilry, de la
statue d'un homme dont sa pairie a le droit d'être Hère,
Royer-Coliard. — Une coiiuiiissinn vient de se former pour
en élever une à Elampes à Genllidy de .Sainl-Hilaire. On
voit depuis quelque temps dans le ja m! ni qui se trouve à l'on-
liée de l'Iinlel des Invalides une slulue de Parmenlier, le pro-
paf^aleur île la culture de la pomme de terre , desliiiée à la
\ille de. Minildiilier. — Enfin, on annonce qu'une slalue en
piedde.lean Nicol, rimpnrlaleiir du labac, va être érigée dans
la conrd'hdiineur de la urandeinaniil'aeliue du Gros-Caillou.
Diïsastui:s. — A peine avllll^-n(lns fini d'enregistrer tous
les malheurs qu'une desséchante lempéralure a causés ou
aggravés, que nous nous trouvons avoir à faire coniiaîlre les
all'rciises dévastations causées dans les départements do
l'Ardêclie, de la Drôroe et du Gard par des inondations dont
la violence et les ravages ont dépassé tout ce que les vieil-
lards les nlus âgés de Cf s contrées se rappellent avoir jamais
eu à déplorer. Les routes départementales, les roules roya-
les, les ponts onl été coupés; les communications n'existent
plus. Le département de l'Ardèche a été le plus maltraité.
Deux arches du pont Saint-Esprit onl été emportées. La cir-
culation a élé interrompue pendant trois jours sur le che-
min de fer d'Alais à la Grand'Coiiibe.
C'est le 20 septembre, à cinq heures du matin, que le fléau
fondit sur la ville d'Alais. Les journaux n'ont pu paraître ;
nous trouvons le récit des terribles événements, donlce chef-
lieu d'arron lissemenl a élé le malheureux Ibéàlre, dans/a
Gazette (lu lias-Lanijutduc.
« Dimanche malin, vers cinq heures, les habitants d'Alais
furent surpris par les eaux. Dans quelques instants, elles
moulèrent jusau'au second élage. Qu'on juge de leur ni-
veau : à cinq lieures et demie, le fontSeuf du Marché,
dont la voûte est Irès-élevée, était couvert en entier, et ses
balustres en foule emportées par le torrent. Le laubourg du
Marché a été le premier inondé. Toutes les filatures el les
labiiques de soie ont été envahies, et les moulins el les
ballots de .soie entraînés. Les habitants n'ont évité une mort
certaine qu'en se réfugiant vers la montagne. La ville, un
instant protégée par ses boulevards, a bientôt aussi élé sub-
mergée. Le Gardon a pénélré par deux énormes crevasses
el un ravin immense qu'il a creusé. Le boulevard de l'Hôpital
a cédé le premier; le torrent, après avoir emporté l'entrepôt
de charbon du chemin de fer, a balayé sur son passage les
filatures, les fabriques, les jardins, etc. La Grand'-Rue d'A-
lais el les c|uariiersbas de. la ville ressemblaient à de vastes
élangs. Le l'ont- Vieux a presque cédé, les hôtels el les mai-
sons onl été envahis jusqu'au second élage.
« On ne connaît pas encore tous les malheurs que l'on a
à déplorer. Les perles sont incalculables. Parmi les morts,
on cite M. Coste, ancien marchand drapier, et M. Banquier,
orfèvre. La fin de ces deux malheureux est affreuse à enten-
dre conter.
« M. Coste fut réveillé le malin par le bruit des eaux, sa
maison donnait d'un côté sur le quai et de l'autre sur la
place du Marché. Il crut se metlreà l'abri en consolidant la
porte extérieure de sa maiton et celle de la cuisine. A peine
fermait-il cette dernière porte, que l'eau, arrivant avec
force, enfonçait les deux barrières et le surprcnaitau milieu
de l'escalier, lui et un de ses locataires qui était venu à son
aide. Madame Coste était au haut de l'escalier, les pieds
dans l'eau el criant au secours. Euli aînés par le torrent sous
les voûtes du Marché, M. Coste et son localaire demeurèrent
loit longtemps cramponnés aux crochets de fer dont ces
voûtes sont munies; ce dernier, plus jeune el plus fort,
parvint à échapper à l'envahissemenl des eaux, en allant
s'accrocher au support d'un réverbère à gaz. M. Coste,
moins heureux, fut entraîné, et l'on n'a retrouvé son cadavre
qu'à l'Écluse.
« M. Banquier, orfèvre, dans la Grand'Rue, était parvenu
à enlever presque toutes ses caisses de bijoux, quand l'eau,
envahissant le magasin jusqu'au ]ilafond, ferma la porte par
laquelle il avait pénétré. Il se fraya une issue en cassant un
carreau de la partie haute de la porte extérieure et arriva
dans la rue porté sur l'eau. Excellent nageur, il comptait
sur ses forces, et une fois à l'air il se croyait sauvé. On lui
lança un drap de lit du second élage; déjà il s'était cram-
ponné, sa femme lui tendait la main, il la saisissait, quand,
ses forces l'abandonnant, il lâcha prise el fut entraîné par le
torrent. La lutte avait été longue, et entouré par un tour-
billon, il s'était, un instant auparavant, ftndu la tête con-
tre l'arête d'un mnr. M. Banquier était jeune et vigoureu.x;
il a fallu ce concours de circonstances malheureuses pour
qu'il ait péri.
« Au même moment, on voyait passer, emportés par les
eaux, une femme el son petit enlanl, encore attachés à un
drap de lit, au moyeu duquel on n'avait pu les sauver.
(1 A côlé de ces malheureux qui périssaient, d'autres don-
naient des preuves d'un dévouement remarquable.
« Les pertes éprouvées par les marchands d'Alais sont
inappréciables. Malheureusement, tous les magasins sont si-
tués à la place du Marché, ou dans la Grand'Rue. Le blé,
la farine, les draps, les éloffes, l'huile, les soies, tout était
entraillé par le courant. (Juelques négociants n'ont pu sau-
ver que leur portefeuille; d'autres ont tout perdu. Les inar-
cliauds de nouveautés n'ont presque pu rien conserver, elce
qui leur reste est três-détéiioré. Les droguistes ont perdu
toutes leurs denrées; les sucres se sont londus; les builei
ont coulé dans le torrent. Un courtier d'Alais a pu en re-
cueillir huit hectolitres au-dessus de l'eau. Un droguiste en
avait enfermé, la veille, dans ses magasins, trois cents hec-
tiilitres, qu'il a vu suivre les eaux. Les horlogers n'ont pu
sauver que quelques objets; l'un d'eux, dont le magasin était
lorl bien as.sorti, n'a n trouvé qu'une (lendule.
u Linondatiou a duré deux heures, et le lendemain le Gar-
don était rentré dans son lit. Hier, un l'aniait passé sur une
planche.
tt On conçoit dans quelle désolation se trouve la ville. »
Nécrologie. — La science etiiudusirie viennent de faire
une perte cruelle. M. Charles Dcrosne, de la maison Charles
Derosiie et Cail, est moil l'ans sa soixanle-sepliême année.
Cet habile nianulaUuiiei laisseia des souvenirs dans plus
d'une branche d'iiuln>lrie. Clnniislo distingué, il a puissam-
ment contribué au de\eloppeiiieiil de la sucrerie indigène,
lant par riulroduelioii de nombreux perfeclioniienient.s'dans
les melhodes de labriealioii que par la con.^lrnelion dts ap-
pareils économiques à l'aide desi,uels celle indiislne a pris
le dévelopi enieiil qu'elle a acquis aujourd'hui. Plus récem-
meul, .M. lleniMie a apporté un concours non moins ellicacc
à riuiliislrio (les cliemms de fer, par la fondalion des vastes
alelieis de la .société Ch. Derosne et Cail, à Chaillol, Grenelle
el Deiiain, pour la fabricaliou des locomotives el des machi-
nes à vapeur, établissenienls qui l'ivaliseut aujourd'hui, pour
II
L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL.
67
I l'importance et la penection des produits, avec les fabriques
les plus estimées d'Angleterre. — M. le vicomte de La Peyrade,
ancien député de l'Hérault, et maire de Celle sous la restau-
ration, vient également de mourir.
Caurrier d« Part*.
C'en est donc fait, et les beaux jours sont passés. Notre
ciel parisien s'obscurcit à vue d'œil ; n'entendez-vons pas le
venl quisiflle'/ Tout pâlit et se voile autour de nous, jusqu'à
notre beau soleil, si superbe bier encore et si éblouissant, et
qui semble nous jeter un sourire, triste comme le dernier
adieu d'un ami. La voilà donc venue cette pâle automne, tant
célébrée par les cbasseurs, mais maudite par les élé^iaques,
cette saison entre deu.v âges, au visage double, à la bouclie
pcriide, et dont la main avare dispute et retire à nos citadins
le peu de biens qui leur restaient ; pour eux plus de parfums,
car il n'y a plus de fleurs; pour eux plus d'ombrages, tou-
tes les feuilles se détaclient et s'envolent sur le souffle de
l'aulonme. Où sont, je vous prie, la joie et les distractions
de celte saison'? Toutes les autres ont leurs plaisirs et leurs
doux tumuitts; on invoque l'été, on attend l'hiver, on désire
le printemps : qui est-ce qui s'aviserait de soupirer après
l'automne? C'est un hôte de passage, un visiteur importun ;
ce n'est pas le chaud, ce n'est pas le froid, ni le jour, ni la
nuit ; c'est un je ne sais quoi transitoire et négalil, quelque
chose de vague et de plat comme tout juste milieu. Koin de
l'autonme !
Celte inlluence d'un ciel qui s'éteint, d'une température
anonyme et d'une saison sans physionomie, tout la subit: les
hommes, les choses, les faits, les événements, tout est vague,
incertain, nébuleux ; on ne sait que faire et nous ne savons
que dire.
Il est vrai qu'octobre prépare des fêtes, il aura des épitha-
lamcs, des illuminations, des pompes ofQcielles, des courses
et toutes sortes de réouvertures. Octobre, en effet, est le mois
réorganisateur par excellence, et la besogne ne lui manquera
pas: mais si octobre est actif, en revanche septembre n'est
qu'un fieffé paresseux. S'il invenle une fête, c'est toujours la
même : la fêle de Saint-Cloud. Ses cérémonies ont lout l'im-
prévu des anniversaires, et il est très-fort sur le chapitre des
créations rétrospectives. C'est à lui qu'on doit principalement
les séances d'académie, les congrès scienlifiques , les exposi-
tions de peinture, de sculpture, d'arcbileclure et d'horticulture.
Dois-je faire honneur à la présente quinzaine de la réou-
verlure des Italiens? ce n'est peut-être pas une grande nou-
veauté, mais c'est une agréable nouvelle. Voilà dix ans et plus
que Paris admire les divas Persiani et Grisi, voilà vingt ans
iju'il a goùlé cet excellent Lablache, et qu'il entend celte
roulade, ce duo, cette cavaline. Cependant la troupe de ces
brillanis rossignols et de ces délicieuses fauvettes est rentrée
dans la volière Venladour avec accompagnement de bravi, de
bouqneLs et de billets de banque, c'est tout ce que nous te-
nions à constater.
Quelqu'un a dit, et ce quelqu'un c'est vous, c'est moi,
c'est idut le monde, que la musique est un puissant agent de
civilisation. M. le nimislre de la marine l'a compris et il a
décidé, d'accord avec M. le miiiislre de la guerre, aulre di-
lellanle, que l'orcheslre complet d'un régiment de ligne se-
rait envoyé aux lies Maripiises et mis à la disposition de la
reine Pomaré. C'est le moyen le plus sur d'eiiirelenir l'Iiar-
monie entre elle et nous. Reste à savoir si nos voisins de l'ex-
entente cordiale apprécieront celle teulalive de bon accord
par voie de piopugande musicale, et s'ils ne seront pas tentés
de troubler le concert, auquel cas il faudrait dépêcher dans
ces lointains parages un aulre orchestre plus bruyant et pré-
luder à une aulre danse.
Un nouveau représentant de l'aristocratie indo-chinoise,
le prince Moham-Lall s'est montré à la dernière représenta-
tion des Huguenots, mais son apparition n'a causé qu'une
très-légère sensation. Est-ce que, je ne dis pas les prmces,
mais les Chinois commenceraient à passer de mode, et à
quoi allribuer cette indilTérenee? Elèverait-on quelque doute
sur sa- principauté, ou notre public se serail-il blasé à l'endroil
des visites et des visiteurs extraordinaires? 11 e.st vrai que le
train de ce nouveau Baboo est assez modeste, qu'on ne con-
naît pas le chiffre de sa fortune, qu'il ignore lui-même. Il est
vrai encore qu'il n'a pas reproduit, dans les salons où il est
admis, le grand miracle de la multiplication des cachemires,
cl (lue la poigHée de son damas est destituée de toute espèce
de bouchon lié carafe sous prétexte de diamant, mais il est
jeune, il est b»au, il a la distinction de race, la force et la
souple.s.-e du lirui et la svellc élégance des palmiers de son
pays. \ la bonne heure ! Cependant pour cnni]uérir les hom-
mages de la foule et s'assurer la vogue d'une semaine, il ne
suflit pas qu'un prince soit beau, il faut encore qu'on le
trouve inagniliquc.
Tout à l'heure, nous parlions de réouverture, elle est gé-
nérale pour les tliéàlres, ils oiïrcnt un aspect réjouissant,
que de dé.serts l'automne a repeuplés, en dépit des landes et
de l'aridité de cerlains répertoires.
Voici par exemple le Théàlre-Français qui vient de nous
raconter une vieille aventure et nous a incuitré un personnage
que nous connaissons de longue date : don Guziivm, lisez
don Juan, cet enfant chéri des dames, ce lat égorsle, blasé
comme un vieillard, coureur émérite qui, sous lous les bal-
cons du inonde, a fait depuis un lemps immémorial une si
prodigieuse consominalion d'échelles de corde et de madri-
g.iux, de coups d'épéK et de sérénades, personnage légère-
ment f.iiilaslique. malgré sa qualilé avérée dehéros de boudoir
et qui ne brillerait à nos yeux que d'un reflet assez maus.Sijde
s'il n'i iil élé chaulé par Slolière, Mozart el Byron. M. Adrien
de Courctiles, lauleur de la nouvelle comédie, a pris i'Iii-
dalgi par un colé moins poétique, el son danjunn tourne au
Sganarelle, il a des prémisses Iriomphaules el une ciuiclusinn
humiliante. Une comédie de cape el d'épée qui se termine
par une sérieuse moralité, vous conviendrez que si le sujet
semble suranné, l'interprétation est nouvelle et mérite un
bout d'éclaircissement.
D'abord nous retrouvons le don Juan de la tradition, le
séducteur pur sang cl andaloii, la mouslache en croc, le
poing sur la hanche, la ra[>ière au colé, bon luron néanmoins,
s'il laut l'en croire, aimant fort à plaisanlei-, mais souffrant
difficilement qu'on le plaisanle, et doux seulement vis-à-vis
du beau sexe, plus hardi qu'un page et grand cn|6leur; s'il
menrl... eli! bien, qu'importe, lout sera fini pourGuzman,
n'est-ce pas là toute la morale de don Juan qui ressemble
si fort à celle de Polichinelle?
Avant de battre le pavé à Séville, Guzmau amusait ses loi-
sirs dans Madrid, où il ne connaissait pas d'disiacles. Aussi,
à ses heures perdues, séduisit-il Lena, une jeune fille qu'il
retrouve mariée dans Séville, et mariée à un alcade, quelle
occasion pour don Juan de .se reprendre aux beaux yeux de
dona Elvire, et pour .Alinaviva de s'introduire auprès de sa
Rosine sous un costume de fantaisie; mais pour celle fois
l'enlèvemenl n'aura pas lieu, mons Guzman n'a-t-il pas frôlé
tout à l'heure la basquiiie d'une certaine soubrette, Paquila,
taille cambrée, yeux éveillés, fin museau el fine mouche. 11
n'en faut pas davantage, alieu Lena, bonsoir Rosine, Barlho-
lo peut dormir en paix, Almaviva a trouvé Suzanne, c'est le
cas d'évoquer Figaro, car dans celle comédie qui est un peu
la comédie de tout le monde, après avoir buliné dans Molière,
le moment est venu de tailler eu .plein dans Beaiiinarcbais.
Ce Spadillû est un Figaro moraliste, qui est aimé de Pa-
quila, si bonne connaisseuse en morale, el qui met la sienne
en action. Les peccadilles de Guzmau reccvronl leur juste
chàliment, Paquila a évenlé ses projels, et Spadillo est inté-
ressé le premieràce qu'ils échouent. Quellepunition infliger
au séducteur, et comment brûler, d'un seul coup sur son front,
tous les myrtes dont il se pare? Veuillez vous rappeler la po-
sition d'Almaviva entre Figaro el Suzanne, ce rendez-vous
donné à la camérisle et qu'elle accepte, el le comte enfermé
dans le cabinet avec... sa femme. Cette vengeance n'est que
piquante ; celle que subit Guzman tombe dans l'atroce. Une
duègne allreuse, un monstre septuagénaire , l'horreur des
Espagnes, se prèle à la circonstance et mel le comble à la le-
çon. Dans l'intérêt des mœurs, la justice andalouse vient
constater le quiproquo, et divulguera l'avenluie.
Don Guzman ou la Journée d'un séducteur est l'ipuvre
d'un très-jeune homme qui a l'inexpérience et en même
temps les qualités charmantes de son âge, l'entrain, la grâce,
la vive saillie, le vers bien troussé, l'inlerrlion comique; n'est-
ce rien que d'avoir côtoyé de si près la haute comédie, la co-
médie de caractère, et entrevu ce dramatique sujet, la mort
de don Juan.
Au Vaudeville, aulre résurrection, la A'oui-elte Hélom\
Hier Clarisse, l'autre jour Werther, en attendant Manon Les-
caut, Ellenore, Marianne, Delphine, le ban eU'arrière-ban du
roman. Dans ses Confessions, le plus vrai des romans de Jean-
Jacques, il nous apprend à quelles émotions il cédait en écri-
vant l'IIéloïse, il voyait rassemblés autour de lui tous les êtres
qui avaient occupé sa jeunesse, les demoiselles Galley, ma-
dame Bazile, ma lame de Larna§e. « Je me vis, poursuil-il,
entouré de nies anciennes connaissances, pour qui le goût le
plus vif ne m'était pas un sentiment nouveau. Mon sang
.s'allume, la lête me tourne, malgré mes cheveux grison-
nants , et voilà l'austère Jean-Jacques, à quarante-cinq ans,
redevenu tout à coup le berger extravagant. » C'est dans
ces di.sposilions qu'il jetle sur le papier quelques lettres
épaises, sans suite et sans liaison, il n'a aucun plan et ne
prévoit pas qu'il pui.sse jamais en faire un ouvrage en règle.
Puis, chemin faisant, les spéculations du philosophe em-
piètent sur les rêveries du romancier ; toutes ces larmes
brûlantes que Rousseau a tirées de son cœur se figent
bientôt dans une Uicse insoutenable, et le voilà tombé des
hauteurs de la passion dans les bas fonds de la déclamation
et du paradoxe. Que d'animation dans ces pages, quelle
éloquence impétueuse dans l'expression des sentiments, mais
Quelle vulgarité de faits et d'incidents, el comment le Vaii—
eville a-t-il pu s'imaginer qu'il trouverait là-dedans un pré-
texte quelconque à un arrangement dramatique? Triste jus-
tice à rendre aux auteurs (parmi lesquels se trouve, dit-on,
un académicien), ils ont suivi le roman pas à pas ; ils ont dé-
pouillé le livre el l'ont mis à nu, pour n'en montrer que la
charpente boiteuse el le triste squelette. En vérité, c'est pi-
tié de voir l'étalage de lieux communs el de scènes triviales,
qui nous est fait sous prétexte d'amour, d'innocence et de
haine des préjugés; Saint-Preux agit d'abord en séducteur
vulgaire; il écrit des billets doux, il les glisse en secret, il en
cache dans lous les coins, et d'abord aussi Julie le reçoit en
fille bien élevée, avec desreproches el des représentations;
puis Saint-Preux menace de se tuer, el Julie s'attendrit visi-
hlemenl; lermonné par lord Edouard et chassé par le baron
d'Elange, il rentre en Irioiiipbe par je ne sais quelle porte
laissée enlr'ouverte ; au second acte milord provoque le .5^-
ductrur et retire aussitôt sa provocalitm sur une confidence
de Julie, el ce n'est pas ici comme dans le roman, où Julie
motive sa faute éloquemmc ni et fait honneur à sa raison de
l'éclat même de sa chute; le drame ne s'accommoderait pas
de ces adoucissements qui langiii.ssent, il faut aller au fait,
el il V va, vous voyez par quel chemin, celui des aveux im-
possiLles, des violences inexplicables, et au prix de tfuiles
les invraisemblances. Aussi ne saurais- je vous dire comment
ni pourquoi milord devient l'ami le plus dévoué de Saint-
Preux, à ce point de lui offrir la moitié de sa fortune pour
enlever Julie, mais le baron ne leur laisse pas cette ressource
el Julie devient l'épouse de Wolinar. Cinq ans d'enir'acle nous
onlséparédecelévénenicnl, el l'onaimeà croire que madame
deWo'mara perdu le souvenir de sa triste aventure, lor^qlIe
Sainl- Preux reparaît loul à coup poursuivi par un songe comme
feu Danaiis, il a vu Julie morte ..en rêve. Il l'aimetoujours. et
à la manière des grands rêveurs el des amoureux, ceségoï^les
trop célébrés, il ne re\ lent que pour la persécuter. «Vous allez
me suivre, lui dit-il. — Mais mon mari, mon fils, ma répu-
iTlion! 11 A celle triple objection, Sainl-Preu.x nul l'épén A la
main pour quelque massacre des innocents, il va commen"
cer par l'e.xcellent Volmar, lorsqu'un cri retentit, l'enfant (Ir
Julie vient de se laisser choir dans le lac. Une femme qui
devient Iremblanle, dont le visage pâlit et dont les traits se
bouleversent, qui s'agenouille, qui porte la main à son front
avec un geste horrible, qui veut crier el ne trouve point de
cris, qui veut pleurer et n'a plus de larmes, une mère qui se
lamente, se roule à terre, que la douleur abat el brise enfin
et que l'on relève folle, ce spectacle, disons-nous, ne man-
que jamais de réveiller l'intérêt et d'exciter l'émotion pour
peu que le talent sache interpréter cl faire valoir ce trouble,
ces cris, celle émotion, celle folie et ce désespoir ; aussi le
drame s'esl-il relevé loul à coup .au moinenl décisil, grâce
à rexcellenle aclricequia su prêter àcelte agoniedes accents
d'une vérité el d'un pathétique déchirants. Faut-il ajouter
que Saint-Preux a sauvé l'enfant pendant que madame Al-
bert sauvait la pièce ?
Des tableaux vivants, des statues animées, Galatée descen-
due de son piédestal, Vénussorlant des ondes en maillot, les
dieux de l'Olympe antique dans toute leur splendeur dia-
phane, le jugement de Paris, les syrènes el les bacchantes,
ornées d'une ceinture légère, lel est le spectacle que le tliéà-
tie de la Porle-Sainl-Marlin présenlail jeudi à ses habitués.
Celle exhibition n'est pas sans charme, et tous ces posants
britanniques, hommes ellemmes, nous ont paru aussi reniar-
3iiables par la beauté des formes que par la grâce des allilu-
es. Diderot disait : Ce n'est pas le nu qui est indécent, mais
bien le retroussé ; à ce comple-là, il faudrait être bien limoié
pour trouver, dans ces académies, cerlains détails Iroppeu ga-
zés. L'ensemble de ces tableaux mouvants a pour cadre une
action scénique, où figure Giollo endormi el de petits lulius
très-éveillés, aux tuniques rosesel aux ailes d'argent.
Mais une nouveauté ou une nouvelle dramatique plus ex-
traordinaire assurément que les précédentes, c'est la retraite
de mademoiselle Racliel. Celle détermination ne laisse pas
d'avoir son côté tragique pour le Théâtre-Français, el Ion
ne sait s'il faut l'attribuer à un caprice ou au dépit. Cepen-
dant une reine qui abdique, et qui, répudiant son rang et sa
grandeur, rentre el va se perdre dans la foule, perdant aussi
une liste civile de cinquante mille francs, le fait est assez bi-
zarre pour qu'on s'obstine à le révoquer en doute et, pour être
vrai, il n'en demeure pas moins invraisemblable. Messieurs
les sociétaires seraient, dit-on, encore loul étourdis du coup
qui a lout l'air d'être, pour eux, le coup de grftce. Fière Ca-
mille, c'est une terrible imprécation que vous leur jetez
avec cet adieu, et devaient-ils, 6 llermione, s'attendre à ces
fureurs. Mais enfin quel est leur crime?
Pourquoi les immoler? De quel droit'? à quel tilie?
On vous accablait de lettres el d'obsessions, on déplorait
cet éloignement dont le public s'inriuièle et ce silence dont
gémissent vos admirateurs, on a eu le tort enfin de suspecter
cessoiiïrauces que vous alléguez el de demander à la hiculic
une constatation de cet élnt auquel se rattachent tant d'in-
térêts. Voilà tous vos griefs, rien de moins, rien de plus, de
l'aveu même de vos amis, car on ne dit plus et l'on n'iiurait
jamais dû dire peut-être que le comité songeât à provoquer
une décision mini,stérielle qui suspendit vos rippoint'Muenls.
On n'use de ces remèdes violents qu'à toute e.vliéniilé , el
nous n'eu sommes pas là, el vous aurez beau dire ciuiiine la
mourante Phèdre :
Je ne me soutiens plus, ma force m'abandonne,
ni la Fac'ilté, ni le public, ni la Comédie, ne veulent déses-
pérer de votre guérison et de votre retour.
lies Foyers des ncleiire dans leH tliéAtreM
de Pariw.
LE FOYER DU rHÊATHE I>1 l'ALAIS-ROYAL.
On écrirait plus d'un volume sur l'histoire des vicissitu-
des subies par le théâtre du Palais-Royal, autrefois salle des
I}eaujolais, et reconslruil en ITilU par la célèbre el infatiga-
ble Monlansier. Avant son règne, car c'en fut un véiilable,
des acteurs de bois défrayèrent longtemps la salle des Beau-
jolais, cl firent la fortune de leur directeur, qui n'avait ja-
mais à craindre, de la part de ses pensionnaires, ni les jalou-
sies, ni les indispositions de commande.
Enfin nninel parut!...
De celle époque date une ère de prospérité dont on a vu peu
d'exemples dans les annales dramatiques. Tout Paris courail
en foule aux spirituelles bêtises du roi de la farce. Ses succès
tarirent la cais.se de messieurs les comédiens, ses ombrageux
voisins, et ce brave Bruiiel, succombant enfin sous leurs in-
trigues quotidiennes, expia sa g'oireparj'exil. Laissons Brii-
net se consoler ampleineiu au théâtre des Variétés, où sa re-
nommée s'accrut chaque jour davantage, et revenons à la
scène d'où l'envie se tenaii heureuse de l'avoir chassé.
Que devint le théâtre Monlansier?
Il fut accaparé par un fameux danseur de corde, nommé
Forioso; ses exercices sur la corde roide passaient pour le
nec plus ultra du genre, el bon nombre d amateurs y ve-
naient assister l'd'ii l'bahi el la bouche tiéaiite. Mais il était
écrit que la jalou.sie devait prendre à lâche dese faufiler dans
la salle du Palais-Royal, cl Forioso se vil surpassé bientôt
par les frères Ravel, dont il avail accepté el méprisé le déli.
Pour surcroit de douleur, maître Forioso inspira une jiassioii
violente à mademoiselle Monlansitr, âgée alors de soixanle-
dix-huitans, cl prouva aux générations futures, en épousant
celle amoureuse surannée, qu'il n'est pas sans danger, pour
un bel homnre, de s'habiller d'un maillot cnuleiir de chair,
el que lout danseur de corde, un peu raisonnable, de* a II lais-
ser, à propos, échapper son balancier, afin d'aMiir la cliain e
de se casser le cou, plutôt que de finir par le saut périlhiix
d'un MMiiage ocloiHiaiie.
08
L'ILLLSTKATION, JOURNAL UNIVERSEL.
iiéiii sois-tu pourtant, infoituné Forioso ! car c'est îi la rn-
liailo, q\ic nous (levons, sur l'ancienne scène de Brunet, la
réapparilioii des joyeux vaudevilles ! Il est vrai que l'autorité
du teuips cul peur'des nouvelles récriminations de la Comé-
die-Française, et ne permit que des pièces il deux personna-
ges; mais Martainvil e suppléa i'i la quanlilé par la qualité,
et il ne falliil lirn inniiis que les graves événements de l'em-
pire pour laiir ii'idiiilier daus le néant ce petit théâtre, qui
eut la courlnisir de nidiuir momentanément en même temps
que celli' nui lavait liàli.
iléliis ! cent l'ois liélas! quand il fit sa réouverture, il était
livré aux liêlesl
N'all</. pis croire que nous voulions parler des vaudevil-
lisli« lie l'empire!
C'était une troupe de bêtes véritables, une troupe decliiens
plus ou moins savants, qui exploitait la curiosité des bons
Parisiens. Caniches, lévriers, épagneuls et barbets peuvent
se liatter d'avoir fait beaucoup de bruit dans le monde Ihéà-
tral ; ces intéressants animaux eurent cela de bon, dans le
cours de leurs représentations, qu'ils furent à l'abri de l'effet
moral produit d'ordinaire par les sons aigus du sifflet : quel-
que spectateur mal avisé se permettait-il l'exercice incivil de
la clef, on supposait charitablement que son maître, placé
dans la salle, faisaithson chien, qu'il avait prêté, le signe de
reconnaissance ou d'appel, et il ne venait à l'idée de per-
sonne de donner une couleur d'hostilité à cette discordante
manifestation. De là est venue l'origine de cette expression :
appeler Azo>-, expression qui s'applique à toute pièce tombée.
Le public siflle; il appelle .4 zor.' Ce pauvre Azor n'est appelé,
de nos jours, que trop souvent! Heureux l'auteur en laveur
duquel on le laisse dormir dans sa niche !
Lorsque la société des chiens savants ne trouva plus d'os à
ronger dans la capitale, et que, se voyant aux abois, elle se
décida à se ruer sur la jirovince, le théâtre Montansier subit
une quatrième métamorphose, et devint un élégant café. On
y distribuait, à un prix iissi'Z (levé, île la bière, deséchau'Jés
et des t;laces, mais les pières qu'un y ilomiail par-dessus le
mari hé l'Iaicnl lieiniioup (dus dilliciles à avaler. Nous ne sui-
vrons pas rel liisliirique au milieu desorages de tous les par-
tis (pli vcnaienl poindre et gronder silencieusement autour
des limonadi's ihi eafé-speclacle, pour aller éclater ensuite
dans de pins v;rh'^ iiirm-s; et nousnous rappellerons seule-
ment la réviiliih !■■ inillel, qui nous rendit ce théâtre dans
des coiidilions ilirmh's .•! ronveiiahles.
L'ouverlnn- liil Iomi Ii^ t; |iiin LS-'il, sous la direction de
M.Contat-Dcslnnlaines,ilitl>>rnii'iiil,rldeM.CIiarle5Poirson,
frère de M. Dcli'slie-l'uii son (I), alors directeur du Gymnase.
M. Guerchy, architecte d'une grande habileté, fut chargé de
reconstruire la salle, dont il tira tout le parti possible en rai-
son de sa petite étendue; et M. Dormenil, une fois en pos-
session de son privilège, choisit en qualité de régisseur-gé-
néral, M. Coupart, homme de lettres distingué, ancien chef
de bureau des théâtres au ministère de l'intérieur.
(I) M. Cil. Poirson vient d'être remplacé par M. Benou, hom-
me d'esprit et d'une intelligence éprouvée.
Le foyer du Palais-Royal, où circulent tant de noms si
chers aux amis de la franche gaieté, ne se distingue ni par
son étendue, ni par son luxe: c'est une petite pièce d'attente
meublée et décorée avec une grande simplicité. Deux ban-
quettes-divans pour les acteurs, une armoire pour les manu-
scrits et les partitions du jour, une horloge, un poêle et un
tableau indiquant les répétitions, voilà à peu près tout ce dont
il se compose. (Juand je dis tout... n'oublions pas son plus
bel ornement! Nous voulons parler de sa fenêtre, qui donne
sur le jardin du Palais-Kuyal : cette jolie vue a bien son prix,
et ces messieurs et ces dames ne sont pas fâchés, après s être
promenés sous leurs bosquets de toile, de récréer leurs yeux
sur des feuillages comme il n'en sortira jamais du pinceau de
nus plus ingénieux décorateurs.
D'abord voici Sainville qui vient d'être bafoué par une
femme coquette, et ruiné par un neveu libertin... Il a rid'a-
bord de son rire si communicatif, mais il a compris qu'on le
niyslihait..., et soudain il vous arrive la figure enluminée, la
perruque de travers et la canne encore brandissante...
mais toute cette grande colère s'abat , et vous retrouvez a'i
foyer un Sainville cordial, bonhomme, et spirituellement ja-
seur. Encore un peu, et le voilà qui va entamer avec Alcide
Tousez une question philosophique et morale ! Passe encore
pour Sainville, qui joue souvent des raisonneurs! mais toi...
mais toi, ô Alcide Tousez! Où as-tu été chercher cesang-froiiî
fantastique que tu sais garder en nous débitant toutes les fo-
lies, toutes tes extravagances? qui t'a fourni, malheureux, le
modèle de cette bêtise prétentieuse que tu exprimes à déscs-
LE FOYER DES ACTEURS DU THÉÂTRE DU PALAIS-ROVAL.
Mlle Davereer. Leniônil
Mlle Scrlvaneck, Kalekaire.
Mme Grassot.
pérer la mémoire du frère de Piron? où as-tu pris tes yeux,
ton nez, ta bouche et ta ligne faciale? et surtout où as-tu pris
ta voix si admirablement niaise?
N'est-ce pas Grassot que je viens d'entendre? il lui ap-
partient bien vraiment de se faire ici l'avocat de son cama-
rade Alcide Tousez! heureusement pour lui qu'il a toujours
de joyeuses anecdotes à nous raconter, et qu'il imprime à
.ses divers personnages les caractères originaux qu'il dépeint
et comprend si bien. Grassot est venu au monde tout exprès
pour représenter les portiers , les aubergistes fripons, les
lions septuagénaires, et les marquis de Carabas.
Le couple Leménil vient ensuite faire son apparition. Ma-
dame Leménil, actrice pleine d'entrain et d'originalité, Le-
ménil, comédien consommé, disant bien, soigneux et con-
sciencieux. Puis Ravel, le comique par excellence, excen-
trique, original et fantasque. Près de Ravel, vient s'asseoir
Germain, l'amoureux de la troupe, qui s'indigne en chevalier
courtois des prétentions d'un rival ridicule, et endort les
papas d'une manière assez piquante.
Le rival ridicule ci-dessus est, le plus habituellement, in-
terprété par Lhéritier, homme d'esprit à la scène et à Ut
ville, comme disent les bourgeois, et qui imite à merveille
les exagérations de la mode, et se compose comiquemeut
une dégaine pileuse et ilésappnintée. Mais qnni! ii'esl-ce
donc pas l.eviissur qui lient en clirl cl sans paila^e 1' pliii
des siiii|iir,inls (•(•iiiKliiils? suit 1 L.'ViisMir s'en arqiiillp asei-
la drùleiie i-t rinl.'llineiii'e qu'on lui eoiiiiail; mais sa s|i.'i-ia-
lilése rallaelie de piéliTcnee aii\ heanx-lils vaporeux el piii-
trinaii-es; I érole idiuautiqne a naluralisé ees ineoinpris lar-
moyants qui'riio'nme-cliansonnette a passés en détail an ta-
mis Je l'observation, lit pourquoi ne se serait-il pas donné ertle
peine? Ne voyons-nous pas aujourd'hui une pépinière d'in-
téressants jouvenceaux qui s'étudient aux amours dolentes et
maladives pour impressionner plus vivement le cœur sensi-
ble de nos naïves demoiselles ? il est établi désormais qu'on
se fait poitrinaire, comme on devient avoué ou médecin : c'est
un état, une position sociale. Au surplus, Levassor excelle
dans celte composition, langoureusement joviale, comme
dans tous les genres de travestissements qui lui sont conhés.
C'est une espèce de caméléon qui changerait à vue dix fois,
dans une pièce en un acte qui ne durerait qu'une demi-
heure. 11 ne laudrait pas le défier de se façonner au bon ton
de son camarade Derval, et de porter l'Iiabit à la française
tout aussi noblement que lui. Et pourtant, Derval est le
grand seigneur de la troupe. Le Théâtre-Français, dans le
voisinage duquel il joue, semble avoir laissé tomber sur lui
le germe de ses meilleures traditions; plein de morgue et
d'orgueil au besoin, il sait comment un marquis régence
doit terrifier son inonde d'un seul regard, et s'assouplit avec
grâce au laisser-aller du courtisan efféminé et libertin. Ar-
tiste scrupuleux, et loyal camarade à la scène, Derval est, à
la ville, un huniiiir il'nïi esprit délicat et de bonne compagnie.
l\leiiii(iiiiinns l.iiijuel, I iimr'dieii d'une bonne école, jouant
la liiiiilTiMuiii II' ri !,■ sciilinirnt avec un égal succès; puis La-
niiiii lère, Kallrkaiie, le jeune Berger, qui fait tous les jours
Mais Miyiv. ilniie? dans le jardin du Palais-Royal, depuis
le lali' dn l'ciroii, jiisipie sous la fenêtre, que de nez au
vent, el que de hiinieles en jeu ! Allons, belle Nathalie, soyez
bonne pensioiniaire, et dans l'inlérél de voire directeur,
n'obstruez pas l'eulrée de son théâtre, venez vous asseoir là,
près de nous, dans ce petit foyer.
Mademoiselle Scrivaneck est une jeune et charmante ac-
trice, aux yeux malins et provoquants. Elle a pris avec beau-
coup de succès le répertoire de Déjazet. Mademoiselle Ju-
liette, à la physionomie piquante, n'a plus qu'un pas à faire
pour être sur le même rang que sa mère occupait au théâtre
des Variétés.
Madame Berger, femme distinguée, ayant de la comîdie
dans la tête, mademoiselle Charlotte Diipuis, la jolie made-
moiselle Lambert, luademoiselle Durand, madame Grassot,
madame Ravel, mademoiselle Aline Duval, madame Moutin,
excellente duègne, complètent l'ensemble de la troupe du
Palais-Royal.
Quant aux auteurs qu'on voit habituellement circuler dans
le foyer et dans les /Kirlanls du théâtre du Palais-Royal, ce
sont MM. Bayard d'ahord, qui a, de même qu'au théâtre des
Variétés, proiuisiles pièces au direcleuret ne les lui donne pas.
Puis viennent les auteurs qui ne sortent jamais seuls, qui
travaillent à deux, qui se promènent lialiiluolleiiiciilp,ir pai-
res, qui se pioilnisent, par couple, eomme les alexandrins
classiques, MM. Mélesville et Carinoiiehe. MM. \arin et Paul
de Koek, MM. Ouvert et Lauzauue, MM, Diquuly et Gabriel,
MM. Labiche et Leiranc, MM. Villeneuve et Masson. elc.
Nous devons ajouter pour finir, que le l'alais-Royal est un
des théâtres où les portes sont le plus l'aeilement ouvertes
aux jciinesaiiUins. M.\l. Dnrnieiiil ri Briioii u'untpas ce pré-
jugé des iKUiis sur l'ariiilie; ils ne jugent pas de la bonté des
pièces par l'auteur, mais par la pièce elle-même. C'est d'un
grand sens, car en même temps qu'ils encouragent les coni-
inençaiils, ils stimulent ceux qu'on appelle, en argot drama-
tique, /l's auteurs aniiès.
{La mile à un prochain numéro.)
L'ILLUSTUATION, JOUUNAL LNIVEHSEL.
Ci
La peinture sur verre, cette mosaïque trans-
parente inconnue à la civilisation antique, et
cependant d'un elîet si riche et si bien en har-
monie avecies mystères du culte, tend de jour
en jour à prendre en France un accroissement
motivé par la restauration des verrières échap-
nées à la destruction iconoclaste de la révo-
lution et par l'exécution de vitraux nouveaux
dont les fabriques, et même les particuliers
entreprennent de doter les églises anciennes
si celles de construction récente.
Outre les manufactures de Sèvres et de
Ciioisy, où s'exécutent de grands travaux de
peinture sur verre, diverses maisons parti-
culières, parmi lesjuelles nous devons citer
celles qui sont dirigéespar MM. Mortelèque,
Udiard, Laurent, Karl Hauder, etc., se sont
formées pour exploiter cette fabrication an
p lint de vue spécial de rornementation de
lins éiitices religieux et de nos liabilations
privées.
Dans celte voie nouvelle que l'inJustrie lenr
ouvrait, quelques artistes se sont empressés
d'entrer avec le désir de faire refleurir un art
qui a illustré en France les noms de Bcrnaid
Halissy, Jean Cousin, Pierre Tâcheron, Linard,
Bazin, Robert Pinaigrier, etc. Déjà l' Ilhixl ra-
tion a signalé les productions de ce genre dues
au talent de MM. Maréchal, Forget et Auguste
Galimard ; c'est encore le nom de ce dernier
que nous allons citer à l'occasion d'un vitrail
nii'il vient d'exposer dans l'église de Saint-
Rocli.
Ce vitrail fait partie d'une série de verrières
composées par M. Galimard pour la décoration
géii irale d'une église nouvellement construite
dans le style ogival à Bieliémont, près de Tours,
sous l'invocation de sainte Madeleuie.
Celle décoration se composera de cinq su-
jets, trois pour l'abside, qui représenteront la
Madeleine au pied du Christ en croix, la Vierge
douloureuse et saint Jean ; et deux pour le
transsept, savoir : saint Martin,évèque de Tours,
et, le vitrail actuellement exposé, la Vierge
dans sa yloire.
Tout en adoptant le style rayonnant du
quinzième siècle, en restant dans les coiidi-
lioas essentielles aux verrières, et en subor-
donnant SCS compositions aux exigences du
catholicisme, M. Galimard a su faire concou-
rir chacune d'elles il la forinalion d'un tout
indivisible, indispensable à l'effet général de
loulc décoration monumentale.
Dans le vitrail exposé, sous une architecture
couronnée d'un dais de clorhelonsen grisaille
se détachant sur un ciel d'azur, et au milieu
Expositioti «i'iiii litrail dnus k'église lie Saiut-Koeli.
d'une tenture de damas veil qui décure l'in-
téiieurde l'archiloclnre, l'artiste a re|iiéseuté,
enloiiiée d'anges puiteurs de philactoies avec
inscriptions laudatives, la Vierge tenant l'en-
fant-dieu entre ses bras; cette ligure, dont les
proportions élégantes «ont empruntées aux
modèles que nous oITrent les belles époques de
l'art, estd'uno grande et noble tournure, quoi-
que d'une pose simple et nalurelle ; elle est
vêtue d'une tunique rouge et d'un manteau
bleu doublé de damas d'or, couleurs simples
consacrées par la lithurgie, qui réserve les
couleurs binaires aux objets accessoires de la
décoration.
Sans chercher à mettre .'i profil loutes les
ressources de l'art moderne, M. Galimard a
ciim|iosé et colorié ses cartons de manière à
Cl' i|ue MM. Lauret et C", chargés seuls de
l'e\éculicinin,ili'riell(',qui fait grand bonneurà
l'haliilelé de Ifuis pinceaux cl de leurs procé-
dés chimiques, ne s'écai lassent pas doserre-
ini'Uls de nos vieux peintres verrii'i's, qui con-
sistaient à choisir et tailler sur les cartons des
morceaux de verre teints en pièce, sur les-
quels on peint, avec des couleurs métalliques
et vitriliables les conlourset lestiails des par-
lies nues, les plis des draperies et les détails
des ornements; les parties lumineuses ettrans-
parentes s'obtiennent par un travail de pointe
ou de pinceaux secs et rudes qui, en enlevant
la demi-teinte superposée, laisse à nu le verre
colorié en pièce, et donne ainsi p^s'age à une
lumière douce ou vive, fine ou incisive selon
les besoins de l'etfetà produire; ces dilTérentes
pièces de verre sont ensuile assemblées au
moyen d'un sertissage en plomb qui suit les
contours des ligures, des draperies et des or-
nements, et qui sert ii en accuser solidement
les ombres les plus vigoureuses.
Cette manière de procéder nous paraît la
seule bonne au point de vue des grands vi-
traux d'église, et grâce à l'exposition ijue ft-
roul (lu ri an Hi) octobre dans leurs ateliers de
la rue Monlnuuire, n. IGO, MM. Karl
llauder et comp. , d'un vitrail représentant
sainte Elisabeth de Hongrie, exécuté sur un
carton composé encore par M. Galimard pour
l'oratoire de madame la marquise Du l'iessy-
li?yer, le public pourr;'. reconnaître la supé-
riorité de ces anciens procédés en les compa-
rant aux échantillons de peinture en émail sur
grandes pièces de verre, que cette même mai-
son entreprend d'exécuter h l'instar de la ma-
nufacture de Sèvres, et qui ne peuvent vérita-
blement servir qu'à l'ornement de nos appar-
tements rétrécis.
Depuis quinze jours environ un homme,
jadis trop célèbre, mais déjà justement
oublié, préoccupe et inquiète une partie
de l'Europe. Cabrera, trompant la vigi-
lance de la police française, est passé en
Angleterre, et peut-être en ce moment a-
t-il fait sa rentrée en E-ipagne, d'où Espar-
tero l'availchassé en 18i0. Cetévéïiement
pourrait, en elïet, avoir les conséquen-
ces les plus graves. Pour prouver à quel
point les inquiétudes dont nous parlims
sont fondées, nous allons résumer.simple-
ment, — au lieu de prédire un avenir in-
certain, — la vie passée de cet homme,
que nous ne savons comment qualifier, et
qui a joué un rôle si important dans
1 histoire des guerres civiles contempo-
raines de la malheureuse Espagne. Sa
vie a été déjà racontée il yasix ans dans
la Revue des deux Mondes ; mais, si bien
Inrormé qu'il ait été, l'auteur de celle
remarquable biographie, M. Léonce de
Lavergne n'a pas tout su. C'est à un ou-
vrage publié cette année même à Madrid,
sous ce titre : « llisluria île la ffuerra
ullimn en Àraijon y l'«/iw/«, t par MM.
Cabello, Sanla Crux et Tempiado, que
nous avons emprunté les di'lails (pii vont
suivre, détails presque tons conlirinés
par des doriimenls authentiques.
Ramnn Cabrera naquit le 27 décem-
bre IHOti à Toitose, dans la Catalogue.
Son père , ijui exerçait la profession de
marin, l'avait ilesliné à l'état ecclésiasti-
que ; mais il n'annonçait que de mauvai-
ses dispositions, et il fut de Irop bonne
heure abandcmné à lui-même. Au lieu de
travailler, il mena la vie d'un vagabond ;
il se lia avec tous les mauvais sujets de sa
ville natale, et, à peine sorti de l'enfance,
il se rendit célèbre par ses excès en tout
genre. Les prières de ses parents, les
réprimandes et les conseils de ses supé-
rieurs , et les punitions corporelles ,
rien ne put le corriger : u 11 était pa-
resseux , débauché , querelleur , ef-
fronté , enfin un franc Ironero ( vau-
rien ), dit M. Léonce de Lavergne qui
pourlant se moiilio toujours disposé à
l'absoudre ; si bien (pie, quand vint pour
lui le moment do solliciter le sous-
diaconat , l'évêiiue, don Victor Saez , le
lui refusa. De son éducation cléricale
il n'avait retiré , outre riiorreur de
toute élude intellectuelle et de itoule
règle établie, que la haine du parti li-
béral ; car le clergé du diocèse de Tor-
tose était fanatiquement dévoué à la fac-
tion absolutiste. Si l'Espagne eût conti-
nué à jouir delà paix, Uamon Cabrera fut
devenu chef de tadrvnes. Il possédait
toutes les cpialilés exigées pour cet em-
ploi, et il 11 étail lion à rien aulie chose.
Maisia gneneiivilc éclala.elil se litchef
de yueriUerus. — Il y apourlanl des esprits
honnêtes et droits qui ne saisisscni pas
ladifl'érence. — Le I Ti novembre I S'ri il alla
rejoindre le colonel Cariiicer (|ui avait
déjà arboré, sur les remiiarts de Mc-
reila, l'étendard de Charles V.
(1 II arriva dans cette ville où il devait
régner un jour, dit son biographe fran-
çais, eu mauvais costume d'écolier,
des alpargues aux pieds et un hàloii à
la main. Comme il annonça qu'il savait
écrire, on le lit caporal, et, les armes
manquant, un lui donna un fusil de
chasse. »
Pendant seize mois Cabrera servit a-
vecle titre de colonel qu'il s'élait adjugé,
sous les ordres immédiats de Carniter,
et il ne se distingua que par des actes
odieux de cruauté. Sun [inexpérience et
sa présomption furent fatales dans plus
d'une alTaire aux soldats qu'il couiman-
dait; elles leur firent surtout essuyer à
Mayals, dans la Catalogne, une déroute
qu'on regarda à cette épinpic comme le
coup de grâce de la facliou aragonaise.
D'autres rencontres moins importantes
eurent le niênn' résultat. Au commen-
cement d<^ ISô.'i, les chefs carlistes des
provinii'siiiiiMil:di'sdi'l.i IViiinsole étaient
rédoil- :i rirn- ,l;iii. Ir. miinlii-iirs, à la
tète i\- i"■l|^•^ luii l.'s ,l,v,,iii âgées ,
fuyjul iMilMiil .l.'vaiil li's limip.-^ do la
ro
L'ILLLSlJlAllOiN, JOOiliNAL LINIVERSEL.
reinn, auxquelles elles ne pouvaient plus opposer aucune ré-
sistance. Furieux de cet état de choses, indigné de la con-
duite de Carnicer, ù l'Iiumanité duquel il attribuait ses re-
vers, mécontent d'ailleursde sa position obscure et subalterne.
Cabrera , qui représentait en Aragon le parti apostolique ou
ultra-absolutiste, etiiUi,encettequalité,coinptait des protec-
teurs inlluenls à la cour de Charles V, rési>liil 'h- ^'' ili'lia-
rasser de son cliel' et de prendre sa place. Ali.m ImiiLnil n-ui
poste, il part pour la Navarre avec une femmi; onn hmmiin iv-
niarq,iabh^|nr sa beauté que par son esprit et suu ciiaclne, et
i|ii'il SI- picqwso d'ollrir pour maîtresse à ce roi veuf dont il va
solliciter la laveur. A peine arrivé, il obtient de don Carlos
une au WiMico parlicidii're, lui expose ses plans de cainagne,
lui insimie qu'il l'st seul capable de commander l'armée
aragoniiisc ri de tiiri' liiniÈqilier la cause qu'il a embrassée,
accuse Carnicer de faiblesse et d'humanité, et démontre la né-
cessité des mesures les plus énergiques. Quand il revint en
Aragon, il remit à Carnicer une lettre du roi qui lui ordonnait
de se rendre immédiatement au quartier-général en Navarre.
Le 9 mars 1833 Carnicer partit en effet pour les provinces
basques, et Cabrera prit le commandement en chef par inté-
rim. Mais sur sa rout?, Carnicer tomba dans une embuscade,
et il fut fusillé à Mirandadel Ebro. Les carlistes eux-mêmes
n'hésilèrent pas à accuser Cabrera de la mort de son supé-
rieur. Il avait l'ait avenir les autorités christinos de la roule
que Carnicer devait suivre, et il avait engagé Carnicer à pren-
dre pour guides deux officiers chargés de le livrer à ses en-
nemis ; ces deux officiers furent échangés peu de temps
après contre deux ofliciers christinos, bien que la convention
Eliot n'existùtpas encore, et qu'on fit rarement quartier aux
prisonniers. Ces faits, confirmés par d'autres circonstances,
étaient ciiaque jour racontés et commentés par les soldats.
Cabrera s'en émut enfin, et, pour clore la discussion, il lit
fusiller à Cainarillas le frère d'un des deux guides de sa vic-
time, qui avait eu l'imprudence de dire que Carnicer avait
été vendu par Cabrera. Cette exécution, qui eut lieu le 16
février 18ô(i, le jour même et à la même heure où avait lieu
il Tortose celle de la mère de Cabrera, produisit un effet op-
posé à celui qu'il en attendait. Personne ne douta plus de sa
culpabilité. Aussi, le général carliste Cabanero lui reprocha-
t-il plus tard son crime en présence de plusieurs témoins,
sans qu'il osilt lui demander réparation de cette accusation
comme d'un outrage fait à son honneur.
Une fois maître par celle trahison de ce pouvoir suprême
qu'il avait si ardemment désiré, Cabrera s'empressa de met-
tre ses théories en pratique. Avons-nous besoin de raconter
une à une toutes les atrocités qu'il commit? Un seul mot
suffit pour le peindre tout entier : «Les jours où je n'ai pas
versé de sang, dil-i! au mois de juillet ■] 837, dans l'jnti-
ohambre de don Carlos, où il se trouvait avec Villareal, Mé-
rino, Cuevilas et d'antres généraux carlistes, je digère mal. »
Pendant les cinq années de son commandement, sa digestion
fut rarement troublée. Jusqu'alors les carlistes s'étaient con-
tentés de fusiller ou d'égorger les soldats ennemis qui tom-
baient entre leurs mains. Le système de Cabrera une fois en
vigueur, ils luèrent pour tuer ; ils massacraient souvent une
famille entière, — femmes, enfants, vieillards, — si elle était
seulement soupçonnée d'avoir donné un verre d'eau par
pitié à un chrislino blessé et mourant. Les bandes de l'A-
ragon et de Valence ne ressemblaient en rien à celles de
la Navarre et des provinces basques. Dans ces deux dernières
provinces, les généraux carlistes commandaierft des pajsans
intelligents et industrieux, insurgés pour la défense de cer-
taines libertés et immunités locales, dont on leur avait per-
suadé que le maintien dépendait du triomphe de don Carlos.
Cabrera n'avait sous ses ordres que le rebut de la population
espagnole, des voleurs de grands chemins, des contreban-
diers ou des assassins échappés des mains de la justice, et
quelques-uns de ces moines qui menaient alors une vie si
dissolue, qu'un jour, — pour ne citer qu'un exemple, — les
gardes natiimaux du village de Vera ayant été coutraints i
prendre part à une expédition, l'alcade crut devoir publier
une ordonnance à [l'effet d'interdire aux femmes des ab-
sents d'aller se promener dans le voisinage du monastère de
Beruela.
D'abord Cabrera , incapable de se défendre contre les
troupes de la reine, — il n'avait, à la mort de Carnicer, que
300 hommes d'infanterie et iO chevaux, — se borna à se di-
vertir aux dépens des chrislinos dont il parvenait à piller
les propriétés. Il se livra toujours au plaisir avec emporte-
ment. Partout où il était, il y avait festin et bal ; il donnait
à ses.oflicii'is l'exemple de bien boire et de danser gaiement.
«Ilav.iil, ilil M. (Il' Lavergne, trois ou quatre femmes dans
chacun de -rs iMiiliuinements, et ce qu'on raconte de ses
débauches i:sl \ialment incroyable. » Le désir de mener li-
brement nue pareille vie, bien plus que l'ambition de servir
la cause de Charles V, ne tarda pas à augmenter sa petite
troupe. Il devint plus hardi et plus entreprenant. Quelques
engagements henreuv li' rrinliri'iit célèbre, et il se trouva
bientôt à la tète d'un luillii'i d liuiiimes. Malheureusement le
gouvernement de Maih ni prisisla, avec la plus stupide obsti-
nation, il ne pas s'inquiéter de l'insurrection aragonaise. Au
lieu d'envoyer contre Cabrera des forces suffisantes pour dis-
perser cl détruire complélement ce noyau d'armée, il le
laissa gagner du terrain, recruter de nombreux soldats,
s'emparer do places fortes et ravager les provinces, en bra-
vant déjii les garnisons trop faibles pour prendre l'offensive,
et les courageuses mais impuissantes démonstrations des
gardes nationaux.
Le 11 septembre, au point du jour. Cabrera entra à l'im-
proviste dans la ville de Uuhielos (le Moia. La garnison,
surprise, essaya vainement de le repousser; elle l'ut obligée
de batli'i! en retraite dans un couvent l'orlilié, où elle se dé-
fendit vaillamiiii'iil. Mais le l;î au malin, après avoir sontonu
un siège de viii^l-(pi:ilii' heures, le-; iissie^i's viicnl Imil à
couples pointes île iiiiielies des assaillants sertir du mur i|iii
séparait leeou\eiit d'une maison voisine; ils mirent aussilol
la l'en ;i cette iiiaison. Un vent violent qui soufllail alori
communiqua l'incendie